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Livre-objet du 40e anniversaire - Gymnase du Soir

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« J’aime bien l’Autodidacte de La Nausée… »<br />

Après mon examen préalable, j’ai étudié les Lettres aux Universités de Lausanne et de Tübingen, jusqu’à<br />

ma licence en octobre 1998. Durant mes études, j’ai écrit un récit, Un Après-midi avec Wackernagel<br />

(Zoé,1995). Lauréat <strong>du</strong> prix Michel-Dentan en 1996, ce livre a été tra<strong>du</strong>it en allemand. Après mes études,<br />

j’ai fait un peu de journalisme culturel à la Tribune de Genève et ai accompli mon stage pédagogique,<br />

sanctionné par le brevet d’enseignant (français-allemand) en juin 2000. La même année, je me suis installé<br />

à Zurich où je vis toujours. Ma thèse de doctorat a été publiée l’automne dernier chez Zoé, sous le titre<br />

Pierre Michon, La Grâce par les Œuvres. Depuis 2003, je suis assistant et chargé de cours en littérature<br />

française et en histoire culturelle à l’Université de Saint-Gall. Ces données factuelles ne disent en réalité pas<br />

grand-chose. Disons que j’ai le privilège énorme de consacrer l’essentiel de ma vie à ce que j’aime sans<br />

doute le plus, la littérature, et d’en vivre à peu près.<br />

Mon cas n’est peut-être pas typique pour le <strong>Gymnase</strong> <strong>du</strong> <strong>Soir</strong>, car j’y suis entré à dix-neuf ans et sorti à<br />

vingt, c’est-à-dire à l’âge où d’autres passent tout à fait normalement leur bac. Je ne suis pas non plus issu<br />

d’une famille défavorisée au plan social ou culturel, un de ceux pour qui cette institution aurait représenté<br />

la dernière chance d’accéder au savoir. En revanche, je sais que d’autres menaces planaient sur moi<br />

pendant ma prime jeunesse, où j’ai frôlé l’échec scolaire absolu. Certains encouragements reçus au<br />

<strong>Gymnase</strong> <strong>du</strong> <strong>Soir</strong> m’ont redonné espoir en moi-même. Le peu d’heures de cours hebdomadaire s’accordait<br />

à mon esprit d’indépendance. Pour préparer l’examen en une année, j’avais dû couvrir seul plus de la<br />

moitié <strong>du</strong> programme, aidé généreusement par certains enseignants qui ne rechignaient pas à corriger des<br />

copies surnuméraires. Anthony Pereira, professeur d’anglais, me reçut un dimanche après-midi dans son<br />

jardin de l’avenue de Rumine. Grippé, fiévreux, il m’offrit deux heures de leçon privée sur Coleridge et<br />

Wordsworth. Qu’il en soit ici remercié.<br />

Le <strong>Gymnase</strong> <strong>du</strong> <strong>Soir</strong> a été une de mes plus belles expériences scolaires. Ce n’est pas la même chose<br />

d’étudier les terreurs de l’An Mil un mardi soir à neuf heures et demie que dans le sage confort de<br />

l’enseignement diurne. Les liens avec les professeurs étaient beaucoup plus chaleureux qu’ils ne le sont<br />

généralement dans d’autres écoles. Préférer la lecture des textes à l’assoupissement postprandial devant le<br />

petit écran relève d’un acharnement qui, je l’espère, ne m’a pas quitté. J’étais entré à l’Université par une<br />

petite porte, non dénuée toutefois de prestige, car l’examen préalable est réputé difficile. Etudiant, j’avais<br />

l’impression qu’une trajectoire scolaire sinueuse me mettait légèrement en marge de mes condisciples. J’en<br />

ai gardé une grande envie d’apprendre, jointe à un sentiment d’illégitimité, sans doute curieux pour<br />

quelqu’un qui est allé assez loin dans ses études, mais peut-être que la longueur de celles-ci a découlé de<br />

ceux-là. J’aime bien l’Autodidacte de La Nausée, ce personnage qui lit les grands auteurs dans l’ordre<br />

alphabétique à la bibliothèque de Bouville. Il est ridicule bien sûr, mais aussi touchant à sa manière. Un<br />

autodidacte bardé de diplômes et auteur à ses heures, voilà ce que je suis peut-être devenu.<br />

Diplômé de l’Ecole de Commerce de Lausanne, accumule quelques<br />

expériences professionnelles peu satisfaisantes dans l’édition et la<br />

librairie; s’emploie alors à réparer l’erreur d’orientation commise au<br />

collège, le choix malencontreux de la comptabilité à la place <strong>du</strong> latin.<br />

Ivan FARRON<br />

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