Oral History of Europe in Space - European University Institute

NT : Toujours dans son autobiographie, il dit qu’il avait totalement sous-estimé la direction générale
de l’ESRO.
GvR : Bondi ne connaissait rien à l’Espace. Il ne s’y était jamais intéressé. Quand il est
devenu Directeur général, il a commencé à s’y intéresser. Et pour moi il l’a bien fait mais
comme Bondi ne pouvait pas rester assis plus d’un quart d’heure, il a quitté trop tôt l’ESRO ;
pour moi il aurait dû rester au moins trois ou quatre ans de plus.
NT : Pourquoi est-il parti ?
GvR : C’était Bondi, il était comme cela. On lui a offert autre chose, il y est allé… C’était
quelqu’un d’extraordinaire ! Il y en avait quelques-uns que l’on a connus… l’Espace était
quand même à l’avance de tout ce qui se faisait en science et en technologie en Europe ; donc
automatiquement on a fait connaissance avec un certain nombre de gens… Mais Bondi est
certainement une des grandes personnalités desquelles je me rappelle. Probablement –
puisque vous me demandez [dans le questionnaire] qui étaient les personnes… – pour moi il y
en a deux ‘outstanding’ : Bondi et Lüst, qui vraiment étaient d’un niveau, en tant qu’hommes
d’abord, en tant que personnes… D’autres ont fait du très bon boulot pour l’Agence, pour
l’ESRO, etc., il y en a certainement plusieurs mais avant tout Bondi et Lüst sont les deux
personnalités, pour moi.
[Pause]
NT : Nous reprenons notre conversation, le 20 septembre 2008. Si vous le voulez bien nous allons
reprendre avec les Lanceurs. Le 24 décembre 1979 intervient le premier lancement d’Ariane. Pour
vous qui aviez dû liquider l’ELDO, c’était un beau cadeau de Noël, non ?
GvR : J’ai toujours été très pro-Ariane, dès le début d’ailleurs, dès la fameuse Conférence
ministérielle de Bruxelles en 1973. Je donnais raison aux Français, aidés par les Belges,
contre certains pays qui ne voulaient absolument plus faire des fusées mais voulaient une
grande coopération avec les Etats-Unis.
NT : Ces pays c’étaient… ? L’Angleterre, l’Allemagne ?
GvR : L’Angleterre moins, ils étaient plutôt… Heseltine, qui était le ministre anglais, était
personnellement pour faire des fusées mais son Treasury, son ministère des Finances avait
dit : « Pas un sou pour cela, etc.» Et donc il était contre mais il a plutôt essayé de trouver un
compromis. C’était surtout les Allemands, et dans un sens les Italiens, suivis plus ou moins
par les ‘petits’ qui n’étaient pas pour mais enfin qui n’étaient pas contre non plus. A partir de
cette Conférence donc, on a confié au CNES le travail technique, c’est-à-dire concevoir et
construire la fusée ; c’était assez naïf d’ailleurs car ceux qui étaient pour pensaient qu’il
suffisait de faire une fois une fusée qui marchait et c’était tout ce qu’il fallait faire pour
prouver aux Américains que s’ils n’étaient pas sages… qu’ils nous donneraient tout ce qu’on
voulait ; en tout état de cause on pouvait faire des fusées, une au moins. Cette opinion était
partagée par plusieurs délégations. Je crois que, au moins très vite les Français se sont aperçus
que si vous voulez vraiment avoir, je ne dirais pas une arme mais un potentiel, il ne fallait pas
faire une fusée mais plusieurs et en fait avoir une capacité constante de construire des fusées.
Maintenant, pour être court sur Ariane, cela a merveilleusement marché.
NT : Les lanceurs auraient-ils pu devenir un programme obligatoire ?
GvR : Non, je ne crois pas.
NT : Les Français ont pourtant essayé lors des négociations de la Convention…
GvR : Oui, mais pas sérieusement.
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