Oral History of Europe in Space - European University Institute

NT : Est-ce que les agences étaient infiltrées ? Vous avez eu des doutes, quelquefois ?
GvR : Non. Pas du tout. Tout cela n’était pas assez important. L’espionnage se fait à un autre
niveau. Pas à l’IAF, pas sur ce type d’Organisation. On présente des choses techniquement
intéressantes ; on y apprend des choses mais on ne peut pas appeler cela de l’espionnage, loin
de là.
NT : Revenons sur les réseaux. On en a parlé hors micro. Pour vous, il n’y a pas de grande voie de
cooptation dans le milieu spatial ?
GvR : Il y en a peut-être mais je n’en ai jamais fait partie et je n’ai jamais été sollicité. Je
n’avais pas de réseau ; les Belges ne savaient même pas que j’étais à l’ESRO. La Délégation
belge en 1964 était très étonnée quand j’ai été nommé Chef des Contrats.
NT : Comment expliquez-vous qu’il y ait eu autant de Belges dans le spatial, très en décalage avec le
niveau de contribution ?
GvR : Il y a une bonne raison à cela : la plupart des Belges qui étaient à l’Agence venaient
après avoir fait un an ou deux soit à MIT soit à Caltech. Ils reviennent en Belgique et où
trouver un job pour quelqu’un qui a fait Caltech ? La possibilité est évidemment cette jeune
Organisation, ESRO, que l’on commence à mettre en place. Tous : Jean Vandenkerckhove,
Erik Slachmuylders, René Colette, etc. tous venaient des universités américaines. A l’ELDO,
le favoritisme a joué et même trop. L’incompétence était, je ne dis pas générale, mais assez
poussée quand même. Les gens venaient poussés par des Délégations, des amis. Un homme
que j’aimais beaucoup et qui était un grand ami, Jef van Eesbeek 44 , a infiltré dans l’ELDO ses
cousins, ses fils, etc. L’ELDO marchait comme cela.
RO : Je voudrais quand même corriger quelque chose que vous avez dit, dans la façon de
poser la question : les Belges n’ont jamais été surreprésentés à l’ESA !
GvR : A l’ESA non mais à l’ESRO, oui !
NT : Cela vient du précédent entretien…
RO : A l’ESA, les Belges ont toujours été un peu sous-représentés, par rapport à leur
contribution. Par contre, il y a quand même eu à un certain moment une discussion, selon
laquelle il fallait non plus compter les personnes mais pondérer par grade. Certaines
personnes disaient que les Belges avaient des postes trop importants à l’ESA. Ils seraient alors
surreprésentés...
GvR : Ils l’étaient au tout début. Au Conseil, Jef van Eesbeek était là et Marchall représentait
les Affaires étrangères belges. On parlait de la distribution géographique des contrats.
Marchall, qui était un gentil garçon, se lève et dit : « La Belgique insiste non seulement sur
une répartition géographique des contrats mais aussi du Personnel. » Van Eesbek tirait sur sa
manche et disait : « Assieds-toi, assieds-toi. » [rires] Nous on savait qu’il y avait 10% de
Belges. La participation était de moins de cinq ! Il ne faut pas parler de ce que l’on ne sait
pas !
NT : Sur la répartition des contrats, il y avait un vrai problème ?
GvR : Il y avait un vrai problème, qui est venu des deux TD : l’Italie n’avait aucune
participation [industrielle dans ce programme] et ils ont commencé à faire des difficultés.
Tout le monde participait [financièrement] à tout. Bondi a joué un rôle très important. Dans
un sens, il a sauvé l’ESRO. Chaque pays membre aurait au moins 70 % de sa part de
contribution, ce qui était difficile à faire. Comment est-ce qu’on calculait tout cela ? C’était
44 Jef van Eesbeek : Attaché aux services du Premier ministre, il fut l’un des représentants les plus réguliers de la
Belgique aux réunions du Conseil et aux Conférences des organismes spatiaux européens.
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