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– Vous vous trompez. Je le trouve extrêmement talentueux. Il parvient à susciter un trouble érotique
intense chez ceux qui contemplent ses toiles. En revanche, ses modèles et ses mises en scène, j’aime
moins… je voudrais obtenir cette même atmosphère troublante, mais sans les liens. Je vous attacherai,
moi aussi, mais sur mon tableau, vous serez libre.
Il va m’attacher ?
Je hoche bêtement la tête. Il a encore réussi à me faire perdre tous mes moyens.
Quelques instants plus tard, Blaine arrive, une grande tasse de café à la main. Je reboutonne ma
braguette en vitesse et je saute du lit. En Dockers et T-shirt noir, il est nettement moins chic qu’à la fête
d’Evelyn. Il m’adresse un grand salut amical :
– Content de vous revoir, Nikki ! Vous n’êtes pas trop nerveuse ?
– Bien sûr que si !
Il éclate de rire :
– Ne vous en faites pas ! Je suis un peu comme un médecin. Je vous étudierai d’un œil purement
clinique.
Je le regarde, interloquée.
– OK, ce n’est pas tout à fait vrai. J’aime la beauté et je prends mon pied quand j’arrive à la capturer
sur la toile. C’est à la fois personnel et impersonnel. Vous comprenez ?
– Oui, très bien, dis-je en pensant aux photos de la plage.
– Nous devons nous faire confiance, vous et moi. Vous y arriverez ?
– Je vais essayer.
– Et pour que les choses soient parfaitement claires entre nous, sachez que j’ai signé le contrat de
Damien.
Je n’ai aucune idée de ce dont il me parle, et mon trouble doit se lire sur mon visage.
– Le contrat de confidentialité, me précise-t-il. J’ai interdiction de parler de vous ou de nos séances à
quiconque. Et quand nous en aurons terminé, je devrai garder pour moi l’identité de mon modèle.
– Vraiment ?
Je me tourne vers Damien, qui hoche la tête en me désignant le mur faisant face à l’océan. Un mur
incomplet, ou plutôt une gigantesque cheminée surmontée d’un grand parement de pierres sans doute
conçu pour masquer le conduit.
– Je vais le suspendre à cet endroit, me dit-il. Vous regarderez l’océan, et vous verrez le soleil se
coucher tous les soirs.
Pas mal, en effet.
– Où est la toile ?
Si mon portrait doit occuper tout cet espace, il sera immense. Or je ne vois sur le chevalet qu’un carnet
de croquis géant.
– Demain, me dit Blaine. Aujourd’hui, nous allons apprendre à nous connaître. Je vais faire quelques
croquis de vos courbes et vous, vous vous efforcerez de ne pas bouger. Vous avez une silhouette
fabuleuse…
– Et vous, le rôle le plus simple, lui dis-je d’un ton pince-sans-rire.
– Ah ça, c’est sûr ! réplique-t-il, et nous gloussons tous les deux.
– N’empêche que j’ai la trouille, je le reconnais.
– C’est tout à fait normal !
Je jette un coup d’œil éperdu à Damien. Ma peau est moite et mon cœur bat la chamade. J’ai cru que ce
serait facile… Quelle conne ! Qu’est-ce qui m’a pris, bon sang ? Je vais me mettre à poil devant un
étranger !
– Damien, vous avez du vin ? dis-je sans réfléchir.
– Bien sûr… me répond-il en déposant un chaste baiser sur mes lèvres.