Oral History of Europe in Space - European University Institute

RO : C’est vrai. D’ailleurs on se souvient qu’un des fondateurs était très étonné que sa note de
téléphone soit supérieure à sa note d’hôtel ! Pour vous montrez comment ils dépensaient
l’argent. Alors il y avait Young Min, une très jeune coréenne qui gardait les finances et c’est
grâce à elle et à ce que l’ESA avait donné, que l’ISU a survécu. Les professeurs qui
enseignaient à l’ISU n’étaient pas contents : ils voulaient plus d’argent, plus de moyens ; ils
ne se rendaient pas compte que l’argent n’était pas là. On a eu ensuite des sessions dans
différents pays : Canada (1990), Japon (1992), Etats-Unis (1993), Thaïlande… On a fait le
tour du monde.
A un certain moment, les fondateurs voulurent aussi offrir un Master mais pour cela il fallait
un campus permanent. On a donc fait un appel à candidatures. A l’ESA on était assez
sceptiques ; je trouvais qu’on allait trop vite. On n’était pas encore assez bien structurés pour
la session d’été et ce master aurait dû attendre encore quelques années. Mais les fondateurs
ont poussé. On a donc lancé cet appel d’offres. On a reçu des candidatures de plusieurs pays.
En fin de compte, c’était Toronto et Strasbourg qui restaient, Montréal aussi.
GvR : Montréal était ma favorite car c’était acceptable aussi bien pour les Français que pour
les Américains mais enfin l’évaluation des autres qui a été faite a donné finalement Toronto et
Strasbourg.
RO : Finalement, on a choisi Strasbourg malgré un lobbying énorme des Américains, enfin
surtout des Canadiens pour prendre Toronto. Le problème de cette candidature était que l’ISU
aurait été totalement intégrée, soumise à l’Université ; elle perdait toute identité, toute liberté,
le Sénat de l’Université décidait sur le Curriculum, sur les profs qui devaient enseigner et ça
c’est un élément majeur à cause duquel on n’a pas choisi Toronto.
GvR : Il y a eu une triste histoire de tricherie à Toronto et finalement dans la réunion où la
décision a été prise, c’est un Américain qui a exposé que franchement la façon d’agir de
Toronto n’était pas acceptable et il a fait un tel speech que dans le vote – secret – qui a suivi,
il était évident que des Américains avaient voté pour Strasbourg plutôt que pour Toronto et je
crois que c’était beaucoup dû à la diatribe de cet Américain…
RO : Walter Anderson, qui était partenaire de l’ISU depuis 1987, était l’investisseur privé le
plus important ; il avait créé une firme de télécommunications (Esprit) qui dès 1987 a mis de
l’argent dans ISU ; il était très enthousiaste mais il regardait naturellement tout cela d’un
point de vue de gestionnaire. 42 Lorsqu’on a évalué les offres, il est intervenu pour dire qu’il y
avait quand même des problèmes avec l’offre de Toronto, qu’il n’avait pas tellement
confiance et il a soutenu la candidature de Strasbourg. Ensuite, le vote a été secret mais il est
clair qu’on ne pouvait l’emporter que si on avait un support des Américains.
NT : Qui étaient les votants ?
RO : Je ne me souviens plus…
GvR : Tous les gens qui étaient au ‘Board of Directors’ sauf moi, par exemple, je ne pouvais
pas voter car je faisais partie du « Secrétariat ». Il y en avait une dizaine.
RO : Il y avait un autre membre très important dont je voudrais parler : la SEP [Société
européenne de Propulsion], avec [Marcel] Pouliquen qui, à chaque fois a réussi à faire des
paiements d’avance. Matra contribuait également mais payait quand il le fallait.
Quand il a été question d’un Master, il a semblé qu’il fallait quelque chose de plus solide – au
début la structure était légère, les trois fondateurs géraient cela avec enthousiasme, mais ils
étaient peu fiables quand on discutait de sommes comme un million de dollars – très vite le
42 Walter Anderson a été condamné à 9 ans de prison en 2007 pour fraude fiscale.
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