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henri charlier peintre et sculpteur (1883 – 1975) - Vies et oeuvres d ...

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Néanmoins, l’idée de se m<strong>et</strong>tre à la sculpture lui était venue dès avant la guerre, <strong>et</strong> fut même<br />

contemporaine de son travail chez Rodin courant 1913-1914. Car voici comment lui-même raconte le<br />

fait dans son autobiographie : « Henri Charlier demanda le baptême, à l’âge de trente ans (nous sommes<br />

donc en 1913). Il avait alors trouvé quel devait être l’esprit du dessin <strong>et</strong> celui de la peinture. Il lui prit<br />

envie de se rendre compte de l’eff<strong>et</strong> de ce savoir dans la sculpture. Il avait toujours fui les ateliers de<br />

<strong>sculpteur</strong>s. Les baqu<strong>et</strong>s de terre glaise, les linges mouillés, les plâtres en étaient la cause, car, en ce<br />

temps-là, les <strong>sculpteur</strong>s ne procédaient pas autrement que par modelage en terre. Mais il vit un de ses<br />

camarades copier en pierre le plâtre d’un de leurs voisins pour en faire l’œuvre définitive. Il l’aida dans<br />

son ébauche <strong>et</strong> il dit : on peut pratiquer la sculpture en taille directe sans modelage ; il suffit de savoir<br />

dessiner. Et tout de suite, il s’y essaya. C’est à c<strong>et</strong>te époque qu’il connut Rodin, le type du modeleur, aux<br />

antipodes de la taille directe. » (Henri Charlier statuaire <strong>et</strong> <strong>peintre</strong>) Ce travail de copie en pierre à partir<br />

d’un moulage en plâtre (lui-même moulé sur l’œuvre modelée en terre glaise), était le gagne-pain de<br />

ceux qu’on appelait “praticiens”. Émilie Charlier, parlant du choix de son mari de travailler en taille<br />

directe, explique : « La découverte de la taille directe oubliée depuis trois siècles sauf dans la décoration<br />

en bois, sortit de bonne heure de ses réflexions <strong>et</strong> observations ; sur un fait, comme cela arrive, en<br />

regardant un praticien au travail : “Mais si on peut travailler directement dans la pierre, moi aussi je suis<br />

<strong>sculpteur</strong>!” » Il n’y avait guère que Rodin dans Paris qui employait des praticiens, <strong>et</strong> la description que<br />

donne Charlier des baqu<strong>et</strong>s de glaise <strong>et</strong> des linges mouillés ressemble bien à celle de son atelier. Les<br />

lignes mouillés étaient appliqués sur les modelages de glaise : ils servaient à les garder à un certain<br />

degré d’humidité pour empêcher qu’ils ne cassent en séchant. À l’époque où Charlier se rendait chez<br />

Rodin pour les fresques de la Porte de l’Enfer, celui-ci employait Bourdelle <strong>et</strong> Despiau comme<br />

praticiens-<strong>sculpteur</strong>s. Est-ce Bourdelle qu’Henri Charlier aida dans son ébauche ? Nous l’ignorons, mais<br />

il est avéré que le seul praticien avec lequel Charlier affirme avoir eu des relations personnelles avant la<br />

guerre est Bourdelle.<br />

Quoiqu’il en soit, une chose est sûre : c’est qu’en regardant les sculptures de Bourdelle il avait sous<br />

les yeux la preuve que la taille directe était possible en tant que technique matérielle, même s’il jugeait<br />

que Bourdelle avait échoué au point de vue plastique, n’ayant pas réussi à atteindre la qualité de la<br />

forme que Rodin avait r<strong>et</strong>rouvée. Car Charlier raconte par ailleurs qu’un jour de 1913 où il était allé voir<br />

Bourdelle à son atelier, celui-ci, en lui montrant ses propres œuvres lui fit c<strong>et</strong>te réflexion, qui était au<br />

fond un aveu d’échec : « Vous voyez, à votre âge, moi aussi comme vous je cherchais la forme. » Et<br />

Charlier de conclure en lui-même : « Tu l’as cherchée, <strong>et</strong> lorsque tu as vu que tu n’y arriverais pas, tu<br />

t’es mis à faire des sacs de pommes de terre. » (Le martyre de l’art) Ce jugement n’est pas forcé : le<br />

bloc informe auquel Bourdelle a donné pour titre La nuit n’est qu’une plaisanterie de mauvais goût, qui<br />

fait injure à la Nuit de Michel-Ange. Mais Bourdelle avait du moins le mérite de tailler directement dans<br />

la pierre, <strong>et</strong> là où il avait échoué Rodin au contraire avait réussi, en dépit du modelage en terre qui<br />

l’obligeait à recourir à des praticiens pour reproduire ses figures dans le marbre. Henri Charlier vit alors<br />

qu’il fallait chercher à obtenir dans la taille directe, sans passer par le modelage, c<strong>et</strong>te qualité de la<br />

forme r<strong>et</strong>rouvée par Rodin. Il comprit même que c<strong>et</strong>te réforme dans la technique matérielle de la<br />

sculpture était le complément nécessaire de la réforme de l’esprit sculptural engagée par Rodin, ainsi<br />

qu’il l’écrira plus tard dans Le martyre de l’art : « La conquête des moyens profonds de la plastique<br />

(l’expression par la forme) ne pouvait être conservée en sculpture comme en peinture que par une<br />

réforme technique. En sculpture, par la taille directe dans la pierre, c’est-à-dire dans le matériau<br />

véritable de l’œuvre achevée. » Car pour entreprendre une telle réforme de la technique matérielle, il<br />

fallait des artistes conscients de sa nécessité, <strong>et</strong> ce fut justement Charlier lui-même qui l’entreprit.<br />

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