Oral History of Europe in Space - European University Institute

suis arrivé à l’Agence, mon bureau était très proche du bureau de George. Il m’avait
recommandé d’aller au Comité du Personnel. Je me suis présenté ; j’ai été élu ; j’ai même été
Vice-président du CSAC et Président au niveau des Organisations coordonnées. J’ai appris là
énormément de choses sur les relations humaines, sur comment cela fonctionne, etc. Je
connaissais très bien le CSAC. Cela a donc été un peu compliqué, les premiers mois, quand je
suis devenu Chef du Personnel [en 1984], de retrouver les collègues, mes amis, de l’autre côté
de la table…
GvR : Ce n’était pas seulement compliqué, c’était unique !
RO : C’était difficile les premiers mois, mais au moins je pouvais comprendre ce qu’ils
attendaient de nous.
GvR : Moi j’aimais bien ma bande de ‘maoïstes’ : ils étaient excessifs, tout ce qu’on voulait,
mais on pouvait au moins parler avec eux et se mettre à leur niveau. Quelqu’un qui a aidé
c’est Curien 32 , lors de la grève qu’on a eu un jour. C’est très curieux, on a dit qu’on ne payait
pas ce jour de grève. Tous sont venus le jour après avec un certificat médical attestant qu’ils
avaient été par hasard malades ce jour-là !
NT : Vous pouvez nous expliquer pourquoi il y a eu cette grève ?
GvR : C’est très difficile à expliquer. René, tu peux peut-être ?
RO : Je pense qu’il s’agit d’un concours de circonstances. Il y avait des frictions avec le
Directeur général à ce moment-là. Ensuite il y avait aussi au sein de la coordination un
mouvement en vue de réduire notre salaire… C’était tout cela ensemble.
GvR : Le DG dont je ne veux pas mentionner le nom n’a pas aidé.
RO : Le Directeur général ne venait pas du spatial mais des chantiers navals et donc il a voulu
appliquer les relations entre employeur et syndicat. Il n’a pas compris que les relations à
l’ESA c’était totalement différent ; on ne traite pas l’Association du Personnel comme un
syndicat ouvrier !
GvR : En outre, son anglais n’était pas très bon et il répétait régulièrement : « I will suppress
you all ». Cela ne le rendait pas très populaire avec les troupes.
NT : La grève est interdite dans le Statut du Personnel ?
RO : Non, la grève n’est pas mentionnée. Elle est autorisée.
NT : Mais elle est restée très rare dans l’histoire de l’Agence…
RO : Oui, c’est très rare. Il y a eu des manifestations. Lorsque le Conseil s’est réuni à
l’ESTEC, par exemple, l’ensemble du Personnel a fait une haie d’honneur, si je peux dire. Il y
a eu ensuite des problèmes avec les délégués. Mais il n’y a pas eu d’autres grèves.
NT : Vos relations dans l’ensemble étaient assez bonnes, avec le personnel et l’Association du
Personnel ?
GvR : Avec le Personnel certainement. Avec cette bande d’Irlandais et de Français 33 ,
finalement moi j’avais une bonne relation. On se parlait, on se respectait. Et d’ailleurs quand
j’ai quitté l’ESTEC, ils sont venus tous me féliciter et me donner un cadeau de la part du
Comité du Personnel. Ils se bagarraient, ils trouvaient que leur job était de s’opposer mais
finalement les relations personnelles sont toujours restées assez bonnes.
32 Hubert Curien : Directeur général du CNRS de 1969 à 1973. Président du CNES de 1976 à 1984, période
pendant laquelle s'effectue le premier tir de la fusée Ariane (1979). Président du Conseil de l’ESA de 1981 à
1984, Ministre de la Recherche et de la Technologie de 1984 à 1986, puis de nouveau, de 1988 à mars 1993.
33 Dermot O’Sullivan, Georges Gourmelon, David Campbell, etc.
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