Oral History of Europe in Space - European University Institute

scientifique mais qui s’occupait des expériences et pas de politique. La différence avec
l’ELDO est que tragiquement l’ELDO n’a jamais pu gérer ses programmes.
NT : En tant que Chef des Contrats à l’ESTEC, vous aviez un pouvoir important ?
GvR : Grâce à Lines, à ce moment-là Directeur technique et Directeur de l’ESTEC, oui. Parce
que quand même je tenais – pas seulement pour cette période-là mais aussi plus tard – un rôle
d’orthodoxie. Je disais : « C’est cela que l’on a décidé et il ne faut pas aller faire autre chose
maintenant, parce que cela vous amuse ; ça c’est la ligne sur laquelle on est. » Les gens
n’avaient pas peur mais enfin ils avaient alors un certain respect pour l’opinion de
l’Administration. En outre, on tenait la bourse ! On pouvait toujours dire : « Cela n’était pas
prévu dans vos budgets, etc. »
RO : Et la transition de Delft à l’ESTEC ?
GvR : A Noordwijk ? Là c’était une décision politique. L’établissement technique devait être
dans le Benelux. Quand on s’est aperçu que le sous-sol à Delft ne pouvait avoir la stabilité
nécessaire pour faire des expériences, etc., les Belges ont dit : « Mais alors Zaventem, où est
l’aéroport maintenant, on peut le faire là, c’est aussi le Benelux. » Tous les Anglais étaient
férocement contre : « Ces Belges, ce sont des Français, c’est clair, les Hollandais, par contre,
ce sont des gens avec qui nous pouvons parler. » Lines, quand la décision a été prise d’aller à
Noordwijk plutôt qu’à Delft et pas à Zaventem, m’a dit: “George, we always thought that the
Dutch were the closest to us. It is not true. It is horrible! We are not used to this way of
living.” It was true, Holland was very poor at that time. I had the pleasure to tell him: “You
should have voted for Belgium!” – “I am beginning to think that you were right!” The way it
was voted in the Council was interesting because we were 11 Member States with Norway
and Austria not yet [Members]. Ils avaient dit leur intention de devenir membres mais rien
n’était signé. Pour les encourager, ils participaient au Conseil et ils votaient. Il y eu cinq voix
pour Noordwijk et 5 pour Zaventem : Belgique, Suisse, France, Espagne, Italie – soit le Sud
de l’Europe – pour la Belgique. L’Autriche avait promis de voter pour les Belges. Et au
moment du vote, l’Autriche a voté pour la Hollande. Paternotte de la Vaillée 12 a demandé au
délégué autrichien : « Mais enfin on avait un accord ! » – « Oui mais le Président Hosie, un
Anglais, a pendant l’interruption de midi téléphoné en Autriche et dit que vraiment si on
votait contre la Hollande cela ferait une très mauvaise impression étant donné que l’Autriche
avait voté à l’ONU contre la Hollande sur la question de l’Indonésie, et la guerre, etc. et qu’il
vaudrait mieux voter pour la Hollande plutôt que pour la Belgique ; et donc les instructions
ont changé. » C’est ainsi qu’on s’est retrouvé à Noordwijk, où le sol était finalement aussi
mouvant ! Lines avait fait couper toutes les connections avec les gens du Conseil au moment
de la décision pour ne pas que les délégués apprennent la nouvelle. Mais cela n’a pas posé de
problème, finalement ; cela a très bien marché.
NT : Vous vous rappelez de la construction de l’ESTEC ?
GvR : Oh, oui. J’ai fait le contrat pour le premier bâtiment. Et puis, bon, on a déménagé….
NT : Cela a pris combien de temps ?
GvR : Je ne sais pas. Un an et demi, deux ans.
NT : Vous étiez déjà en famille ?
GvR : Oui, j’avais déjà 5 enfants.
12 Baron Alexandre Paternotte de La Vaillée : Diplomate, il anime la Délégation belge aux Conseils de l’ESRO
et de l’ELDO dans les années 60. En charge de la politique scientifique au sein du Ministère des Affaires
étrangères, il exerce la Présidence du Conseil de l’ELDO en 1967, avant d’être nommé ambassadeur auprès de
différents Etats.
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