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Livre-objet du 40e anniversaire - Gymnase du Soir

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Myriam MEUWLY<br />

Issue de l’Ecole supérieure de Jeunes Filles, suit les voies convenables<br />

à son sexe: formation rapide de sténodactylographie, séjour à Londres<br />

au pair, travaux de secrétariat; assume pourtant diverses<br />

responsabilités au CIO qui l’encouragent à briser le carcan de sa<br />

condition féminine.<br />

1 9 6 8<br />

« J’étais douée pour devenir vendeuse dans un commerce de luxe »<br />

Si j’avais été un garçon, je n’aurais pas connu le <strong>Gymnase</strong> <strong>du</strong> <strong>Soir</strong>. J’aurais été au <strong>Gymnase</strong> tout court.<br />

Mais voilà: bien que première de classe, fille, j’étais destinée au mariage. Pourquoi, décrétèrent mes<br />

parents, perdre son temps à l’étude?<br />

L’acquisition approfondie de l’anglais, tandis que je fourbissais les briques rouges d’un cottage de la<br />

banlieue londonienne, m’a ouvert le monde. Lâchée dans la capitale une fois par semaine,<br />

j’approfondissais sur le tas, dans les salles de concerts, les théâtres, les musées, les rudiments d’une culture<br />

qui m’avait, écolière, paru jouissive et inépuisable. Un vieux cousin à qui j’écrivais me fit cette remarque:<br />

«Tu devrais être journaliste»... Il l’était lui-même. Pourtant, tétanisée par l’ukase de la biologie, j’avais<br />

accepté mon sort. Les orienteurs professionnels l’avaient d’ailleurs confirmé: j’étais douée pour devenir<br />

«vendeuse dans un commerce de luxe ou coiffeuse». Je serais donc secrétaire.<br />

Il se trouva que mon premier employeur, un bijoutier lausannois, était aussi chancelier <strong>du</strong> Comité<br />

international olympique. Je vendais ses montres et rédigeais à la perfection son courrier. Ça le comblait! Je<br />

n’étais pas malheureuse. Après quelques années, j’obtins d’en faire un peu plus, par le biais d’une<br />

commission olympique d’aide à l’Afrique. On me confia la rédaction <strong>du</strong> bulletin <strong>du</strong> CIO, la supervision de<br />

l’édition de livres sur les Jeux. Efficace mais sans qualifications spéciales, j’étais surtout jeune dans un univers<br />

de vieux messieurs misogynes. Rattrapée par les avatars de mon sexe, je me heurtais au fameux glass<br />

ceiling – le plafond de verre – qui, dans les années 60, retenait encore les femmes à leur place. Surtout les<br />

jolies secrétaires, toujours suspectes.<br />

Périodiquement me revenaient la nostalgie de l’étude et la rage d’être interdite de carrière. Le président <strong>du</strong><br />

CIO d’alors, un Américain éclairé, m’encouragea à franchir le pas. «Citius, altius, fortius», comme disait<br />

Coubertin! Je me forgeai ma propre devise: ne nous arrive que ce qu’on entreprend…<br />

La voie vers l’Université passa pour moi par le préalable d’admission. La maturité fédérale, sans latin, ne<br />

m’ouvrait pas les portes de la Faculté de Droit; Science politique, en revanche était à ma portée. Tout en<br />

suivant une première année en auditrice, je préparai seule les examens d’histoire, de droit civique,<br />

d’anglais. Restaient philosophie des sciences et logique, et littérature française. Ma chère école su-su ne<br />

m’avait pas préparée, gamine, à l’abstraction, ni à la dissertation littéraire.<br />

Le <strong>Gymnase</strong> <strong>du</strong> <strong>Soir</strong> était tout neuf, fait pour des gens comme moi. Une passerelle offerte aux laissés pour<br />

compte <strong>du</strong> savoir qui, un jour, disent non à leur sort. Je retrouvai le bonheur – dispensé alors par Pierre-Paul<br />

Clément – des lectures guidées, des beaux textes, <strong>du</strong> sens. Avec patience, Georges Cuénod m’ouvrit au<br />

monde de l’analyse formelle. Je leur dois beaucoup, comme à ceux qui furent à l’origine <strong>du</strong> <strong>Gymnase</strong>.<br />

Science po m’amena au journalisme. Faute d’avoir pu accéder au Droit, je donnai pendant des années<br />

dans la chronique judiciaire; puis j’optai pour ce qui bougeait dans la société, en Suisse, en Chine, ailleurs<br />

dans le monde en reportage, aujourd’hui aux Etats-Unis. On fait ce qu’on peut. Merci, <strong>Gymnase</strong> <strong>du</strong> <strong>Soir</strong>!

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