Oral History of Europe in Space - European University Institute

NT : Et la vie à Cambridge, c’était comment ?
GvR : Pour moi personnellement, c’était le bon côté de l’ISU. J’ai eu grand plaisir à être à
Cambridge. Toute l’atmosphère d’Harvard… Et même… je ne peux pas dire qu’il y avait de
grands restaurants mais des endroits agréables et surtout des librairies ; c’est inouï, cela ne se
trouve nulle part d’autre ! J’ai d’ailleurs pas mal de livres dans ma bibliothèque tous achetés
là-bas. Pour le reste, bon, c’était vraiment… ISU dans son ‘beginning’ ce n’était pas comme
c’est devenu après, à Strasbourg. Moi j’avais des doutes sur Strasbourg. C’est curieux parce
qu’il y a eu des ragots disant que c’est moi qui avait imposé Strasbourg. Pas du tout, j’étais
même hésitant ; il n’y avait pas d’industrie spatiale… Je ne voulais surtout pas Toulouse car
l’influence des Français aurait été trop grande. Montréal était mon choix, mais comme René
l’a dit, je ne votais pas et je n’ai pas fait de propagande pour Strasbourg.
RO : C’est vrai. J’avais aussi des doutes sur Strasbourg ; j’avais aussi une certaine crainte : si
Strasbourg est sélectionnée, l’ESA aura plus de travail à faire ; on ne peut pas se permettre
que cela ne réussisse pas, si cela vient en Europe, on doit tout mettre en œuvre. J’avais le plus
grand doute sur la viabilité de l’ISU comme campus permanent. Toulouse, où l’industrie
spatiale était implantée, ce n’est pas que l’on ne voulait pas l’influence française mais cela
aurait été inacceptable pour tous les autres pays ; de la même manière que si cela avait été
dans le périmètre de la NASA, à Huntsville par exemple, cela aurait été inacceptable pour les
autres.
GvR : On aurait automatiquement dit que c’étaient les Français qui... En fait, moi j’ai dû
convaincre le ministre Hubert Curien que l’ISU était quelque chose que l’Europe devait faire
et il a aidé beaucoup pour avoir l’agrément académique en France. Je dois dire qu’à
Strasbourg la réception a été agréable ; ils ont vraiment fait beaucoup et particulièrement
Mme Trautmann. Ils ont maintenant un beau bâtiment, payé par la ville de Strasbourg, et ils
ont encore toujours les mêmes dettes apparemment…
RO : Elles ont diminué un tout petit peu. Il y a maintenant un très grand bâtiment mais qui
était à moitié vide. L’ESA l’an dernier a installé un petit radiotélescope et une station TTNC
qui fonctionne maintenant. C’était très important pour l’Université de Stuttgart, la plus grande
université aéronautique allemande, qui avait un programme de petit satellite et devait avoir
une station de back-up – qui est maintenant à l’ISU. Et à l’ESTEC on passe à la seconde
génération ; l’ESA a installé la 1 ère génération à l’ISU. Et on a détaché pour deux ans un jeune
diplômé stagiaire, quelqu’un de brillant, à Strasbourg pour que le labo marche. On a donc
maintenant à l’ISU toute une partie technique qui n’existait pas avant.
NT : Ce qui a rendu votre présidence difficile c’étaient les tensions avec… ?
GvR : … Les tensions avec mes trois nains dont, finalement, celui qui était le plus honnête et
correct était Todd Rowley qui est mort malheureusement. On a eu des histoires assez
spéciales ; quand on a fait un summer school à Torronto, Todd et les deux autres ont fait un
speech non pas sur l’ISU mais prenant la défense de l’homosexualité. […] Cela a fait scandale
et avec raison ! D’un autre côté, Todd, on pouvait lui faire confiance. Quant à Diamandis
j’avais coutume de citer Virgile : « timeo danaos et dona ferrentes. »
RO : Tu l’as dit à New York, lorsque l’on discutait aussi de la présidence ; Diamandis faisait
des promesses à George qui a sorti cette expression, très appropriée puisqu’il avait un nom
grec. Il a eu la grâce de rire d’ailleurs.
NT : Vous avez évoqué hors micro une campagne de presse calomnieuse vous voulez revenir sur cet
épisode ?
GvR : Non. Je préfère ne pas en parler.
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