Livre-objet du 40e anniversaire - Gymnase du Soir

Christine GIANINAZZI
Secrétaire de direction, reconvertie d’abord en libraire de belle culture,
spécialiste des livres anciens, ensuite en enseignante licenciée ès
Lettres.
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« Combler une fracture entre l’affectif et le monde du savoir »
Les livres, l’écrit, ont toujours constitué pour moi un fil rouge qui m’a servi de guide, m’a menée vers des
territoires étrangers et proches à la fois. Aires de réflexion, de refuge, les livres, si peu nombreux sous le
toit familial, je les ai longtemps amassés, acquis, dévorés en grand nombre afin de mieux me protéger,
mieux comprendre, combler une fracture entre l’affectif et le monde du savoir. Le Gymnase du Soir, puis
mes études de Lettres, ont été, à travers le plaisir et la découverte des textes notamment, une manière de
trouver des réponses et de tenter de réconcilier ces deux mondes, antagonistes dans ma vision des choses.
La tentative de combler le fossé en m’accompagnant du fil rouge de la littérature, elle-même prétexte aux
douces errances dans l’imaginaire, a débuté par l’étude d’auteurs tels que Gustave Flaubert, Julien Gracq,
William Wordsworth, James Joyce ou encore Miguel de Unamuno, parmi tant d’autres! Divers genres,
courants narratifs, soigneusement agencés, renvoyant à des cultures, à des pensées et sensibilités
différentes: autant d’invitations à la variété des approches, des enseignements, des points de vue.
Incitations, également, à démêler les nœuds d’interrogations secrètes, à savoir les nuancer, à se forger des
clefs pour accéder, en toute humilité, à un univers que j’ai considéré, un certain laps de temps, comme
réservé à d’autres.
Aujourd’hui, enseignante au niveau gymnasial, après avoir également travaillé dans un collège secondaire
et suivi une formation pédagogique, j’ai un plaisir immense à œuvrer auprès de jeunes adultes qui ont,
pour la plupart, un parcours semblable au mien. La fraîcheur avec laquelle ils abordent un auteur, un nouvel
ouvrage, exprime leur grande curiosité, ainsi que leur ouverture face à la diversité des interprétations et des
perspectives critiques. S’il ne leur est pas nécessairement aisé de se frayer d’emblée un sentier praticable
à travers un texte, ces étudiants font preuve de réelles capacités à comprendre et saisir une œuvre dans
toute sa complexité.
Indéniablement, le Gymnase du Soir m’a permis de réaliser des désirs qui, depuis toujours, me tenaient à
cœur. Il aura été pour moi un lieu de stimulation intellectuelle, de riches échanges; connivences tacites,
paradoxes communs liaient certains d’entre nous. La tremblante légitimité à entreprendre des études, les
loyautés parentales, difficiles à dépasser parfois, pouvaient représenter un même dénominateur et expliquer
pourquoi nous menions de front, à un âge adulte, vie professionnelle et études gymnasiales. D’où, à mon
sens, l’importance essentielle d’une école passerelle de la qualité du Gymnase du Soir, très précieux point
d’ancrage et de transmission du monde de la connaissance.