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Le miroir dans l'œuvre de Michelangelo Pistoletto - CDH

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Face à ces considérations, l’on pourrait comprendre les autoportraits sur fonds<br />

d’or monochrome <strong>de</strong> <strong>Pistoletto</strong> comme une recherche du rapport <strong>de</strong> la figure au fond,<br />

<strong>de</strong> l’homme à son environnement.<br />

Dans l’Autoportrait or (fig3), réalisé en 1960, il peint son image <strong>de</strong>bout sur un<br />

fond doré. Puisque l’homme peint c’est <strong>Pistoletto</strong>, il commence cette recherche à<br />

partir <strong>de</strong> lui-même. Pour lui Narcisse se regardant <strong>dans</strong> l’eau, avant <strong>de</strong> tomber<br />

amoureux <strong>de</strong> son image, se voit et se reconnaît, et voit en simultané <strong>de</strong>s arbres, le<br />

ciel, quelques nuages…il se voit contenu <strong>dans</strong> le mon<strong>de</strong>. L’autoportrait, le<br />

dédoublement n’est donc pas une forme d’isolement, <strong>de</strong> narcissisme, c’est bien au<br />

contraire une manière <strong>de</strong> chercher et trouver son rapport au mon<strong>de</strong>. « L’homme a<br />

toujours tenté son dédoublement pour chercher à se connaître. ... <strong>Le</strong> dédoublement<br />

s’est utilisé <strong>dans</strong> le temps <strong>dans</strong> une manière toujours plus systématique et plus<br />

convaincue. <strong>Le</strong> cerveau a construit la représentation sur la base <strong>de</strong> son propre<br />

reflet…<strong>Le</strong> personnage humain a commencé à fixer sur le reflet un point stratégique<br />

pour la mensuration <strong>de</strong> l’univers. Ne se contentant plus <strong>de</strong> la première hallucination<br />

<strong>de</strong> soi-même, il s’est convaincu <strong>de</strong> pouvoir dédoubler l’univers entier pour le<br />

connaître. » (6) <strong>Le</strong> reflet est donc pour <strong>Pistoletto</strong> une forme <strong>de</strong> connaissance.<br />

La figure est peinte en « sfumato », avec certaines parties d’un noir saturé, et<br />

d’autres (surtout sur le visage) qui laissent voir le fond doré. On peut parler d’une<br />

incarnation, d’une figure qui se matérialise <strong>dans</strong> un espace abstrait, dénué <strong>de</strong><br />

perspective ou <strong>de</strong> représentation. L’inspiration <strong>de</strong>s icônes byzantines est évi<strong>de</strong>nte:<br />

l’art byzantin, inspiré <strong>de</strong> la pensée <strong>de</strong> l’Orient, rompt avec la représentation naturaliste<br />

<strong>de</strong> l’Antiquité et se dirige vers une simplification et abstraction du paysage. Indiquant<br />

par le doré le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’au-<strong>de</strong>là, les artistes byzantins se réfèrent à l’or comme une<br />

surface abstraite qui joue le rôle d’une substance contenant l’univers. Dans les<br />

fresques ou mosaïques byzantines, les divinités, les animaux, les paysages, flottent<br />

<strong>dans</strong> un espace abstrait qui donne l’impression <strong>de</strong> s’étendre à l’infini. L’or, avec sa<br />

capacité particulière <strong>de</strong> réfléchir la lumière, dématérialise l’espace du tableau et le<br />

personnage peint en noir apparaît comme une image lumineuse fixée, parmi une<br />

infinité <strong>de</strong> possibilités, <strong>dans</strong> l’espace sensible du tableau<br />

Voici la cristallisation d’une idée: on assiste à la naissance, à l’incarnation<br />

d’une image, <strong>de</strong> son autoportrait <strong>dans</strong> un espace abstrait, potentiellement infini, qui<br />

contient conceptuellement la réalité. <strong>Pistoletto</strong> se fait sa propre icône, s’immortalisant<br />

<strong>dans</strong> l’espace <strong>de</strong> l’univers comme la constellation <strong>de</strong> Persée figé au ciel.<br />

« Un jour à la place <strong>de</strong> l’or, j’ai peint en noir et j’ai eu une surprise: je me<br />

regar<strong>de</strong> et je me vois <strong>dans</strong> la toile. Je me suis littéralement copié. » (7)<br />

La combinaison du noir avec un vernis rend la surface du fond du tableau<br />

réfléchissante. Pour la première fois, le coté conceptuel du fond doré comme une<br />

substance qui englobe tout ce qui existe, <strong>de</strong>vient réel, car l'existant trouve son reflet<br />

physique <strong>dans</strong> l'oeuvre. En peignant son propre image <strong>dans</strong> <strong>Le</strong> Présent, l’Autoportrait<br />

noir-vernis (fig4), <strong>Pistoletto</strong> fixe en 1961, un instant <strong>de</strong> ces infinités <strong>de</strong> possibilités.<br />

6

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