Quel sens donner au Graphisme ethniQue ? - graphic design
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<strong>Quel</strong> <strong>sens</strong> <strong>donner</strong> <strong>au</strong> <strong>Graphisme</strong> <strong>ethniQue</strong> ?<br />
de la valeur du graphisme ethnique dans le graphisme contemporain.<br />
elodie molia - BGd2<br />
Juin 2011
Table des matières<br />
2<br />
Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />
Introduction……………………………………………………….….…3 – 6<br />
i. de la pertinence de la représentation ethnique dans le graphisme<br />
a. un parti pris politique………………………………………….…....7- 10<br />
a) Un discours de propagande en images (1 er logo banania)<br />
b) Le stéréotype parfois impertinent (2e logo banania)<br />
B- des avantages économiques……………………………..........……10-13<br />
a) Ouvrir de nouve<strong>au</strong>x champs de profits. (le marketing multiculuturel)<br />
b) Sensibiliser une cible particulière – ou l’ethnomarketing<br />
C- de l’hommage à la référence …………………………………....…13-14<br />
a) Un grec qui le v<strong>au</strong>t bien (chocolat leonidas)<br />
b) Un pays qui fait du bon cacao ( chocolat côte d’or)<br />
d- une motivation esthétique…………………………………….........14-16<br />
a) Le glamour et la <strong>sens</strong>ualité (affiches côtes d’or)<br />
b) Des couleurs et des concepts nécessaires<br />
ii. les sources multiples d’un graphisme contemporain<br />
a. des lieux où les secrets d’un langage sont dévoilés ou erronés ?...16-20<br />
a) Des espaces stéréotypants<br />
b) Les lieux consacrés sont-ils adaptés<br />
B. d’un code à un <strong>au</strong>tre : un changement de statut qui dénature.......20-22<br />
a) Du sable à la galerie , du mystique à l’esthétique<br />
b) L’ethnique à l’occidental<br />
C. réappropriation de formes dans le <strong>design</strong> : pourquoi ?................22-26<br />
a) Une mutation des formes qui a du <strong>sens</strong><br />
b) L’occidental en mal de signes ?<br />
iii. etre graphiste d’origine ethnique ou pas<br />
a.un choix ou un état ? ……….……..………………..…......………..26-28<br />
a) Un témoignage<br />
b) Acculturation maîtrisée<br />
b.1:isabelle marrant : imprégnation du monde oriental<br />
b.2: Serge Mouangue : la confusion des frontières<br />
B. adapter et s’adapter…………………………………………......…29-31<br />
a) « Les enjeux et les contraintes du commanditaire doivent devenir ceux<br />
du graphiste »<br />
b) Les enjeux du commanditaire sont parfois délaissés <strong>au</strong> profit de la<br />
personnalité du graphiste.<br />
C. peut-on se défaire de son héritage culturel ?...................................31-34<br />
a) Un héritage ?<br />
b) Au delà du folklorique<br />
c) Le graphisme métissé : héritier du graphisme ethnique<br />
Conclusion…………………………………………………………...…….35<br />
Elodie Molia - Juin 2011
Introduction:<br />
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Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />
Dans une société de consommation où « ethnique » devient un phénomène<br />
de mode, il est important de lever quelques voiles historiques avant de parler<br />
de <strong>Graphisme</strong> ethnique. Nous savons que les origines de l’art et plus tard<br />
du graphisme sont diverses et extrêmement complexes ; ce que nous ignorons<br />
c’est à quel point elles ont influencé nos comportements et nos mœurs à<br />
travers des siècles d’acculturation et d’échanges culturels.<br />
La civilisation contemporaine est le produit d’une transformation progressive<br />
qui se traduit à travers la culture et notamment par les références visuelles qui<br />
nous entourent. En effet, dès le XVe siècle et surtout <strong>au</strong> XVIe siècle, des grands<br />
explorateurs, tels que Bartolomeu Dias, Cristophe Colomb, Cortès, Magellan,<br />
Marco Polo, pour ne citer qu’eux, vont à la rencontre de contrées inconnues<br />
telles que l’Afrique, les Antilles, l’Inde, les Amériques et l’Asie. Ils y découvrent<br />
des richesses inestimables qu’ils considéreront comme sous-exploitées ;<br />
en-dehors des ressources agricoles vastes et diversifiées, les explorateurs sont<br />
fascinés par les sculptures, l’architecture, les signes mystiques, les dessins<br />
et les textiles réalisés par les <strong>au</strong>tochtones ou leurs ancêtres. Au-delà de leurs<br />
valeurs culturelles ou cultuelles, ils y verront un apport commercial non négligeable.<br />
Le commerce extra continental n’amenait pas que des esclaves ou<br />
des denrées exotiques. Il emmène avec lui les vestiges de civilisations encore<br />
incomprises par les européens à l’époque. La curiosité des souverains et des<br />
scientifiques engraisse le commerce de ces œuvres ; celles-ci vont révéler <strong>au</strong><br />
monde occidental de nouvelles conceptions du monde, qui vont d’abord intéresser<br />
les scientifiques puis des siècles plus tard des littéraires comme Voltaire<br />
ou Mariv<strong>au</strong>x, puis des artistes célèbres comme Picasso, Braque ou André<br />
Breton, par le biais des expositions universelles, et particulièrement celles de<br />
Paris et de Londres <strong>au</strong> XVIII ème siècle.<br />
La colonisation, épisode tabou de l’Histoire, est néanmoins un pan décisif qui<br />
va transformer le monde considérablement. Des ethnographes puis anthropologues<br />
vont manifester un intérêt croissant pour ses objets « exotiques » allant<br />
jusqu’à élaborer de nouvelles disciplines dont l’Anthropologie de l’Art. Erwin<br />
Panofsky est l’un de ces théoriciens. Son étude portera d’une part, sur le fait<br />
que chaque culture, en vertu de ses connaissances, puisse mettre en adéquation<br />
le réel et ses techniques et règles pour le représenter, d’<strong>au</strong>tre part sur la<br />
capacité des hommes à se rendre compte qu’ils ont le pouvoir de produire des<br />
objets et des images inédits tels que la nature le fait avec les phénomènes.<br />
Erwin Panofsky pose, d’ores et déjà, la question de l’intentionnalité dans l’art<br />
à partir de ces fameuses œuvres venues du bout du monde.<br />
Sans vouloir transformer l’Histoire de l’Art, c’est bien à partir de cette époque<br />
qu’on va se détacher plus ou moins radicalement du mimétisme de la nature.<br />
La vérité peut se trouver ailleurs. Des philosophes grecs avant J-C l’avaient<br />
déjà compris, mais ces théories vont radicalement se matérialiser à travers ce<br />
qu’ils vont naïvement nommer « les arts premiers ». Inutile, <strong>au</strong>ssi de rajouter<br />
que, non seulement, ces théories et constats vont ouvrir de nouve<strong>au</strong>x champs<br />
visuels, artistiques, scientifiques, sociologiques, mais ils vont <strong>au</strong>ssi <strong>donner</strong> le<br />
jour à de nouvelles disciplines.<br />
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Ce ne serait pas exagéré de dire que sans cet apport considérable de l’Afrique,<br />
de l’Amérique, de l’Australie ou de l’Asie, le <strong>Graphisme</strong> contemporain,<br />
totalement libéré du mimétisme, n’<strong>au</strong>rait pas vu le jour. L’exposition « La<br />
Fabrique des Images » du quai Branly, nous montre les différentes conceptions<br />
du monde à travers des œuvres qui mettent en exergue la manière de<br />
penser de chacune des ces civilisations. Elle nous amène à nous interroger<br />
sur la manière dont ces réflexions et univers divers influent les images que<br />
nous produisons dans notre société occidentale contemporaine. En d’<strong>au</strong>tres<br />
termes quelles sont les origines et la nature des images qui jalonnent notre<br />
environnement <strong>au</strong> quotidien. On pourrait dès lors être interpellé par la question<br />
de la légitimité du terme de « <strong>Graphisme</strong> ethnique » à l’intérieur même du<br />
<strong>Graphisme</strong> contemporain.<br />
Mais qu’est ce que l’ethnique à proprement parlé : « Le mot dérive du grec<br />
ancien qui signifie « peuple, nation ». Ce mot est apparu en 1896 dans la langue<br />
française. Une ethnie ou un groupe ethnique est un groupe humain possédant<br />
un héritage socioculturel commun, comme une langue, une religion ou des<br />
traditions communes. L’imprécision du concept d’ethnie est illustrée selon<br />
Jean-Pierre Chrétien par des populations habitant la région des grands lacs<br />
africains, tels les Hutus et les Tutsi : « Voici des ethnies qui ne se distinguent<br />
ni par la langue ni par la culture, ni par l’espace géographique occupé »».<br />
En plus d’une contribution culturelle, ces grandes expéditions à but lucratif<br />
ou pas, introduisent des individus avec des mœurs, des faciès, des comportements<br />
et des connaissances tout <strong>au</strong>ssi différents.<br />
Vers la fin de la période esclavagiste, les commerçants n’hésiteront pas à<br />
s’emparer de ces couleurs d’ailleurs à travers un commerce estampillant de<br />
manière tangible des visuels à connotation ethnique sur leurs produits. Et plus<br />
tard les Américains vont exploiter sans retenue ce phénomène par le biais de<br />
ce que nous appellerons «le marketing ethnique ». Par marketing ethnique,<br />
nous entendons l’appropriation de codes, de symboles, de mythes, des traditions,<br />
et des signes de ces cultures «étrangères » à des fins qui n’ont rien à voir<br />
(ou peu) avec leur buts originels. Les Etats-Unis à partir du milieu du XX ème<br />
siècle , vont exploiter leur manie des catégorisations et quotas ethniques pour<br />
créer des marques exclusives pour ces commun<strong>au</strong>tés. Le travail de repérage<br />
est déjà fait, il suffit de créer les produits correspondants <strong>au</strong>x données que<br />
l’état n’a cessé de récolter et de formater depuis la fin du XVIII ème siècle avec<br />
les premiers recensements.<br />
Les Etats-Unis ont peut-être été précurseurs de cette action, mais ils n’avaient<br />
sûrement pas compris que n’importe quel individu pouvaient s’approprier<br />
les valeurs, symboles et coutumes diffusés par ces marques spécifiques. Ce<br />
phénomène peu banal s’était déjà reproduit <strong>au</strong> XVIII ème siècle pendant la colonisation<br />
française en Amérique : à la Nouvelle Orléans à Montréal. En effet,<br />
les français qui, dans les périphéries de l’empire, vivent plus étroitement <strong>au</strong><br />
contact des Indiens, subissent des formes d’acculturation. Ils s’initient <strong>au</strong>x<br />
langues locales, apprennent à fabriquer des can<strong>au</strong>x d’écorces, se font tatouer<br />
des symboles chrétiens à côté de symboles <strong>au</strong>tochtones et d’<strong>au</strong>tres coutumes<br />
qu’ils partageront avec les Indiens. On ne peut sûrement pas changer de<br />
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couleurs de pe<strong>au</strong> mais les valeurs restent toujours universelles. Et c’est ainsi<br />
que des gens n’ayant jamais visité l’Afrique ressentent parfois comme une<br />
étrange nostalgie de ce pays.<br />
Nous verrons que la société occidentale par la mondialisation, et la globalisation<br />
a créé un sentiment d’appartenance particulier ; pour certains d’entre<br />
nous le sentiment d’appartenance à une seule culture distincte devient peu<br />
évident. Les graphistes, architectes, artistes, entrepreneurs etc...vont chercher<br />
des informations scientifiques et des savoir-faire, non seulement anciens<br />
mais venant d’<strong>au</strong>tres civilisations pour perfectionner leurs techniques. Et l’on<br />
ne parle pas d’architecture ethnique en parlant de Jean Nouvel, ou de mode<br />
ethnique en parlant de Christian Lacroix et pourtant nous savons que leurs<br />
sources d’inspirations ne viennent pas toujours des romains ou des g<strong>au</strong>lois.<br />
C’est donc tout naturellement que je me pose la question de savoir si le terme<br />
de <strong>Graphisme</strong> ethnique a lieu d’exister dans un monde où toutes les cultures<br />
se côtoient constamment de manière transversale ;<br />
<strong>Quel</strong> <strong>sens</strong> pouvons-nous <strong>donner</strong> <strong>au</strong>jourd’hui à l’expression “graphisme<br />
ethnique” ?<br />
La réponse à la question pourrait paraître évidente <strong>au</strong> vu de ce qui se fait<br />
<strong>au</strong>jourd’hui. Les thèmes d’actualité redondants tels que le multiculturalisme,<br />
la discrimination positive, l’identité nationale, mettent en exergue un phénomène<br />
de valorisation ou dévalorisation de certaines cultures. Cette insertion<br />
fortuite dans les médias prouvent que le sujet n’est pas anodin et qu’il devient<br />
important de rétablir un semblant de stabilité et d’équité dans un monde métissé<br />
qui a peut-être l’impression de perdre ses repères dans un espace qui a de<br />
plus en plus tendances à brouiller les cultures et les appartenances.<br />
En effet, nous constatons que nos influences et références sont de moins en<br />
moins précises et de plus en plus diversifiées. Cet état des lieux se fait à travers<br />
nos rites quotidiens tels que le repas, l’habillement, les loisirs etc...qui sont les<br />
pratiques culturelles les plus basiques. Si nos rites les plus basiques subissent<br />
ces influences nous pouvons presque affirmer que notre mode de vie tel qu’il<br />
est présenté actuellement est le résultat de métissage culturel de moins en<br />
moins détectable.<br />
Ce phénomène créé une telle confusion qu’il nous empêche de voir l’origine<br />
des images qui nous entourent. On pourrait se demander si c’est nécessaire,<br />
mais il est important de connaître pour comprendre. Dans le monde du Graphic<br />
Design, on ne peut négliger la culture de chacun, car c’est par l’image que les<br />
hommes ont appris à communiquer avant tout. Les valeurs symboliques des<br />
formes, des couleurs ne peuvent être négligées lors de l’élaboration d’une<br />
image quelle qu’elle soit.<br />
De manière plus objective, aborder le graphisme sous cet angle peut-être<br />
un atout pour le Graphic Designer qui communique dans une telle société ;<br />
à l’exemple de Pierre Bernard qui s’était vu confronté à des problèmes de<br />
couleurs de logo lors de la déclinaison de celui des parcs nation<strong>au</strong>x outreatlantiques<br />
1 .<br />
Le terme «ethnique » est devenu un parti pris spécifique, un produit marketing,<br />
en somme quelque chose de superficiel. Alors que les raisons de son<br />
1. voir annexe sur l’histoire du logo des parcs nation<strong>au</strong>x (p.37)<br />
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emploi sont souvent bien plus complexes et moins naïves qu’on pourrait le<br />
croire. C’est vrai que les «arts primitifs » sont parfois surnommés «arts naïfs »;<br />
ce qui est bien naïf compte tenu de ce que nous allons découvrir à travers notre<br />
étude sur les emplois d’un graphisme dit «ethnique » dans notre société déjà<br />
pluri-ethnique.<br />
Nous aborderons donc notre étude en examinant les différents emplois de ce<br />
graphisme dit « ethnique » en passant des stéréotypes à des éléments purement<br />
graphiques. Nous irons ensuite visiter le <strong>Graphisme</strong> contemporain en passant<br />
par la mode et l’architecture et tenterons de mesurer l’apport de ce <strong>design</strong><br />
particulier. Nous finirons par nous interroger sur les créateurs de ce graphisme<br />
et leur façon de se libérer de ces formes ou de se les approprier dans une société<br />
globalisante qui a tendance à effacer les particularités ou à les marginaliser.<br />
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i- de la pertinence de la représentation ethnique dans le graphisme<br />
a- un parti pris politique<br />
Le <strong>Graphisme</strong> depuis son apparition et même à ses prémices était l’instrument<br />
de la démonstration d’un propos ou d’un argument. Il n’a jamais vécu<br />
que pour <strong>au</strong>trui et d’ailleurs ironiquement, les premières manipulations de<br />
cet instrument sont de pures propagandes, utilisées à des fins purement politiques<br />
ou informatives. Je parle bien sûr des premières affiches ou des documents<br />
administratifs roy<strong>au</strong>x, dès le XV ème siècle faits pour mettre en valeur<br />
la puissance du Roi à travers son empire. Il fait circuler une image flatteuse,<br />
peut-être loin de la réalité à travers des éléments graphiques tels que la typographique,<br />
les estampes, les gravures.<br />
Dès le début du XX ème siècle, la représentation ethnique dans le graphisme est<br />
elle <strong>au</strong>ssi employée pour arranger la réalité, elle reflète plus de connotations<br />
que l’objet de la représentation lui-même. Nous allons tenter d’étayer notre<br />
propos en essayant de comprendre quelles étaient les motivations de la représentation<br />
ethnique dans le graphisme et comment elle a évolué ou pas.<br />
a) Un discours de propagande en images<br />
L’une des premières utilisations de la représentation<br />
ethnique dans la publicité est un exemple probant de la<br />
manipulation par l’image. Examinons le tout premier<br />
logo de Banania, délicieuse boisson <strong>au</strong> cacao <strong>au</strong>x<br />
origines un peu inavouées.<br />
Le nom de Banania dans un premier temps fait référence<br />
à la banane, produit exotique de luxe à l’époque<br />
en provenance des colonies Antillaises. Le nom du<br />
produit a également un côté infantilisant et une sonorité<br />
linguistique étrangère qui nous amène outre atlantique.<br />
Le fond bleu azur (<strong>au</strong>jourd’hui terni) de la boîte<br />
n’est pas sans rappeler le ciel ou les e<strong>au</strong>x de la Caraïbe. Le graphisme de ce<br />
packaging et du logotype est influencé par plusieurs mouvements artistiques<br />
de l’époque contemporaine à l’apparition du produit ; un style «art Déco »<br />
et même «art nouve<strong>au</strong> » à travers dessins et motifs flor<strong>au</strong>x précis, en plus de<br />
l’éloge évident de la femme (mère nourricière) et a contrario, un caractère<br />
linéal pour «BANANIA ».<br />
Ils iront plus loin encore en faisant d’une femme antillaise l’image de Banania<br />
; manière non dissimulée de mettre en évidence les biens faits des produits<br />
d’outre atlantique, la France étant en pleine euphorie coloniale et cherchant à<br />
justifier une expansion croissante.<br />
Outre le fait que l’effigie antillaise ait bizarrement les traits d’une européenne,<br />
la première identité visuelle de Banania est le fruit d’une entière composition<br />
visant à faire passer un message que l’on pourrait percevoir comme politique : «la<br />
colonisation est fructueuse car elle permet de nourrir les compatriotes de tout<br />
un empire. Au-delà de vêtements folkloriques, voyez-vous comme ils nous<br />
ressemblent ».<br />
Si encore Banania était le fruit du résultat de la coopération des colonies et<br />
de la métropole, nous <strong>au</strong>rions pu éviter le terme de propagande en parlant de<br />
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cette campagne, si la création de la marque Banania était <strong>au</strong>tre que le résultat<br />
de l’un des voyages de Pierre-François Lardet en Amérique. Alors accueilli<br />
dans un village indien <strong>au</strong> bord du lac Managua, il se fera servir ce délicieux<br />
breuvage régional à base de cacao, de banane et de céréales préparé par les<br />
femmes indiennes. Les loc<strong>au</strong>x ayant gardé le secret de la recette, il tentera de<br />
reproduire le même goût à son retour en Europe.<br />
Nous constatons dès lors qu’à travers toute cette imagerie populaire faisant<br />
référence <strong>au</strong>x îles de la Guadeloupe et de la Martinique, non seulement nous<br />
nous sommes éloignés de l’origine du produit, mais les moyens graphiques<br />
utilisés pour faire la démonstration du propos déjà erroné sont décalés. Il est<br />
vrai que des mouvements comme l’art nouve<strong>au</strong> découlant de la sécession<br />
viennoise permettent de développer diverses disciplines y compris ce qu’on<br />
appellera plus tard le packaging. Mais la cohérence du fond et de la forme, ici<br />
nous font cruellement déf<strong>au</strong>t. En effet, le lien avec l’Amérique centrale est<br />
proprement omis et la simple représentation d’une négresse antillaise n’a que<br />
peu de rapport avec la réalité.<br />
Ici, le logo Banania est la puissante mise en situation d’une manipulation<br />
par l’image et de l’utilisation de ce que l’on pourrait appeler un fantasme 2<br />
exotique.<br />
Revenons sur la notion de fantasme à ne pas négliger dans la conception<br />
de cette image : traduction de l’allemand «Phantasie » inventé par Sigmund<br />
Freud, compromis entre deux termes existants : « phantasme » (hallucination)<br />
et « fantaisie » (imagination débridée). Le fantasme se comprend comme une<br />
élaboration dérivée de plusieurs éléments, mettant en jeu différentes pulsions<br />
inscrites dans l’histoire du sujet. Le fantasme est la formation de compromis,<br />
il élabore différents matériels, dont certains sont conscients et d’<strong>au</strong>tres<br />
non.» La conception de ce logo serait donc issu d’un fantasme qui pencherait<br />
plus vers la notion de fantaisie que de phantasme comme l’explicite Freud.<br />
Néanmoins cette part d’hallucination est tout de même présente <strong>au</strong>x yeux du<br />
spectateur, car la plupart du temps, la vision qu’il <strong>au</strong>ra de n’importe quelle<br />
<strong>au</strong>tre antillaise, sera désormais celle de Banania avant que les émigrations<br />
vers la métropole n’affluent.<br />
A travers sa première identité visuelle, Banania créé un mythe <strong>au</strong>tour des<br />
colonies, il invente carrément un nouve<strong>au</strong> langage et de nouve<strong>au</strong>x symboles<br />
qui vont se manifester de plus en plus à travers les années à venir. Si elle<br />
n’est pas un stéréotype, cette représentation est bien symbolique, et en ce <strong>sens</strong><br />
elle se rapproche des structures de langages des commun<strong>au</strong>tés totémiques par<br />
exemple. Le signifiant ne représente pas forcément le signifié, il présente un<br />
concept, une vision des choses, un idéal charismatique tel que le bien fondé<br />
de l’empire colonial.<br />
Ce n’est pas encore un stéréotype, il s’empare juste du phénomène «d’euphorie<br />
coloniale », et fait véhiculer un idéalisme politique à travers une boisson<br />
populaire ; l’origine du produit est masquée par l’image d’une antillaise vue<br />
par un européen un peu ignorant. De l’exotisme oui mais pas trop. L’antillaise<br />
en question sera un peu plus bronzée avec le temps, mais l’apport américain<br />
ne sera jamais dévoilé. A déf<strong>au</strong>t de représenter le fait réel, le logo avait le don<br />
2. voir annexe <strong>au</strong>tour du fantasme (p.38)<br />
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de faire passer un message ou une idée plus ou moins pertinente, en parfait<br />
accord avec les courants de pensée de l’époque.<br />
b) Le stéréotype parfois impertinent<br />
Le second logo de Banania atteint le summum de l’impertinence,<br />
jamais on a vu un logotype réalisé avec si<br />
peu de fond et basé sur une histoire <strong>au</strong>ssi peu vraisemblable.<br />
Quoi que l’on puisse en dire, ce logo, caricaturé<br />
à souhait, a constitué et installé en bonne partie<br />
la marque dans le cœur des français de métropole et<br />
d’outremer.<br />
En effet la seconde effigie de Banania apparue en 1915<br />
sur les boîtes de boisson chocolatée en poudre s’inspire<br />
des tirailleurs sénégalais veillant sur les fortifications<br />
marocaines, et ayant combattu pour la France lors de<br />
la première guerre mondiale. Nous ne nous attarderons<br />
pas sur la façon dont ils étaient jugés par rapport <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres « races »,<br />
mais ils sont considérés comme des héros à cette époque. Et leur image de<br />
bonhomie enfantine, toujours souriants sera reprise sur de nombreuses cartes<br />
postales. En légende le soit-disant crédo de ces soldats « Y’a bon cuisine, y’a<br />
bon pinard, y’a bon capitaine ».<br />
C’est ce modèle que reprend Banania pour son logo, la tête d’un tirailleur<br />
sénégalais sortant toutes ses dents devant cette délicieuse boisson d’origine<br />
américaine. Le slogan « Y’a bon Banania » est <strong>au</strong>ssi puisé dans la nostalgie et<br />
les petites histoires populaires qui servent à créer une marque 3 .<br />
Encore une fois, les créateurs de la marque s’inspirent de l’imagerie populaire<br />
et cette fois-ci ils frôlent et même tombent en plein dans le stéréotype. Des<br />
couleurs primaires : le j<strong>au</strong>ne, (peut être pour le soleil) représente assez bien le<br />
côté hégémonique de la marque. C’est une couleur lumineuse et chaleureuse,<br />
dynamique qui illustre bien les vertus énergétiques et extra nourrissantes du<br />
produit. Autant le choix du j<strong>au</strong>ne nous paraît justifié en vertu de ses qualités<br />
<strong>au</strong>dacieuses, intuitives et entraînantes, <strong>au</strong>tant le bleu et le rouge nous paraissent<br />
seulement dûs à l’uniforme du tirailleur.<br />
Banania s’empare d’un stéréotype déjà ancré dans l’imagination des français<br />
pour asseoir la marque : un «nègre » niais qui découvre une délicieuse boisson<br />
à base de produits tels que le cacao, les bananes et les céréales, alors que ces<br />
derniers sont très souvent issus de cultures du continent africain. (comme le<br />
cacao pour le Congo et les bananes pour le Sénégal). Même si on se rapproche<br />
des potentielles origines des ingrédients du produit, géographiquement parlant,<br />
on s’éloigne encore de son origine réelle. Elle est constamment tournée vers<br />
un contexte politique : ici Banania est considéré comme un outil de guerre<br />
aidant les soldats à surmonter le calvaire des tranchées. Comme les tirailleurs,<br />
Banania est <strong>sens</strong>é incarner la force, l’espoir et l’optimisme dans cette longue<br />
période belliqueuse.<br />
Avec cette identité visuelle, Banania s’enferme dans un texte temporel et politique<br />
restreint. L’engouement pour le petit sénégalais va s’estomper avec la fin<br />
de la guerre, et l’arrivée des temps modernes puis la deuxième guerre mondiale<br />
et enfin la décolonisation. Malgré une tentative de Banania de moderniser son<br />
3. petit supplément en annexe (p.39)<br />
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logo en 1957 avec l’apport d’un graphiste tel que Hervé Morvan, Banania<br />
reste piégé dans son image colonialiste et nostalgique inscrite dans un passé<br />
plus ou moins honteux. Lorsque nous parlons d’impertinence, nous pensons<br />
à la m<strong>au</strong>vaise utilisation d’une figure à la mode pour établir l’identité d’une<br />
marque dans le temps. Avec le temps, l’image du « Y’a bon » est devenue<br />
inappropriée et même obsolète par rapport <strong>au</strong> contexte socio-économique,<br />
surtout pendant la décolonisation à partir de 1946 où les émancipations des<br />
peuples indigènes menées par des grands penseurs tels que Aimé Césaire ou<br />
Léopold Sedar-Senghor risquent de <strong>donner</strong> un goût amer à la boisson.<br />
La représentation ethnique dans le graphisme reste très difficile à manier car<br />
les signes racontent une histoire, ils sont les éléments d’une organisation, qui<br />
va <strong>au</strong>-delà de ce que l’on voit. On ne peut pas utiliser l’image du tirailleur en<br />
pensant que l’on va effacer le guerrier et l’africain mort pendant la guerre.<br />
« La lecture d’une image photographique et l’écoute d’un son ne peuvent pas<br />
être séparées du contexte social et historique dans lequel ils sont vus, entendus,<br />
compris et utilisés. » 4<br />
La représentation ethnique ne peut pas être, dans un tel contexte, la représentation<br />
d’un courant de pensée, ou d’actions visant à promouvoir un produit qui<br />
n’<strong>au</strong>rait rien à voir avec l’image qui le représente. Ils continueront à mettre le<br />
« Y’a bon » en arrière plan, ce qui fera sourire les consommateurs avertis et se<br />
questionner les nouve<strong>au</strong>x, mais il reste néanmoins flagrant que l’on se posera<br />
toujours la question du choix de cette imagerie pour une recette inventée par<br />
des indiens d’Amérique centrale.<br />
Il y a donc bien quelque chose qui échappe à notre entendement dans cette<br />
stratégie marketing. En tout cas, la stratégie de Banania montre que les raisons<br />
de l’emploi de ce genre de signes n’incluent pas forcément un signifié ayant<br />
un rapport direct avec son signifiant. Nous constatons que l’ethnique rime<br />
avec politique ; ni le signe ni le mot ne veulent dire ce qu’ils ont l’air de<br />
vouloir communiquer.<br />
B- des avantages économiques<br />
Cet aspect de notre recherche va se tourner vers la cible, car toutes les<br />
démarches graphiques quelles qu’elles soient, visent à toucher un public particulier.<br />
Ici nous allons voir en quoi la cible va déterminer le choix des annonceurs.<br />
L’utilisation de l’ethnique dans le graphisme et dans la communication<br />
à travers logos, images, signes et visuels a d’<strong>au</strong>tres avantages dont vont se<br />
servir de nombreuses marques pour des raisons économiques diverses. Cette<br />
tendance a été lancée, expertisée et améliorée par les Etats-Unis depuis la création<br />
de la Commission Kellerman en 1968. En effet, le lancement de médias<br />
et le développement de produits spécifiques <strong>au</strong>x « minorités ethniques » <strong>au</strong>x<br />
Etats-Unis vont ouvrir un marché jusqu’alors inexploité. Les annonceurs y<br />
voient de nouvelles opportunités et deux champs bien distincts vont se profiler<br />
dans le monde du « marketing ethnique » : d’un côté l’ethnomarketing, de<br />
l’<strong>au</strong>tre le marketing multiculturel. Nous allons tenter de décortiquer ces deux<br />
termes par des illustrations probantes montrant leur différences.<br />
4. Médias et diversité - De la visibilité <strong>au</strong> contenu- Le double rôle des médias,<br />
débattre et agir. (...). Voir supplément en annexe (p.39)<br />
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a) Ouvrir de nouve<strong>au</strong>x champs de profits. (le marketing multiculuturel)<br />
Les annonceurs ont flairé le filon, il f<strong>au</strong>t absolument exploiter cette tranche de<br />
population d’une manière ou d’une <strong>au</strong>tre. Mais contrairement à leur prédécesseurs,<br />
l’utilisation de graphisme ethnique dans leur plan de communication<br />
sera complètement justifiée et en parfait accord avec ce qu’elle va représenter.<br />
Car des annonceurs comme l’Oréal et des chaînes de télévision comme<br />
BET par exemple, lancent des produits spécifiques qui leur donnent le droit et<br />
même l’obligation d’exploiter l’image de la cible qui, pour le coût, sera d’origine<br />
ethnique diverse ou restreinte. Ils vont exploiter des champs culturels, et<br />
traditionnels. Ils vont pour ce faire utiliser des signes et des symboles <strong>sens</strong>és<br />
créer un sentiment d’affinité avec la marque.<br />
L’Oréal commence par ouvrir sa marque de cosmétique sur de nouvelles<br />
cibles en se faisant représenter par des femmes et hommes d’origines diverses,<br />
comme Beyoncé Knowles, Noémie Lenoir, Zilin Zhang, Agbani Darego ou<br />
Aishwarya Rai pour ne citer que celles-ci. Seulement les produits qu’elle<br />
propose ne sont pas adaptés <strong>au</strong>x égéries mêmes qui sont <strong>sens</strong>ées les représenter.<br />
On a l’impression que cet initiative est juste un coup médiatique visant le<br />
politiquement correct, jusqu’à ce que la marque crée une gamme de produits<br />
cosmétiques adaptée <strong>au</strong>x noirs, <strong>au</strong>x mattes et <strong>au</strong>x métisses. Ils <strong>au</strong>raient<br />
compris après étude que les femmes d’origines africaines achèteraient plus de<br />
produits cosmétiques que les c<strong>au</strong>casiennes. Ce n’est donc plus du politiquement<br />
correct mais du Business.<br />
L’utilisation d’égéries d’origines diverses permet effectivement à la marque<br />
d’étendre son marché, mais ce qu’il est intéressant d’observer c’est par quel<br />
moyen psychologique, le marketing ethnique agît sur la cible. Les célébrités<br />
d’origine ethnique suscitent de manière générale un phénomène d’identification<br />
<strong>au</strong>près de leur public (nous ne savons pas si ce phénomène est plus<br />
accru chez les femmes que chez les hommes, mais lorsque nous comparons<br />
les coiffures et tenues vestimentaires de jeunes français d’origine africaine à<br />
celle du célèbre footballeur d’origine ivoirienne, Djibril Cissé, nous pouvons<br />
en déduire que les hommes ne sont pas épargnés. Loin de là). L’Oréal exploite<br />
donc ce potentiel d’identification afin que leur production ne soit plus perçue<br />
comme étant destinée <strong>au</strong>x blondes, ou <strong>au</strong>x brunes désirant être blonde. Car<br />
à ces débuts en 1907, l’Oréal est essentiellement destiné à créer une blondeur<br />
époustouflante chez les femmes. Mais après avoir élargi sa gamme de<br />
produits, elle garde longtemps comme égérie des femmes célèbres blondes<br />
comme Catherine Deneuve ou Cl<strong>au</strong>dia Schiffer. Il devient très difficile pour<br />
une noire ou une asiatique de répéter le slogan « parce que je le v<strong>au</strong>x bien » en<br />
parlant des produits de l’Oréal, car ils ne leur sont clairement pas destinés et<br />
la communication de l’Oréal non plus.<br />
Revenons sur la définition de « l’identification » 5 qui détient quelques éléments<br />
éclairant la stratégie de l’Oréal.<br />
L’événement provoqué par les égéries de l’Oréal englobe à la fois les deux<br />
pans de la définition ; d’un côté, en choisissant un modèle, il identifie ce<br />
dernier comme étant identique à la cible visée, et de l’<strong>au</strong>tre les clientes ou<br />
clients déjà touchés par le fait de l’identification en dehors de la marque, finissent<br />
par s’identifier à la marque elle-même par le biais des célébrités.<br />
<strong>Quel</strong>que chose d’assez étonnant et révélateur du pouvoir du graphisme ethnique<br />
5. Voir Définition complète en annexe (p.41)<br />
6. Voir la juxtaposition des deux sites cités en annexe (p.42)<br />
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dans les campagnes de communication d’un pays à un <strong>au</strong>tre se révèle ; l’Oréal<br />
accentue sa communication sur une minorité ou une <strong>au</strong>tre : l’exemple du site<br />
de L’Oréal Paris Europe et L’Oréal Paris North America est des plus flagrants<br />
concernant la stratégie de communication de la marque. 6<br />
Ainsi nous avons l’impression que selon le point de vue elle se considère<br />
comme étant une marque de la diversité, et de l’<strong>au</strong>tre une marque spécifique.<br />
Mais connaissant la réputation de L’Oréal et l’ampleur de son marché mondial<br />
nous pouvons affirmer que la deuxième hypothèse n’est pas envisageable ici.<br />
b) Sensibiliser une cible particulière – ou l’ethnomarketing<br />
Comme nous le disions <strong>au</strong>paravant <strong>au</strong> sujet de l’identification, la marque désirant<br />
attirer une cible particulière va rechercher le moyen d’attirer son attention<br />
par un modèle qui lui servira de référent. IMAN ou tout <strong>au</strong>tre marque<br />
visant une cible unique, déterminée et spécifique tentera de communiquer<br />
avec cette cible en utilisant son langage. Par langage, nous entendons l’ensemble<br />
de signes, de gestes, d’images , de sons ou de tout <strong>au</strong>tre mot formant<br />
un système donné, conçu comme moyen de communication. A l’inverse de<br />
l’Oréal, IMAN, Activilong, ou Black Opal s’identifient à la cible <strong>au</strong> lieu de<br />
faire la cible s’identifier à eux. Elles se mettent complètement dans la pe<strong>au</strong> des<br />
femmes noires ou métissées qu’elles veulent séduire, elles ne communiquent<br />
pas pour elles, mais avec elles.<br />
En effet, lorsque nous analysons l’identité visuelle de ces marques à travers<br />
leur packaging, leur affiches et leur sites internet, nous remarquons que tout<br />
est pensé pour plonger la cible dans un univers familier. Ils opèrent alors une<br />
sorte de mimétisme volontaire pour interpeller le public : (voir définition de<br />
mimétisme ) 7<br />
Les trois définitions en annexe nous éclairent sur les intentions de la marque<br />
de manière différente ; la troisième est très intéressante mais on pourrait dire<br />
les choses ainsi : « on suppose que cette ressemblance peut être une adaptation<br />
offensive ».<br />
Nous voyons que rien n’est laissé <strong>au</strong> hasard ; des couleurs vives et connotées<br />
naturelles, comme le vert anis, le j<strong>au</strong>ne, l’orange, le rouge, des couleurs terres<br />
de sienne ou encore des couleurs dites extravagantes comme des violets dynamiques,<br />
des fuchsia ou des tons pastels ; les égéries et modèles sont choisis en<br />
fonction de la gamme de produits proposés, de leur ressemblance avec la cible<br />
et de leur popularité <strong>au</strong>près de cette dernière ; même les motifs des ombres<br />
à p<strong>au</strong>pières sont assimilables <strong>au</strong>x motifs de tissus ou de statues africaines. 8<br />
Contrairement <strong>au</strong>x grandes marques de cosmétique internationales non spécifiques,<br />
ces marques proposent à leurs clients un univers particulier, et tentent<br />
de créer une proximité hors du commun avec l’acheteur potentiel. En plus de<br />
vendre des produits spéci<strong>au</strong>x, ils revendiquent un univers esthétique distinct<br />
et fortement caractérisé pendant longtemps sous estimé et sous exploité. Après<br />
avoir été considérée comme un moyen dans le graphisme, la représentation<br />
ethnique va devenir un fait et une fin.<br />
Nous remarquons cependant que les marques typiques se localisent dans des<br />
domaines spécifiques et n’en sortent que très rarement ; les cosmétiques et<br />
prêt-à-porter pour les noirs et métissés, la gastronomie pour les pays asiatiques<br />
et océaniens, le bien-être ou le prêt-à-porter pour le Moyen-Orient. Ce<br />
7. voir définitions du mimétisme et de l’imitation (p.43)<br />
8. vues sur les sites en questions en annexe. (p.44)<br />
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phénomène est peut-être dû à la prochaine étape de notre analyse, un savoirfaire<br />
originel.<br />
C- de l’hommage à la référence<br />
A travers notre parcours, nous constatons progressivement que l’emploi de la<br />
figuration ethnique comme moyen de communication va de plus en plus se<br />
rapprocher de la chose qu’il désigne ou sur quoi il communique. La référence<br />
et l’hommage utilisant le graphisme ethnique se ressemblent mais restent deux<br />
apports différents pour le graphisme ethnique ; on commence à entrer dans les<br />
qualités réelles et propres à la représentation ethnique.<br />
a) Un grec qui le v<strong>au</strong>t bien (chocolat leonidas) 9<br />
Les chocolats belges Léonidas sont un bon exemple pour<br />
illustrer le principe de l’hommage dans l’utilisation de<br />
formes graphiques distinctes et connotées. En effet, le<br />
logo de la célèbre marque de chocolat belge fondée en<br />
1910, est composé à ces débuts d’un typogramme en bas<br />
de casse rappelant étrangement des lettres grécoromaines,<br />
rondes et agressives à la fois. Sur un bleu<br />
profond rappelant <strong>au</strong>ssi les e<strong>au</strong>x des îles grecques et un<br />
j<strong>au</strong>ne doux pour le soleil de la Méditerranée. La référence à la Grèce est<br />
évidente ; on pourrait se dire qu’il s’agirait d’un choix esthétique en fonction<br />
du simple nom de la marque. Mais alors quel rapport entre la Grèce et le<br />
chocolat ou la Belgique. C’est ici que nous sortons de la référence pour entrer<br />
dans l’hommage car le créateur de la marque Léonidas Kestekides est un héritier<br />
de l’empire byzantin ; il quitte Constantinople <strong>au</strong> début du XX ème siècle,<br />
vit en Grèce pendant quelque temps et vit en Italie avant de partir pour les<br />
Etats-Unis et de devenir confiseur, c’est en 1913 qu’il décide de s’installer<br />
définitivement à Bruxelles. Citons la définition de l’hommage pour éclaircir<br />
notre point de vue <strong>au</strong> sujet de l’utilisation de ces images chez la marque :<br />
1. témoignage de respect ou de reconnaissance sous forme d’une cérémonie,<br />
d’un discours ou d’une remarque. 2. <strong>au</strong> Moyen Âge, acte par lequel le vassal<br />
déclarait appartenir à son seigneur et lui jurait fidélité.3. don respectueux.<br />
Non seulement, le nom de la marque et son prénom ne font qu’un mais en plus<br />
à travers ce seul mot, c’est tout son parcours du combattant que l’on exprime<br />
en rajoutant bientôt l’effigie d’un guerrier sparte représentant le légendaire<br />
Roi Léonidas Ier qui trouva la mort à la bataille des Thermopyles en se sacrifiant<br />
héroïquement avec ses 300 soldats pour permettre la retraite de l’armée<br />
grecque en passe d’être anéantie par les Perses. A travers cette identité visuelle<br />
Léonidas réussit à rendre un vibrant hommage à la culture dont il est héritier<br />
mais <strong>au</strong>ssi <strong>au</strong> caractère téméraire dont il a su faire preuve pour atteindre une<br />
telle réputation à travers le monde entier alors que rien ne le prédestinait à<br />
devenir un des plus grands noms de la praline <strong>au</strong> monde.<br />
Le logo de Léonidas enferme à la fois une culture, une origine, un caractère,<br />
une histoire, des formes spécifiques ; c’est tout un système symbolique justifié<br />
qui se créé <strong>au</strong>tour de ces pralines. Car même-si le chocolat dit ne vient pas<br />
de la Grèce ou d’une quelconque île méditerranéenne, son créateur, lui, en est<br />
originaire ou il cherche à mettre en exergue les vraies valeurs qui ont conduit<br />
à la création de ce produit.<br />
9. voir les logos de leonidas (p.45)<br />
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b) un pays qui fait du bon cacao 10<br />
Redescendons d’un cran avec la plus ou moins simple référence : 1. allusion<br />
précise ou abstraite à quelque chose ou à quelqu’un. 2. renvoi à l’<strong>au</strong>torité de<br />
quelque chose ou quelqu’un. 3. repère sur lequel on se fonde pour situer une<br />
chose par rapport à une <strong>au</strong>tre.<br />
Ces trois définitions de la référence nous permettent<br />
d’analyser la marque de chocolat « Côte d’or »,<br />
crée en 1883 par un chocolatier belge. Le nom de<br />
la marque fait premièrement référence à l’origine<br />
des fèves de cacao qu’importe Charles Neuh<strong>au</strong>s :<br />
la Côte de l’Or, qui est <strong>au</strong>jourd’hui le Ghana. Le<br />
premier logo de la marque apparaît en 1906, sous<br />
le signe de l’éléphant. Ce choix de visuel, nous ramène incontestablement<br />
<strong>au</strong>x civilisations totémiques pour qui l’animal était considéré comme étant<br />
l’ancêtre de la tribu. Ainsi cette dernière s’appropriait les qualités de l’animal<br />
et par là même se distinguait des <strong>au</strong>tres clans. Si on s’en tient à cette théorie<br />
alors la marque de chocolat viserait les qualités attribuées à l’éléphant :<br />
« L’intelligence, la longévité et la force de l’éléphant associées à l’absence<br />
d’ennemis naturels (l’homme excepté), d’où l’identification des rois et dirigeants<br />
à cet animal redouté et respecté de tous. Dans l’art africain, l’éléphant<br />
symbolise le chef sage, compassionnel mais <strong>au</strong>ssi puissant. » 11 .<br />
L’emprunt de l’éléphant à la culture africaine n’est donc pas anodin et la<br />
référence se transforme en éloge de la marque. On pourrait même faire une<br />
analogie entre la fève de cacao et l’éléphant totem ; tous deux perçus comme<br />
ancêtres originels et porteurs de valeurs que seuls eux peuvent représenter.<br />
En ce <strong>sens</strong>, la marque a orienté son identité visuelle du premier <strong>au</strong> dernier logo<br />
en choisissant un graphisme <strong>sens</strong>iblement africain ; par des couleurs sablées,<br />
ocres, et plus tard les rouges « terres de Sienne » et le doré qui <strong>donner</strong>a <strong>au</strong> logo<br />
une consonance royale sous sa forme de blason.<br />
On pourrait se demander en quoi la description du logo sous sa forme de blason<br />
étaierait notre propos ? La définition du mot « blason » nous éclaire notre propos :<br />
1. ensemble des signes et des emblèmes identifiant une famille, une ville,<br />
etc. 2.(littéraire)poésie décrivant, sur le mode de l’éloge ou de la satire, une<br />
personne... Côte d’Or introduit donc un caractère culturel familial et original<br />
à travers son logo en faisant une référence explicite <strong>au</strong>x origines de la matière<br />
première ; vanter les mérites de la fève de cacao et ses origines, c’est <strong>au</strong>ssi<br />
vanter les qualités de la marque.<br />
Nous voyons dans cet exemple que les origines du produit peuvent à la fois<br />
justifier l’utilisation du graphisme ethnique mais <strong>au</strong>ssi être une valeur ajoutée<br />
quant <strong>au</strong> positionnement de la marque sur le marché. A ce stade, la représentation<br />
ethnique dans le graphisme devient une évidence et commence à prendre<br />
du <strong>sens</strong> de manière indépendante par rapport <strong>au</strong>x exemples cités précédemment.<br />
Ici, c’est un graphisme africanisant pour un produit d’origine africaine<br />
et cela fonctionne plutôt bien.<br />
10. voir les logos «Côte d’Or» en annexe (p.45)<br />
11. Dictionnaire des symboles _ Larousse<br />
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d- une motivation esthétique<br />
a) le glamour et la <strong>sens</strong>ualité (affiches côtes d’or)<br />
A travers les affiches de côte d’or nous percevons que la représentation<br />
ethnique se transforme en élément graphique. Il est évident qu’on ne peut<br />
pas incarner du chocolat noir, <strong>au</strong> caramel ou <strong>au</strong>x noisettes, avec des couleurs<br />
ternes, neutres et sans rapport avec le sujet qu’il est <strong>sens</strong>é représenter.<br />
Et on pourrait se demander pourquoi Côte d’Or utilisent pour certains produits<br />
des fonds music<strong>au</strong>x, des décors, des thèmes, des personnages à connotation<br />
ethnique ou pourquoi Nike, la marque de sport américaine utilise souvent des<br />
athlètes noirs pour promotionner leur marque ?<br />
Dans ces deux cas, nous allons voir que ces emplois sont inhérents à l’image<br />
et <strong>au</strong> message que la marque va communiquer.<br />
D’un côté, chez Côte d’or, les corps mis en exergue prennent à tour de rôle<br />
la couleur du chocolat noir, du chocolat <strong>au</strong> lait, <strong>au</strong>x noisettes, <strong>au</strong> caramel...La<br />
couleur de la pe<strong>au</strong> noire absorbe la lumière différemment et peut de ce fait<br />
refléter des tons variés qui répondent à différents besoins ; elle permet par<br />
exemple de créer des contrastes naturels assez forts.<br />
Quant à la morphologie particulière du corps noir, elle est mise en valeur à<br />
des moments précis d’un scénario, ou pour des campagnes de communication<br />
visant l’affect et la <strong>sens</strong>ualité chez la cible. C’est ainsi que les chocolats Côte<br />
d’Or vont promouvoir « Afrodisiaque » 12 , en y ajoutant un petit jeu de mots<br />
« afro » et aphrodisiaque. En effet, depuis le début des grandes explorations,<br />
les corps des indigènes d’afrique ou d’amérique sont envoûtants et séduisent<br />
les plus résistants (Supplément <strong>au</strong> voyage de Bougainville de Diderot) ; des<br />
poitrines, des hanches, et des postérieurs généreux sont une source inépuisable<br />
pour les littéraires et les artistes et même pour les scientifiques. Ces corps<br />
demeureront une source de fantasme et perçus comme mystérieux par les<br />
occident<strong>au</strong>x jusqu’à nos jours, étant donné leur emploi. (annexe pour Nike) 13 .<br />
La représentation ethnique dans le graphisme ne serait donc là que pour<br />
étayer des fantasmes vieux de siècles, il ne ferait que nourrir les stéréotypes<br />
qu’on se tue à enterrer ? Non, c’est plus que ça, l’utilisation de personnages<br />
« exotiques », prend en considération le fait que leur morphologie (couleur<br />
de pe<strong>au</strong>, structure corporelle, texture des cheveux) englobe certains concepts,<br />
comme la <strong>sens</strong>ualité, le glamour, la force brutale, le mystère, la voluptuosité<br />
que d’<strong>au</strong>tres médiums ne pourraient communiquer. Peu à peu il se transforment<br />
en élément esthétique à part entière.<br />
b) des couleurs et des concepts nécessaires<br />
Dans les arts que l’on dit « primitifs », il existe un lien indéfectible entre l’objet<br />
et la figure qui le représente. Les cultures dites orientales en opposition <strong>au</strong>x<br />
occidentales ont maintenu l’ affinité essentielle entre le corps et son environnement<br />
(f<strong>au</strong>ne et flore).<br />
Ces cultures ont gardé une structure symbolique dans la construction de<br />
l’image. Il est vrai que souvent, à première vue pour les non avertis, le lien<br />
n’est pas immédiatement perçu, mais les professionnels de la communication<br />
ont fini par comprendre que la création d’un système symbolique commun<br />
était non seulement efficace mais essentiel lorsque l’on s’adresse à un public<br />
éclectique.<br />
12. voir spot TV sur http://www.culturepub.fr/videos/cote-d-or-afrodisiaque<br />
13. supplément en annexe pour Nike (p.46)<br />
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Pour ce faire les occident<strong>au</strong>x vont parfois chercher des référents mutuels dans<br />
le but d’asseoir leur discours <strong>au</strong>x yeux du plus grand nombre.<br />
Ainsi certains useront de mascottes et s’identifieront <strong>au</strong>x valeurs que ces<br />
anim<strong>au</strong>x symbolisent : le coq sportif, kellog’s, côte d’or, peugeot, etc... Comme<br />
le font les tribus totémiques dans l’élaboration de leur structure sociale. En<br />
effet, leur ancêtre-animal, et <strong>au</strong>ssi chef du clan sera représenté et honoré de<br />
diverses manières par des dessins, des statuettes, des pendentifs et fétiches.<br />
D’<strong>au</strong>tres utiliseront des signes et des symboles, des formes graphiques fortement<br />
inspirées de cultures fondatrices mais lointaines, telles que l’Egypte ou<br />
l’Océanie.<br />
En effet, les animorphoses 13 utilisées par certains graphistes ou par certaines<br />
marques (Orangina par exemple), font de manière directe ou non, référence<br />
à l’art égyptien. Attribuer à des anim<strong>au</strong>x des caractéristiques humaines<br />
remonte à l’Antiquité. En Egypte, ces animorphes représentaient des dieux.<br />
Aujourd’hui, leur symbolisme peut varier selon les différentes significations<br />
que revêt l’animal pour nous. Néanmoins le principe est le même.<br />
La composition de formes signifiantes est elle <strong>au</strong>ssi puisée dans les arts dits<br />
primitifs, ainsi la décomposition des figures, la géométrisation des formes ne<br />
remontent pas <strong>au</strong> cubisme mais bien plus avant. Un exemple d’images entrées<br />
dans notre univers visuel et qui communique bien la même chose pour tous est<br />
le labyrinthe ; la structure élémentaire de ces formes se retrouvent déjà dans<br />
les vases de l’antiquité et pourtant elles sont bien grecques ces formes.<br />
Alors comment peut-on expliquer que des formes venues d’ailleurs puissent<br />
entrer dans notre système de signes occidental ? Comment se fait-il que ces<br />
idées soient ancrées de manière si profonde dans nos systèmes d’écriture et<br />
de communication ? Nous ne parlerons même pas des chiffres arabes qui sont<br />
devenus les nôtres si l’on peut dire.<br />
Après ce long parcours sur l’analyse des images qui nous entourent et l’utilisation<br />
de ce que nous avons naïvement qualifié de « graphisme ethnique »,<br />
nous allons maintenant tenter de comprendre pourquoi son utilisation prend<br />
de plus en plus d’ampleur en allant à la source même de ce nouvel engouement<br />
pour le <strong>Graphisme</strong> à caractère ethnique.<br />
ii. les sources multiples d’un graphisme contemporain<br />
a. des lieux où les secrets d’un langage sont dévoilés ou erronés ?<br />
Notre environnement quotidien est <strong>au</strong>ssi un lieu d’exploration pour notre<br />
recherche. Les espaces publics et les lieux consacrés nous dévoilent des<br />
aspects différents du graphisme ethnique. En effet, notre perception et notre<br />
prise de recul par rapport <strong>au</strong>x images qui jalonnent notre parcours usuel ou<br />
ponctuel à travers l’espace urbain particulièrement, sont différents. De part<br />
notre état d’esprit sur le moment mais surtout sur les intentions directes ou<br />
indirectes du créateur de l’image.<br />
Le langage employé pour communiquer comme nous l’avons vu <strong>au</strong>paravant<br />
est très important; il va déterminer non seulement le message, mais <strong>au</strong>ssi la<br />
cible invoquée. Lorsqu’on lie la cible et le langage, on ne peut s’empêcher de<br />
13. Exemples d’animorphoses (p.46)<br />
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penser à la création de codes. Car c’est bien cela qui est mis en jeu chez les<br />
<strong>design</strong>ers, artistes et graphistes ; la création ou réappropriation de nouve<strong>au</strong>x<br />
codes. Nous reste à savoir pourquoi cette réappropriation des formes et dans<br />
quelles proportions elle influe sur notre perception dans l’espace urbain?<br />
Pourquoi espace urbain précisément, car les villes 15 sont des espaces cosmopolites<br />
où différentes cultures se rencontrent et se côtoient de manière informelle<br />
et en même temps où sont concentrés des espaces culturels consacrés <strong>au</strong><br />
sujet qui nous intéresse ici, et en même temps c’est un espace; le graphisme<br />
ethnique en particulier, les arts ethniques en général.<br />
a)-des espaces stéréotypants<br />
La ville est le lieu par excellence où se déploient et se perdent à la fois de<br />
nombreuses cultures. Il existe comme un phénomène de métissage intense à<br />
première vue inexplicable, qui noie et en même temps caricature les caractéristiques<br />
ethniques de certaines commun<strong>au</strong>tés.<br />
<strong>Quel</strong>les sont les origines de cette confusion ? Nous avons deux angles d’observation.<br />
D’un côté, on a l’impression que la surexposition simultanée de<br />
toutes ces fortes cultures les annule toutes. De l’<strong>au</strong>tre, certaines utilisations du<br />
graphisme ethnique dans l’espace urbain <strong>au</strong>raient tendance à l’enfermer dans<br />
certains secteurs d’activités ou domaines culturels. Car il est vrai dans ce cadre<br />
particulier , que « l’ethnicité » est liée à l’identité culturelle ; qui se manifeste<br />
par le vestimentaire, l’alimentaire, la musique, le cinéma, l’esthétique…<br />
Pour illustrer nos propos nous allons user d’exemples concrets pris dans des<br />
grandes villes comme Paris ou Londres (liste non exh<strong>au</strong>stive).<br />
Les rest<strong>au</strong>rants indiens par exemple, utilisant des formes à tendance baroque<br />
<strong>au</strong>x couleurs dorées et dans la gamme des rouges orangés ou du rose fuschia,<br />
ne reflètent qu’une partie infime de la culture indienne ; on retiendra plutôt<br />
le caractère épicé de la cuisine, et on oubliera le large éventail de couleurs<br />
que l’esthétique indienne nous propose à travers le cinéma de Bollywood. De<br />
même si on se concentre sur le cinéma indien, nous dirons qu’ils ne savent que<br />
chanter et danser pendant quatre heures d’affilé et que leur scénario s’avère<br />
être toujours le même. Nous manquerons le fait que les costumes portés dans<br />
ces films sont des œuvres à part entière et que le caractère ethnique de cette<br />
culture se traduit <strong>au</strong>ssi à travers le style vestimentaire et les couleurs, motifs et<br />
techniques qui s’en dégagent. 16<br />
L’espace urbain a tendance à se réapproprier des bribes de modes de vie. Il<br />
fait passer la partie pour le tout ; ce qui <strong>au</strong>rait pour conséquence de classifier<br />
volontairement ou non certaines cultures dans des domaines spécifiques : ici,<br />
la cuisine.<br />
Dans ce même schéma, nous avons remarqué un magasin « Nespresso » usant<br />
d’un graphisme plutôt africanisant pour sa décoration ; à la manière des peintres<br />
de l’école de Lubumbashi créée par Romain-Défossés qui répondaient à des<br />
commandes de peintures folkloriques très burlesques et stéréotypées. Bien<br />
sûr, elle ne manquait pas de mettre en exergue à l’intérieur de cet environnement<br />
factice son égérie fétiche, Georges Clooney. On pourrait se demander<br />
quel est le rapport entre les deux. Et bien, Georges Clooney est engagé dans<br />
de nombreuses œuvres humanitaires en faveur de l’Afrique ou de pays comme<br />
15. Point de vue sur la ville dans le catalogue Africa Remix (p.47)<br />
16. Petit supplément en annexe (p.47)<br />
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Haïti. Le lien devient plus évident, mais le problème c’est que l’on <strong>au</strong>rait une<br />
petite prédisposition à faire coïncider le graphisme de type « africain » avec<br />
des sujets humanitaires. Ce serait un écueil mais le risque demeure. Ce type de<br />
contraintes <strong>au</strong>xquelles s’est vu confronté les Cocottes (collectif de graphistes),<br />
qui devaient créer l’identité visuelle d’un site internet pour une association<br />
africaine, Communties-can-do-it créant des maisons avec des matéri<strong>au</strong>x recyclables<br />
pour les orphelins avec l’aide des commun<strong>au</strong>tés environnantes. Une<br />
façon de construire des maisons écolo à moindre coût. La présidente de l’association<br />
refusait de tomber dans les stéréotypes graphiques de verts, ocres, des<br />
terres de Sienne et de motifs trop folkloriques pour illustrer son activité, qui<br />
prise hors du contexte pourrait être fondée sur n’importe quel <strong>au</strong>tre continent.<br />
Elle-même pensait qu’en utilisant ces éléments graphiques, son activité serait<br />
cataloguée <strong>au</strong> rang des associations à but humanitaire ; or, ce n’est pas le cas.<br />
Dans le monde du prêt à porter, nous allons prendre l’exemple d’Eram qui<br />
sort une collection « Tribal » ce printemps ; la chaîne de magasin présente une<br />
nouvelle gamme de sandales (des spartiates <strong>au</strong>x sarraiziennes en passant par<br />
les tongues). Leurs particularités ? Les coloris : rouge, vert, j<strong>au</strong>ne, noir, ocre,<br />
marron, la matière : du cuir pour les lanières et une matière synthétique très<br />
légère et malléable pour la semelle. Le piège est que cette collection nommée<br />
globalement « tribal » est illustrée par des motifs et des masques passablement<br />
« africanisants ». Où sont passées les <strong>au</strong>tres tribus localisées sur les <strong>au</strong>tres<br />
continents du monde? Serait-ce à dire que tout ce qui se dit ethnique est africain<br />
? Que les africains ne portent que des sandales à lanières en cuir ?<br />
Non, certainement pas, mais le fait est que les espaces commerçants, et les<br />
espaces publicitaires créent des stéréotypes visuels pour leurs besoins professionnels<br />
peut-être. Ils s’approprient des éléments graphiques et les insèrent<br />
dans un contexte qu’ils <strong>au</strong>raient élaboré a priori. Si on va chez le magasin<br />
d’ameublement japonais Muji, tout nous inspire nos aprioris sur le japon ; le<br />
côté épuré et fonctionnel des choses, la simplicité, la rigueur, le <strong>design</strong> intemporel,<br />
l’optimisation de l’espace dans la scénographie des magasins de la<br />
chaîne. On oublierait presque l’extrême, mais subtile extravagance des geishas<br />
qui était quand même la parfaite sublimation du futile et du superficiel.<br />
Ceci est une opinion personnelle, elle sert juste à démontrer qu’à travers la<br />
mondialisation, l’essentiel des cultures est mis à l’index et ne sont mis en<br />
exergue que les pans, qui sont pour des exploitants, aisément exportables.<br />
C’est en ce <strong>sens</strong> que l’on pourrait considérer que les cultures ethniques et leurs<br />
représentations graphiques sont noyées dans un espace mercantile, où l’on<br />
construit son image sur des préjugés. Les événements à caractère ethnique<br />
s’annulent presque, car ils sont comme mis en concurrence.<br />
Nous allons voir si ces principes de concurrence et de stéréotypes remarqués<br />
dans l’espace urbain se retrouvent dans les lieux (généralement non marchant)<br />
consacrés <strong>au</strong>x arts et <strong>au</strong>x graphismes ethniques.<br />
b)-les lieux consacrés sont-ils adaptés ?<br />
Les lieux consacrés se divisent en plusieurs catégories. Il y a des espaces réservés<br />
à l’intérieur de musées, plus généralistes comme le musée du Louvre ou<br />
les galeries donnant une place <strong>au</strong>x oeuvres ethniques ponctuellement. On ne<br />
Elodie Molia - Juin 2011
19<br />
Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />
peut pas dans ce cas définir réellement l’enjeu et la cohérence de ces lieux vis<br />
à vis des arts ethniques. Quand je parle de cohérence, j’entends par là l’identité<br />
visuelle, la communication et la scénographie de ceux-ci. Les éléments cités<br />
seront souvent inadaptés ou encore complètement étrangers à notre thème. Ils<br />
ne s’adressent pas forcément <strong>au</strong>x amateurs ou connaisseurs. Ils seront donc<br />
probablement peu mis en valeur par rapport <strong>au</strong>x oeuvres d’<strong>au</strong>tres civilisations.<br />
Nous avons encore deux types de lieux à examiner. Dans un premier temps,<br />
observons le musée Dapper 17 , qui lui est spécialisé dans les arts ethniques,<br />
certes, mais surtout concentré sur les productions des ethnies d’Afrique subsaharienne<br />
et leurs descendants dans la Caraïbe. Le logo du musée Dapper,<br />
bien qu’évoquant l’empire du soleil levant, reprendra les formes épurées de<br />
l’une des pièces maîtresse de l’exposition «Parure de tête »; elle s’appelle le<br />
Téké (c’est un appuie tête). C’est ainsi qu’il affirme clairement sa position<br />
dans l’espace muséal et culturel parisien. L’architecture et la scénographie<br />
du musée nous plonge dans une atmosphère mystique ; des couleurs écrues,<br />
lumières tamisées, exposition sur plusieurs étages, comme si on accédait à<br />
différents nive<strong>au</strong>x de connaissance. Notre visite est mise en scène comme<br />
un parcours initiatique. Et lorsque nous avons fait le tour, nous revenons <strong>au</strong><br />
savoir et accédons à la librairie <strong>au</strong> sous-sol, telle une grotte où un sage nous<br />
attendrait patiemment pour nous questionner sur nos découvertes. Les oeuvres<br />
sont rarement placées derrière des vitres (si c’est le cas, c’est qu’elles sont<br />
extrêment fragiles) contrairement <strong>au</strong> musée du Louvre ou elles le sont presque<br />
systématiquement. En bref, l’atmosphère est très intimiste et chaleureuse;<br />
l’appel <strong>au</strong> rituel est tout à fait pertinent et le logo répond légitement <strong>au</strong>x désirs<br />
des connaisseurs et des amateurs d’art africain.<br />
Notre troisième espace référent est plus délicat car il s’agit maintenant d’un<br />
endroit consacré à des oeuvres ethniques bien distinctes, bien que toutes<br />
qualifiées «d’arts primitifs ». Comment créer un espace unique qui pourra<br />
s’identifier à toutes ces civilisations à la fois : maya, inca, tutsi, dogon, kanak,<br />
walipiri, pintupi, hindou et bien d’<strong>au</strong>tres. Pouvait-on trouver un signe qui<br />
les réunirait tous? Le musée du quai branly n’a pas fait ce choix. Mais l’impulsion<br />
donnée à l’élaboration de ce musée, tant dans l’architecture de Jean<br />
Nouvel que dans la scénographie, a été de bon <strong>au</strong>gure et en cohérence avec les<br />
impressions générales que laissent toutes ces civilisations ; celle du mystère,<br />
du spirituel, du folklorique, de l’historique, du <strong>sens</strong>ible et surtout ce perpétuel<br />
rapport avec la nature qu’ont gardé ces civilisation. Le musée du quai Branly<br />
apparaît comme un espace de liberté où les cultures peuvent se rencontrer<br />
sans se heurter. L’identité visuelle répond de manière assez juste à ce besoin<br />
de laisser parler les oeuvres d’elles-mêmes. Mais il reste un hic, c’est pour<br />
moi le choix du logo. Le collectif Polymago a choisi de partir de l’origine de<br />
la création du musée se matérialisant par la sculpture Chupicuaro 18 . Jusque<br />
là le raisonnement se tient, la baseline est applicable, mais la typographie<br />
employée nous laisse plus ou moins pantois. La DIN Deutsches Institut für<br />
Normung (German Institute for Standardization) ; une typo utilisée par les<br />
Nazis, en Allemagne puis dans tous les pays de l’éphémère Reich d’Hitler.<br />
Une typo de signalisation et de normalisation. Nous ne nous étalerons pas<br />
ici sur tous les sous-entendus que pourraient évoquer la juxtaposition d’une<br />
sculpture mexicaine et une typographie utilisée et presque que commandée<br />
17. présentation du musée Dapper en annexe (p.47)<br />
18. histoire du logo du Quai Branly (p.48)<br />
Elodie Molia - Juin 2011
20<br />
Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />
par les allemands « nazis » pendant l’occupation. Il en va sans dire qu’on<br />
se demanderait bien si le musée du quai Branly n’est pas juste un espace où<br />
toutes les œuvres venues d’ailleurs seraient stockées comme dans un ghetto<br />
« le musée des arts premiers »; « arts extra-européens, c’est par ici! ». La police<br />
est peut-être élégante mais elle associe un énorme contre<strong>sens</strong> à la vocation de<br />
ce musée. D’<strong>au</strong>tant plus que ce musée dit « musée des arts premiers » accueille<br />
également des œuvres contemporaines de ces mêmes cultures.<br />
Dans la question de savoir si ces lieux d’exposition sont adaptés, il y a comme<br />
un non lieu. Surtout dans notre dernier exemple, car si le lieu en lui-même<br />
est adapté à la présentation de ces œuvres, la communication et les messages<br />
transmis indirectement peuvent être mal interprétés.<br />
B. d’un code à un <strong>au</strong>tre : un changement de statut qui dénature<br />
Au début du XX ème siècle, la découverte de ces vestiges culturels venus de<br />
plusieurs pays explorés par les européens vont créer un intérêt grandissant<br />
pour ces statues, sculptures, peintures, dessins, gravures et bien d’<strong>au</strong>tres<br />
productions. Elles vont en inspirer be<strong>au</strong>coup : soit dans la technique, soit dans<br />
la forme, soit dans le fond. Elles feront l’objet de nombreuses études <strong>au</strong>ssi<br />
bien artistiques, que scientifiques ou même historiques et philosophiques. Ces<br />
productions artisanales, ancrées dans les mœurs et la culture dont elles sont<br />
originaires vont passer <strong>au</strong>x yeux des occident<strong>au</strong>x <strong>au</strong> statut d’œuvres d’art.<br />
Néanmoins comme on peut le constater dans certains écrits de Lévi-Str<strong>au</strong>ss<br />
comme « Mythologies » par exemple, l’essence de l’objet est alors oblitérée,<br />
les origines et le but de sa création passent à un stade inférieur alors que sans<br />
cette intention première, ces œuvres n’existeraient pas. Dès lors on se demande<br />
si son extraction soudaine de la structure symbolique indigène (originelle), ne<br />
nous conduit pas vers des schèmes erronés ? En d’<strong>au</strong>tres termes, nous nous<br />
demandons si cette élévation <strong>au</strong> rang d’œuvre d’art ne dénaturalise pas ces<br />
productions <strong>au</strong>tochtones.<br />
a)- Du sable à la galerie , du mystique à l’esthétique<br />
Nous avons évoqué précédemment l’espace dans lequel est dévolu le<br />
graphisme ethnique tel que nous le percevons dans notre espace urbain. Mais<br />
si nous le regardions sur son lieu de création originel, ou si nous pouvions<br />
percevoir l’ascendance des rituels sur ces œuvres, alors notre compréhension<br />
vis-à-vis de ces signes et formes captivants serait moins obscure, et légitimée<br />
par un contexte crédible.<br />
Les Temps du Rêve 20 ou Pistes de rêves (titre donné à l’ouvrage de Barbara<br />
Glowczewski : Pistes de rêves : voyage en terres aborigènes) des aborigènes<br />
nous offrent ce double point de vue, et nous permettent d’appréhender la<br />
double faculté du graphisme ethnique (plus généralement) et de l’art aborigène<br />
plus particulièrement.<br />
En effet, les œuvres aborigènes dites « Temps du Rêve » sont des retranscriptions<br />
de rites initiatiques ; les dessins éphémères sur le sable des territoires<br />
revendiqués des aborigènes <strong>au</strong>straliens sont à la fois des représentations de<br />
leur propre espace mais <strong>au</strong>ssi celui de leurs ancêtres qui ont <strong>au</strong>trefois modelé<br />
20. Définition du Temps du Rêve en annexe (p.49)<br />
Elodie Molia - Juin 2011
21<br />
Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />
ces terres en surface ou en sous-sol. L’état de rêve est comme une phase où<br />
le descendant « artiste » renoue avec ses ancêtres et son histoire, par le biais<br />
de la terre et des mythes comme « Seven sisters » ou les « Tingari » (cycles<br />
initiatiques <strong>au</strong>straliens).<br />
Le temps du rêve est une initiation à la connaissance des ancêtres. Tout comme<br />
l’artiste cherche à atteindre la sublimation de désirs refoulés à travers ses<br />
œuvres (selon Freud), l’artiste aborigène recherche, lui, un savoir enfoui dans<br />
ses gènes qu’il devra entretenir et transmettre. Il accède par ce biais à un secret<br />
qu’il ne peut atteindre que par cette manifestation graphique. Ces formes<br />
viennent du Churinga 19 (Churinga est le nom donné par les Aborigènes à<br />
certains objets sacrés et extrêmement secrets, porteurs, recto verso, des motifs<br />
claniques. Ce sont des objets gravés, de formes variées, plates, arrondies ou<br />
ovales, en bois ou en pierre. Leur importance est considérable dans les cérémonies<br />
telles que l’initiation des jeunes hommes.). Ce seul objet donne l’impulsion<br />
et l’inspiration de toutes les productions des aborigènes.<br />
Ces œuvres ont donc avant toute chose, une fonction mystique.<br />
Néanmoins un nouve<strong>au</strong> facteur a modifié le propre regard des artistes aborigènes<br />
sur leurs productions. C’est la politique : les œuvres <strong>au</strong>straliennes<br />
deviennent des moyens de revendiquer les terres ancestrales, leur appartenance<br />
à ces territoires par le fait même qu’ils y ont laissé des traces depuis<br />
des siècles. A partir des années 1970, ils vont confirmer leur état d’héritiers<br />
et dévoiler nécessairement, (en partie) la signification de ces empreintes. Les<br />
secrets <strong>au</strong>xquels accédaient les <strong>au</strong>tochtones par le biais de ces représentations,<br />
(devant rester tabou), sont transposés sur des murs, des toiles et sont<br />
l’objet de performance filmées par des gens plus ou moins intéressés. Ce sera<br />
une façon pour cette génération de prouver la légitimité de son existence, et<br />
de ses pratiques sur ces terres protégées et un moyen de diffuser sa culture<br />
d’une extrême richesse plastique, philosophique, métaphysique ou encore<br />
théologique.<br />
b)- L’ethnique à l’occidental<br />
C’est ainsi que les peintures aborigènes vont se déployer dans le monde entier<br />
dans des galeries new-yorkaises, parisiennes, londoniennes, et surtout <strong>au</strong>straliennes<br />
à côté d’oeuvre d’art contemporain occidental.<br />
Les artistes aborigènes tels que Ronnie, Emily, Gloria, Pansy, George ou<br />
Clifford vont diffuser une technique et une approche encore une fois fortement<br />
caractérisée et plastiquement différente. Toute la différence se trouve<br />
dans l’intention ; ici ce n’est pas l’art pour l’art, il sert une c<strong>au</strong>se mystique<br />
qui ne pourra qu’être entrevue par les étrangers à cette culture. Le fait même<br />
que l’oeuvre soit faite avec une intention <strong>au</strong>tre que celle de créer une forme<br />
pour elle-même crée un mystère, une attraction qui sera transmise même à un<br />
inculte (qui ne connaît pas la culture aborigène).<br />
Ceci étant dit la culture aborigène étant majoritairement transmise par le biais<br />
des arts graphiques, dans des galeries d’art ou dans des musées, les occident<strong>au</strong>x<br />
<strong>au</strong>ront tendance à ne retenir de cette culture que cet aspect esthétique et<br />
pictural. Ce que les galeries, si philanthropiques soient-elles, vendent ce sont<br />
des toiles, du be<strong>au</strong>, du charnel et du rêve mais pas dans le <strong>sens</strong> aborigène qui<br />
est le Temps des ancêtres créateurs. Celui qu’ils promeuvent serait plutôt le<br />
19. explication du Churinga (p.48)<br />
Elodie Molia - Juin 2011
22<br />
Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />
suivant : « Le rêve <strong>au</strong> figuré, pensée sans consistance et sans accord avec la<br />
réalité...» 21<br />
Ce que n’importe qui retiendra en regardant ces œuvres, c’est la force<br />
graphique qui s’en dégage ; la parfaite maîtrise de l’espace pictural, la précision<br />
du geste, le <strong>sens</strong> de la couleur et de l’harmonie, des formes complexes et<br />
épurées à la fois. Le fond et la forme ne font qu’un. Et c’est ce que recherche<br />
d’ailleurs le graphiste dans sa composition, la forme doit transpirer le fond,<br />
ils doivent se mêler l’un l’<strong>au</strong>tre afin que la technique s’efface devant le sujet.<br />
L’ethnique à l’occidental c’est pour nous la réappropriation de ces formes ; il<br />
y <strong>au</strong>ra deux façons de les considérer : soit une simple exposition soit une réinterprétation.<br />
Dans le premier cas, nous pouvons illustrer notre point de vue à<br />
travers un ouvrage disponible dans des magasins d’art, dans des bibliothèques<br />
mais <strong>au</strong>ssi dans les librairies quelconques et celles de nos lieux consacrés : il<br />
s’agit de “Motifs ethniques: afrique, amérique, asie, océanie” de Marianne<br />
Ninney. Elle répertorie de nombreux motifs et propose des techniques pour<br />
les reproduire aisément. Ne sont référés ni les significations, ni <strong>au</strong>cune <strong>au</strong>tre<br />
information nous permettant de manipuler ces formes en connaissance de<br />
c<strong>au</strong>se. Mais ça ne servirait pas à grand chose, puisque n’est développé dans ce<br />
genre d’ouvrage que le côté esthétique et décoratif de ces motifs. Justement,<br />
ils se transforment en de simples motifs. On peut faire une analogie <strong>au</strong> terme<br />
motif dans le <strong>sens</strong> mobile d’une action, ou d’un état d’esprit, ici le motif est le<br />
motif 22 . Il se rapproche donc de la conception occidentale alors en ébullition<br />
<strong>au</strong> début du XX ème siècle, à savoir : « l’art pour l’art », mais ce n’est qu’une<br />
apparence, le fond de ce genre de démarche est bien plus creux.<br />
Ces apports de l’ethnique deviennent alors dans ce cadre particulier du monde<br />
profane, un élément de décoration, une démonstration d’exotisme et d’ouverture<br />
d’esprit. Mais heureusement il existe encore la réinterprétation, qui elle se<br />
déploie plus aisément, et de manière plus efficace, subtile et perspicace dans<br />
le monde du <strong>design</strong>.<br />
C. réappropriation de formes dans le <strong>design</strong> : pourquoi ?<br />
Si l’apport du <strong>design</strong> ethnique n’était réduit qu’à des copiés/collés de motifs<br />
dénaturés, il n’y <strong>au</strong>rait <strong>au</strong>cune raison de parler de graphisme ethnique<br />
<strong>au</strong>jourd’hui. Tout comme les artistes de la Renaissance ont préservé, fait<br />
évoluer, détourné, réadapté la perspective de Brunelleschi. Ils lui ont donné<br />
un nouve<strong>au</strong> souffle de vie, et même une valeur, et un but différent que de<br />
reproduire l’espace géométrique de la manière la plus juste et la plus fidèle<br />
possible. Au delà de l’aspect mathématique, elle est devenue symbolique ; elle<br />
atteint peut-être son apogée dans l’art baroque.<br />
Nous pouvons assimiler cette forme d’évolution à l’art ethnique mais dans le<br />
<strong>sens</strong> inverse ; il devient un outil de création pertinent tout en préservant ce qui<br />
fait sa force ; les signes ne sont pas que des signes, ils font partie d’un tout<br />
cohérent inhérent à chacune de ces formes. La question que nous posons ici,<br />
c’est de quelles façons ces éléments ethniques évoluent-ils? <strong>Quel</strong>s sont les<br />
facteurs d’appropriation et de mutation?<br />
21. définition complète du rêve (p.51)<br />
22. définition du motif (p.51)<br />
Elodie Molia - Juin 2011
23<br />
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a)Une mutation des formes qui a du <strong>sens</strong><br />
On remarque dans le graphisme contemporain, (et ce dans tous les domaines<br />
qu’il englobe : <strong>design</strong> industriel, architecture, la mode...) de nombreux apports<br />
qui ont des consonances exotiques. Néanmoins en comparant les sources<br />
originales et les formes qu’on nous propose <strong>au</strong>jourd’hui il y a des différences<br />
notables.<br />
Le Fashion Show International a été le levier pour la promotion des cultures<br />
ethniques dans la mode ; elle est un parallèle <strong>au</strong>x célèbres Fashion week de<br />
Paris, de Londres, de Milan. Il apporte comme le diront de grandes marques<br />
comme Armani, Gucci ou Prada une nouvelle fraîcheur, un nouve<strong>au</strong> flair qui<br />
vient requinquer leurs collections et ainsi créer de nouvelles griffes. C’est une<br />
façon pour eux de renouveler l’image de la marque qui a toujours besoin d’innovation<br />
pour rester <strong>au</strong> devant du table<strong>au</strong> face à de nouve<strong>au</strong>x talents qui ne<br />
sont pas encore arrivés à l’apogée de leur œuvre, contrairement à ces grandes<br />
maisons qui traversent les générations.<br />
Il y a <strong>au</strong>ssi, ces <strong>design</strong>ers de génie qui de par leur formation professionnelle ou<br />
personnelle ont appris cette culture de la recherche permanente et de l’échange<br />
entre les continents ; Agnès B, la grande créatrice de mode qui a commencé<br />
sa carrière en tant que critique chez Elle, a su exploiter à travers ses modèles<br />
ses compétences acquises <strong>au</strong>x be<strong>au</strong>x arts. En effet, ses dessins et modèles vont<br />
puiser dans les diverses sources d’inspiration qu’offrent le cursus artistique.<br />
L’art asiatique, l’art oriental, l’art africain, l’art méditerranéen ; ce sont des<br />
puits d’inspiration que plusieurs esthéticiens et historiens de l’art, ainsi que<br />
des praticiens (comme Delacroix) ont exploité jadis. De ce fait la première<br />
boutique d’Agnès B. 23 ouverte <strong>au</strong>x Halles en 1975 est plus un lieu d’expression,<br />
de mélanges de culture, de discussion, ouvert à l’art et la musique qu’un<br />
magasin de prêt-à-porter ordinaire. D’ailleurs ces premiers modèles sont des<br />
monuments de culture intemporels qu’elle réinterprète : veste chinoise, ch<strong>au</strong>sson<br />
de gymnastique...Encore <strong>au</strong>jourd’hui certaines collections sont imprégnées<br />
de motifs <strong>au</strong>x connotations spécifiques.<br />
Il existe encore d’<strong>au</strong>tres champs d’appropriation et de transformation des<br />
signes ou des formes. C’est de cette façon que les calligraphies grecques<br />
antiques décorant les amphores, les tuniques ou les temples sont encore repris<br />
dans le graphisme contemporain, mais ici on les réinvente en leur donnant de<br />
nouvelles fonctions symboliques <strong>au</strong> sein d’un langage qu’on <strong>au</strong>ra élaboré à<br />
partir de ce simple signe ; lorsque l’on regarde le dessin d’un labyrinthe 24 , on<br />
se rend compte que le motif grec et ce dernier coïncide de manière étonnante.<br />
Ici non seulement on a la preuve que le signe et le symbole se confondent,<br />
mais que ce signe puissant porte en lui, <strong>au</strong> delà de la représentation architecturale,<br />
un ensemble de signification (comme le mystère, le secret, l’intrigue,<br />
le schéma, l’insondable) qui seront toujours plus aisément représentés par ce<br />
signe, devenant alors intemporel et universel.<br />
Une question de mode?<br />
Au vu des exemples cités ci-dessus, nous remarquons que la référence<br />
ethnique apparaît comme une tendance à travers la mode, le <strong>design</strong> et même<br />
les loisirs. Il est vrai que ce mouvement est proéminent dans le monde de la<br />
23. quelques images d’Agnès B. en annexe (p.51)<br />
24. évolution du motif du labyrinthe en annexe (p.52)<br />
Elodie Molia - Juin 2011
24<br />
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mode ; des directeurs artistiques comme Christian Lacroix et Sacha Walckhoff<br />
25 qui introduisent des motifs d’anim<strong>au</strong>x africains dans la dernière collection<br />
de la maison de prêt-à-porter. Puis le « style ethnique » tel qu’on l’appelle dans<br />
les magazines de mode entrent dans nos intérieurs par le biais, de mobiliers,<br />
de papiers peints, de blancs, et tout ce qui peut avoir attrait à la maison. La<br />
question de l’effet de mode devient alors évidente.<br />
Ne serait-ce donc qu’une passade? L’art ethnique ne serait-il qu’un style?<br />
Apparemment, non puisque les spécialistes parlent d’un retour de cette<br />
tendance. Et surtout d’une transformation dans l’utilisation de ces motifs qui<br />
étaient perçus avant comme étant kitsch ou mal coordonnés.<br />
Désormais, on apprend à l’utiliser avec parcimonie et subtilité. Le motif animal<br />
est revisité et réinventé. Ainsi la pe<strong>au</strong> zébrée pourra être rose et j<strong>au</strong>ne, systématisée<br />
et géométrisée. Le <strong>design</strong>er s’approprie totalement le signe, il le fait<br />
évoluer d’une manière inattendue. Mais l’évocation perpétuelle de l’Afrique<br />
s<strong>au</strong>vage, de la f<strong>au</strong>ne, de l’instinctif et de la chaleur demeurera toujours dans<br />
ces éléments naturellement graphiques, et ce quelle qu’en sera la forme finale<br />
choisie par le <strong>design</strong>er.<br />
On remarque différents stades de mutation; d’un côté les <strong>design</strong>ers vont<br />
s’inspirer de ou travailler avec des intervenants d’origine ethnique qui vont<br />
leur <strong>donner</strong> l’impulsion qu’ils recherchent ; de l’<strong>au</strong>tre cette transformation<br />
des signes est le produit d’une fermentation de la part de ces créateurs. Et il<br />
s’avère que le résultat visuel de ces deux types de mutation n’est pas le même.<br />
Nous remarquons que la mutation de ces formes pour le graphiste apparaît<br />
nécessaire. Pour qu’il puisse les utiliser, il f<strong>au</strong>t qu’il se les réapproprie d’une<br />
manière ou d’une <strong>au</strong>tre. Mais n’<strong>au</strong>rions-nous pas tendance à faire de ces<br />
formes les nôtres en omettant les raisons pour lesquelles elles nous attirent?<br />
Certains directeurs de création parlent de fraîcheur.<br />
b) l’occident en mal de signes ?<br />
« l’art moderne nous parle de l’art <strong>au</strong> lieu de nous dire les choses. Il se livre à<br />
un jeu de plus en plus gratuit et intense sur les formes parce que le contenu se<br />
dérobe, parce que le monde n’est plus là... L’enjeu est cependant plus grave<br />
qu’on ne le croit. Non seulement notre société de h<strong>au</strong>te technologie et d’industrialisation<br />
extensive met en danger le monde naturel mais, selon la même<br />
logique, menace les <strong>au</strong>tres civilisations. La nôtre, si puissante, si dominatrice,<br />
est devenue essentiellement parasitaire.» 26<br />
On pourrait se demander pourquoi l’art ethnique attire un public <strong>au</strong>ssi vaste<br />
et varié ? Pourquoi de nombreux artistes et <strong>design</strong>ers vont chercher leur inspiration<br />
ailleurs ? On pourrait <strong>au</strong>ssi envisager de se poser la question de savoir<br />
pourquoi l’art de l’occident est de moins en moins un modèle pour les artistes<br />
et graphistes contemporains ? Nous pouvons envisager un début de réponse<br />
en recherchant l’origine de ce léger détournement ; en effet, l’art occidental à<br />
partir de la fin du XIX ème siècle avec les impressionnistes et <strong>au</strong> début du XX ème<br />
siècle avec les cubistes, délaisse la nature du modèle et le mimétisme et se<br />
tournent vers l’objet de la peinture en tant que tel. Les artistes se mettent à<br />
réfléchir sur l’art et plus sur l’objet. L’art devient de plus en plus <strong>au</strong>tonome et<br />
le sujet de la peinture pour la plupart des grands artistes à venir n’est qu’une<br />
25. images de Christian Lacroix et Sacha Walckhoff en annexe (p.52)<br />
26. Cl<strong>au</strong>de Lévi-Str<strong>au</strong>ss cité par Marcel Henaff_complément en annexe (p.55)<br />
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25<br />
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mise en abîme de l’art ; toujours de nouvelles réponses à la question de savoir<br />
ce qu’est l’art.<br />
Alors qu’avant cette époque, l’art était tourné vers la représentation de la<br />
nature et celle de l’Homme ; alors qu’il était considéré comme un intermédiaire<br />
entre le <strong>sens</strong>ible et l’intelligible, il devient un langage hermétique qui<br />
ne parle qu’à un cercle d’initiés. On peut se demander comment cet écart de<br />
conduite a pu se produire par l’intermédiaire des cubistes alors inspirés par les<br />
sculptures africaines qui eux sont imprégnés et voués à un symbolisme structural<br />
(Cl<strong>au</strong>de Lévi-Str<strong>au</strong>ss) 27 , qui puise son énergie et ses formes dans les<br />
structures sociales et dans la nature. On remarque d’ailleurs que les mouvements<br />
artistiques qui ont eu le plus de succès <strong>au</strong> cours du XX ème siècle, et qui<br />
inspirent encore, sont ceux qui ont utilisé comme référent l’Homme et sa vie<br />
de tous les jours : le Pop Art pour ne citer que lui.<br />
C’est à travers cette petite explication, que nous pouvons tenter de comprendre<br />
en quoi les enjeux et méthodes de l’art occidental ne suffisent plus à nourrir la<br />
<strong>sens</strong>ibilité du plus grand nombre d’entre nous. Comme <strong>au</strong> début du vingtième<br />
siècle, les créateurs ont besoin de nouve<strong>au</strong>x référents pour avancer. Encore<br />
une fois c’est dans d’<strong>au</strong>tres cultures qu’ils vont les chercher. Si nous faisons<br />
un parallèle avec l’analogie du lit de Platon, on peut penser que celui qu’on<br />
appelle artiste a tant copié et recopié le lit du même artisan que l’idée même<br />
du lit s’est dérobée face à son interprétation.<br />
C’est un cycle qui ne finit jamais ; on a comme l’impression que les cultures<br />
et les différents points de vue sont liés et nécessaires entre eux. Les arts occident<strong>au</strong>x<br />
explorent la nature de l’art, les arts ethniques, la nature de l’Homme.<br />
Ne sont-ils pas complémentaires ?<br />
Si nous prenons un exemple concret, nous irons voir les formes abstraites dans<br />
nos deux pans ; alors que chez les aborigènes c’est la façon la plus adéquate<br />
de décrire une chose immatérielle tel que le « rêve », l’art abstrait occidental<br />
a tenté d’immatérialiser une chose qui, elle, était matérielle (à commencer par<br />
l’objet). D’un côté, ce sont les sujets qui déterminent la forme sans restriction<br />
de style, de l’<strong>au</strong>tre c’est le style qui définit la forme. Même si les formes<br />
se ressemblent, les intentions ne sont pas toujours les mêmes. Nous sommes<br />
donc bien à la recherche de nouve<strong>au</strong>x signes et de nouvelles formes qui nous<br />
manquent pour établir de nouve<strong>au</strong>x langages symboliques.<br />
Mais alors le contenu des œuvres n’a t-il <strong>au</strong>cune importance pour nous ? Nous<br />
ne pouvons pas non plus affirmer de tels propos lorsque nous voyons toutes<br />
les tentatives d’ouverture sur ces cultures d’ailleurs à travers la littérature, les<br />
expositions, et mêmes les mœurs en passant par la cuisine, les rites traditionnels<br />
et les modes vestimentaires motivées par L’Unesco : Patrimoine Culturel<br />
Immatériel.<br />
Ce léger spleen de la part des occident<strong>au</strong>x est peut-être dû <strong>au</strong> fait que notre<br />
civilisation actuelle est justement le fruit d’un brassage de cultures et nous<br />
avons besoin de tous ces référents qui demeurent en nous consciemment ou<br />
non.<br />
Je ne sais pas qui a dit que la chair est <strong>sens</strong>ible et ses cultures sont <strong>sens</strong>uelles,<br />
plus <strong>sens</strong>ibles qu’intelligibles. Des couleurs qui titillent inspirées par des<br />
couleurs de la nature (puisque elles sont constituées de pigments naturels), des<br />
matières, de la rugosité, du relief, des <strong>sens</strong>ations fortes à travers des œuvres.<br />
27. voir annexe sur le symbolisme (p.55)<br />
Elodie Molia - Juin 2011
26<br />
Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />
Tout cela pour dire que l’art ethnique touche à l’affect ; il ramène à une culture,<br />
une histoire, un vécu qui sont be<strong>au</strong>coup plus accessibles et perceptibles que les<br />
seuls concepts <strong>au</strong>xquels font référence les arts qu’on a nommé occident<strong>au</strong>x.<br />
Pourquoi, parle-t-on des artistes, alors que nous sommes dans le graphisme<br />
contemporain ? Pourquoi des mouvements comme De Stilj ont vu le jour,<br />
pourquoi des artistes comme Kandinsky on enseigné <strong>au</strong> B<strong>au</strong>h<strong>au</strong>s ? L’art et le<br />
<strong>Graphisme</strong> s’inspirent mutuellement, ils créent des signes et des formes qui<br />
répondent à leur propre besoin de création mais <strong>au</strong>ssi <strong>au</strong>x besoins de leurs<br />
interlocuteurs par une étrange connexion. Ils sont proches mais différents ;<br />
alors que l’art présente, le graphisme représente.<br />
La vocation du graphisme (toutes spécialités confondues) est de communiquer,<br />
et de toucher <strong>au</strong> plus grand nombre. Si on peut le plus, on peut le<br />
moins ; le graphisme ethnique, selon notre point de vue, vient en cela recadrer<br />
le graphisme en général. Il lui ouvre de nouve<strong>au</strong>x champs de nouvelles<br />
méthodes de travail et de nouve<strong>au</strong>x points de vue encore inexplorés. Il lui<br />
permet de <strong>sens</strong>ibiliser le plus grand nombre, car l’avantage que l’on pourrait<br />
trouver dans ces œuvres à caractère ethnique est qu’il n’y a pas de limite à la<br />
création. Elles ne se bornent pas à la technique, il est le lieu d’expérimentation<br />
et de recherche naturellement constante. L’apport récemment reconnu de l’art<br />
ethnique dans le <strong>design</strong> en général et le graphisme en particulier, permet de<br />
déterminer des cadres à consonance universelle par la richesse des sources<br />
qu’il évoque. Il a la faculté de créer des ensembles de signes distinctifs qui se<br />
répondent, mais qui sont <strong>au</strong>ssi forts présentés seuls. Il est donc assez aisé de se<br />
les réapproprier et de créer d’<strong>au</strong>tres formes à partir d’un seul de ces éléments.<br />
iii. etre graphiste d’origine ethnique ou pas<br />
a.un choix ou un état ?<br />
a) Un témoignage<br />
Par témoignage j’entends que le graphiste d’origine ethnique n’est que l’intermédiaire<br />
et le passeur d’une culture, d’une empreinte graphique qu’il ne<br />
maîtrisera pas toujours. Tout comme l’écrivain est l’interprète du livre qui est<br />
écrit en lui (selon Proust) 28 , le créateur sera l’interprète du signe inscrit en lui.<br />
« <strong>Graphisme</strong> : Ensemble des caractères de l’écriture, considérée dans ses variétés,<br />
en tant qu’elles expriment les habitudes, le tempérament ou l’état momentané<br />
du scripteur». Nous voyons à travers cette définition que le graphiste n’est<br />
pas forcément maître de la forme qu’il produit, il y a de nombreux critères qui<br />
vont modifier sa ligne graphique. Ici ce qui influencera l’écriture du <strong>design</strong>er<br />
graphique sera sa culture d’origine ou d’adoption, ses mœurs et sa conception<br />
du monde qu’elle soit enfouie en lui ou parfaitement palpable et maîtrisable.<br />
Le graphiste ethnique tout comme n’importe quel <strong>au</strong>tre graphiste témoignera<br />
son identité propre à travers la production qui lui sera commandée ou pas.<br />
<strong>Quel</strong>que soit le graphiste, il se créé un univers inspiré qu’il revendique à<br />
travers son œuvre.<br />
Il est inutile de trop parler lorsque l’on peut clairement expliciter un propos.<br />
Tout comme les pistes de rêve des aborigènes qui par la création de leurs<br />
28. Extrait de «Cl<strong>au</strong>de Lévi-Str<strong>au</strong>ss, le passeur de <strong>sens</strong>» de Marcel Henaff<br />
- citation de l’<strong>au</strong>teur (p.55)<br />
Elodie Molia - Juin 2011
27<br />
Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />
œuvres communiquent avec leurs ancêtres et par ce biais acquièrent leur<br />
savoir, il en est de même pour le graphiste qui s’imprègne d’un univers et<br />
témoigne de valeurs, d’une technicité particulière qui ne sera pas le fruit de<br />
son unique originalité.<br />
« En se voulant solitaire l’artiste se berce d’une illusion peut-être féconde,<br />
mais le privilège qu’il s’accorde n’ a rien de réel. Quand il croit s’exprimer<br />
de façon spontanée, faire œuvre originale, il réplique à d’<strong>au</strong>tres créateurs<br />
passés ou présents, actuels ou virtuels. Qu’on le sache ou qu’on l’ignore, on<br />
ne chemine jamais seul sur le sentier de la création. » 29<br />
C’est ainsi que les <strong>design</strong>ers engagés dans de grandes maisons de couture ou<br />
dans des agences de communication se démarqueront <strong>sens</strong>iblement du fait<br />
de leur patte fortement marqué par l’environnement pictural et esthétique de<br />
leur culture d’origine. Lorsque nous regardons l’évolution de la mode dans<br />
les pays africains, on se rend compte que même-si les coupes de vêtement ne<br />
rentrent plus dans le cadre traditionnel (ou si oui de manière détournée), mais<br />
les motifs des tissus, l’agencement des couleurs et même la véhémence du<br />
choix des couleurs témoignent d’une histoire picturale fortement ancrée chez<br />
ces créateurs.<br />
b)acculturation maîtrisée<br />
b.1:isabelle marrant : imprégnation du monde oriental<br />
Si nous nous concentrons maintenant sur le graphisme contemporain et particulièrement<br />
ici dans la mode, nous remarquons que les écritures singulières<br />
les plus célèbres ont toutes la même particularité : leur parcours artistique,<br />
professionnel et même personnel ont favorisé les échanges culturels par tous<br />
les chemins possibles. Ainsi Isabel Marant, née d’un père français et d’une<br />
mère allemande, élevée par une belle-mère antillaise, imprégnée de voyages<br />
en Inde, en Afrique et <strong>au</strong> Mexique, <strong>donner</strong>a naissance à la marque Twen,<br />
une petite collection de maille. Pourquoi la maille <strong>au</strong>rait-elle une connotation<br />
ethnique ? Parce que les premiers exemples de tricot datant de la fin du<br />
X ème siècle ont été trouvés en Egypte. La marque de bijoux qui lui permet de<br />
financer sa première collection ne sont que des bijoux mexicains, indiens,<br />
des grigris africains à peine revisités 31 . En ce <strong>sens</strong>, cette première collection<br />
n’est que la diffusion d’une culture locale encore inconnue ou peu connue en<br />
France métropolitaine vers la fin des années 80 à 90. L’histoire du logo d’Isabel<br />
Marant et de l’élément fort qui le compose en partie, à savoir l’étoile,<br />
n’est que le fruit de leitmotiv graphique qu’alors la jeune femme dessinait<br />
inconsciemment lorsqu’elle était <strong>au</strong> téléphone ; trois droites éb<strong>au</strong>chées qui<br />
se rejoignent en un point. L’étoile a be<strong>au</strong>coup de significations mais nous<br />
ne pouvons ici toutes les énumérer, nous choisiront la plus globalisante mais<br />
<strong>au</strong>ssi la plus pertinente : « On retient surtout de l’étoile sa qualité de luminaire,<br />
de source de la lumière. Les étoiles représentées sur la voûte d’un temple ou<br />
d’une église en précisent la signification céleste. Leur caractère céleste en<br />
fait <strong>au</strong>ssi des symboles de l’esprit et, en particulier, du conflit entre les forces<br />
spirituelles ou de lumière, et les forces matérielles, elles sont <strong>au</strong>ssi des phares<br />
projetés sur la nuit de l’inconscient. » 30 . Cet dernier aspect de la symbolique<br />
de l’étoile nous permet d’une part, de mettre en évidence le fait que l’écriture<br />
graphique est peut-être le fait d’une tension entre une matière consciente et<br />
29. Cl<strong>au</strong>de Lévi-Str<strong>au</strong>ss, la Voie des masques<br />
30. Jean Chevalier, Alain Gheerbandt, Dictionnaire des symboles<br />
31. Collections de prêt-à-porter et des bijoix d’Isal Marant (p.56)<br />
Elodie Molia - Juin 2011
28<br />
Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />
des influences inconscientes. Et d’<strong>au</strong>tre part, nous ne pouvons omettre le fait<br />
que l’étoile soit un symbole presque universel ; en effet on le retrouve chez les<br />
indiens du Sud-Ouest, dans le Judaïsme, chez les britanniques, chez les sumériens,<br />
chez les catholiques et dans le monde de l’occulte. Elle revêt toujours<br />
une part spirituelle, mystique, céleste ; en bref quelque chose qui se place<br />
<strong>au</strong>-dessus de nous, quelque chose que l’on ne contrôle pas mais que l’on subit<br />
et qui nous domine. Les collections d’Isabel Marant tout comme son logo lui<br />
ont été en partie imposés par sa propre expérience.<br />
b.2: Serge Mouangue : la confusion des frontières<br />
Nous avons be<strong>au</strong>coup parlé de l’art ethnique vu par les européens, mais le<br />
graphisme ethnique <strong>au</strong> sein du graphisme contemporain ne se résume par<br />
à la réinterprétation des signes ethniques par les occident<strong>au</strong>x. Il existe des<br />
échanges trans-ethniques étonnants qui apportent un nouve<strong>au</strong> questionnement<br />
dans notre problématique ; celle de la notion paradoxale des frontières, celle<br />
du métissage, celle de la trans-culturalité.<br />
Quand Serge Mouangue, conçoit des kimonos 32 sur des tissus typiquement<br />
africains,(motifs géométriques, très colorés, clairement folkloriques et<br />
souvent symboliques), il fait fusionner deux cultures graphiques complètement<br />
opposées : celle de l’exubérance camerounaise et celle de la sobriété du<br />
japon. La rencontre de ces deux écritures si singulières donnent un résultat<br />
qui reste assez perturbant : malgré le fait qu’elles soient mêlées en un seul<br />
objet, les deux apports restent toute fois clairement distincts. Cet exemple<br />
reste toujours très significatif et important pour notre exploration car il montre<br />
que l’échange peut se faire dans les deux <strong>sens</strong> et surtout mutuellement. Il n’est<br />
pas étonnant de croiser ce genre de fusion car ce n’est pas l’Europe occidentale<br />
qui a engendré l’échange entre culture. Cette pratique se faisait bien avant<br />
son apogée vers 1760 avec la révolution industrielle. Les échanges culturels<br />
ont favorisé la création et la diversification des écritures graphiques et de l’art<br />
en général. Ce que Jean-Pierre Warnier appelle le « système-monde », était<br />
un espace marchand, culturel, religieux et idéologique qui avait pour centre<br />
l’Asie. De nombreux grands concepts tels que le Jaïnisme, le Bouddhisme ou<br />
l’Humanisme ont trouvé naissance dans ce bassin fertile qui englobait l’Asie,<br />
l’Inde, la Mésopotamie, l’Egypte, l’Empire ottoman... excluant l’Europe.<br />
Ces cultures que l’on dit orientales ont donc pratiqué l’échange et se sont<br />
influencées mutuellement des siècles durant avant l’invasion de l’Europe sur<br />
le marché. La particularité de cette époque est que ces échanges étaient équitables,<br />
équivalents et respectaient la part de non aliénable de certains faits<br />
culturels.<br />
Mais les kimonos de Mouangue montrent que malgré le mélange des genres,<br />
la tentative de brouillage des frontières, chaque signe culturel ôté de son<br />
contexte symbolique originel y demeure tout de même profondément ancré<br />
et clairement identifiable. L’acculturation ne sera toujours qu’un voile, ou une<br />
utopie. Tôt ou tard le naturel revient <strong>au</strong> galop. Ces kimonos ne sont pas issus<br />
d’une culture afro-asiatique, mais c’est bien la fusion (version salad-bowl) du<br />
Cameroun et du Japon traditionnel.<br />
32. voir les kimonos en annexe (p.57)<br />
Elodie Molia - Juin 2011
29<br />
Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />
B. adapter et s’adapter<br />
Le <strong>design</strong>er face <strong>au</strong> contexte qui nous intéresse, à savoir le <strong>sens</strong> du graphisme<br />
ethnique <strong>au</strong>jourd’hui, se retrouve dans deux situations différentes lorsqu’il doit<br />
répondre à une commande. Soit le <strong>design</strong>er a une influence ethnique marquée,<br />
soit c’est le sujet même de la commande qui porte en lui des particularités<br />
culturelles incontournables (et qui ne seront pas forcément les siennes). Et<br />
c’est là que se joue la vocation du graphiste : qui est celle de relever les défis,<br />
de matérialiser l’impalpable, de faire concorder des choses qui ne semblent<br />
pas s’accorder... De rendre visible l’invisible, de retranscrire des idées qui ne<br />
sont pas les siennes à travers sa propre écriture graphique et sa propre conception<br />
des choses.<br />
Nous citerons quelques exemples de <strong>design</strong>ers confrontés à ce « problème »<br />
dans le cadre de l’élaboration des réponses <strong>au</strong>x commandes.<br />
a) « Les enjeux et les contraintes du commanditaire doivent devenir ceux<br />
du graphiste »<br />
D’un côté nous avons Roger Oddone 32 , graphiste brésilien qui conçoit le logo<br />
« ethnique », une marque de cosmétique brésilienne. Son point de départ pour<br />
la composition du logotype est un bijou en forme de masque ; les traits sont<br />
tant similaires que l’on ne peut pas déterminer s’il s’agit de la reproduction<br />
d’un masque brésilien ou africain ; fruit d’un métissage antérieur ? Peut-être.<br />
Mais il f<strong>au</strong>t toutefois noter que la population brésilienne est <strong>au</strong>ssi le produit de<br />
la colonisation et que l’Afrique et le Brésil ont be<strong>au</strong>coup de points culturels<br />
en commun à commencer par le V<strong>au</strong>dou.<br />
L’utilisation du masque par Oddone, pour un thème <strong>au</strong>ssi diversifié, paraissait<br />
évident : cet objet étant commun à pratiquement toutes civilisations (et même<br />
en Grèce antique). Il représente un idéal, d’un point de vue esthétique ou<br />
d’un point de vue mystique à l’image des statuettes stéatopyges ou callipyges<br />
retrouvées <strong>au</strong> paléolithique ; elles étaient très probablement liées <strong>au</strong> culte de<br />
la fécondité, en effet, une femme <strong>au</strong> bassin large est considérée comme étant<br />
plus apte à porter l’enfant d’où la notion d’idéalisme dans la représentation.<br />
Il était donc facile de confondre le masque à la notion d’ethnique. Le graphiste<br />
va ensuite s’approprier la lettre « E » qui l’intéressait ici. Il transforme un signe<br />
ethnique en symbole occidentale. Le « E » de l’alphabet grec. Le choix de la<br />
palette graphique est assez attendue ; du rouge, du j<strong>au</strong>ne, des ocres et terres de<br />
sienne. Pour ce qui est de l’image c’est toujours plus libre, mais le choix de la<br />
typo est toujours délicat ; ici nous avons une bas de casse d’un caractère dont<br />
on ne s<strong>au</strong>rait dire s’il est en serif ou sans serif, dont on ne s<strong>au</strong>rait dire s’il est<br />
regular ou italique, un typrogramme métissé. L’alliance du typogramme et du<br />
logotype fonctionne plutôt bien.<br />
Mais lorsque le même Roger Oddone s’attaque à un sujet comme Perdigao, une<br />
compagnie d’exportation alimentaire, ayant une portée plus ou moins internationale,<br />
la pertinence et la justesse ne sont pas toujours présents. Ceci étant<br />
dit dans «Viva », distributeur de sanitaires, la <strong>sens</strong>ibilité naturelle du graphiste<br />
est bien déployée sans enterrer le sujet. De par les formes, la composition et le<br />
sujet, le graphiste arrive à recentrer la compagnie sur sa localité : ici encore une<br />
fois le Brésil. Et lorsqu’il s’attaque à l’Europe avec Future Mechanics, société<br />
de conseil informatique, il ne perd pas de ses particularités graphiques, en<br />
32. voir les illustrations commentées en annexe (p.58)<br />
Elodie Molia - Juin 2011
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matérialisant l’idée d’innovation par des caractères abstraits que l’on retrouve<br />
souvent dans les peintures d’artistes de la diaspora africaine mais qui n’a en<br />
fait pas de réelles souches localisées. Le choix de la couleur est <strong>au</strong>ssi pertinent ;<br />
une couleur que l’on ne retrouve que très rarement dans la nature, elle aspire<br />
à la pureté et <strong>au</strong> divin, elle inspire de nouve<strong>au</strong>x horizons. On ne retrouve<br />
ce genre de bleu turquoise que dans les e<strong>au</strong>x caribéennes, tropicales, et <strong>au</strong>x<br />
abords de l’équateur. Pour Roger Oddone, l’adaptation est réussie dans les<br />
deux <strong>sens</strong>.<br />
b) Les enjeux du commanditaire sont parfois délaissés <strong>au</strong> profit de la<br />
personnalité du graphiste. 33<br />
Le jeu de l’échange entre les influences du commanditaire et du <strong>design</strong>er<br />
graphique n’est toute fois pas toujours respecté. On le voit be<strong>au</strong>coup dans<br />
le graphisme contemporain, les <strong>design</strong>ers privilégiant de loin leur identité<br />
graphique par rapport à l’identité de leur commanditaire. Sur le blog African<br />
digital art, il a été reproché à un projet de ne pas respecter cette équité entre<br />
le graphiste et le commanditaire. On a désapprouvé le fait que le sujet, qui<br />
concernait spécifiquement l’Afrique ait été occidentalisé. Le projet en question<br />
est un livre Future of Technologies in Africa conçu par Roquefort, un<br />
collectif franco-néerlandais. Je cite l’un des blogueurs : « je ne comprends pas<br />
pourquoi le Futur de la technologie en Afrique est conçu avec des européens,<br />
si les gens comprennent que c’est notre futur africain et pas nous, c’est un vrai<br />
problème. Et le <strong>design</strong> de la couverture révèle une inspiration européenne, ne<br />
serait-il pas normal d’utiliser des formes du continent africain pour parler de<br />
conceptions africaines.». C’est vrai que si le projet concerne l’Afrique et avant<br />
tout, les africains, n’est-il pas normal que ceux-ci prennent part <strong>au</strong> projet dès le<br />
départ ; leur permettant de s’approprier ou d’appréhender le sujet de manière<br />
graphique. La technologie doit-elle éliminer leur identité et leur culture pour<br />
<strong>au</strong>tant? Les graphistes de Roquefort n’ont pas su s’effacer face <strong>au</strong> sujet ou ils<br />
l’ont regardé du m<strong>au</strong>vais point de vue. Car un projet de cette ampleur inclue<br />
<strong>au</strong>ssi et surtout les hommes qui vont ensuite vivre dans ce nouvel environnement<br />
(en espérant que ce sera bien le cas pour les africains). Ils ont réduit le<br />
sujet à leur simple vision des choses, conception propre du graphisme et non<br />
à la portée réelle du sujet qui là, était l’Afrique. Même si l’on parle de Futur,<br />
rien ne dit que l’art africain n’a de valeur que dans le primitivisme et est ancré<br />
dans le passé. Au contraire, les artistes africains ont développé de nouvelles<br />
technologies comme tous les <strong>au</strong>tres et proposent des choses <strong>au</strong>ssi <strong>sens</strong>ibles<br />
qu’innovantes. A l’exemple de Saki Mafundikwa et de tous les élèves qui<br />
sortent de l’école de Ziva (Zimbabwe Institute of Vigital Arts). En regard <strong>au</strong>ssi<br />
de l’Art contemporain africain, qui prend de plus en plus part <strong>au</strong>x manifestations<br />
internationales mais qui commence à peine à se faire un chemin dans les<br />
galeries françaises. (l’Intemporel, JM’Art, Le musée des arts derniers).<br />
Nous n’affirmons pas ici que tout sujet lié de près ou de loin à une culture<br />
« folklorique » doit la représenter de manière pittoresque et stéréotypante.<br />
Nous disons juste qu’elle ne doit pas négliger ces distinctions. Par exemple,<br />
le musée des arts derniers, galerie d’art contemporain spécialisée dans les<br />
artistes africains, elle ne veut néanmoins pas ghettoiser et stéréotyper l’image<br />
de la galerie qui se veut avant tout une galerie contemporaine. Il est alors<br />
33. voir les illustrations commentées en annexe (p.59)<br />
Elodie Molia - Juin 2011
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difficile de ne pas prendre en compte ces deux données cruciales. Si le <strong>design</strong>er<br />
n’a <strong>au</strong>cun lien direct avec ces cultures, il choisira d’axer le logo sur l’art<br />
contemporain, mais s’il a un quelconque lien avec l’Afrique, il sera difficile<br />
pour lui de faire abstraction des signes africains du nord <strong>au</strong> sud. Tout l’enjeu<br />
sera donc de trouver le juste milieu entre les deux.<br />
C. peut-on se défaire de son héritage culturel ?<br />
a)un héritage ?<br />
A quel moment peut-on parler d’hérédité ? Regardons la définition : « le fait<br />
que les descendants reproduisent non seulement le type spécifique, mais <strong>au</strong>ssi<br />
certains caractères individuels de leurs parents, ou même d’ancêtres plus éloignés.»<br />
34<br />
Dans « la tête obsidienne » d’André Malr<strong>au</strong>x, Saki Mafundikwa relève une<br />
citation très intéressante de Picasso :<br />
« Les masques n’étaient pas comme les <strong>au</strong>tres formes de sculpture. Pas du<br />
tout. C’étaient des objets magiques. Et pourquoi les pièces Egyptiennes ou<br />
Chadéennes ne l’étaient pas ? Nous n’avions pas pris conscience de cela :<br />
c’étaient des objets primitifs, non magiques. Les sculptures des Nègres étaient<br />
des intercesseurs... Contre toute chose, contre l’inconnu, la peur des esprits. J’ai<br />
continué l’observation des fétiches. J’ai compris ; je suis, moi <strong>au</strong>ssi contre tout.<br />
Je pense <strong>au</strong>ssi que tout ce qui est inconnu est un ennemi ! J’ai compris quelle<br />
était la raison d’être des sculptures pour les Nègres. Pourquoi sculpter ainsi<br />
et pas <strong>au</strong>trement ? Après tout, ils étaient cubistes puisque les cubistes n’existaient<br />
pas...Tous les fétiches étaient utilisés pour la même chose. C’étaient des<br />
armes. Pour aider les gens à se délivrer du contrôle des esprits, afin de devenir<br />
indépendant. Instruments. Si nous donnons une forme <strong>au</strong>x esprits, nous devenons<br />
indépendants d’eux. Les esprits, l’Inconscient, l’émotion, c’est la même<br />
chose. J’ai compris pourquoi j’étais peintre... Les Demoiselles d’Avignon, ont<br />
dû se révéler à moi ce jour là. Non pas à c<strong>au</strong>se des formes, mais parce que<br />
c’était ma première toile d’exorcisme – Oui, parfaitement ! »<br />
Cette remarque de Picasso est très révélatrice de la personnalité de ce dernier<br />
et de la manière dont il va s’approprier la sculpture africaine. La citation qui<br />
suit nous éclaire encore un peu sur la façon dont se perçoit Picasso face à l’Art<br />
ethnique et à ces créateurs : « Je ne me suis jamais trompé sur toi. Tu es un<br />
peintre. C’est pour cela que j’ai dit la première fois que nous nous sommes<br />
vus que tu me rappelais quelqu’un : moi » (Picasso à Lam). Peut-être f<strong>au</strong>t-il<br />
préciser que Wilfredo Lam est un métisse cubain-haïtien, héritier naturel de<br />
cultures ethniques dites « primitives ». On pourrait se demander si Wilfredo<br />
Lam <strong>au</strong>rait pu avoir cette approche esthétique des formes sans l’existence de<br />
Picasso. Au vu des sculptures, des peintures et des motifs des textiles produits<br />
par ces civilisations, je dis oui, très probablement. Nous savons tous que le<br />
personnage cité en premier lieu était un monstre de vanité et qu’il fait de la<br />
conception fétichiste des productions africaines, la sienne en les posant sur<br />
une surface bidimensionnelle. C’est à ce moment précis qu’il fait fusionner<br />
dans son œuvre l’art occidental classique, qui étudie la transposition du tridimensionnel<br />
sur le bidimensionnel de manière artificielle et l’art africain qui<br />
transcrit des choses impalpables et spirituelles dans un espace concret.<br />
Alors, lorsque M. Picasso voit en Lam un mini Pablo, on peut trouver étrange<br />
34. voir l’ensemble des informations sur l’hérédité en annexe. (p.60)<br />
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que le maître se sente plus inspiré que l’héritier naturel de la civilisation<br />
noire et amérindienne. Et pourtant si paradoxale que pourrait paraître cette<br />
remarque, c’est ici que nous voulons en venir ; comment se fait-il que l’on<br />
surnomme Wilfredo Lam, le « Picasso Cubain » alors que les ressemblances<br />
ne restent que formelles et qu’elles ne représentent qu’une partie de l’oeuvre<br />
de Picasso ? Et d’ailleurs pourquoi les productions de Lam se distinguent tant,<br />
malgré tout, des trav<strong>au</strong>x de Picasso 35 . Parce que les forces et les esprits qui<br />
les animent ne seront jamais les mêmes. Parce que même-si Picasso a très bien<br />
réussi son acculturation, dans son for intérieur il reste un artiste européen, de<br />
formation classique, d’éducation espagnole, ayant été témoin des deux guerres<br />
mondiales, et de la guerre civile espagnole. C’est peut-être par ce biais que se<br />
construit et évolue une écriture graphique ; plus les influences seront diverses<br />
et distinctes, et plus l’écriture se verra singulière.<br />
La notion d’héritage culturel est assez complexe ; il f<strong>au</strong>drait que l’on puisse<br />
définir clairement ce que l’on entend par héritage culturel : est-ce la tradition<br />
que l’on pourrait assimiler à Wilfredo ou les diverses influences sociétaires<br />
qu’a subi Picasso? Une réponse clairement définie est difficile à poser mais<br />
ce que nous appelons héritage sera effectivement déterminant quel que soit sa<br />
nature.<br />
b) <strong>au</strong> delà du folklorique:<br />
«...Ne sommes nous pas tous convaincus que toute création prend place dans<br />
un contexte spécifique, un terrain d’origine, tout en se développant de manière<br />
<strong>au</strong>tonome. Si l’art n’a pas de frontière, les artistes qui le produisent sont ancrés<br />
dans une réalité sociale, politique et économique, qui influe nécessairement<br />
sur leur production. » 36<br />
La découverte de la raison d’être de l’art africain et des sculptures, en particulier<br />
comme étant des fétiches, va <strong>donner</strong> naissance à ce que l’on va nommer<br />
en occident l’art moderne. C’est un nouve<strong>au</strong> tournant pour l’art européen. Si<br />
Picasso n’avait pas fait cette visite <strong>au</strong> musée du Trocadéro, personne ne sait<br />
ce que l’art de l’occident serait devenu. Personne ne sait ce que l’art contemporain<br />
serait devenu, car l’art moderne européen est le fondement de l’art<br />
contemporain international. Puisque ce sont bien des européens tels que P<strong>au</strong>l<br />
Klee, Picasso, Juan Gris, Fernand Léger, Mondrian, Kandinsky et d’<strong>au</strong>tres<br />
(tous des européens) qui ont importé ou ouvert le champ de l’abstraction, du<br />
cubisme et l’art moderne plus largement, en Amérique.<br />
Il en va sans dire que si l’art africain a eu un impact sur l’art, il a également<br />
fortement conditionné le <strong>Graphisme</strong> tel que nous le connaissons.<br />
Saki Mafundikwa 37 par le biais de son œuvre et de la fondation de l’école<br />
ZIVA, veut créer un nouve<strong>au</strong> langage. Un langage qui sera libéré du formatage<br />
européen, un langage qui découlera des riches inspirations qui proviennent<br />
de l’Afrique. Il veut casser l’hégémonie des standards suisses. « Comment<br />
se fait-il que le travail de <strong>design</strong>ers mozambicains ressemble à celui d’un <strong>design</strong>er<br />
suisse ? » Le <strong>design</strong>er doit répondre à ses propres inspirations et aspirations et<br />
non à celles des <strong>au</strong>tres. Le <strong>design</strong>er ethnique, et africain en particulier devra<br />
créer son propre langage en associant la technique apprise lors de ses études<br />
occidentales et sa <strong>sens</strong>ibilité particulière qu’il <strong>au</strong>ra établie à partir de sa propre<br />
35. extrait du catalogue Africa Remix - avant-propos<br />
36. juxtaposition de deux œuvres majeures des maîtres en annexe (p.61)<br />
37. Interview de Saki Mafundikwa en annexe (p.62)<br />
Elodie Molia - Juin 2011
33<br />
Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />
expérience et des ses propres fétiches.<br />
On ne peut néanmoins empêcher quelqu’un de s’approprier en partie une<br />
culture ; car qu’est ce que la culture sinon que l’environnement de référence<br />
que l’on se forge. Ici la notion de culture 38 ne s’oppose plus mais se soude à la<br />
notion de tradition. Car tout individu est porteur de sa propre identification, de<br />
sa propre identité, de ses propres rituels qu’il choisira de transmettre ou pas le<br />
moment venu comme de nombreux ancêtres avant lui. Ici la culture est forcément<br />
pluri-ethnique puisqu’elle s’inspire de toutes les origines ou influences<br />
du <strong>design</strong>er. 39<br />
Cette petite mise <strong>au</strong> point définit la genèse d’une culture individuelle devenant<br />
une tradition (tout à fait localisée), et de tradition devenant un produit culturel.<br />
Lorsque nous parlons d’ethnie nous ne pouvons omettre l’aspect culturel qui<br />
l’englobe : le phénomène de graphisme ethnique et son apport conséquent<br />
sur le graphisme contemporain en général est en corrélation avec la mondialisation<br />
de la culture. Ceci étant dit ce dernier fait amène une confusion voire<br />
fusion néfaste pour ce que l’on qualifiera d’ethnique ; celle de la tradition et de<br />
la culture. J’entends ici par culture, le produit d’une société identifiée par ses<br />
habitudes de consommation (loisir, littérature, cuisine, mode vestimentaire,<br />
cinématographie…) souvent éphémère et conditionnée par un présent singulier.<br />
Cette définition de la culture se retrouve en porte à f<strong>au</strong>x avec ce que l’on<br />
appelle la tradition qui, elle, se perpétue dans le temps par une transmission<br />
et un apprentissage qui peut durer plusieurs années ; elle n’est pas altérée par<br />
les influences contemporaines. Après avoir défini ces deux entités et observé<br />
ce qui se passe actuellement dans la société et en particulier par le biais du<br />
graphisme, c’est que ce qui, d’origine, fait partie de la tradition d’une civilisation<br />
donnée, qui se transforme en produit culturel éphémère dicté par les lois<br />
du marché mondial.<br />
c)le graphisme métissé : héritier du graphisme ethnique<br />
Au vu de ce que nous avons vu jusqu’ici nous avons comme l’impression<br />
que ce que l’on appelle le graphisme ethnique tendrait à prendre une direction<br />
singulière. Nous avons vu que dès les premiers échanges inter-région<strong>au</strong>x<br />
puis internation<strong>au</strong>x avec le système monde, les civilisations se sont mutuellement<br />
influencées. Ce phénomène d’acculturation s’est intensifié avec la<br />
globalisation qui s’est mise en marche à partir de la deuxième ou troisième<br />
révolution industrielle, impulsé par les Etats-Unis. Il s’avère que les médiums<br />
du graphisme : édition, web, télécommunication, cinématographie, photographie...<br />
sont également les médiums de la culture, des civilisations, des ethnies<br />
(qu’elles l’aient choisi ou pas). La puissance et l’<strong>au</strong>gmentation constante de<br />
la communication et de la diffusion d’information de nature purement culturelle<br />
ou traditionnelle ont créé une confusion dans la nature et les origines des<br />
choses qui jalonnent notre environnement visuel.<br />
Les <strong>design</strong>ers sont donc naturellement influencés, inspirés par tous ces<br />
échanges et ce, qu’ils le choisissent ou pas. Kenzo par l’exemple a connu son apogée<br />
en France avec l’ouverture de la Boutique « Jungle Jap »: « légèreté, fraîcheur,<br />
simplicité, poésie, spontanéité, gaieté, vitalité des couleurs, mélanges inattendus,<br />
utilisation inhabituelle des matières…» Un monde sans frontière ou<br />
cohabitent toutes les cultures. C’est en 1970. Les Hippies avaient déjà compris<br />
que toutes les cultures étaient dépendantes l’une de l’<strong>au</strong>tre et que l’hégémonie<br />
38. notions <strong>au</strong>tour de la culture (p.64)<br />
39. exemple de culture multi-ethnique personnelle qui se transforme en tradition<br />
(p.64)<br />
Elodie Molia - Juin 2011
34<br />
Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />
d’une seule civilisation ne pouvait pas répondre constamment <strong>au</strong>x besoins<br />
d’une population d’origines diverses et en évolution perpétuelle.<br />
Le logo de Kenzo est intemporel et universel. Xavier de Bascher réussit à ce<br />
que l’on confonde la culture asiatique et la culture occidentale.<br />
Même-si Saki Mafundikwa 40 tend à créer un nouve<strong>au</strong> langage africain et<br />
contemporain, il ne peut omettre tout ce qu’il a appris et vu à New-York<br />
pendant des années. Et il ne f<strong>au</strong>t pas oublier que s’il doit faire avec le continent<br />
africain seulement, le métissage des ethnies, des cultures ne peut être<br />
évité lorsque l’on passe du nord <strong>au</strong> sud et de l’est à l’ouest (Afrikan Aphalbet.<br />
S.Mafundikwa).<br />
Même ma propre pratique est métissée à mon insu ; et ici ce n’est pas de<br />
l’acculturation, c’est juste un héritage génétique et culturel. Ce qui amène une<br />
<strong>au</strong>tre question; à savoir si c’est le métissage de plus en plus commun dans<br />
la société qui influe logiquement sur les écritures graphiques de ces populations<br />
qui ne peuvent pas se reconnaître dans une civilisation localisée particulière.<br />
Dans ce cas la théorie du graphisme métissé tient probablement la<br />
route. Revenons sur l’esthétique hippie qui était à bien des égards le fruit d’un<br />
maillage entre divers univers graphiques : un mélange d’esthétique indienne,<br />
et d’imagerie et de motifs populaires occident<strong>au</strong>x <strong>au</strong>x couleurs dont on ne<br />
s<strong>au</strong>rait définir si elles étaient typées africaines ou occidentales... Autant dans<br />
l’idéologie que dans la retranscription culturelle et médiatique la « culture »<br />
hippie est le produit d’une civilisation <strong>au</strong>x prémices de la mondialisation. Le<br />
problème est que cette globalisation à outrance n’a cessé de faire disparaître<br />
des pans entiers de cultures ; des langues disparues, des savoirs oubliés, des<br />
habitudes délaissées à c<strong>au</strong>se de la technologie, des médiums soit disant obsolètes<br />
qui étaient inhérents <strong>au</strong> contenu... Le graphisme ethnique est ancré à des<br />
pratiques artistiques ou artisanales traditionnelles presque indissociables des<br />
outils qui les produisent. Il est donc vrai que si la technologie remplace l’outil<br />
artisanal, les productions évoluent indubitablement de manière différente et<br />
modifie la perception du signe.<br />
Il est vrai que le métissage paraît être la voie naturelle pour le graphisme<br />
contemporain que l’on reconnaît finalement comme étant également héritier<br />
du graphisme ethnique. Néanmoins, dans ce graphisme que nous connaissons<br />
<strong>au</strong>jourd’hui, la notion d’ethnique se dérobe pour des concepts superficiels et<br />
mercantiles tels que le style, la mode, la tendance, le soi disant « métissage »<br />
qui n’est que le fruit de la confusion identitaire qui se retranscrit dans nos<br />
productions. Toute fois, le graphisme contemporain ne peut exister sans le<br />
graphisme ethnique ; par ethnique, j’entends toutes les influences du pôle nord<br />
<strong>au</strong> pôle sud, les traditions qui ont nécessairement inspirées les plus grands<br />
graphistes qu’ils l’admettent ou pas, qu’ils le sachent ou pas.<br />
40. sélections d’oeuvres de Saki Mafundikwa (p.65)<br />
Elodie Molia - Juin 2011
Conclusion:<br />
35<br />
Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />
Il est assez difficile de conclure <strong>au</strong> vu de l’étude du sujet que nous avons abordé ;<br />
car ce que nous appelons « graphisme ethnique » est en perpétuelle évolution,<br />
et sa valeur est souvent altérée selon les points de vue. Nous pouvons déjà en<br />
déterminer deux : le « point de vue local » et « le point de vue global » 41 .<br />
Le premier peut nous éclairer sur le <strong>sens</strong> et les utilisations des écritures<br />
graphiques extra-européennes qui gardent leur valeur symbolique même en<br />
dehors de leur contexte originel. Pourquoi ? Parce que ceux qui en font usage<br />
ont compris leur fonctionnement et leur raison d’être ou en sont naturellement<br />
ou culturellement imprégnés. Nous avons remarqué que ce pan du graphisme<br />
ethnique se retrouve surtout dans le milieu culturel et celui de la création. C’est<br />
dans ce cadre fertile que le graphisme ethnique montre sa vraie valeur rajoutée<br />
dans le graphisme contemporain ; il est une source d’inspiration diversifiée<br />
qui ne s’épuise pas et qui se renouvelle perpétuellement grâce <strong>au</strong>x échanges<br />
inter-culturels inaliénables et l’apport de chaque individu issu de ces civilisations<br />
ou en contact avec ces dernières. Car il ne f<strong>au</strong>t surtout pas négliger le fait<br />
que ces signes particuliers sont le produit d’êtres humains issus de traditions<br />
singulières souvent ancrées dans des symbolismes mystiques et religieux.<br />
C’est ce qu’ont oublié les premiers à avoir utiliser le graphisme ethnique, en<br />
terme de représentation ; à des fins strictement mercantiles, ils ont tenté de<br />
manipuler les signes et les codes de manière à les faire pencher en faveur de<br />
leur discours. Le point de vue global s’exprime par la création involontaire<br />
ou pas des stéréotypes basés sur les préjugés fournis par une histoire trop peu<br />
explicitée. C’est également le point de vue global qui transforme la tradition<br />
et la singularité en tendance, et en « nouvelle fraîcheur » ; le style « ethnique »<br />
se plaçant à côté du style « trendy ».<br />
Peu importe la perception que nous pouvons en avoir, <strong>au</strong> travers de cette<br />
étude, nous nous sommes rendus compte que l’écriture ethnique était à la<br />
base de notre graphisme contemporain. Pas forcément dans les formes mais<br />
dans la genèse de ces dernières ; dans la manière dont elles sont appréhendées<br />
et perçues par les graphistes ; elles sont entre la présentation « orientale » et<br />
la représentation occidentale. Entre la nature profonde du sujet et la nature<br />
profonde du graphiste. Le graphisme ethnique, <strong>au</strong>-delà de produire des formes<br />
expressives est l’expression même de tout individu qui puiserait son inspiration<br />
de son univers culturel proche ou lointain. Il devient alors un outil de<br />
création et non un moyen de communiquer.<br />
Si ce graphisme là, peut toucher et inspirer n’importe quel individu, on pourrait<br />
se demander si le graphisme dit « ethnique » a lieu d’exister dans notre<br />
langage. Car s’il est un référent à caractère <strong>sens</strong>iblement universel, pourquoi<br />
devrait-il conserver un terme occidental qui l’enferme dans une localité? Aussi<br />
pourrions-nous nous demander si le graphisme dit ethnique ne disparaîtra pas<br />
avec le phénomène de mondialisation et de mutualisation des cultures ; pourront-elles<br />
préserver leur <strong>au</strong>thenticité même à travers le métissage? Ceci ferait<br />
l’objet d’une <strong>au</strong>tre étude.<br />
41. La mondialisation de la culture - VI/ un foisonnement de créations culturelles<br />
- une funeste illusion d’optique, J.P. Warnier<br />
Elodie Molia - Juin 2011
anneXes<br />
36<br />
Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />
Elodie Molia - Juin 2011
1. ParCs naTIon<strong>au</strong>x de FranCe, 1990<br />
37<br />
l’atelier de création graphique<br />
s’est constitué <strong>au</strong>tour de pierre Bernard<br />
à partir de 1989, dans la continuité de l’atelier Grapus.<br />
Les parcs nation<strong>au</strong>x ont été légalement institués en France en 1960. L’État<br />
reconnaissait ainsi la valeur exceptionnelle de certaines régions naturelles et<br />
s’imposait l’obligation d’en maintenir la qualité à la lumière des changements<br />
économiques, soci<strong>au</strong>x, démographiques et culturels.<br />
En 1989, quand le processus d’identification graphique est amorcé, sept parcs<br />
existent, on en compte dix <strong>au</strong>jourd’hui.<br />
En réponse à la commande d’origine — sept logotypes pour sept parcs — nous<br />
avons proposé une identité graphique où la représentation institutionnelle, la<br />
signalétique, le <strong>design</strong> des imprimés, des cartes, ou encore celui des objets forment<br />
un tout.<br />
Un seul et même emblème a été imaginé et dessiné, symbole commun à tous<br />
les territoires. Ainsi, chaque parc dans sa singularité, témoigne du concept de<br />
l’unité et de la richesse inépuisable qu’annonce son label.<br />
Cette h<strong>au</strong>te prétention emblématique a croisé la vocation profonde et les savoir-faire<br />
de l’ensemble des personnels des parcs qui, après avoir adopté les<br />
cahiers des normes, ont mis en service les systèmes dans une logique de long<br />
terme.<br />
La petite histoire de ce logo vient du fait qu’il est décliné dans plusieurs régions<br />
de France qui ont leurs propres traditions et croyances en-dehors de la<br />
République. Chacune des régions avec donc sa couleur ; <strong>au</strong> début le logo de<br />
la Guadeloupe était violet, mais ce que Pierre Bernard ignorait peut-être c’est<br />
que le violet est la couleur du deuil en Guadeloupe. Après un petit débat entre<br />
les <strong>au</strong>tochtones et l’atelier, le logo est devenu rose fuschia.
2. La noTIon de FanTasMe<br />
Dans le <strong>sens</strong> courant, le fantasme est une fixation mentale ou une croyance irraisonnée pouvant, dans certains cas,<br />
conduire à des actes excessifs. Une forme atténuée, en principe moins dangereuse, est la lubie.<br />
Traduction de l’allemand « Phantasie » inventé par Sigmund Freud, compromis entre deux termes existants :<br />
« phantasme » (hallucination) et « fantaisie » (imagination débridée).<br />
Le fantasme se comprend comme une élaboration dérivée de plusieurs éléments, mettant en jeu différentes pulsions<br />
inscrites dans l’histoire du sujet. Le fantasme est la formation de compromis, il élabore différents matériels, dont<br />
certains sont conscients et d’<strong>au</strong>tres non. Mais certains fantasmes demeurent inconscients.<br />
Le fantasme peut témoigner d’une fixation de la sexualité à un stade psychosexuel, comme le stade oral ou le stade<br />
anal. De ce point de vue, il est résultat d’une régression.<br />
La capacité à fantasmer signe une certaine normalité psychique : on peut soupçonner chez les patients psychosomatiques<br />
une défaillance de la fonction fantasmatique, repérée sous forme de pensée opératoire. Le fantasme permet<br />
ainsi une régulation psychique des désirs inconscients, nécessaire à la bonne santé mentale.<br />
Chez Melanie Klein, l’ensemble de la vie psychique ne s<strong>au</strong>rait être compris que comme fantasmatique.<br />
J. Laplanche et J.B. Pontalis traitent longuement du fantasme et le définissent pour commencer comme un « scénario<br />
imaginaire où le sujet est présent et qui figure, de façon plus ou moins déformée par les processus défensifs,<br />
l’accomplissement d’un désir et, en dernier ressort, d’un désir inconscient ».<br />
Chez Jacques Lacan, « le fantasme est un montage grammatical où s’ordonne suivant divers renversements le destin<br />
de la pulsion, de telle sorte qu’il n’y a plus moyen de faire fonctionner le « je » dans sa relation <strong>au</strong> monde qu’à<br />
le faire passer par cette structure grammaticale ».<br />
Il consiste dans la mise en relation d’un sujet et d’un objet par des métaphores évoquant le fonctionnement d’une<br />
pulsion.<br />
la fantaisie (dictionnaire d’andré lalande)<br />
Ce mot a pour origine le grec qui signifie chez Aristote « les images qui apparaissent à l’esprit ».<br />
Au XVIIème siècle, imagination (reproductrice ou novatrice) « lorsque nous parlons des idées, nous n’appelons<br />
point ce nom les images qui sont peintes en la fantaisie » (Logique de Port Royal). « Ce même entendement qui<br />
donne occasion à la fantaisie de former des assemblages monstrueux (chimères, cent<strong>au</strong>res) en connaît la vanité »<br />
Bossuet (Connaissance de Dieu)<br />
• Imagination créatrice qui se joue capricieusement en suivant le cours naturel des associations.<br />
Critique : en tant qu’expression philosophique, ce mot a vieilli. Il appartient surtout <strong>au</strong>jourd’hui <strong>au</strong> domaine<br />
de la critique d’art et <strong>au</strong> langage de la vie courante, où il devient synonyme de caprice, d’irrégularité, d’inexactitude<br />
; ou dans d’<strong>au</strong>tres cas, avec un import favorable, de liberté d’esprit, de création, d’originalité imprévisible.<br />
• Chez Aristote et chez tous les <strong>au</strong>teurs qui l’ont suivi, « phantaisie » et « phantasme » de la même racine signifient<br />
: image ou imagination, sans distinction entre l’image-reproduction et l’image-innovation. Tant que la<br />
psychologie s’intéressait seulement à distinguer les opérations <strong>sens</strong>itives et l’entendement, la distinction des<br />
images copies et des images neuves était d’importance minime. Elle se faisait d’ailleurs, à l’exemple d’Aristote,<br />
en attribuant à la mémoire ce qui, dans l’image, était reproduction.<br />
• Il y a cependant dès le XVIIème siècle, une tendance à spécialiser « fantaisie » :Une gravure du commencement<br />
du XVIIème siècle, « le Palais des Facultés de l’Âme », représente cinq dames en costume Louis XIII :<br />
l’Entendement, assise <strong>au</strong> milieu sur un trône, la Volonté, le Sens commun, la Mémoire, la Fantaisie. Chaque<br />
faculté a ses attributs et son quatrain. La Fantaisie tient d’une main une palette et des pince<strong>au</strong>x, elle élève de<br />
l’<strong>au</strong>tre à la h<strong>au</strong>teur de son regard un petit quadrupède ailé. Légende :<br />
Mon art est incompréhensible<br />
Puisque sans couleur ni pince<strong>au</strong><br />
Je me forme et fais un table<strong>au</strong><br />
De ce qui mesme est impossible.<br />
On peut regretter que l’usage n’ait pas adopté fantaisie pour ce <strong>sens</strong> spécial, puisque imagination est équivoque »<br />
(V.Egger)<br />
• Bacon oppose de même la phantasia à la memoria dans sa classification des facultés intellectuelles (mémoire,<br />
imagination, raison). De Dignitate,<br />
• Phantasie (<strong>au</strong> <strong>sens</strong> où ce mot s’applique à un acte isolé) désigne la représentation pure et simple de quelque<br />
chose d’individuel (le fait qu’on l’a purement et simplement sous les yeux), mais en l’absence du sentiment<br />
conscient d’existence qui le poserait comme objet de perception ou de souvenir. On l’a sous les yeux, mais<br />
sans décider si l’on y croit, ou même en n’y croyant pas (E.Husserl)<br />
fantasmatisme<br />
Conception psychologique et gnoséologique suivant laquelle ce que qui est perçu que le fantôme de la réalité. « On<br />
voit que la doctrine de Démocratie était une espèce de fantasmatisme assez analogue à celui que certaines écoles<br />
modernes ont obtenu par le mélange de l’idéalisme et du <strong>sens</strong>ualisme » Renouvier, Philosophie ancienne<br />
38
3. suPPLÉMenT BananIa<br />
4. MedIas eT dIVersITÉ – de La VIsIBILITÉ <strong>au</strong> ConTenu<br />
le double rôle des médias, débattre et agir. (…)<br />
Fin des années 90 : une médiatisation qui s’amplifie<br />
L’année charnière semble être 1990. En effet, plus de 50% des productions médiatiques consacrées <strong>au</strong> rôle joué<br />
par les médias dans la représentation des immigrés et des minorités seront diffusées après cette période. Autrement<br />
dit, les sept dernières années d’observations concentrent à elles seules l’équivalent du débat médiatique consacré<br />
à la même question depuis le milieu des années 1970. L’année 99 marque également un tournant dans les angles<br />
d’approche retenus pour traiter la représentation des immigrés. C’est en effet à partir de cette date que les médias<br />
se font l’écho de débats soulevés dans d’<strong>au</strong>tres cercles, bien <strong>au</strong>-delà des questions récurrentes habituelles abordées.<br />
Si la télévision reste <strong>au</strong> cœur des discussions comme objet privilégié d’analyse, cette nouvelle période est marqué<br />
par la multiplication des sujets <strong>au</strong>tour de la présence des immigrés et des minorités <strong>au</strong> sein des médias. Deux évènements<br />
contribuent à cette accélération quantitative et qualitative du débat. D’une part, les interventions du Collectif<br />
Egalité soulèvent la question de la sous représentation des minorités visibles, des quotas à la télévision et de la<br />
question identitaire des populations noires en France. D’<strong>au</strong>tre part, une étude réalisée par le CSA (Malonga 2000)<br />
fait rebondir le débat. Cette recherche sur la représentation des minorités visibles suscite certaines polémiques dans<br />
la presse écrite, <strong>au</strong> sein de la radio ou à la télévision. Au cours du débat, des comparaisons sont tentées avec le<br />
Canada, les Etats unis ou encore le R-U. Parallèlement, des associations sont, des écrivains, des hommes politiques<br />
ou des responsables de chaînes sont incités à <strong>donner</strong> leur avis, notamment sur la question des quotas. Même si la<br />
presse est très critique sur les critères scientifiques des catégories référencées dans cette étude, il se dégage un accord<br />
global sur le constat de la sous représentation des minorités visibles et sur la nécessité d’y remédier.<br />
Les médias amplifient le débat et répercutent des questions plus politiques, s’ouvrant ainsi à de nouvelles problématiques<br />
comme l’exclusion, l’intégration, la banlieue, la religion, le racisme, la question noire, les médias com-<br />
39<br />
« On raconte que l’un de ces braves,<br />
blessé et rapatrié du front, est emb<strong>au</strong>ché<br />
à l’usine de Banania à Courbevoie.<br />
On lui fait goûter le breuvage<br />
maison, il l’apprécie et dans un<br />
grand sourire, s’exclame : «Y’a bon<br />
!». » Prodimarques
mun<strong>au</strong>taires, la cohésion sociale ou encore les quotas. A ces premiers sujets s’ajoutent peu à peu de nouve<strong>au</strong>x sujets<br />
tels que la question de la mémoire, la France coloniale, de l’esclavage, des stéréotypes issus de la colonisation…<br />
Au début des années 2000 la France multiethnique devient plus visible dans les médias, mais la télévision n’est<br />
toujours pas multicolores selon Libération en octobre 2003.<br />
la télévision Française : moteur du changement ?<br />
France 3 fait figure d’exception concernant la représentation des populations issues des minorités de l’immigration<br />
et des minorités : elle a diffusé régulièrement les émissions initiées et financées par le FASILD avant de prendre<br />
part à leur financement et à leur production. Ainsi, malgré la multiplication des débats, des interpellations ou encore<br />
des actions initiées par la société civile en France, voire en Europe, les chaînes de télévision françaises, tout<br />
comme les stations radiophoniques, montrent, <strong>au</strong> cours de ces nombreuses années, leur faible préoccupation pour<br />
les questions inhérentes liées à la diversité des composantes de la société française. L’année 2004 va marquer un<br />
changement d’attitude des principales chaînes de télévision. Cette évolution se produit sous la pression, voire l’injonction,<br />
de divers acteurs institutionnels, comme le CSA ou le HCI, qui vont devoir s’y reprendre à plusieurs fois<br />
pour obtenir un début d’engagement.<br />
Canal + : pour une diversité transversale<br />
A canal+, il semble que la responsabilité particulière de la télévision sur le terrain de la représentation des minorités<br />
soit vécue comme un évidence…La chaîne aime à dire qu’elle a toujours eu un pubic jeune avec lequel elle est en<br />
phase et que des artistes,comme Jamel Debbouze, M<strong>au</strong>rad, Omar et Fred, sont venus parce qu’ils avaient du talent<br />
et non en tant que représentants d’un minorité. Il n’en reste pas moins qu’<strong>au</strong>-delà de cette démarche naturelle, que<br />
l’on retrouve dans les émissions humoristiques, les demandes des institutions, comme le CSA, puis la crise des banlieues<br />
et, enfin la rencontre avec le chef de l’état, à la fin 2005, ont conduit Canal+ à engager une réflexion interne.<br />
m6 : <strong>au</strong>-delà d’une diversité vitrine ?<br />
La chaîne se dit impliquée et affirme être un précurseur en raison de la diffusion, depuis de nombreuse années, de<br />
séries américaines avec des comédiens noirs.<br />
Pour la chaîne, la diversité s’exprime essentiellement dans la fiction. La chaîne a créé des premiers rôles, comme<br />
celui de F<strong>au</strong>del ou de Sonia Rolland. Mais la chaîne entend également mettre en avanr la diversité à travers les<br />
reality show.<br />
Les Médias britanniques<br />
le rôle du Cultural diversity network Cdn<br />
En 2000, les princip<strong>au</strong>x opérateurs de radiotélédiffusion, tant terrestres que numériques, pubiques que privés ont<br />
lancé l’initiative du CDN, dont l’objectif est de promouvoir une représentation plus équilibrée des minorités à<br />
l’écran, mais <strong>au</strong>ssi derrière l’écran. Une des premières actions de ce rése<strong>au</strong> a été la création d’une base de données<br />
regroupant les professionnels des médias appartenant <strong>au</strong>x minorités ethniques afin de leur permettre un accès direct<br />
<strong>au</strong>x médias grand public et inversement.<br />
Les Médias aMéricains<br />
le business de la diversité<br />
Si les bouquets proposés par les opérateurs du câble et du satellite incluent généralement des chaînes marquées<br />
par une forte présence des minorités ethniques, cette situation ne résulte pas des pressions exercées par le Federal<br />
Communications Commission ou encore par la coalition des associations regroupant les minorités ethniques. Elle<br />
trouve son origine dans les calculs économiques et les intérêts commerci<strong>au</strong>x des propriétaires de chaînes, pour<br />
lesquels les minorités ethniques représentent <strong>au</strong>jourd’hui un véritable marché.<br />
La réussite de Black Entertainment Television (BET), la première chaîne à cibler les Afro-américains, a été telle<br />
que la chaîne a été rachetée en 1999 par l’un des plus grands conglomérats de médias, Viacom. Trois nouve<strong>au</strong>x<br />
rése<strong>au</strong>x créés en 1980 et 1990 (Fox, WB et UPN, Warner…) ont utilisé les possibilités offertes par le câble pour<br />
diffuser des programmes destinés <strong>au</strong>x secteurs du marché non couverts par les rése<strong>au</strong>x traditionnels, comme celui<br />
des minorités ethniques, offrant ainsi une programmation be<strong>au</strong>coup plus colorée (Zouk, 1999).<br />
un marché morcelé, une visibilité limitée<br />
Les déséquilibres quantitatifs et qualitatifs caractérisant les représentations médiatiques des afro-américains comparées<br />
à celles des blancs sont soulignés pour la première fois dans le rapport de la commission Kerner par le<br />
président Johnson pour enquêter sur les émeutes raciales des années 1960 (National Advisory Commission on Civil<br />
Disorders, 1968). Quarante ans plus tard, ces déséquilibres n’ont été que partiellement corrigés (Torres, 2003 ;<br />
Gray, 2005).<br />
40
des actions pour deMain<br />
la publicité<br />
La représentation des personnes issues de l’immigration et des minorités dans la publicité fait partie de ces secteurs<br />
de recherche encore largement en friche. Si plusieurs études ont été consacrées à l’image des indigènes dans<br />
l’empire colonial français notamment celles utilisées à des fins mercantiles, comme l’image emblématique du Noir<br />
souriant à pleines dents sur les produits chocolatés, les images des minorités visibles dans les différents types de<br />
publicité (affiche, publicité télévisée ou radiophonique, encarts dans la presse écrite…) ne sont pas analysées, à<br />
quelques exceptions près (Laske, 1987 ; Bachollet et alli, 1992 ; Desbot, 1993 ; Prencipe, 1994, 1997).<br />
Pourtant la publicité est utilisée par les médias de tous types. Les langages médiatiques sont <strong>au</strong>tant visuels ou<br />
sonores que verb<strong>au</strong>x (Davis et Walton, 1983). Image, média et représentation constituent trois éléments d’une<br />
combinaison qui forme la construction de la réalité sociale (Forrester, 2000 ; Pinkk, 2001) ; La lecture d’une image<br />
photographique et l’écoute d’un son ne peuvent pas être séparées du contexte social et historique dans lequel elles<br />
sont vues, entendues, comprises et utilisées. La publicité est un bon exemple dans la mesure où elle donne à voir de<br />
nombreuses images, à écouter de nombreux sons qui, pour la plupart, font appel à la subjectivité. La photographie<br />
n’est pas un média uniquement visuel, de même que le son n’est pas un média uniquement sonore : leur plus grande<br />
part est, de facto, scriptovisuelle. Ce phénomène n’est nulle part plus apparent que dans la publicité qui reflète et<br />
reproduit une position idéologique.<br />
5. sur L’IdenTIFICaTIon<br />
Identification (Vocabulaire technique et critique de la philosophie, andré lalande)<br />
A. action d’identifier, c’est-à-dire de reconnaître pour identique, soit numériquement, par exemple, « l’identification<br />
d’un criminel » ; soit en nature, par exemple, quand on reconnaît un objet appartenant à une certaine classe<br />
(comme étant une clef, un chape<strong>au</strong>, un aliment), ou encore quand on reconnaît une classe de faits pour assimilable<br />
à une <strong>au</strong>tre : « l’identification de la lumière et de l’onde électromagnétique ».<br />
B.Acte par lequel un être devient identique à un <strong>au</strong>tre, ou par lequel deux êtres deviennent identiques (en pensée<br />
ou en fait, totalement ou secundo quid). En particulier, processus psychologique par lequel un individu A transporte<br />
sur un <strong>au</strong>tre B,d’une manière continue et plus ou moins durable, les sentiments qu’on éprouve ordinairement<br />
pour soi ,<strong>au</strong> point de confondre ce qui arrive à B avec ce qui lui arrive à lui-même et même quelquefois de réagir<br />
conformément à cette confusion.<br />
Remarque : Le mot ne paraît pas avoir été jamais employé <strong>au</strong> <strong>sens</strong> étymologique rigoureux : action rendre identique<br />
; et le verbe « identifier »lui-même ne présente que très rarement cette acception.<br />
41
6. Les sITes de L’orÉaL ParIs Pour La FranCe eT Pour Les eTas-unIs<br />
Nous constatons <strong>au</strong> vu de cet exemple que la stratégie marketing de l’Oréal change en fonction du pays où elle se<br />
trouve. De la même façon le phénomène d’identification par le biais des égéries est reproduit sur le site du Brésil<br />
celui de la Chine et ainsi de suite. La particularité du site des Etats-Unis est le fait que les égéries sont d’origine<br />
diverse : on passe de la latino à l’afro-américaine, puis de la c<strong>au</strong>casienne à l’indienne et ce, sans changer de pays.<br />
42<br />
accueil et pages intérieures - France accueil et pages intérieures - north america
7. annexe sur MIMÉTIsMe eT IMITaTIon dans Le Cadre du MarkeTIng eThnIque<br />
mimesis et psychanalyse<br />
Les notions de mimèsis et de catharsis sont reprises par Sigmund Freud pour éclairer d’un jour nouve<strong>au</strong> le principe<br />
de création artistique : comparable <strong>au</strong> processus inconscient dont relève le rêve éveillé. Il ne s’agit plus, bien<br />
sûr, d’analyse thérapeutique mais littéraire. Charles M<strong>au</strong>ron part de cette donnée fondamentale pour structurer sa<br />
méthode critique et explorer l’essence biographique, (individuelle, et archétypique) de la relation entre l’<strong>au</strong>teur<br />
et son œuvre. Parallèlement, la psychocritique explique tout naturellement l’empathie du lecteur / spectateur. La<br />
différence majeure entre le symptôme névrotique et la création artistique réside dans la sublimation.<br />
L’<strong>au</strong>teur «met en scène», dramatise des pulsions, des fantasmes inconscients et les satisfait symboliquement. Les<br />
situations qu’il reproduit inconsciemment sont l’objectivation en même temps que l’expurgation (acting out) d’un<br />
passé tr<strong>au</strong>matique. Au-delà du vécu personnel qui remonte tout le temps à la toute petite enfance, ce sont souvent<br />
des schémas communs, des archétypes qui sont représentés (le Ça): le lecteur spectateur s’y « reconnaît », réalise<br />
et expurge à son tour un désir tabou. Ainsi point n’est besoin d’avoir soi-même trempé une madeleine dans du<br />
tilleul pour être pris dans la vague de la <strong>sens</strong>ation proustienne! Alors même que Proust retrouve un goût du passé,<br />
son lecteur retrouve une tante Léonie et une «émotion» orale et s’identifie <strong>au</strong> personnage; même s’il est fictif, ce<br />
personnage devient un avatar de son moi.<br />
imitation (dictionnaire d’andré lalande)<br />
Terme du langage usuel qui tend à prendre actuellement une place importante dans la psychologie et la sociologie,<br />
en particulier sous l’influence des trav<strong>au</strong>x de TARDE en France (Les lois de l’imitation, 1890 ; La logique sociale<br />
1895) et de BALDWIN en Amérique (Mental development in the Child and the race, 1895 ; Social and Ethical<br />
interprétations in mental development, 1897).<br />
PSYCHOLOGIE. Au <strong>sens</strong> le plus large, tout phénomène psychique, conscient ou non, ayant pour caractère de reproduction,<br />
BALDWIN, dans l’article très complet qu’il consacre à ce sujet distingue entre <strong>au</strong>tres les expressions<br />
suivantes :<br />
• Imitation consciente, celui qui imite qait qu’il imite.<br />
• Suggestion imitative, celui qui imite n’a pas conscience d’imiter ; il n’y a imitation que pour un spectateur<br />
• Imitation plastique « the subconscious conformity to types of thoughts and actions, as in crowds. » ce cas<br />
paraît se ramener à la précédente<br />
• Self-imitation, ou imitation de soi-même par soi-même<br />
• Imitation simple et imitation persévérante, la première faisant du premier coup , la seconde exigeant des efforts<br />
répétés pour réussir<br />
• Imitation instinctive et imitation volontaire. Cette distinction ne se confond pas avec la précédente : une imitation<br />
persévérante peut être soit volontaire (un homme qui apprend la prononciation d’une langue étrangère)<br />
soit instinctive (un enfant qui commence à parler).<br />
ESTHETIQUE. Théorie de l’imitation, remontant à cette formule d’Aristote que le principe de tous les arts est dans<br />
la mimésis (Poétique) : classique dans l’antiquité (cf.Sénèque : « Omnis ars naturae imitatio est ». (exemple d’une<br />
statue) ; et jusque vers le milieu du XVIIème siècle:Voir Batteux, Les be<strong>au</strong>x arts réduits ; un même principe, 1747.<br />
L’Esthétique de Kant, Introduction.<br />
La théorie de l’imitation a été reprise chez les contemporains par BALDWIN et Lipps dans un <strong>sens</strong> un peu différent.<br />
mimétisme (dictionnaire d’andré lalande)<br />
A. Se dit de toutes les formes d’imitation, considérées dans leurs caractères génér<strong>au</strong>x, et des ressemblances qu’elles<br />
produisent.<br />
Spécialement :<br />
B. Phénomène consistant en ce que certains anim<strong>au</strong>x revêtent soit d’une façon permanente, soit momentanément,<br />
l’apparence du milieu dans lequel ils vivent : forme et couleur des feuilles ou des branches ; aspect du sol, etc.<br />
C. Ressemblance superficielle entre anim<strong>au</strong>x anatomiquement éloignés les uns des <strong>au</strong>tres, et résultant soit d’un<br />
même mode d’existence, soit de toute <strong>au</strong>tre c<strong>au</strong>se (par exemple, certaines mouches ressemblent extérieurement à<br />
des abeilles ; on suppose que cette ressemblance peut-être une adaptation défensive).<br />
Critique :<br />
Le <strong>sens</strong> B est de be<strong>au</strong>coup le plus usuel sinon même le seul qui ait cours en français. Il n’en est pas de même dans<br />
le pays de langue anglaise. MM BALDWIN, STOUT et POULTON proposent de diviser toutes les ressemblances<br />
en animétiques et mimétiques. Les premières seraient celles qui proviennent soit de l’analogie, soit <strong>au</strong>tomatique<br />
(écholative, adaptation morphologique imitative, mimétisme <strong>au</strong>x <strong>sens</strong> B et C ; _ soit consciente et volontaire,<br />
comme dans le développement de l’intelligence humaine.<br />
43
8. sITes InTerneT de Marques de CosMÉTIques eThnIques<br />
44
9. Les Logos des ChoCoLaTs LeonIdas<br />
10. ÉVoLuTIon de L’IdenTITÉ VIsueLLe des ChoCoLaTs «CôTe d’or»<br />
45
13. PrÉCIsIon Pour nIke<br />
14. exeMPLes d’anaMorPhoses<br />
46<br />
Et c’est pareil pour Nike, le mythe du nègre surhumain demeure<br />
encore un peu chez Nike, mais étant donné que les plus<br />
célèbres et plus doués et plus riches des sportifs sont afroaméricains<br />
; il ne peut que jouer de ce fait à l’intérieur de ces<br />
campagnes. Le corps n’a de cesse d’être magnifié et le corps<br />
du nègre est encore le fruit d’un fantasme parfois incompréhensible.
15. exTraIT du CaTaLogue de L’exPosITIon aFrICa reMIx<br />
...La ville n’est rien d’<strong>au</strong>tre qu’une aberration de la terre. Le paradoxe de ces fonctions anthropologiques parallèles<br />
et complémentaires est qu’elles ont pour rôle d’assurer <strong>au</strong>x citoyens un sentiment d’unité. Une unité que l’on dira<br />
politique, puisque la ville rassemble toutes les parties de la notion, et une unité morale puisque la terre se confond,<br />
mieux que tout <strong>au</strong>tre symbole, avec sa partie.<br />
...C’est l’endroit où l’on travaille où on accède à des commodités...Mais <strong>au</strong>-delà de ces considérations sociologiques,<br />
la ville, par essence, conserve une forme de magie qui nourrit l’imaginaire. Elle demeure le lieu de tous les<br />
possibles. Non pas le lien des réalisations personnelles, mais celui des surgissements improbables, de l’aventure.<br />
… la ville, l’espace public est un conglomérat de <strong>sens</strong>ibilités, d’humanités et de perception...espace en perpétuelle<br />
mutation...Ainsi la ville constitue t-elle une abstraction, une zone franche où se fond la masse et tend à oublier les<br />
coutumes trop marquées dans lesquelles il avait jusqu’alors vécu. La citation est affranchie de toute racine, de tout<br />
passé. C’est le lieu de la perte de la mémoire : « Toute ville est peu construite, faite par nous à l’image de la perte<br />
du navire Argo dont chaque n’était plus une pièce d’origine, mais qui restait toujours le navire Argo, c’est-à-dire un<br />
ensemble de significations facilement lisibles et identifiables ». Roland Barthes, l’Aventure sémilogique<br />
...La ville est un décor fabriqué, un ensemble fragmentaire. Les artistes africains, qu’ils ne voient sur leur terre<br />
natale ou loin de leurs origines, sont tous des n<strong>au</strong>fragés volontaires. Des êtres à jamais nostalgiques d’un ailleurs<br />
perdu. Dans cet exil intérieur, il n’existe plus rien d’<strong>au</strong>tre, soudain, en fait de ville ou de campagne, qu’une terre<br />
natale qui confond tout est ramené à l’équilibre initial. Cette terre se confond dès lors avec le pays. Cette terre qui<br />
colle à la mémoire comme une comptine de l’enfance : « j’ai choisi ma demeure près des remparts rebâtis de ma<br />
mémoire, à la h<strong>au</strong>teur des remparts / me souvenant de Joal l’ombreuse, du visage de la terre de mon sang ».<br />
16. annxe : des esPaCes sTÉrÉoTyPanTs<br />
En d’<strong>au</strong>tres termes, que les indiens ne font pas que de la bonne cuisine épicée, que les libanais ne sont pas que des<br />
cultivateurs de pois chiches, et que ce ne sont pas les grecs qui ont inventé les donërs, même si dans la langue courante,<br />
ces derniers sont appelés « grecs ». Il s’avère vérifiable que quelle que soit l’origine du vendeur de kebab, il<br />
gardera des signes distinctifs et des couleurs qui seront plus ou moins proches des standards graphiques de tous les<br />
<strong>au</strong>tres vendeurs du même type. De la même manière, qui s<strong>au</strong>rait dire si le rest<strong>au</strong>rant japonais dans lequel on a été,<br />
appartient à des chinois ou à des vietnamiens.<br />
17. Le MusÉe daPPer<br />
Un nouvel espace<br />
Entre 1998 et 2001 un nouve<strong>au</strong> projet prend corps dans un espace attenant, mais dont l’accès<br />
se fera désormais par la rue P<strong>au</strong>l-Valéry. Confiées à Alain Moatti, l’architecture intérieure<br />
et la scénographie n’ont pas seulement pour vocation de mettre en valeur des objets.<br />
Il s’agit de concevoir un environnement pluridisciplinaire qui, outre les expositions et les<br />
conférences, accueillera <strong>au</strong>ssi la littérature, le conte, la musique, la danse ou le cinéma, notamment<br />
grâce à une salle de spectacles d’une capacité de 165 à 190 personnes, complétée<br />
par une librairie et un café. Des musiciens tels que Guem (Algérie), Ballaké Sissoko (Mali)<br />
ou Omar Sosa (Cuba) ont pu y être accueillis.<br />
Le nouve<strong>au</strong> musée est in<strong>au</strong>guré le 30 novembre 2000. Désormais la porte s’ouvre <strong>au</strong>ssi plus largement à la création<br />
contemporaine, par exemple <strong>au</strong>x bronzes du sculpteur sénégalais Ousmane Sow – les trois premiers – ou <strong>au</strong>x<br />
installations de son compatriote Ndary Lô, telles que Échographie I, III, II (1998-1999) ou XIIE (1999-2001), ou<br />
encore <strong>au</strong> œuvres colorées du peintre Wifredo Lam qui reflètent ses origines multiples.<br />
Le musée Dapper est devenu une véritable entreprise qui employait 18 personnes en 2002. Il a acquis <strong>au</strong> fil des<br />
années une solide réputation dans une capitale où les arts africains ont longtemps pu paraître négligés. L’ouverture<br />
du musée du Quai Branly en 2006 modifie bien entendu la donne <strong>au</strong>jourd’hui. « Comment allez-vous résister ? »,<br />
est une question souvent posée à Christiane Falgayrettes-Leve<strong>au</strong>, elle-même membre du conseil d’orientation de<br />
l’établissement public du Musée du Quai Branly de 1999 à fin 2004. La directrice du musée Dapper se montre<br />
confiante et met en avant synergie et complémentarité. (source wikipédia)<br />
47
18. exTraIT de La CharTe graPhIque du MusÉe du quaI BranLy<br />
48<br />
LA CHUPICUARO<br />
ET L’ASTÉRISQUE<br />
« la sculpture de chupicuaro (VIIe-IIe siècle avant j.c, mexique) – première acquisition du<br />
musée du quai branly – a été proposée comme emblème du musée. on la retrouve campée<br />
sur ses jambes comme élément déterminant de reconnaissance. La création de l’identité du<br />
musée réside dans une double association du signe typographique astérisque avec le nom du<br />
musée et avec une oeuvre. par ce jeu d’allers-retours entre l’image et les mots, l’astérisque<br />
remplit pleinement sa fonction : l’explication de l’origine et de l’usage. le dessin brut et<br />
irrégulier du signe se lit comme une silhouette d’homme (la tête et les quatre membres dans<br />
leur plus simple expression). sa structure en étoile illustre la dimension artistique (les cinq doigts de la main) et<br />
géographique de la collection (afrique, asie, océanie et les deux amériques) tout en évoquant les cinq missions du<br />
musée (collections, expositions, manifestations, recherche et enseignement).»<br />
19. ChurInga : orIgIne du TeMPs du rêVe Chez Les aBorIgènes<br />
Churinga est le nom donné par les Aborigènes à certains objets sacrés et extrêmement secrets, porteurs, recto verso,<br />
des motifs claniques. Ce sont des objets gravés, de formes variées, plates, arrondies ou ovales, en bois ou en pierre.<br />
Leur importance est considérable dans les cérémonies telles que l’initiation des jeunes hommes.<br />
Objet mystèrieux entre tous, le churinga est véritablement une matérialisation de l’esprit ancestral. A ce titre il est<br />
considéré comme dangereux. Le voir et le manipuler est réservé <strong>au</strong>x hommes pleinement initiés des clans dont le<br />
rôle est le dialogue avec le Tjukurpa, l’espace temps sacré, celui d’avant la naissance et d’après la mort, que nous<br />
nommons «Temps du Rêve».<br />
si ces images proviennent du temps du rêve, comment surgissent-elles dans la pierre ou le bois ?<br />
Selon les Aborigènes, un churinga est produit spontanément lorsque l’esprit ancestral vient s’incarner dans le corps<br />
de l’enfant à naître, c’est à dire lorsque la future mère ressent les premières manifestations de sa grossesse. L’objet<br />
n’est pas immédiatement accessible, il s’agira, pour le père, aidé des aînés de sa famille de le rechercher. Les indications<br />
fournies par la mère, notamment le lieu où elle a ressenti sa grossesse pour la première fois, permettront<br />
d’identifier l’esprit ancestral et guideront les recherches.<br />
On peut supposer qu’un grand-père connaissant l’emplacement d’un churinga ayant appartenu à une personne<br />
décédée, aidera à dénicher l’objet.<br />
Parfois le churinga est trouvé, parfois non. Dans ce dernier cas, les hommes en fabriquent un nouve<strong>au</strong> qu’ils gravent<br />
des motifs claniques de l’enfant, c’est à dire les motifs attachés à son esprit ancestral (par exemple opossum,<br />
grenouille, kangourou ou <strong>au</strong>tre... )<br />
Quoi qu’il en soit, chaque Aborigène possède son churinga caché dans quelque grotte ou anfractuosité et que l’on<br />
ne sort que pour les cérémonies importantes. Les churingas des femmes sont gérés par les hommes initiés, elles<br />
en connaissent l’existence mais ne les voient pas. Les motifs leurs sont communiqués sous forme de peintures de<br />
corps ou de sol, lors de leur initiation.<br />
La peinture des hommes du désert, dans une large proportion, se réfère <strong>au</strong>x histoires Tingari. Le Tingari est un<br />
cycle mythique de très grande importance dans le désert de l’ouest. Il relate les péripéties de héros voyageurs,<br />
hommes, femmes et novices, ancêtres créateurs du paysage, initiateurs de cérémonies et inventeurs de la Loi qui<br />
régit, <strong>au</strong>jourd’hui encore, les sociétés indigènes d’Australie.<br />
Ces histoires, secrètes entre toutes, sont révélées <strong>au</strong>x jeunes hommes en toute fin du cycle initiatique. Celui-ci se<br />
déroule par tranches à partir de 10 ou 12 ans et se poursuit jusqu’à l’age d’homme. Il est particulièrement éprouvant<br />
pour le garçon. C’est un aller-retour symbolique par le monde des Esprits. L’isolement, le sang, la peur, les<br />
pratiques extrêmement douloureuses comme la scarification ou la subincision, en font partie. C’est pourquoi les<br />
mythes Tingari sont frappés du secret absolu et la peinture qui s’y réfère est généralement sans commentaire de la<br />
part du peintre.<br />
Revenu de ce détour dans l’<strong>au</strong>-delà, l’homme pleinement initié <strong>au</strong>ra appris quel esprit ancestral l’anime et donne<br />
<strong>sens</strong> à son existence, il s<strong>au</strong>ra endiguer ses pulsions pour que la vie en société soit possible, il <strong>au</strong>ra reçu, sous forme<br />
de vers chantés, l’épisode du mythe lié <strong>au</strong> segment de territoire qu’il lui incombe de célébrer, son corps <strong>au</strong>ra été<br />
peint des motifs afférents, ceux-là même qu’il pourra décliner sur la toile s’il devient artiste.<br />
Il pourra <strong>au</strong>ssi participer <strong>au</strong>x très secrètes cérémonies masculines de fécondité et ainsi assumer sa part symbolique<br />
de paternité <strong>au</strong> sein de son clan.
20. Le TeMPs du rêVe Chez Les aBorIgènes<br />
49
oeuVres de JaCk BrITTen, arTIsTe aBorIgène<br />
50
21. dÉFInITIon du rêVe eT de La rêVerIe ( vocabulaire technique et critique de la philosophie)<br />
rêve :<br />
A. Au propre, suite de phénomènes psychologiques se produisant pendant le sommeil et dont on se souvient plus<br />
ou moins complètement après le réveil. « Le premier résultat du sommeil, c’est l’éclipse <strong>au</strong> moins partielle des<br />
rapports <strong>sens</strong>itivo-moteurs avec le milieu, par relâchement du tonus musculaire, absence de la réactivité, élévation<br />
des seuils <strong>sens</strong>oriels ; comme <strong>au</strong>ssi l’abaissement du nive<strong>au</strong> mental. Ces grands faits dominent toute la psychologie<br />
du rêve. » H. Delacroix, Le rêve, dans le Nouve<strong>au</strong> Traité de Psychologie, publié sous la direction de G.Dumas,<br />
tome V, p.34.<br />
B. Au figuré, pensée sans consistance et sans accord avec la réalité. « Les rêves d’un visionnaires éclairés par les<br />
rêves de la métaphysique » Kant (Die Traüme eines Geistersehers, erläuert durch die Träume der Metaphysik,<br />
1766).<br />
rêverie :<br />
État de distraction à l’égard de la situation de la situation présente, pendant laquelle se poursuit une activité mentale<br />
qui n’est pas non plus dirigée par l’attention. « L’état de rêverie admet de nombreux degrés, depuis l’évocation<br />
passive de souvenirs et d’images jusqu’à la construction presque volontaire d’un système de représentations. »<br />
H. Delacroix Traité de Psychologue, tome V, p. 401<br />
22. dÉFInITIon du MoTIF<br />
Proprement, ce qui meut (L. scol motivum, c<strong>au</strong>sa motiva, <strong>au</strong> <strong>sens</strong> le plus général : voir Schütz, Thomas-Lex., sub<br />
v°) ; et fréquemment, <strong>au</strong> XVIIème siècle, celui qui meut (l’organisateur d’une affaire, l’artisan d’une intrigue) ;<br />
d’où, actuellement :<br />
A. Toute c<strong>au</strong>se d’ordre mental produisant ou tendant à produire une action volontaire.<br />
B. Plus spécialement encore, état mental, où prédominent les éléments intellectuels, et tel que s’il était seul en jeu,<br />
il déterminerait une certaine action volontaire.<br />
23. agnès B.<br />
51
24. ÉVoLuTIon du MoTIF du LaByrInThe<br />
25. christian lacroix - sacha walckhoff<br />
sacha salckhoff et le style ethnique<br />
52
Christian Lacroix<br />
53
desigual by Christian Lacroix<br />
chaîne international de prêt-à-porter international<br />
54
26. CL<strong>au</strong>de LÉVI sTr<strong>au</strong>ss, Le Passeur de <strong>sens</strong> de MarCeL hÉnaFF<br />
Voici le problème de l’art moderne selon Lévi Str<strong>au</strong>ss : « l’art moderne nous parle de l’art <strong>au</strong> lieu de nous dire les<br />
choses. Il se livre à un jeu de plus en plus gratuit et intense sur les formes parce que le contenu se dérobe, parce que<br />
le monde n’est plus là. En cela l’art moderne est l’indicateur majeur d’une crise qui touche notre civilisation dans<br />
son ensemble. Elle tient pour Lévi Str<strong>au</strong>ss en ceci : notre domination du monde naturel réduit celui-ci <strong>au</strong> statut de<br />
matière à exploiter ou à transformer ; la multiplication des artefacts rend notre culture de plus en plus <strong>au</strong>toréférentielle,<br />
et notre vision anthropocentrique. Le destin de l’univers naturel dans son ensemble nous indiffère ; du moins<br />
nous nous comportons comme si c’était le cas ; nous construisons notre bonheur dans l’enceinte de nos productions<br />
matérielles et dans la réduplication des signes qui les expriment. Aussi le manège tourne à vide.<br />
L’enjeu est cependant plus grave qu’on ne le croit. Non seulement notre société de h<strong>au</strong>te technologie et d’industrialisation<br />
extensive met en danger le monde naturel mais, selon la même logique,menace les <strong>au</strong>tres civilisations. La<br />
nôtre, si puissante, si dominatrice, est devenue essentiellement parasitaire. Etrange paradoxe si l’on admet que la<br />
production des biens y est en croissance exponentielle. Le paradoxe tient en ceci qu’en tarissant son lien <strong>au</strong> monde<br />
environnant – et d’abord le monde donné – notre civilisation tarit <strong>au</strong>ssi la source nécessaire de toute création. Cela<br />
explique le fait que l’Occident ne cesse de se tourner vers d’<strong>au</strong>tres cultures vivantes pour y puiser ou y prélever<br />
ce qui lui fait de plus en plus déf<strong>au</strong>t : des énergies, des images, des <strong>sens</strong>ations, des œuvres (à bien des égards<br />
Lévi-Str<strong>au</strong>ss retrouve sur ce dossier les accents de Nietzsche diagnostiquant les manifestations du « nihilisme européen<br />
» dans cette incapacité de notre culture à se <strong>donner</strong> un contenu substantiel propre). En somme, nous allons<br />
braconner chez les <strong>au</strong>tres ce que nous ne savons plus créer chez nous. »<br />
27. sur Le syMBoLIsMe<br />
la différence entre signe et symbole présentée par ducrot et todorov<br />
« L’épreuve pratique qui permettra de distinguer entre signe et symbole est l’examen des deux éléments en relation.<br />
Dans le symbole ils doivent être homogènes. Cette opposition permet d’éclairer le problème de l’arbitraire du<br />
signe...La relation entre un signifiant et un signifié est nécessairement immotivée : les deux sont de nature différente<br />
et il est impensable qu’une suite graphique ou sonore ressemble à un <strong>sens</strong>. En même temps cette relation est<br />
nécessaire, en ce <strong>sens</strong> que le signifié ne peut exister sans le signifiant, et inversement. En revanche dans le symbole<br />
de la relation entre symbolisant et « symbolisé « est non nécessaire (ou « arbitraire »)puisque le « symbolisant » et<br />
parfois le « symbolisé » (par exemple, les signifiés flamme et amour) existent indépendamment l’un de l’<strong>au</strong>tre ; et<br />
pour cette même raison la relation ne peut être que motivée... Ces motivations sont généralement classées en deux<br />
grands groupes : ressemblance et contiguité »<br />
structure élémentaire de la parenté Cl<strong>au</strong>de lévi-str<strong>au</strong>ss<br />
« Le symbolisme ainsi conçu n’est pas un moyen de coder l’information,mais de l’organiser »<br />
55
31. exTraITs de CoLLeCTIons d’IsaBeL MaranT<br />
56
32. serge Mouangue<br />
57
32. roger oddone<br />
Perdigao<br />
58
33. «FuTure oF TeChnoLogIes In aFrICa» desIgnÉ Par roqIeForT<br />
59
34. sur L’hÉrÉdITÉ - VoCaBuLaIre TeChnIque eT CrITIque de La PhILosoPhIe<br />
… Les caractères héréditaires peuvent être anatomiques, tératologiques, physiologiques, physiopathologiques,<br />
psychopathologiques. D’où la distinction de différentes formes correspondantes d’hérédité, et la question de savoir<br />
jusqu’où s’étend la possibilité de transmission héréditaire dans chacun de ces domaines.<br />
Le problème de « l’hérédité des caractères acquis » consiste à se demander dans quelle mesure des caractères nouve<strong>au</strong>x,<br />
produits chez un individu par les circonstances de sa vie et non par une disposition intérieure préexistante,<br />
peuvent être transmis par la génération à ses descendants.<br />
On a proposé d’appeler hérédité sociale : 1°) le perfectionnement intellectuel et moral d’une génération entière<br />
obtenu par l’éducation de la génération précédente (Dechambre, dictionnaire usuel de médecine)<br />
2°) the process of social transmission that by which individuals of successive generations accommodate to a continuous<br />
social environment, thus producing tradition1 (C.Llyod Morgan, J.M Baldwin dans Baldwin)<br />
Ces deux <strong>sens</strong>, d’ailleurs voisins, nous paraissent également inacceptables. Un peuple peut-être, si l’on veut, considéré<br />
comme un individu dans son ensemble ; mais il n’y a rien dans le rapport des générations successives qui<br />
ressemble à la reproduction des individus par procréation : l’analogie serait plutôt, dans ce cas, entre les générations<br />
sociales et la production des couches successives d’un même arbre, ou entre les générations sociales et le<br />
développement des tissus produits par la prolifération cellulaire chez un individu animal. Ni l’une ni l’<strong>au</strong>tre de ces<br />
analogies ne serait d’ailleurs elle-même tout à fait exacte.<br />
… Dans un pays civilisé, le nive<strong>au</strong> moyen des esprits monte à chaque génération ; il y a de l’acquis qui s’ajoute<br />
<strong>au</strong>x héritages antérieurs... Sans doute l’esprit n’engendre pas l’esprit comme la chair engendre la chair ; mais la<br />
transmission du sang. Les disciples sont les fils spirituels de leur maître : ils « héritent » de sa méthode et de son<br />
avoir. (F. Mentré)<br />
1. Le processus de transmission sociale, par lequel les individus des générations successives s’adaptent à un milieu<br />
social continu, produisant ainsi la tradition.<br />
60
36. PaBLo PICasso eT wILFredo LaM<br />
61<br />
The Jungle. 1943. The Museum of Modern Art, New York.<br />
Les Demoiselles d’Avignon - 1907
37. InTerVIew sakI MaFundIkwa<br />
<strong>graphic</strong> <strong>design</strong> in afrika: saki Mafundikwa<br />
by saki Mafundikwa<br />
I returned home last year after an absence that totalled twenty years, going to school and then working in the US. I<br />
decided to come back home to start ZIVA, a New Media Arts school. ZIVA, besides being an acronym for Zimbabwe<br />
Institute of Vigital Arts, is also a Shona word meaning “knowledge.” “Vigital” is a word I created to describe the<br />
school – training students in the visual arts using digital tools. The school opened its doors on February 1, 1999,<br />
with four students! We offer a full-time one year Graphic Design course, which we hope will lead to a four-year<br />
degree program. We are currently in advanced discussions with Parsons School of Design in New York for affiliation.<br />
We also offer a number of eight-week courses for working students; these courses meet in the evening twice a<br />
week for three hours, and they include Design for the Web, Digital Imaging for Print and Multimedia, and a Master<br />
Design Class. Enrollment for these short courses varies. We hope to add Animation and Digital Video soon.<br />
I share teaching and administration duties with Jane Shepherd, who has headed the <strong>graphic</strong> <strong>design</strong> department<br />
at the Harare Polytechnic for the past seven years, and Dudzai Saburi, a graduate of the Architecture program at<br />
the Massachusetts Institute of Technology, in the USA, a webhead, and a VP at Cyberplex Africa, the largest web<br />
development company in the country. We are in conversation with others to come on board to teach.<br />
At the heart of ZIVA’s mission is a desire to create a new visual language – a language inspired by history, a language<br />
that is informed by but not dictated to or confined by European <strong>design</strong>, a language that is inspired by all<br />
the arts (sculpture, textiles, painting and Afrikan religion), a language whose inspiration is Afrikan. We are at a<br />
crossroads in the history of <strong>design</strong> right now with the young <strong>design</strong>ers of the Western world rejecting the straitjacket<br />
confines of what <strong>design</strong> is and is not. First was the word, and it was modernism. A band of thieves headed<br />
notably by one Pablo Picasso and including accomplices like Georges Braque, Juan Gris, Fernand Léger, P<strong>au</strong>l<br />
Klee, and Henri Matisse “discovered” African sculpture, giving birth to “modern art” and altering the course of<br />
western civilization. While the others were impressed by the forms, the abstraction, the craftsmanship, the freedom<br />
of the African artists, it was Picasso who tapped into its “spirituality.” According to André Malr<strong>au</strong>x, in La Tête<br />
obsidienne (Paris: Gallimard, 1974; pp. 17–19), Picasso had the following reaction when he visited the Trocadéro<br />
to see some Afrikan masks in 1906:<br />
“The masks weren’t like other kinds of sculpture. Not at all. They were magical things. And why weren’t the<br />
Egyptian pieces or the Chaldean? We hadn’t realized it: those were primitive, not magical things. The Negroes’<br />
sculptures were intercessors… Against everything, against the unknown, threatening spirits. I kept looking at the<br />
fetishes. I understood; I too am against everything. I too think that everything is unknown, is the enemy! I<br />
understood what the purpose of the sculpture was for the Negroes. Why sculpt like that and not some other way?<br />
After all, they weren’t Cubists! Since Cubism didn’t exist… all the fetishes were used for the same thing.<br />
They were weapons. To help people stop being dominated by spirits, to become independent. Tools. If we give form<br />
to the spirits, we become independent of them. The spirits, the unconscious, emotion, it’s the same thing. I understood<br />
why I was a painter… Les Demoiselles d’Avignon must have come to me that day – not at all bec<strong>au</strong>se of the<br />
forms, but bec<strong>au</strong>se it was my first canvas of exorcism – yes, absolutely!”<br />
These remarks were made to André Malr<strong>au</strong>x in 1937. Jack Flam, in his essay, “A Continuing Presence: Western<br />
Artists/African Art” (New York: Museum of African Art, 1994; p. 62), makes the following important observation,<br />
“Equally important, he also seems to have understood that African art was meant to be used rather than merely<br />
looked at; and used not only by its <strong>au</strong>dience, but by its creator. That is, the process of making the work was meant to<br />
be conceived as an integral part of its function – as with a ‘fetish.’ The physical act of working on the Demoiselles<br />
d’Avignon seems to have been an act of ‘exorcism’ for Picasso. In fact, the Demoiselles may be the first European<br />
painting that consciously fulfilled a function like that of African sculpture.”<br />
Well then, if Afrikan art directly influenced Cubism, and Cubism – according to Philip Meggs in his “History of<br />
Graphic Design” (New York: Van Nostrand Reinhold, 1992; p. 240) – changed the course of painting and <strong>graphic</strong><br />
<strong>design</strong>, how come then one never hears any mention of Afrikan art as being the forefather of <strong>graphic</strong> <strong>design</strong>? It<br />
is time that Afrika, the original home of humanity and life itself, rose from the condescending “darkness” into the<br />
light. It never ceases to amaze me when in 1999, just a few months before the new millennium, I still hear of Afrika<br />
being referred to, in some quarters, as the “Dark Continent.”<br />
So it is with this realization that only we, Afrikans, could set ourselves free that the idea of ZIVA came about. But<br />
how to make one’s ideas have an impact on a continent as massive as Afrika? The answer came in the form of an<br />
unexpected request from Jackie Guille, a professor at Middlesex University, who’d been asked by UNESCO to<br />
coordinate the first in a series of Arts workshops. She asked me to be one of the trainers for the threeweek workshop<br />
at Makerere University, Uganda. The series, called “UNESCO Artists in Development – Creativity Workshop”<br />
(the brainchild of UNESCO director of cultural affairs Dr. Raj Issar), aims to bridge the gap between north and<br />
south through cross-cultural exchanges and the sharing of creative and technological know-how, thus creating the<br />
two-way traffic we seek. This one was the “Textile and Graphic Design Workshop,” which attracted twenty-five<br />
participants from fourteen countries in the Eastern and Southern regions of Afrika. I could not believe my luck!<br />
Here was a golden opportunity for me to put my ideas to the test.<br />
I had never met <strong>graphic</strong> <strong>design</strong>ers from Sudan, Kenya, Tanzania, Zambia, or Mozambique before, and I had to<br />
quickly snap out of the myopia of judging their work by European standards. These were Afrikan-trained <strong>design</strong>ers<br />
– unlike me, an Afrikan trained in the west. Soon I realized that force-feeding Afrikans <strong>design</strong> principles<br />
62
orn in Europe, principles that were the product of the European experience, just doesn’t work. Why should the<br />
sterile and bloodless corporate “Swiss” style work for a Mozambican <strong>design</strong>er whose existence and environment<br />
will never mimic industrialized Europe? And why on earth should a <strong>design</strong>er from the Moslem-influenced Sudan<br />
produce work that has nothing to do with his experience – struggling, unsuccessfully, to produce work that looks<br />
“European”?<br />
It is madness. But there we were, with the rest of my team of trainers: donning our western glasses and, like the<br />
<strong>design</strong> elitists we’ve become, trashing these people’s work! I realized there and then that my mission here was not<br />
to “teach” any skills. (I was supposed to teach computer skills. In three weeks? You gotta be kidding me!) Rather,<br />
my duty was to introduce a new way of thinking about <strong>design</strong>, a new way of looking at the world around them – that<br />
creation of a «new” visual language I was talking about earlier. To get them to tap into Afrika’s wealth of inspiration.<br />
It hit me right then also, that we had to create a whole new <strong>design</strong> curriculum for Afrika! I remembered P<strong>au</strong>l<br />
Rand’s insistance that there was only one way – the modernist approach to <strong>design</strong> – and anything other was garbage!<br />
I also remembered him telling me that all I needed to do was “teach them” aesthetics and that it didn’t matter<br />
where one was: “Good <strong>design</strong> is good <strong>design</strong>, irrespective of where you are.” At a time in history when young<br />
western <strong>design</strong>ers are rejecting Rand’s first contention, it’s high time Afrika joined them. I t<strong>au</strong>ght an “Experimental<br />
Typography” class at Cooper Union in New York City in 1996, and I invited Elliot Earls, a digital type <strong>design</strong>er<br />
and a “poststructuralist” graduate of Cranbrook, to speak to my class. His radical approach to typography shocked<br />
my students, who were schooled in the modernist tradition. “Post-structuralism’s emphasis on the openness<br />
of meaning has been incorporated by many <strong>design</strong>ers into a romantic theory of self-expression: as the argument<br />
goes, bec<strong>au</strong>se signification is not fixed in material forms, <strong>design</strong>ers and readers share in the spontaneous creation<br />
of meaning. Interpretations are private and personal, generated by the unique <strong>sens</strong>ibilities of makers and readers…<br />
Rather than view the production of meaning as a private matter, post-structuralist theory tends to see the realm of<br />
the ‘personal’ as structured by external signs. Invention and revolution result from tactical aggressions against the<br />
grid.” (“Deconstruction and Graphic Design,” p. 9; in Lupton and Miller, Design Writing Research, Kiosk, New<br />
York 1996.) Earls and other young renegade typographers made a huge impression on me; I realized that we are<br />
kindred spirits. What they are doing dovetails with my ideas for Afrika. Graphic <strong>design</strong> cannot avoid the pluralism<br />
of influence wrought by the globalization of the canon. My illustration of the ridiculousness of forcefeeding Africans<br />
stale <strong>design</strong> principles is true for other “non-western”locales.<br />
So I lectured, showed slides – my Cooper Union students’ work, the work of the new typographers, and pages from<br />
my own book, called Afrikan Alphabets (a work in progress) – and stunned my <strong>au</strong>dience! They were stunned not<br />
bec<strong>au</strong>se what I was saying was so far-fetched or difficult to swallow – they had never thought of things that way!<br />
Graphic <strong>design</strong> was such a “foreign” thing that the idea of personalizing it had never crossed their minds. I gave<br />
them two projects: each one had to <strong>design</strong> a typeface, and as a group, they made a book out of bark cloth (which<br />
I call ”Afrikan paper”) about the process of making the medium. We wanted to create a truly Afrikan book, using<br />
natural dyes and inks and some of the new fonts, but we only had ten days, so we opted for silkscreening the text<br />
instead.<br />
Since I’m fond of saying that Afrikans did not have shapes like squares or rectangles, I insisted that the text be<br />
laid out in circles and other organic shapes, with each spread different. The results were stunningly simple and<br />
amazingly effective. Varying style and structure in one unit is also prevalent in other Afrikan arts like music and<br />
dance; just listen to mbira music, deceptively simple to the uninitiated ear but extremely complex in structure to the<br />
trained musician. The Afrikan’s <strong>sens</strong>e of color and rhythm is unique to the continent. Take for instance textile <strong>design</strong>.<br />
It was a revelation to learn that in the Congo, where textile <strong>design</strong> is big, the seemingly “off register” printing<br />
on “kitenge” cloth is intentional! That is how the market demands it. One looks at the <strong>graphic</strong> expression of the<br />
deconstructivists where razor-sharp precision is thrown out of the window in favor of looser and more atmospheric<br />
work and wonders why we are not encouraging our students to experiment with <strong>sens</strong>ibilities that would come more<br />
naturally to them. Take color for instance. Afrikans have their own palettes that have no kinship with the principles<br />
of color devised by such schools of thought as the B<strong>au</strong>h<strong>au</strong>s. Why do we ignore those? The rest of the world would<br />
love to understand this Afrikan <strong>sens</strong>e of color! Tapestries woven by “unschooled” craftspeople grace some of the<br />
world’s major museums and private collections – stunning testimonials to the Afrikan creative genius. Rhythm<br />
comes naturally to the Afrikan artist bec<strong>au</strong>se of her proximity to nature in everyday life. I saw stunning rhythmic<br />
patterns on baskets in Uganda and realized then that when we talk of rhythm in <strong>design</strong> today, we evoke the work of<br />
people like Piet Mondrian, who was inspired by the jazz music of the Afrikan Amerikans who in turn brought that<br />
stuff with them on their forced journey to the new world. Can you imagine the potency of <strong>design</strong> work that looks at<br />
home for rhythmic inspiration!<br />
We could go on and on with the analogies; the fact remains – Afrika is the source of it all. Let us go back to the<br />
source. The western world is looking to Afrika again for inspiration. This time they won’t simply walk in and take<br />
it (in fact, they don’t want to!) – rather, they will learn from us; there will be mutual respect for each other’s intellectual<br />
and creative property. There will be an equal flow of information and knowledge from north to south and<br />
vice-versa. That is the new order, and we are starting to create it now. ZIVA is only a small step in the right direction.<br />
We need more people who care to join us and chart the way forward.<br />
63
38. noTIons <strong>au</strong>Tour de La CuLTure<br />
Culture et Civilisation selon edward tylor en 1871 : « totalité complexe qui comprend les connaissances, les<br />
croyances, les arts, les lois, la morale, la coutume, et toute <strong>au</strong>tre capacité ou habitude acquise par l’homme en tant<br />
que membre de la société »<br />
tradition par pouillon,1991 : « ce qui d’un passé persiste dans le présent où elle est transmise et demeure agissante<br />
et acceptée par ceux qui la reçoivent et qui, à leur tour, <strong>au</strong> fil des générations, la transmettent.»<br />
« Sans pour <strong>au</strong>tant se confondre, culture et langue entretiennent d’étroits rapports. […]La multiplication des<br />
échanges à l’échelle mondiale ouvre une arène où les langues sont en rapport de cloisonnement, de traduction et de<br />
compétition les uns avec les <strong>au</strong>tres » la mondialisation de la culture, Jean-pierre Warnier.<br />
39. d’une CuLTure IndIVIdueLLe à une TradITIon<br />
Petite parenthèse pour illustrer cet aspect de la culture ; le mouvement rasta est apparu vers les années 1930-40<br />
par Leonard P. Howell. C’est par le fruit de ses nombreux voyages <strong>au</strong> Panama, en Russie, <strong>au</strong>x États-Unis, et par<br />
ces affinités avec la culture indienne et la culture Éthiopienne, tout cela s<strong>au</strong>poudré de Judaïsme et de catholicisme<br />
que Leonard P. Howell a fondé le mouvement comme une idéologie de vie et non religion. Et c’est parce qu’il a<br />
choisi de transmettre sa pensée que le mouvement s’est perpétré, et c’est parce que d’<strong>au</strong>tres l’ont diffusé à travers<br />
un produit culturel infaillible « la musique » qu’il s’est répandu à travers le monde. Inutile de parler de toute l’esthétique<br />
et des trois couleurs qui se sont <strong>au</strong>ssi répandues par l’édition musicale et la mode dans un premier temps.<br />
64
40. sÉLeCTIon d’oeuVres de sakI MaFIndIkwa<br />
65
suPPLÉMenT d’InForMaTIon ConCernanT queLques ThèMes aBordÉs<br />
la différence entre signe et symbole présentée par ducrot et todorov<br />
« L’épreuve pratique qui permettra de distinguer entre signe et symbole est l’examen des deux éléments en relation.<br />
Dans le symbole ils doivent être homogènes. Cette opposition permet d’éclairer le problème de l’arbitraire<br />
du signe...La relation entre un signifiant et un signifié est nécessairement immotivé : les deux sont de nature différente<br />
et il est impensable qu’une suite graphique ou sonore ressemble à un <strong>sens</strong>. En même temps cette relation est<br />
nécessaire, en ce <strong>sens</strong> que le signifié ne peut exister le signifiant, et inversement. En revanche dans le symbole de<br />
la relation entre symbolisant et « symbolisé « est non nécessaire (ou « arbitraire »)puisque le « symbolisant » et<br />
parfois le « symbolisé » (par exemple, les signifiés flamme et amour) existent indépendamment l’un de l’<strong>au</strong>tre ; et<br />
pour cette même raison la relation ne peut être que motivée... Ces motivations sont généralement classées en deux<br />
grands groupes : ressemblance et contiguité »<br />
structure élémentaire de la parenté Cl<strong>au</strong>de lévi-str<strong>au</strong>ss<br />
« Le symbolisme ainsi conçu n’est pas un moyen de coder l’information,mais de l’organiser »<br />
philosophie du langage<br />
Selon Hegel, « on croit ordinairement […] que ce qu’il y a de plus h<strong>au</strong>t c’est l’ineffable… Mais c’est là une opinion<br />
superficielle et sans fondement ; car en réalité l’ineffable c’est la pensée obscure, la pensée à l’état de fermentation,<br />
et qui ne devient claire que lorsqu’elle trouve le mot. Ainsi, le mot donne à la pensée son existence la plus h<strong>au</strong>te et<br />
la plus vraie. » Il ajoute ailleurs : « C’est dans les mots que nous pensons. » Bergson pense que le langage ne nous<br />
est pas totalement acquis car on ne peut pas tout dire avec, on ne peut clairement expliquer un sentiment. C’est là<br />
notre seul problème.<br />
Selon Aristote, dans la mesure où nous parlons nous nous rapprochons pour former une cité. Dans la mesure où<br />
nous vivons en société, nous parlons pour échanger, pour communiquer <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres soit nos passions, soit un besoin.<br />
Le langage tire donc sa raison de la société et en est lui-même l’effet. Cette corrélation du langage et de la société<br />
explique le caractère conventionnel du langage, c’est-à-dire son fondement par des règles arbitraires éditées par<br />
l’Homme. Cet arbitraire est débattu dans Le Cratyl de Platon, selon le sophiste Cratyl, le lien entre le mot et la<br />
chose désignée est fondé sur la «rectitude naturelle des noms». Il affirme que les mots sont justes lorsqu’ils ressemblent<br />
à ce qu’ils désignent. Le lien serait donc naturel. Cependant, la fin du dialogue entre Cratyl et Socrate<br />
affirme l’impasse d’une telle théorie et cela malgré la séduction qu’elle exerce y compris sur Socrate. Ferdinand De<br />
S<strong>au</strong>ssure, fondateur de la linguistique, définit le langage ainsi dans le Cours de Linguistique générale écrit par ses<br />
étudiants : le langage est un système de signes qui unit par convention une idée, un concept et un son, une image<br />
acoustique. Selon lui, le lien entre la chose (signifié) et le mot composé d’une suite de sons (signifiant) n’est pas<br />
motivé, il est arbitraire : il n’existe <strong>au</strong>cun rapport intérieur entre le mot «sœur» et le son «sör» associé <strong>au</strong> mot. Une<br />
objection consisterait à dire que les onomatopées sont la preuve qu’il existe un lien motivé entre le signifié et le<br />
signifiant : le son de l’onomatopée imiterait le son provoqué par la chose désignée ; «cocorico» pour désigner le<br />
chant du coq par exemple. Ferdinand De S<strong>au</strong>ssure répond que l’onomatopée reste arbitraire et donne pour preuve<br />
la variation de l’onomatopée selon les langues : en anglais, «cock-a-doodle-do» désigne à son tour le chant du coq<br />
et n’a à priori rien à voir avec notre «cocorico». De la même façon nous pensons parfois que le mot «fouet» <strong>au</strong>rait<br />
un rapport naturel avec la chose fouet car il imiterait le sifflement de celui-ci. De S<strong>au</strong>ssure nous rappelle qu’étymologiquement,<br />
le mot «fouet» désigne le hêtre, bois dont est fait le fouet et non son sifflement.<br />
le langage (Vocabulaire technique et critique de la philosophie d’andré lalande)<br />
a. Proprement, fonction d’expression verbale de la pensée, soit intérieure, soit extérieure. « L’intention (de parler),<br />
qui n’est point nécessairement langage, pas même langage intérieur, aboutit <strong>au</strong> langage intérieur ou à la parole »<br />
Delacroix, le langage et la pensée. En ce <strong>sens</strong>, langage s’oppose à parole en deux <strong>sens</strong> : 1. En tant que par parole,<br />
on entend exclusivement le langage extérieur, comme dans l’exemple même chapitre : « le langage intérieur n’est<br />
pas nécessaire à la parole. » En ce <strong>sens</strong>, langage est un genre dont la parole extérieure est une espèce ; 2. En tant<br />
que parole désigne l’acte individuel par lequel s’exerce la fonction langage : une parole, des paroles.<br />
B. Usage de cette fonction, dans un cas déterminé. « Employer un langage obscur ; parler le langage de la raison. »<br />
C. Par suite, synonyme de langue ; <strong>au</strong>trefois, dans tous les cas : « ...un Limousin qui contrefaisoit le langaige françois<br />
» RABELAIS. Pantagruel. ; actuellement, ne se dit plus guère que du langage des peuples non civilisés, ou des<br />
manières de parler spéciales, comme un argot, qui n’ont pas la fixité et la régularité des grandes langues de cultures.<br />
Au contraire, langage s’emploie fréquemment, par opposition à langue, pour distinguer la fonction de s’exprimer<br />
par la parole, en général, de tel ou tel système linguistique fixé dans une société donnée. C’est ainsi qu’on oppose<br />
à la question de « l’origine du langage » (dans l’humanité), celle de l’origine de telle ou telle langue, comme le<br />
français ou l’anglais.<br />
d. Au <strong>sens</strong> le plus large, tout système de signes pouvant servir de moyen de communication. « le Langage des<br />
gestes ». « Tous les organes des <strong>sens</strong> peuvent servir à créer un langage ». VENDRYES . Le langage<br />
66
CaTaLogue aFrICa reMIx<br />
« Les images du corps ne concernent pas le corps telle une entité isolée, elles adviennent simultanément comme<br />
images du monde. Et le langage ne permet d’organiser que des classifications arbitraires qui rendront le <strong>sens</strong> de<br />
l’interprétation toujours proche de l’illusion » Henri Pierre Jeudy, Le corps comme objet d’art.<br />
...Nul n’est besoin de revenir sur les images reçues et les typologies des races, puisque le corps africain <strong>au</strong>quel nous<br />
avons affaire est multiple. Il est c<strong>au</strong>casien, il est asiatique, il est arabe, il est nègre. Il devient dès lors nécessaire, si<br />
nous voulons envisager la réalité d’un corps africain, de lui <strong>donner</strong> une substance. Le corps africain n’est africain<br />
que parce qu’il est revendiqué tel. Ainsi, ce n’est pas le corps seul qui nous adresse un message, mais la manière<br />
dont l’artiste le met en scène.<br />
...Le corps devient une toile vierge sur laquelle l’artiste transporte sa vision de notre humanité : instrument de<br />
médiation par lequel l’artiste parle à l’<strong>au</strong>tre, celui qui regarde ne peut s’empêcher de le qualifier, le corps est le<br />
premier élément concret par lequel nous sommes perçus. Il est le siège d’un conflit permanent parce que, à travers<br />
lui, se joue la question complexe de la perception. Il y a l’image que nous envoyons <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres et l’image que les<br />
<strong>au</strong>tres perçoivent de nous. Maîtriser cette image dédoublée revient à y mettre d’emblée, son âme ; afin d’éviter les<br />
malentendus, sous-entendus dans tout « premier regarde ». Aussi nous trouvons nous ici dans le domaine de la représentation,<br />
c’est à dire dans celui où l’on se projette, où l’on se présente <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres, où l’on négocie les conditions<br />
de son appartenance <strong>au</strong> monde.<br />
sur «TrIBaL»<br />
D’un point de vue historique, une tribu consiste en une formation sociale existant après la formation de l’État. Certaines<br />
personnes utilisent ce terme pour faire référence à des peuples ayant des modes de vie non occident<strong>au</strong>x ou<br />
des sociétés indigènes. Certains ethnologues utilisent ce mot pour désigner les sociétés organisées sur la base des<br />
liens de parentés, spécialement des familles ayant une même descendance. Dans certains pays comme les États-<br />
Unis, ou l’Inde, les tribus sont des peuples indigènes qui ont une reconnaissance légale dans le pays concerné. Les<br />
gouvernements des tribus peuvent être un chef de tribu ou un sorte de conseil de tribu, qui représente la tribu et est<br />
généralement composé de personnes âgées et sages.<br />
Notion considérablement débattue chez les ethnologues : ceux-ci voient des différences entre la tribu avant l’État et<br />
celle contemporaine ; certains de ces débats reflètent une controverse <strong>au</strong>tour du colonialisme. Dans l’imagination<br />
populaire, les tribus reflètent un mode de vie prétendument plus « naturel » que l’État moderne. Les tribus <strong>au</strong>raient<br />
des avantages soci<strong>au</strong>x car elles sont homogènes, patriarcales et stables. Certains croient que les tribus sont organisées<br />
selon des liens de parentés, et ont une idéologie sociale basée sur la solidarité.<br />
En 1972, Morton Fried dans son The Notion of the Tribe montre de nombreux exemples de membres de tribus<br />
qui parlent différentes langues et pratiquent différents rituels ou partagent des langues et pratiques venant d’<strong>au</strong>tres<br />
tribus. Il montre <strong>au</strong>ssi différents exemples de tribus qui suivent différents leader politiques. Il conclut que les tribus<br />
en général sont caractérisées par une hétérogénéité de pensées.<br />
Les archéologues continuent à explorer le développement des tribus pré-étatiques. Les recherches montrent que les<br />
structures tribales ont un type d’adaptation selon les situations.<br />
La tribu ou le clan (Bamossy 1995) intègre des individus qui se regroupent <strong>au</strong>tour de l’adhésion à une philosophie<br />
et une vision du monde avec plusieurs orientations possibles:<br />
• un positionnement fédérateur multi tribal avec des valeurs collectives partagées (New age naturaliste),<br />
• une stratégie de récupération clanique avec des codes et des rites (micro culture black américaine et sa mythologie<br />
sportive),<br />
• une démarche de fondation d’une tribu <strong>au</strong>tour d’une marque<br />
Tribal Mania chez eram<br />
67
Bibliographie<br />
• Jean Pierre Warnier, La Mondialisation de la Culture, Ed. La Découverte, Paris 2003<br />
• Marcel Hénaff, Cl<strong>au</strong>de Lévi-Str<strong>au</strong>ss, le passeur de de <strong>sens</strong>, Coll. Tempus, Ed. Perrin, 2008<br />
• Sigmund Freud, Totem et Tabou - 1912-1913 , Ed. Payot, 1923<br />
• Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, Ed. Présence Africaine, 1955<br />
• Aimé Césaire, Cahier d’un retour <strong>au</strong> pays natal, Ed. Présence Africaine, 1983<br />
• Cl<strong>au</strong>de Lévi-Str<strong>au</strong>ss, la pensée s<strong>au</strong>vage<br />
• Diderot, Supplément <strong>au</strong> voyage de Bougainville, 1772<br />
• Bernard-Marie Koltès, Le retour <strong>au</strong> désert, Ed de minuit, 1998<br />
• Mariv<strong>au</strong>x, L’Île des esclaves, 1725<br />
• Voltaire, L’Ingénu, 1767<br />
• Premières nations, collections royales, sous la direction de Christian Feest, la collection du musée du quai<br />
Branly<br />
• Marc Yvonnou, Michel BOHBOT, Pigments et matières : Art aborigène du Nord d’Australie, Ed. Le Temps<br />
du Rêve, 2001<br />
• Jean Chevalier, Alain Gheerbrandt, Dictionnaire des symboles, Ed. Robert Laffont<br />
• Clara Gibson, Comprendre les symboles, Ed. Larousse<br />
• Histoire de l’Art, David Thomise, Eyrolles<br />
• Africa Remix (catalogue), Centre Pompidou<br />
• Saki Mafundikwa, Afrikan Alphabets, story of writing in Afrika<br />
• Cl<strong>au</strong>de Lévi-Str<strong>au</strong>ss, La pensée s<strong>au</strong>vage, 1962<br />
• André Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Ed. PUF Quadrigetan<br />
• Tzvetan Todorov, Théories du symbole, 1977<br />
• Chantal AMNI, Marketing ethnique des perspectives pour la France?<br />
• Logomania, L’extraordinaire aventure de 50 marques Françaises, Ed. de Tokyo, Paris<br />
• Médias et diversité - de la visibilité <strong>au</strong> contenu<br />
• Déclaration universelle de l’Unesco sur la diversité culturelle votée en octobre 2005<br />
sources Internet<br />
• www.prodimarques.com<br />
• www.cotedor-chocolat.fr<br />
• www.lorealparis.com<br />
• www.imancosmetics.com<br />
• www.activilong.com<br />
• www.africandigitalart.com<br />
• www.quaibranly.fr<br />
• www.polymago.com<br />
• www.rogeroddone.com<br />
• www.itcfonts.com<br />
• www.ziva.org<br />
• www.dapper.com<br />
• www.mahj.org<br />
• europe.agnesb.com<br />
• www.isabelmarant.com<br />
• www.kenzo.com<br />
• www.lescocottesenpapier.typepad.fr<br />
• www.unesco.org<br />
• www.communities-can-do-it.com<br />
• www.art-z.net (le musée des arts derniers)<br />
• www.culturepub.com<br />
• www.peintureaborigene.com<br />
• www.wikipédia.org<br />
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