Oral History of Europe in Space - European University Institute

négociation avec la NASA au début des années 80 ! On a signé l’Accord IGA
[Intergovernmental Agreement] en 1988 mais en 1990 c’était fichu ! Les Russes, après leur
révolution, sont devenus le deuxième partenaire important en lieu et place de l’ESA. Les
Russes étaient tout d’un coup considérés comme la seule participation intéressante ; si l’ESA
voulait aussi quelque chose, on verrait ce que l’on peut faire ! L’esprit même de l’Accord
originel entre la NASA, l’ESA, le Japon était complètement perdu. Cela n’avait rien à voir
avec ce qu’ils ont maintenant. D’ailleurs, quand vous le voyez, notre petit truc, il est quand
même pitoyable, il n’est pas énorme !
NT : Vous pensez que l’on aurait dû arrêter à un moment donné ?
GvR : Non ; je ne sais pas ce que l’on aurait dû faire ; je crois que c’était inévitable que
lorsque les Russes se sont présentés aux Américains pour collaborer à l’ISS… c’était comme
ça ; ce n’était pas de notre faute, même pas celle des Américains. A leur place j’aurais fait la
même chose !
NT : Revenons sur quelque chose un peu différent de ce dont nous venons de parler mais qui vous a
intéressé tous les deux : l’attentat au Siège en 1984.
RO : La bombe se trouvait exactement au-dessous de mon bureau, près de l’entrée, dans le
coin occupé par les relations publiques. Je suis passé à l’ESA vers 11 heures du soir en
rentrant de mission pour lire des documents ; puis je suis rentré à la maison et une heure plus
tard, la bombe explosait.
NT : Y-a-t-il eu beaucoup de dégâts ?
GvR : Non. Il y a eu peu de dégâts. Cela m’a donné des bureaux tout neufs. La France a dit :
« On n’est pas responsables, mais si vous voulez d’autres bureaux, on peut vous les offrir. »
RO : C’était quand même spectaculaire dans la mesure où des morceaux de plafond étaient
tombés, les voitures dans la rue étaient abîmées. Quand on est arrivés le matin, c’était quand
même assez émouvant.
GvR : Moi j’étais là dans la nuit ; Lo Verde m’avait téléphoné et donc j’y suis allé. Il n’y
avait pas de victimes. Et puis on a eu, cela doit être le jour après, la visite du ministre [de
l’Intérieur] [Pierre] Joxe. Il est venu, a dit : « Bon, qu’est-ce que vous voulez ? ». Je suis
d’accord, ce n’était pas le plus grand désastre, mais enfin j’ai été choqué par l’attitude de ce
ministre.
RO : S’il y avait eu du personnel dans le bâtiment, il y aurait eu des morts, c’est clair.
GvR : Il y avait deux personnes mais heureusement, elles étaient de l’autre côté.
NT : Ce qui a dû vous surprendre, c’est la revendication ; si je me souviens bien, ils avaient voulu
frapper l’ESA « bras armé de l’OTAN dans l’Espace » !
GvR : Cela démontrait qu’une chose, c’est qu’ils étaient cons !
NT : En tous cas mal informés.
RO : Ils avaient associé l’ESA à un lancement Ariane qui venait d’avoir lieu.
GvR : Cela n’avait rien de militaire. On était tellement prudents pour tout ce qui était militaire
que quand il y avait des officiers dans les délégations, on leur demandait de se mettre en civil.
NT. Il y a eu une enquête ; c’était les Brigades rouges ?
GvR : Elles l’avaient revendiqué !
NT : Quelles ont été les suites ?
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