Le miroir dans l'œuvre de Michelangelo Pistoletto - CDH
Le miroir dans l'œuvre de Michelangelo Pistoletto - CDH
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C’est le spectateur qui fait le tableau<br />
<strong>Le</strong> spectateur est saisi par trois images : l’objet <strong>miroir</strong>, lui regardant l’œuvre et<br />
l’espace d’exposition. Entre le <strong>miroir</strong> et son reflet, il existe une connexion physique qui<br />
lie l’image et le référent : le spectateur qui permet l’image. Comme l’ombre, le reflet ne<br />
peut exister sans son référent. L’image et le référent coexistent <strong>dans</strong> l’instant, le<br />
présent. La réaction face à son reflet n’est pas <strong>de</strong> dire qu’il nous ressemble, mais «<br />
c’est moi que je vois ». <strong>Le</strong> <strong>miroir</strong> à la capacité <strong>de</strong> reproduire l’image qui nous entoure<br />
sans qu’elle soit la même. Platon considère le reflet comme une Mimesis : « sorte <strong>de</strong><br />
copie dégradée du mon<strong>de</strong> sensible, déjà lui-même éloigné <strong>de</strong> la vérité. » (14)<br />
L’homme se distingue <strong>de</strong> son reflet, « (…) Reconnaissant son image par<br />
specularité il la reconnaît comme image <strong>de</strong> soi détachée <strong>de</strong> soi, en tant que double,<br />
représentation <strong>de</strong> soi, c’est-à-dire en tant que signe représentatif <strong>de</strong> soi-même. » (15)<br />
Quelle position tient le spectateur <strong>dans</strong> les œuvres <strong>de</strong> <strong>Pistoletto</strong> ? Est-ce que le<br />
spectateur doit oublier le support et se retrouver <strong>dans</strong> l’œuvre qui prétend être la<br />
vérité ? Par son reflet, le spectateur est projeté <strong>dans</strong> l’espace du tableau, il coexiste<br />
<strong>dans</strong> l’image et <strong>dans</strong> sa mise en scène. <strong>Le</strong> spectateur tombe littéralement à l’intérieur<br />
<strong>de</strong> l’œuvre, comme capturé <strong>dans</strong> « l’infra-mince » du <strong>miroir</strong>.<br />
Il peut prendre plusieurs rôles, il fait partie du spectacle. Tantôt voyeur lorsque<br />
la photo sérigraphiée est <strong>de</strong> dos, tantôt vu et regardé <strong>dans</strong> La Dessinatrice (fig11),<br />
1975. En effet <strong>dans</strong> cette œuvre, le reflet du spectateur est regardé et <strong>de</strong>ssiné par la<br />
<strong>de</strong>ssinatrice ; à la foi spectateur, témoin passif, et modèle, actif à l’intérieur <strong>de</strong><br />
l’œuvre. La <strong>de</strong>ssinatrice <strong>de</strong>vient spectatrice simultanément, mais elle reste statique,<br />
figée. <strong>Le</strong> spectateur bouge, il peut entrer et disparaître <strong>de</strong> la scène à sa guise. Ainsi<br />
son mouvement confère à l’œuvre <strong>de</strong>s significations différentes. Lorsqu’il est statique,<br />
il fait partie <strong>de</strong> la mise en scène du tableau, il <strong>de</strong>vient modèle. Lorsqu’il est en<br />
mouvement, il rejoint l’espace réel <strong>de</strong> la salle d’exposition.<br />
« Du point <strong>de</strong> vue du spectateur, c’est comme s’il se dédoublait en <strong>de</strong>ux<br />
images, l’une mobile, l’autre regardant la première et immobile figurant une<br />
permanence qui regar<strong>de</strong> le modèle même quand il n’est pas là, même quant il ne veut<br />
pas être vu. » (16)<br />
<strong>Pistoletto</strong> considère son œuvre comme vivante, car les multiples regards, les<br />
déplacements créent <strong>de</strong> nombreuses perspectives. L’espace d’exposition est<br />
théâtralisé. <strong>Le</strong> plan <strong>de</strong> projection <strong>de</strong> l’image du Tableau-<strong>miroir</strong> donne à voir une mise<br />
en scène, un spectacle, <strong>dans</strong> lesquels le spectateur a le rôle principal. De ce fait,<br />
<strong>Pistoletto</strong> contrôle bien peu <strong>de</strong> choses, la théâtralité <strong>de</strong> son œuvre lui échappe, les<br />
images s’autonomisent. Mais il joue avec le spectateur en le faisant se déplacer<br />
autour <strong>de</strong> son œuvre et lui donnant un rôle différent à chaque tableau, un rôle d’acteur<br />
malgré lui.<br />
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