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Quel sens donner au Graphisme ethniQue ? - graphic design

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<strong>Quel</strong> <strong>sens</strong> <strong>donner</strong> <strong>au</strong> <strong>Graphisme</strong> <strong>ethniQue</strong> ?<br />

de la valeur du graphisme ethnique dans le graphisme contemporain.<br />

elodie molia - BGd2<br />

Juin 2011


Table des matières<br />

2<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

Introduction……………………………………………………….….…3 – 6<br />

i. de la pertinence de la représentation ethnique dans le graphisme<br />

a. un parti pris politique………………………………………….…....7- 10<br />

a) Un discours de propagande en images (1 er logo banania)<br />

b) Le stéréotype parfois impertinent (2e logo banania)<br />

B- des avantages économiques……………………………..........……10-13<br />

a) Ouvrir de nouve<strong>au</strong>x champs de profits. (le marketing multiculuturel)<br />

b) Sensibiliser une cible particulière – ou l’ethnomarketing<br />

C- de l’hommage à la référence …………………………………....…13-14<br />

a) Un grec qui le v<strong>au</strong>t bien (chocolat leonidas)<br />

b) Un pays qui fait du bon cacao ( chocolat côte d’or)<br />

d- une motivation esthétique…………………………………….........14-16<br />

a) Le glamour et la <strong>sens</strong>ualité (affiches côtes d’or)<br />

b) Des couleurs et des concepts nécessaires<br />

ii. les sources multiples d’un graphisme contemporain<br />

a. des lieux où les secrets d’un langage sont dévoilés ou erronés ?...16-20<br />

a) Des espaces stéréotypants<br />

b) Les lieux consacrés sont-ils adaptés<br />

B. d’un code à un <strong>au</strong>tre : un changement de statut qui dénature.......20-22<br />

a) Du sable à la galerie , du mystique à l’esthétique<br />

b) L’ethnique à l’occidental<br />

C. réappropriation de formes dans le <strong>design</strong> : pourquoi ?................22-26<br />

a) Une mutation des formes qui a du <strong>sens</strong><br />

b) L’occidental en mal de signes ?<br />

iii. etre graphiste d’origine ethnique ou pas<br />

a.un choix ou un état ? ……….……..………………..…......………..26-28<br />

a) Un témoignage<br />

b) Acculturation maîtrisée<br />

b.1:isabelle marrant : imprégnation du monde oriental<br />

b.2: Serge Mouangue : la confusion des frontières<br />

B. adapter et s’adapter…………………………………………......…29-31<br />

a) « Les enjeux et les contraintes du commanditaire doivent devenir ceux<br />

du graphiste »<br />

b) Les enjeux du commanditaire sont parfois délaissés <strong>au</strong> profit de la<br />

personnalité du graphiste.<br />

C. peut-on se défaire de son héritage culturel ?...................................31-34<br />

a) Un héritage ?<br />

b) Au delà du folklorique<br />

c) Le graphisme métissé : héritier du graphisme ethnique<br />

Conclusion…………………………………………………………...…….35<br />

Elodie Molia - Juin 2011


Introduction:<br />

3<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

Dans une société de consommation où « ethnique » devient un phénomène<br />

de mode, il est important de lever quelques voiles historiques avant de parler<br />

de <strong>Graphisme</strong> ethnique. Nous savons que les origines de l’art et plus tard<br />

du graphisme sont diverses et extrêmement complexes ; ce que nous ignorons<br />

c’est à quel point elles ont influencé nos comportements et nos mœurs à<br />

travers des siècles d’acculturation et d’échanges culturels.<br />

La civilisation contemporaine est le produit d’une transformation progressive<br />

qui se traduit à travers la culture et notamment par les références visuelles qui<br />

nous entourent. En effet, dès le XVe siècle et surtout <strong>au</strong> XVIe siècle, des grands<br />

explorateurs, tels que Bartolomeu Dias, Cristophe Colomb, Cortès, Magellan,<br />

Marco Polo, pour ne citer qu’eux, vont à la rencontre de contrées inconnues<br />

telles que l’Afrique, les Antilles, l’Inde, les Amériques et l’Asie. Ils y découvrent<br />

des richesses inestimables qu’ils considéreront comme sous-exploitées ;<br />

en-dehors des ressources agricoles vastes et diversifiées, les explorateurs sont<br />

fascinés par les sculptures, l’architecture, les signes mystiques, les dessins<br />

et les textiles réalisés par les <strong>au</strong>tochtones ou leurs ancêtres. Au-delà de leurs<br />

valeurs culturelles ou cultuelles, ils y verront un apport commercial non négligeable.<br />

Le commerce extra continental n’amenait pas que des esclaves ou<br />

des denrées exotiques. Il emmène avec lui les vestiges de civilisations encore<br />

incomprises par les européens à l’époque. La curiosité des souverains et des<br />

scientifiques engraisse le commerce de ces œuvres ; celles-ci vont révéler <strong>au</strong><br />

monde occidental de nouvelles conceptions du monde, qui vont d’abord intéresser<br />

les scientifiques puis des siècles plus tard des littéraires comme Voltaire<br />

ou Mariv<strong>au</strong>x, puis des artistes célèbres comme Picasso, Braque ou André<br />

Breton, par le biais des expositions universelles, et particulièrement celles de<br />

Paris et de Londres <strong>au</strong> XVIII ème siècle.<br />

La colonisation, épisode tabou de l’Histoire, est néanmoins un pan décisif qui<br />

va transformer le monde considérablement. Des ethnographes puis anthropologues<br />

vont manifester un intérêt croissant pour ses objets « exotiques » allant<br />

jusqu’à élaborer de nouvelles disciplines dont l’Anthropologie de l’Art. Erwin<br />

Panofsky est l’un de ces théoriciens. Son étude portera d’une part, sur le fait<br />

que chaque culture, en vertu de ses connaissances, puisse mettre en adéquation<br />

le réel et ses techniques et règles pour le représenter, d’<strong>au</strong>tre part sur la<br />

capacité des hommes à se rendre compte qu’ils ont le pouvoir de produire des<br />

objets et des images inédits tels que la nature le fait avec les phénomènes.<br />

Erwin Panofsky pose, d’ores et déjà, la question de l’intentionnalité dans l’art<br />

à partir de ces fameuses œuvres venues du bout du monde.<br />

Sans vouloir transformer l’Histoire de l’Art, c’est bien à partir de cette époque<br />

qu’on va se détacher plus ou moins radicalement du mimétisme de la nature.<br />

La vérité peut se trouver ailleurs. Des philosophes grecs avant J-C l’avaient<br />

déjà compris, mais ces théories vont radicalement se matérialiser à travers ce<br />

qu’ils vont naïvement nommer « les arts premiers ». Inutile, <strong>au</strong>ssi de rajouter<br />

que, non seulement, ces théories et constats vont ouvrir de nouve<strong>au</strong>x champs<br />

visuels, artistiques, scientifiques, sociologiques, mais ils vont <strong>au</strong>ssi <strong>donner</strong> le<br />

jour à de nouvelles disciplines.<br />

Elodie Molia - Juin 2011


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Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

Ce ne serait pas exagéré de dire que sans cet apport considérable de l’Afrique,<br />

de l’Amérique, de l’Australie ou de l’Asie, le <strong>Graphisme</strong> contemporain,<br />

totalement libéré du mimétisme, n’<strong>au</strong>rait pas vu le jour. L’exposition « La<br />

Fabrique des Images » du quai Branly, nous montre les différentes conceptions<br />

du monde à travers des œuvres qui mettent en exergue la manière de<br />

penser de chacune des ces civilisations. Elle nous amène à nous interroger<br />

sur la manière dont ces réflexions et univers divers influent les images que<br />

nous produisons dans notre société occidentale contemporaine. En d’<strong>au</strong>tres<br />

termes quelles sont les origines et la nature des images qui jalonnent notre<br />

environnement <strong>au</strong> quotidien. On pourrait dès lors être interpellé par la question<br />

de la légitimité du terme de « <strong>Graphisme</strong> ethnique » à l’intérieur même du<br />

<strong>Graphisme</strong> contemporain.<br />

Mais qu’est ce que l’ethnique à proprement parlé : « Le mot dérive du grec<br />

ancien qui signifie « peuple, nation ». Ce mot est apparu en 1896 dans la langue<br />

française. Une ethnie ou un groupe ethnique est un groupe humain possédant<br />

un héritage socioculturel commun, comme une langue, une religion ou des<br />

traditions communes. L’imprécision du concept d’ethnie est illustrée selon<br />

Jean-Pierre Chrétien par des populations habitant la région des grands lacs<br />

africains, tels les Hutus et les Tutsi : « Voici des ethnies qui ne se distinguent<br />

ni par la langue ni par la culture, ni par l’espace géographique occupé »».<br />

En plus d’une contribution culturelle, ces grandes expéditions à but lucratif<br />

ou pas, introduisent des individus avec des mœurs, des faciès, des comportements<br />

et des connaissances tout <strong>au</strong>ssi différents.<br />

Vers la fin de la période esclavagiste, les commerçants n’hésiteront pas à<br />

s’emparer de ces couleurs d’ailleurs à travers un commerce estampillant de<br />

manière tangible des visuels à connotation ethnique sur leurs produits. Et plus<br />

tard les Américains vont exploiter sans retenue ce phénomène par le biais de<br />

ce que nous appellerons «le marketing ethnique ». Par marketing ethnique,<br />

nous entendons l’appropriation de codes, de symboles, de mythes, des traditions,<br />

et des signes de ces cultures «étrangères » à des fins qui n’ont rien à voir<br />

(ou peu) avec leur buts originels. Les Etats-Unis à partir du milieu du XX ème<br />

siècle , vont exploiter leur manie des catégorisations et quotas ethniques pour<br />

créer des marques exclusives pour ces commun<strong>au</strong>tés. Le travail de repérage<br />

est déjà fait, il suffit de créer les produits correspondants <strong>au</strong>x données que<br />

l’état n’a cessé de récolter et de formater depuis la fin du XVIII ème siècle avec<br />

les premiers recensements.<br />

Les Etats-Unis ont peut-être été précurseurs de cette action, mais ils n’avaient<br />

sûrement pas compris que n’importe quel individu pouvaient s’approprier<br />

les valeurs, symboles et coutumes diffusés par ces marques spécifiques. Ce<br />

phénomène peu banal s’était déjà reproduit <strong>au</strong> XVIII ème siècle pendant la colonisation<br />

française en Amérique : à la Nouvelle Orléans à Montréal. En effet,<br />

les français qui, dans les périphéries de l’empire, vivent plus étroitement <strong>au</strong><br />

contact des Indiens, subissent des formes d’acculturation. Ils s’initient <strong>au</strong>x<br />

langues locales, apprennent à fabriquer des can<strong>au</strong>x d’écorces, se font tatouer<br />

des symboles chrétiens à côté de symboles <strong>au</strong>tochtones et d’<strong>au</strong>tres coutumes<br />

qu’ils partageront avec les Indiens. On ne peut sûrement pas changer de<br />

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Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

couleurs de pe<strong>au</strong> mais les valeurs restent toujours universelles. Et c’est ainsi<br />

que des gens n’ayant jamais visité l’Afrique ressentent parfois comme une<br />

étrange nostalgie de ce pays.<br />

Nous verrons que la société occidentale par la mondialisation, et la globalisation<br />

a créé un sentiment d’appartenance particulier ; pour certains d’entre<br />

nous le sentiment d’appartenance à une seule culture distincte devient peu<br />

évident. Les graphistes, architectes, artistes, entrepreneurs etc...vont chercher<br />

des informations scientifiques et des savoir-faire, non seulement anciens<br />

mais venant d’<strong>au</strong>tres civilisations pour perfectionner leurs techniques. Et l’on<br />

ne parle pas d’architecture ethnique en parlant de Jean Nouvel, ou de mode<br />

ethnique en parlant de Christian Lacroix et pourtant nous savons que leurs<br />

sources d’inspirations ne viennent pas toujours des romains ou des g<strong>au</strong>lois.<br />

C’est donc tout naturellement que je me pose la question de savoir si le terme<br />

de <strong>Graphisme</strong> ethnique a lieu d’exister dans un monde où toutes les cultures<br />

se côtoient constamment de manière transversale ;<br />

<strong>Quel</strong> <strong>sens</strong> pouvons-nous <strong>donner</strong> <strong>au</strong>jourd’hui à l’expression “graphisme<br />

ethnique” ?<br />

La réponse à la question pourrait paraître évidente <strong>au</strong> vu de ce qui se fait<br />

<strong>au</strong>jourd’hui. Les thèmes d’actualité redondants tels que le multiculturalisme,<br />

la discrimination positive, l’identité nationale, mettent en exergue un phénomène<br />

de valorisation ou dévalorisation de certaines cultures. Cette insertion<br />

fortuite dans les médias prouvent que le sujet n’est pas anodin et qu’il devient<br />

important de rétablir un semblant de stabilité et d’équité dans un monde métissé<br />

qui a peut-être l’impression de perdre ses repères dans un espace qui a de<br />

plus en plus tendances à brouiller les cultures et les appartenances.<br />

En effet, nous constatons que nos influences et références sont de moins en<br />

moins précises et de plus en plus diversifiées. Cet état des lieux se fait à travers<br />

nos rites quotidiens tels que le repas, l’habillement, les loisirs etc...qui sont les<br />

pratiques culturelles les plus basiques. Si nos rites les plus basiques subissent<br />

ces influences nous pouvons presque affirmer que notre mode de vie tel qu’il<br />

est présenté actuellement est le résultat de métissage culturel de moins en<br />

moins détectable.<br />

Ce phénomène créé une telle confusion qu’il nous empêche de voir l’origine<br />

des images qui nous entourent. On pourrait se demander si c’est nécessaire,<br />

mais il est important de connaître pour comprendre. Dans le monde du Graphic<br />

Design, on ne peut négliger la culture de chacun, car c’est par l’image que les<br />

hommes ont appris à communiquer avant tout. Les valeurs symboliques des<br />

formes, des couleurs ne peuvent être négligées lors de l’élaboration d’une<br />

image quelle qu’elle soit.<br />

De manière plus objective, aborder le graphisme sous cet angle peut-être<br />

un atout pour le Graphic Designer qui communique dans une telle société ;<br />

à l’exemple de Pierre Bernard qui s’était vu confronté à des problèmes de<br />

couleurs de logo lors de la déclinaison de celui des parcs nation<strong>au</strong>x outreatlantiques<br />

1 .<br />

Le terme «ethnique » est devenu un parti pris spécifique, un produit marketing,<br />

en somme quelque chose de superficiel. Alors que les raisons de son<br />

1. voir annexe sur l’histoire du logo des parcs nation<strong>au</strong>x (p.37)<br />

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Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

emploi sont souvent bien plus complexes et moins naïves qu’on pourrait le<br />

croire. C’est vrai que les «arts primitifs » sont parfois surnommés «arts naïfs »;<br />

ce qui est bien naïf compte tenu de ce que nous allons découvrir à travers notre<br />

étude sur les emplois d’un graphisme dit «ethnique » dans notre société déjà<br />

pluri-ethnique.<br />

Nous aborderons donc notre étude en examinant les différents emplois de ce<br />

graphisme dit « ethnique » en passant des stéréotypes à des éléments purement<br />

graphiques. Nous irons ensuite visiter le <strong>Graphisme</strong> contemporain en passant<br />

par la mode et l’architecture et tenterons de mesurer l’apport de ce <strong>design</strong><br />

particulier. Nous finirons par nous interroger sur les créateurs de ce graphisme<br />

et leur façon de se libérer de ces formes ou de se les approprier dans une société<br />

globalisante qui a tendance à effacer les particularités ou à les marginaliser.<br />

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Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

i- de la pertinence de la représentation ethnique dans le graphisme<br />

a- un parti pris politique<br />

Le <strong>Graphisme</strong> depuis son apparition et même à ses prémices était l’instrument<br />

de la démonstration d’un propos ou d’un argument. Il n’a jamais vécu<br />

que pour <strong>au</strong>trui et d’ailleurs ironiquement, les premières manipulations de<br />

cet instrument sont de pures propagandes, utilisées à des fins purement politiques<br />

ou informatives. Je parle bien sûr des premières affiches ou des documents<br />

administratifs roy<strong>au</strong>x, dès le XV ème siècle faits pour mettre en valeur<br />

la puissance du Roi à travers son empire. Il fait circuler une image flatteuse,<br />

peut-être loin de la réalité à travers des éléments graphiques tels que la typographique,<br />

les estampes, les gravures.<br />

Dès le début du XX ème siècle, la représentation ethnique dans le graphisme est<br />

elle <strong>au</strong>ssi employée pour arranger la réalité, elle reflète plus de connotations<br />

que l’objet de la représentation lui-même. Nous allons tenter d’étayer notre<br />

propos en essayant de comprendre quelles étaient les motivations de la représentation<br />

ethnique dans le graphisme et comment elle a évolué ou pas.<br />

a) Un discours de propagande en images<br />

L’une des premières utilisations de la représentation<br />

ethnique dans la publicité est un exemple probant de la<br />

manipulation par l’image. Examinons le tout premier<br />

logo de Banania, délicieuse boisson <strong>au</strong> cacao <strong>au</strong>x<br />

origines un peu inavouées.<br />

Le nom de Banania dans un premier temps fait référence<br />

à la banane, produit exotique de luxe à l’époque<br />

en provenance des colonies Antillaises. Le nom du<br />

produit a également un côté infantilisant et une sonorité<br />

linguistique étrangère qui nous amène outre atlantique.<br />

Le fond bleu azur (<strong>au</strong>jourd’hui terni) de la boîte<br />

n’est pas sans rappeler le ciel ou les e<strong>au</strong>x de la Caraïbe. Le graphisme de ce<br />

packaging et du logotype est influencé par plusieurs mouvements artistiques<br />

de l’époque contemporaine à l’apparition du produit ; un style «art Déco »<br />

et même «art nouve<strong>au</strong> » à travers dessins et motifs flor<strong>au</strong>x précis, en plus de<br />

l’éloge évident de la femme (mère nourricière) et a contrario, un caractère<br />

linéal pour «BANANIA ».<br />

Ils iront plus loin encore en faisant d’une femme antillaise l’image de Banania<br />

; manière non dissimulée de mettre en évidence les biens faits des produits<br />

d’outre atlantique, la France étant en pleine euphorie coloniale et cherchant à<br />

justifier une expansion croissante.<br />

Outre le fait que l’effigie antillaise ait bizarrement les traits d’une européenne,<br />

la première identité visuelle de Banania est le fruit d’une entière composition<br />

visant à faire passer un message que l’on pourrait percevoir comme politique : «la<br />

colonisation est fructueuse car elle permet de nourrir les compatriotes de tout<br />

un empire. Au-delà de vêtements folkloriques, voyez-vous comme ils nous<br />

ressemblent ».<br />

Si encore Banania était le fruit du résultat de la coopération des colonies et<br />

de la métropole, nous <strong>au</strong>rions pu éviter le terme de propagande en parlant de<br />

Elodie Molia - Juin 2011


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Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

cette campagne, si la création de la marque Banania était <strong>au</strong>tre que le résultat<br />

de l’un des voyages de Pierre-François Lardet en Amérique. Alors accueilli<br />

dans un village indien <strong>au</strong> bord du lac Managua, il se fera servir ce délicieux<br />

breuvage régional à base de cacao, de banane et de céréales préparé par les<br />

femmes indiennes. Les loc<strong>au</strong>x ayant gardé le secret de la recette, il tentera de<br />

reproduire le même goût à son retour en Europe.<br />

Nous constatons dès lors qu’à travers toute cette imagerie populaire faisant<br />

référence <strong>au</strong>x îles de la Guadeloupe et de la Martinique, non seulement nous<br />

nous sommes éloignés de l’origine du produit, mais les moyens graphiques<br />

utilisés pour faire la démonstration du propos déjà erroné sont décalés. Il est<br />

vrai que des mouvements comme l’art nouve<strong>au</strong> découlant de la sécession<br />

viennoise permettent de développer diverses disciplines y compris ce qu’on<br />

appellera plus tard le packaging. Mais la cohérence du fond et de la forme, ici<br />

nous font cruellement déf<strong>au</strong>t. En effet, le lien avec l’Amérique centrale est<br />

proprement omis et la simple représentation d’une négresse antillaise n’a que<br />

peu de rapport avec la réalité.<br />

Ici, le logo Banania est la puissante mise en situation d’une manipulation<br />

par l’image et de l’utilisation de ce que l’on pourrait appeler un fantasme 2<br />

exotique.<br />

Revenons sur la notion de fantasme à ne pas négliger dans la conception<br />

de cette image : traduction de l’allemand «Phantasie » inventé par Sigmund<br />

Freud, compromis entre deux termes existants : « phantasme » (hallucination)<br />

et « fantaisie » (imagination débridée). Le fantasme se comprend comme une<br />

élaboration dérivée de plusieurs éléments, mettant en jeu différentes pulsions<br />

inscrites dans l’histoire du sujet. Le fantasme est la formation de compromis,<br />

il élabore différents matériels, dont certains sont conscients et d’<strong>au</strong>tres<br />

non.» La conception de ce logo serait donc issu d’un fantasme qui pencherait<br />

plus vers la notion de fantaisie que de phantasme comme l’explicite Freud.<br />

Néanmoins cette part d’hallucination est tout de même présente <strong>au</strong>x yeux du<br />

spectateur, car la plupart du temps, la vision qu’il <strong>au</strong>ra de n’importe quelle<br />

<strong>au</strong>tre antillaise, sera désormais celle de Banania avant que les émigrations<br />

vers la métropole n’affluent.<br />

A travers sa première identité visuelle, Banania créé un mythe <strong>au</strong>tour des<br />

colonies, il invente carrément un nouve<strong>au</strong> langage et de nouve<strong>au</strong>x symboles<br />

qui vont se manifester de plus en plus à travers les années à venir. Si elle<br />

n’est pas un stéréotype, cette représentation est bien symbolique, et en ce <strong>sens</strong><br />

elle se rapproche des structures de langages des commun<strong>au</strong>tés totémiques par<br />

exemple. Le signifiant ne représente pas forcément le signifié, il présente un<br />

concept, une vision des choses, un idéal charismatique tel que le bien fondé<br />

de l’empire colonial.<br />

Ce n’est pas encore un stéréotype, il s’empare juste du phénomène «d’euphorie<br />

coloniale », et fait véhiculer un idéalisme politique à travers une boisson<br />

populaire ; l’origine du produit est masquée par l’image d’une antillaise vue<br />

par un européen un peu ignorant. De l’exotisme oui mais pas trop. L’antillaise<br />

en question sera un peu plus bronzée avec le temps, mais l’apport américain<br />

ne sera jamais dévoilé. A déf<strong>au</strong>t de représenter le fait réel, le logo avait le don<br />

2. voir annexe <strong>au</strong>tour du fantasme (p.38)<br />

Elodie Molia - Juin 2011


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Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

de faire passer un message ou une idée plus ou moins pertinente, en parfait<br />

accord avec les courants de pensée de l’époque.<br />

b) Le stéréotype parfois impertinent<br />

Le second logo de Banania atteint le summum de l’impertinence,<br />

jamais on a vu un logotype réalisé avec si<br />

peu de fond et basé sur une histoire <strong>au</strong>ssi peu vraisemblable.<br />

Quoi que l’on puisse en dire, ce logo, caricaturé<br />

à souhait, a constitué et installé en bonne partie<br />

la marque dans le cœur des français de métropole et<br />

d’outremer.<br />

En effet la seconde effigie de Banania apparue en 1915<br />

sur les boîtes de boisson chocolatée en poudre s’inspire<br />

des tirailleurs sénégalais veillant sur les fortifications<br />

marocaines, et ayant combattu pour la France lors de<br />

la première guerre mondiale. Nous ne nous attarderons<br />

pas sur la façon dont ils étaient jugés par rapport <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres « races »,<br />

mais ils sont considérés comme des héros à cette époque. Et leur image de<br />

bonhomie enfantine, toujours souriants sera reprise sur de nombreuses cartes<br />

postales. En légende le soit-disant crédo de ces soldats « Y’a bon cuisine, y’a<br />

bon pinard, y’a bon capitaine ».<br />

C’est ce modèle que reprend Banania pour son logo, la tête d’un tirailleur<br />

sénégalais sortant toutes ses dents devant cette délicieuse boisson d’origine<br />

américaine. Le slogan « Y’a bon Banania » est <strong>au</strong>ssi puisé dans la nostalgie et<br />

les petites histoires populaires qui servent à créer une marque 3 .<br />

Encore une fois, les créateurs de la marque s’inspirent de l’imagerie populaire<br />

et cette fois-ci ils frôlent et même tombent en plein dans le stéréotype. Des<br />

couleurs primaires : le j<strong>au</strong>ne, (peut être pour le soleil) représente assez bien le<br />

côté hégémonique de la marque. C’est une couleur lumineuse et chaleureuse,<br />

dynamique qui illustre bien les vertus énergétiques et extra nourrissantes du<br />

produit. Autant le choix du j<strong>au</strong>ne nous paraît justifié en vertu de ses qualités<br />

<strong>au</strong>dacieuses, intuitives et entraînantes, <strong>au</strong>tant le bleu et le rouge nous paraissent<br />

seulement dûs à l’uniforme du tirailleur.<br />

Banania s’empare d’un stéréotype déjà ancré dans l’imagination des français<br />

pour asseoir la marque : un «nègre » niais qui découvre une délicieuse boisson<br />

à base de produits tels que le cacao, les bananes et les céréales, alors que ces<br />

derniers sont très souvent issus de cultures du continent africain. (comme le<br />

cacao pour le Congo et les bananes pour le Sénégal). Même si on se rapproche<br />

des potentielles origines des ingrédients du produit, géographiquement parlant,<br />

on s’éloigne encore de son origine réelle. Elle est constamment tournée vers<br />

un contexte politique : ici Banania est considéré comme un outil de guerre<br />

aidant les soldats à surmonter le calvaire des tranchées. Comme les tirailleurs,<br />

Banania est <strong>sens</strong>é incarner la force, l’espoir et l’optimisme dans cette longue<br />

période belliqueuse.<br />

Avec cette identité visuelle, Banania s’enferme dans un texte temporel et politique<br />

restreint. L’engouement pour le petit sénégalais va s’estomper avec la fin<br />

de la guerre, et l’arrivée des temps modernes puis la deuxième guerre mondiale<br />

et enfin la décolonisation. Malgré une tentative de Banania de moderniser son<br />

3. petit supplément en annexe (p.39)<br />

Elodie Molia - Juin 2011


10<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

logo en 1957 avec l’apport d’un graphiste tel que Hervé Morvan, Banania<br />

reste piégé dans son image colonialiste et nostalgique inscrite dans un passé<br />

plus ou moins honteux. Lorsque nous parlons d’impertinence, nous pensons<br />

à la m<strong>au</strong>vaise utilisation d’une figure à la mode pour établir l’identité d’une<br />

marque dans le temps. Avec le temps, l’image du « Y’a bon » est devenue<br />

inappropriée et même obsolète par rapport <strong>au</strong> contexte socio-économique,<br />

surtout pendant la décolonisation à partir de 1946 où les émancipations des<br />

peuples indigènes menées par des grands penseurs tels que Aimé Césaire ou<br />

Léopold Sedar-Senghor risquent de <strong>donner</strong> un goût amer à la boisson.<br />

La représentation ethnique dans le graphisme reste très difficile à manier car<br />

les signes racontent une histoire, ils sont les éléments d’une organisation, qui<br />

va <strong>au</strong>-delà de ce que l’on voit. On ne peut pas utiliser l’image du tirailleur en<br />

pensant que l’on va effacer le guerrier et l’africain mort pendant la guerre.<br />

« La lecture d’une image photographique et l’écoute d’un son ne peuvent pas<br />

être séparées du contexte social et historique dans lequel ils sont vus, entendus,<br />

compris et utilisés. » 4<br />

La représentation ethnique ne peut pas être, dans un tel contexte, la représentation<br />

d’un courant de pensée, ou d’actions visant à promouvoir un produit qui<br />

n’<strong>au</strong>rait rien à voir avec l’image qui le représente. Ils continueront à mettre le<br />

« Y’a bon » en arrière plan, ce qui fera sourire les consommateurs avertis et se<br />

questionner les nouve<strong>au</strong>x, mais il reste néanmoins flagrant que l’on se posera<br />

toujours la question du choix de cette imagerie pour une recette inventée par<br />

des indiens d’Amérique centrale.<br />

Il y a donc bien quelque chose qui échappe à notre entendement dans cette<br />

stratégie marketing. En tout cas, la stratégie de Banania montre que les raisons<br />

de l’emploi de ce genre de signes n’incluent pas forcément un signifié ayant<br />

un rapport direct avec son signifiant. Nous constatons que l’ethnique rime<br />

avec politique ; ni le signe ni le mot ne veulent dire ce qu’ils ont l’air de<br />

vouloir communiquer.<br />

B- des avantages économiques<br />

Cet aspect de notre recherche va se tourner vers la cible, car toutes les<br />

démarches graphiques quelles qu’elles soient, visent à toucher un public particulier.<br />

Ici nous allons voir en quoi la cible va déterminer le choix des annonceurs.<br />

L’utilisation de l’ethnique dans le graphisme et dans la communication<br />

à travers logos, images, signes et visuels a d’<strong>au</strong>tres avantages dont vont se<br />

servir de nombreuses marques pour des raisons économiques diverses. Cette<br />

tendance a été lancée, expertisée et améliorée par les Etats-Unis depuis la création<br />

de la Commission Kellerman en 1968. En effet, le lancement de médias<br />

et le développement de produits spécifiques <strong>au</strong>x « minorités ethniques » <strong>au</strong>x<br />

Etats-Unis vont ouvrir un marché jusqu’alors inexploité. Les annonceurs y<br />

voient de nouvelles opportunités et deux champs bien distincts vont se profiler<br />

dans le monde du « marketing ethnique » : d’un côté l’ethnomarketing, de<br />

l’<strong>au</strong>tre le marketing multiculturel. Nous allons tenter de décortiquer ces deux<br />

termes par des illustrations probantes montrant leur différences.<br />

4. Médias et diversité - De la visibilité <strong>au</strong> contenu- Le double rôle des médias,<br />

débattre et agir. (...). Voir supplément en annexe (p.39)<br />

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11<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

a) Ouvrir de nouve<strong>au</strong>x champs de profits. (le marketing multiculuturel)<br />

Les annonceurs ont flairé le filon, il f<strong>au</strong>t absolument exploiter cette tranche de<br />

population d’une manière ou d’une <strong>au</strong>tre. Mais contrairement à leur prédécesseurs,<br />

l’utilisation de graphisme ethnique dans leur plan de communication<br />

sera complètement justifiée et en parfait accord avec ce qu’elle va représenter.<br />

Car des annonceurs comme l’Oréal et des chaînes de télévision comme<br />

BET par exemple, lancent des produits spécifiques qui leur donnent le droit et<br />

même l’obligation d’exploiter l’image de la cible qui, pour le coût, sera d’origine<br />

ethnique diverse ou restreinte. Ils vont exploiter des champs culturels, et<br />

traditionnels. Ils vont pour ce faire utiliser des signes et des symboles <strong>sens</strong>és<br />

créer un sentiment d’affinité avec la marque.<br />

L’Oréal commence par ouvrir sa marque de cosmétique sur de nouvelles<br />

cibles en se faisant représenter par des femmes et hommes d’origines diverses,<br />

comme Beyoncé Knowles, Noémie Lenoir, Zilin Zhang, Agbani Darego ou<br />

Aishwarya Rai pour ne citer que celles-ci. Seulement les produits qu’elle<br />

propose ne sont pas adaptés <strong>au</strong>x égéries mêmes qui sont <strong>sens</strong>ées les représenter.<br />

On a l’impression que cet initiative est juste un coup médiatique visant le<br />

politiquement correct, jusqu’à ce que la marque crée une gamme de produits<br />

cosmétiques adaptée <strong>au</strong>x noirs, <strong>au</strong>x mattes et <strong>au</strong>x métisses. Ils <strong>au</strong>raient<br />

compris après étude que les femmes d’origines africaines achèteraient plus de<br />

produits cosmétiques que les c<strong>au</strong>casiennes. Ce n’est donc plus du politiquement<br />

correct mais du Business.<br />

L’utilisation d’égéries d’origines diverses permet effectivement à la marque<br />

d’étendre son marché, mais ce qu’il est intéressant d’observer c’est par quel<br />

moyen psychologique, le marketing ethnique agît sur la cible. Les célébrités<br />

d’origine ethnique suscitent de manière générale un phénomène d’identification<br />

<strong>au</strong>près de leur public (nous ne savons pas si ce phénomène est plus<br />

accru chez les femmes que chez les hommes, mais lorsque nous comparons<br />

les coiffures et tenues vestimentaires de jeunes français d’origine africaine à<br />

celle du célèbre footballeur d’origine ivoirienne, Djibril Cissé, nous pouvons<br />

en déduire que les hommes ne sont pas épargnés. Loin de là). L’Oréal exploite<br />

donc ce potentiel d’identification afin que leur production ne soit plus perçue<br />

comme étant destinée <strong>au</strong>x blondes, ou <strong>au</strong>x brunes désirant être blonde. Car<br />

à ces débuts en 1907, l’Oréal est essentiellement destiné à créer une blondeur<br />

époustouflante chez les femmes. Mais après avoir élargi sa gamme de<br />

produits, elle garde longtemps comme égérie des femmes célèbres blondes<br />

comme Catherine Deneuve ou Cl<strong>au</strong>dia Schiffer. Il devient très difficile pour<br />

une noire ou une asiatique de répéter le slogan « parce que je le v<strong>au</strong>x bien » en<br />

parlant des produits de l’Oréal, car ils ne leur sont clairement pas destinés et<br />

la communication de l’Oréal non plus.<br />

Revenons sur la définition de « l’identification » 5 qui détient quelques éléments<br />

éclairant la stratégie de l’Oréal.<br />

L’événement provoqué par les égéries de l’Oréal englobe à la fois les deux<br />

pans de la définition ; d’un côté, en choisissant un modèle, il identifie ce<br />

dernier comme étant identique à la cible visée, et de l’<strong>au</strong>tre les clientes ou<br />

clients déjà touchés par le fait de l’identification en dehors de la marque, finissent<br />

par s’identifier à la marque elle-même par le biais des célébrités.<br />

<strong>Quel</strong>que chose d’assez étonnant et révélateur du pouvoir du graphisme ethnique<br />

5. Voir Définition complète en annexe (p.41)<br />

6. Voir la juxtaposition des deux sites cités en annexe (p.42)<br />

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12<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

dans les campagnes de communication d’un pays à un <strong>au</strong>tre se révèle ; l’Oréal<br />

accentue sa communication sur une minorité ou une <strong>au</strong>tre : l’exemple du site<br />

de L’Oréal Paris Europe et L’Oréal Paris North America est des plus flagrants<br />

concernant la stratégie de communication de la marque. 6<br />

Ainsi nous avons l’impression que selon le point de vue elle se considère<br />

comme étant une marque de la diversité, et de l’<strong>au</strong>tre une marque spécifique.<br />

Mais connaissant la réputation de L’Oréal et l’ampleur de son marché mondial<br />

nous pouvons affirmer que la deuxième hypothèse n’est pas envisageable ici.<br />

b) Sensibiliser une cible particulière – ou l’ethnomarketing<br />

Comme nous le disions <strong>au</strong>paravant <strong>au</strong> sujet de l’identification, la marque désirant<br />

attirer une cible particulière va rechercher le moyen d’attirer son attention<br />

par un modèle qui lui servira de référent. IMAN ou tout <strong>au</strong>tre marque<br />

visant une cible unique, déterminée et spécifique tentera de communiquer<br />

avec cette cible en utilisant son langage. Par langage, nous entendons l’ensemble<br />

de signes, de gestes, d’images , de sons ou de tout <strong>au</strong>tre mot formant<br />

un système donné, conçu comme moyen de communication. A l’inverse de<br />

l’Oréal, IMAN, Activilong, ou Black Opal s’identifient à la cible <strong>au</strong> lieu de<br />

faire la cible s’identifier à eux. Elles se mettent complètement dans la pe<strong>au</strong> des<br />

femmes noires ou métissées qu’elles veulent séduire, elles ne communiquent<br />

pas pour elles, mais avec elles.<br />

En effet, lorsque nous analysons l’identité visuelle de ces marques à travers<br />

leur packaging, leur affiches et leur sites internet, nous remarquons que tout<br />

est pensé pour plonger la cible dans un univers familier. Ils opèrent alors une<br />

sorte de mimétisme volontaire pour interpeller le public : (voir définition de<br />

mimétisme ) 7<br />

Les trois définitions en annexe nous éclairent sur les intentions de la marque<br />

de manière différente ; la troisième est très intéressante mais on pourrait dire<br />

les choses ainsi : « on suppose que cette ressemblance peut être une adaptation<br />

offensive ».<br />

Nous voyons que rien n’est laissé <strong>au</strong> hasard ; des couleurs vives et connotées<br />

naturelles, comme le vert anis, le j<strong>au</strong>ne, l’orange, le rouge, des couleurs terres<br />

de sienne ou encore des couleurs dites extravagantes comme des violets dynamiques,<br />

des fuchsia ou des tons pastels ; les égéries et modèles sont choisis en<br />

fonction de la gamme de produits proposés, de leur ressemblance avec la cible<br />

et de leur popularité <strong>au</strong>près de cette dernière ; même les motifs des ombres<br />

à p<strong>au</strong>pières sont assimilables <strong>au</strong>x motifs de tissus ou de statues africaines. 8<br />

Contrairement <strong>au</strong>x grandes marques de cosmétique internationales non spécifiques,<br />

ces marques proposent à leurs clients un univers particulier, et tentent<br />

de créer une proximité hors du commun avec l’acheteur potentiel. En plus de<br />

vendre des produits spéci<strong>au</strong>x, ils revendiquent un univers esthétique distinct<br />

et fortement caractérisé pendant longtemps sous estimé et sous exploité. Après<br />

avoir été considérée comme un moyen dans le graphisme, la représentation<br />

ethnique va devenir un fait et une fin.<br />

Nous remarquons cependant que les marques typiques se localisent dans des<br />

domaines spécifiques et n’en sortent que très rarement ; les cosmétiques et<br />

prêt-à-porter pour les noirs et métissés, la gastronomie pour les pays asiatiques<br />

et océaniens, le bien-être ou le prêt-à-porter pour le Moyen-Orient. Ce<br />

7. voir définitions du mimétisme et de l’imitation (p.43)<br />

8. vues sur les sites en questions en annexe. (p.44)<br />

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13<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

phénomène est peut-être dû à la prochaine étape de notre analyse, un savoirfaire<br />

originel.<br />

C- de l’hommage à la référence<br />

A travers notre parcours, nous constatons progressivement que l’emploi de la<br />

figuration ethnique comme moyen de communication va de plus en plus se<br />

rapprocher de la chose qu’il désigne ou sur quoi il communique. La référence<br />

et l’hommage utilisant le graphisme ethnique se ressemblent mais restent deux<br />

apports différents pour le graphisme ethnique ; on commence à entrer dans les<br />

qualités réelles et propres à la représentation ethnique.<br />

a) Un grec qui le v<strong>au</strong>t bien (chocolat leonidas) 9<br />

Les chocolats belges Léonidas sont un bon exemple pour<br />

illustrer le principe de l’hommage dans l’utilisation de<br />

formes graphiques distinctes et connotées. En effet, le<br />

logo de la célèbre marque de chocolat belge fondée en<br />

1910, est composé à ces débuts d’un typogramme en bas<br />

de casse rappelant étrangement des lettres grécoromaines,<br />

rondes et agressives à la fois. Sur un bleu<br />

profond rappelant <strong>au</strong>ssi les e<strong>au</strong>x des îles grecques et un<br />

j<strong>au</strong>ne doux pour le soleil de la Méditerranée. La référence à la Grèce est<br />

évidente ; on pourrait se dire qu’il s’agirait d’un choix esthétique en fonction<br />

du simple nom de la marque. Mais alors quel rapport entre la Grèce et le<br />

chocolat ou la Belgique. C’est ici que nous sortons de la référence pour entrer<br />

dans l’hommage car le créateur de la marque Léonidas Kestekides est un héritier<br />

de l’empire byzantin ; il quitte Constantinople <strong>au</strong> début du XX ème siècle,<br />

vit en Grèce pendant quelque temps et vit en Italie avant de partir pour les<br />

Etats-Unis et de devenir confiseur, c’est en 1913 qu’il décide de s’installer<br />

définitivement à Bruxelles. Citons la définition de l’hommage pour éclaircir<br />

notre point de vue <strong>au</strong> sujet de l’utilisation de ces images chez la marque :<br />

1. témoignage de respect ou de reconnaissance sous forme d’une cérémonie,<br />

d’un discours ou d’une remarque. 2. <strong>au</strong> Moyen Âge, acte par lequel le vassal<br />

déclarait appartenir à son seigneur et lui jurait fidélité.3. don respectueux.<br />

Non seulement, le nom de la marque et son prénom ne font qu’un mais en plus<br />

à travers ce seul mot, c’est tout son parcours du combattant que l’on exprime<br />

en rajoutant bientôt l’effigie d’un guerrier sparte représentant le légendaire<br />

Roi Léonidas Ier qui trouva la mort à la bataille des Thermopyles en se sacrifiant<br />

héroïquement avec ses 300 soldats pour permettre la retraite de l’armée<br />

grecque en passe d’être anéantie par les Perses. A travers cette identité visuelle<br />

Léonidas réussit à rendre un vibrant hommage à la culture dont il est héritier<br />

mais <strong>au</strong>ssi <strong>au</strong> caractère téméraire dont il a su faire preuve pour atteindre une<br />

telle réputation à travers le monde entier alors que rien ne le prédestinait à<br />

devenir un des plus grands noms de la praline <strong>au</strong> monde.<br />

Le logo de Léonidas enferme à la fois une culture, une origine, un caractère,<br />

une histoire, des formes spécifiques ; c’est tout un système symbolique justifié<br />

qui se créé <strong>au</strong>tour de ces pralines. Car même-si le chocolat dit ne vient pas<br />

de la Grèce ou d’une quelconque île méditerranéenne, son créateur, lui, en est<br />

originaire ou il cherche à mettre en exergue les vraies valeurs qui ont conduit<br />

à la création de ce produit.<br />

9. voir les logos de leonidas (p.45)<br />

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14<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

b) un pays qui fait du bon cacao 10<br />

Redescendons d’un cran avec la plus ou moins simple référence : 1. allusion<br />

précise ou abstraite à quelque chose ou à quelqu’un. 2. renvoi à l’<strong>au</strong>torité de<br />

quelque chose ou quelqu’un. 3. repère sur lequel on se fonde pour situer une<br />

chose par rapport à une <strong>au</strong>tre.<br />

Ces trois définitions de la référence nous permettent<br />

d’analyser la marque de chocolat « Côte d’or »,<br />

crée en 1883 par un chocolatier belge. Le nom de<br />

la marque fait premièrement référence à l’origine<br />

des fèves de cacao qu’importe Charles Neuh<strong>au</strong>s :<br />

la Côte de l’Or, qui est <strong>au</strong>jourd’hui le Ghana. Le<br />

premier logo de la marque apparaît en 1906, sous<br />

le signe de l’éléphant. Ce choix de visuel, nous ramène incontestablement<br />

<strong>au</strong>x civilisations totémiques pour qui l’animal était considéré comme étant<br />

l’ancêtre de la tribu. Ainsi cette dernière s’appropriait les qualités de l’animal<br />

et par là même se distinguait des <strong>au</strong>tres clans. Si on s’en tient à cette théorie<br />

alors la marque de chocolat viserait les qualités attribuées à l’éléphant :<br />

« L’intelligence, la longévité et la force de l’éléphant associées à l’absence<br />

d’ennemis naturels (l’homme excepté), d’où l’identification des rois et dirigeants<br />

à cet animal redouté et respecté de tous. Dans l’art africain, l’éléphant<br />

symbolise le chef sage, compassionnel mais <strong>au</strong>ssi puissant. » 11 .<br />

L’emprunt de l’éléphant à la culture africaine n’est donc pas anodin et la<br />

référence se transforme en éloge de la marque. On pourrait même faire une<br />

analogie entre la fève de cacao et l’éléphant totem ; tous deux perçus comme<br />

ancêtres originels et porteurs de valeurs que seuls eux peuvent représenter.<br />

En ce <strong>sens</strong>, la marque a orienté son identité visuelle du premier <strong>au</strong> dernier logo<br />

en choisissant un graphisme <strong>sens</strong>iblement africain ; par des couleurs sablées,<br />

ocres, et plus tard les rouges « terres de Sienne » et le doré qui <strong>donner</strong>a <strong>au</strong> logo<br />

une consonance royale sous sa forme de blason.<br />

On pourrait se demander en quoi la description du logo sous sa forme de blason<br />

étaierait notre propos ? La définition du mot « blason » nous éclaire notre propos :<br />

1. ensemble des signes et des emblèmes identifiant une famille, une ville,<br />

etc. 2.(littéraire)poésie décrivant, sur le mode de l’éloge ou de la satire, une<br />

personne... Côte d’Or introduit donc un caractère culturel familial et original<br />

à travers son logo en faisant une référence explicite <strong>au</strong>x origines de la matière<br />

première ; vanter les mérites de la fève de cacao et ses origines, c’est <strong>au</strong>ssi<br />

vanter les qualités de la marque.<br />

Nous voyons dans cet exemple que les origines du produit peuvent à la fois<br />

justifier l’utilisation du graphisme ethnique mais <strong>au</strong>ssi être une valeur ajoutée<br />

quant <strong>au</strong> positionnement de la marque sur le marché. A ce stade, la représentation<br />

ethnique dans le graphisme devient une évidence et commence à prendre<br />

du <strong>sens</strong> de manière indépendante par rapport <strong>au</strong>x exemples cités précédemment.<br />

Ici, c’est un graphisme africanisant pour un produit d’origine africaine<br />

et cela fonctionne plutôt bien.<br />

10. voir les logos «Côte d’Or» en annexe (p.45)<br />

11. Dictionnaire des symboles _ Larousse<br />

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15<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

d- une motivation esthétique<br />

a) le glamour et la <strong>sens</strong>ualité (affiches côtes d’or)<br />

A travers les affiches de côte d’or nous percevons que la représentation<br />

ethnique se transforme en élément graphique. Il est évident qu’on ne peut<br />

pas incarner du chocolat noir, <strong>au</strong> caramel ou <strong>au</strong>x noisettes, avec des couleurs<br />

ternes, neutres et sans rapport avec le sujet qu’il est <strong>sens</strong>é représenter.<br />

Et on pourrait se demander pourquoi Côte d’Or utilisent pour certains produits<br />

des fonds music<strong>au</strong>x, des décors, des thèmes, des personnages à connotation<br />

ethnique ou pourquoi Nike, la marque de sport américaine utilise souvent des<br />

athlètes noirs pour promotionner leur marque ?<br />

Dans ces deux cas, nous allons voir que ces emplois sont inhérents à l’image<br />

et <strong>au</strong> message que la marque va communiquer.<br />

D’un côté, chez Côte d’or, les corps mis en exergue prennent à tour de rôle<br />

la couleur du chocolat noir, du chocolat <strong>au</strong> lait, <strong>au</strong>x noisettes, <strong>au</strong> caramel...La<br />

couleur de la pe<strong>au</strong> noire absorbe la lumière différemment et peut de ce fait<br />

refléter des tons variés qui répondent à différents besoins ; elle permet par<br />

exemple de créer des contrastes naturels assez forts.<br />

Quant à la morphologie particulière du corps noir, elle est mise en valeur à<br />

des moments précis d’un scénario, ou pour des campagnes de communication<br />

visant l’affect et la <strong>sens</strong>ualité chez la cible. C’est ainsi que les chocolats Côte<br />

d’Or vont promouvoir « Afrodisiaque » 12 , en y ajoutant un petit jeu de mots<br />

« afro » et aphrodisiaque. En effet, depuis le début des grandes explorations,<br />

les corps des indigènes d’afrique ou d’amérique sont envoûtants et séduisent<br />

les plus résistants (Supplément <strong>au</strong> voyage de Bougainville de Diderot) ; des<br />

poitrines, des hanches, et des postérieurs généreux sont une source inépuisable<br />

pour les littéraires et les artistes et même pour les scientifiques. Ces corps<br />

demeureront une source de fantasme et perçus comme mystérieux par les<br />

occident<strong>au</strong>x jusqu’à nos jours, étant donné leur emploi. (annexe pour Nike) 13 .<br />

La représentation ethnique dans le graphisme ne serait donc là que pour<br />

étayer des fantasmes vieux de siècles, il ne ferait que nourrir les stéréotypes<br />

qu’on se tue à enterrer ? Non, c’est plus que ça, l’utilisation de personnages<br />

« exotiques », prend en considération le fait que leur morphologie (couleur<br />

de pe<strong>au</strong>, structure corporelle, texture des cheveux) englobe certains concepts,<br />

comme la <strong>sens</strong>ualité, le glamour, la force brutale, le mystère, la voluptuosité<br />

que d’<strong>au</strong>tres médiums ne pourraient communiquer. Peu à peu il se transforment<br />

en élément esthétique à part entière.<br />

b) des couleurs et des concepts nécessaires<br />

Dans les arts que l’on dit « primitifs », il existe un lien indéfectible entre l’objet<br />

et la figure qui le représente. Les cultures dites orientales en opposition <strong>au</strong>x<br />

occidentales ont maintenu l’ affinité essentielle entre le corps et son environnement<br />

(f<strong>au</strong>ne et flore).<br />

Ces cultures ont gardé une structure symbolique dans la construction de<br />

l’image. Il est vrai que souvent, à première vue pour les non avertis, le lien<br />

n’est pas immédiatement perçu, mais les professionnels de la communication<br />

ont fini par comprendre que la création d’un système symbolique commun<br />

était non seulement efficace mais essentiel lorsque l’on s’adresse à un public<br />

éclectique.<br />

12. voir spot TV sur http://www.culturepub.fr/videos/cote-d-or-afrodisiaque<br />

13. supplément en annexe pour Nike (p.46)<br />

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16<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

Pour ce faire les occident<strong>au</strong>x vont parfois chercher des référents mutuels dans<br />

le but d’asseoir leur discours <strong>au</strong>x yeux du plus grand nombre.<br />

Ainsi certains useront de mascottes et s’identifieront <strong>au</strong>x valeurs que ces<br />

anim<strong>au</strong>x symbolisent : le coq sportif, kellog’s, côte d’or, peugeot, etc... Comme<br />

le font les tribus totémiques dans l’élaboration de leur structure sociale. En<br />

effet, leur ancêtre-animal, et <strong>au</strong>ssi chef du clan sera représenté et honoré de<br />

diverses manières par des dessins, des statuettes, des pendentifs et fétiches.<br />

D’<strong>au</strong>tres utiliseront des signes et des symboles, des formes graphiques fortement<br />

inspirées de cultures fondatrices mais lointaines, telles que l’Egypte ou<br />

l’Océanie.<br />

En effet, les animorphoses 13 utilisées par certains graphistes ou par certaines<br />

marques (Orangina par exemple), font de manière directe ou non, référence<br />

à l’art égyptien. Attribuer à des anim<strong>au</strong>x des caractéristiques humaines<br />

remonte à l’Antiquité. En Egypte, ces animorphes représentaient des dieux.<br />

Aujourd’hui, leur symbolisme peut varier selon les différentes significations<br />

que revêt l’animal pour nous. Néanmoins le principe est le même.<br />

La composition de formes signifiantes est elle <strong>au</strong>ssi puisée dans les arts dits<br />

primitifs, ainsi la décomposition des figures, la géométrisation des formes ne<br />

remontent pas <strong>au</strong> cubisme mais bien plus avant. Un exemple d’images entrées<br />

dans notre univers visuel et qui communique bien la même chose pour tous est<br />

le labyrinthe ; la structure élémentaire de ces formes se retrouvent déjà dans<br />

les vases de l’antiquité et pourtant elles sont bien grecques ces formes.<br />

Alors comment peut-on expliquer que des formes venues d’ailleurs puissent<br />

entrer dans notre système de signes occidental ? Comment se fait-il que ces<br />

idées soient ancrées de manière si profonde dans nos systèmes d’écriture et<br />

de communication ? Nous ne parlerons même pas des chiffres arabes qui sont<br />

devenus les nôtres si l’on peut dire.<br />

Après ce long parcours sur l’analyse des images qui nous entourent et l’utilisation<br />

de ce que nous avons naïvement qualifié de « graphisme ethnique »,<br />

nous allons maintenant tenter de comprendre pourquoi son utilisation prend<br />

de plus en plus d’ampleur en allant à la source même de ce nouvel engouement<br />

pour le <strong>Graphisme</strong> à caractère ethnique.<br />

ii. les sources multiples d’un graphisme contemporain<br />

a. des lieux où les secrets d’un langage sont dévoilés ou erronés ?<br />

Notre environnement quotidien est <strong>au</strong>ssi un lieu d’exploration pour notre<br />

recherche. Les espaces publics et les lieux consacrés nous dévoilent des<br />

aspects différents du graphisme ethnique. En effet, notre perception et notre<br />

prise de recul par rapport <strong>au</strong>x images qui jalonnent notre parcours usuel ou<br />

ponctuel à travers l’espace urbain particulièrement, sont différents. De part<br />

notre état d’esprit sur le moment mais surtout sur les intentions directes ou<br />

indirectes du créateur de l’image.<br />

Le langage employé pour communiquer comme nous l’avons vu <strong>au</strong>paravant<br />

est très important; il va déterminer non seulement le message, mais <strong>au</strong>ssi la<br />

cible invoquée. Lorsqu’on lie la cible et le langage, on ne peut s’empêcher de<br />

13. Exemples d’animorphoses (p.46)<br />

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17<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

penser à la création de codes. Car c’est bien cela qui est mis en jeu chez les<br />

<strong>design</strong>ers, artistes et graphistes ; la création ou réappropriation de nouve<strong>au</strong>x<br />

codes. Nous reste à savoir pourquoi cette réappropriation des formes et dans<br />

quelles proportions elle influe sur notre perception dans l’espace urbain?<br />

Pourquoi espace urbain précisément, car les villes 15 sont des espaces cosmopolites<br />

où différentes cultures se rencontrent et se côtoient de manière informelle<br />

et en même temps où sont concentrés des espaces culturels consacrés <strong>au</strong><br />

sujet qui nous intéresse ici, et en même temps c’est un espace; le graphisme<br />

ethnique en particulier, les arts ethniques en général.<br />

a)-des espaces stéréotypants<br />

La ville est le lieu par excellence où se déploient et se perdent à la fois de<br />

nombreuses cultures. Il existe comme un phénomène de métissage intense à<br />

première vue inexplicable, qui noie et en même temps caricature les caractéristiques<br />

ethniques de certaines commun<strong>au</strong>tés.<br />

<strong>Quel</strong>les sont les origines de cette confusion ? Nous avons deux angles d’observation.<br />

D’un côté, on a l’impression que la surexposition simultanée de<br />

toutes ces fortes cultures les annule toutes. De l’<strong>au</strong>tre, certaines utilisations du<br />

graphisme ethnique dans l’espace urbain <strong>au</strong>raient tendance à l’enfermer dans<br />

certains secteurs d’activités ou domaines culturels. Car il est vrai dans ce cadre<br />

particulier , que « l’ethnicité » est liée à l’identité culturelle ; qui se manifeste<br />

par le vestimentaire, l’alimentaire, la musique, le cinéma, l’esthétique…<br />

Pour illustrer nos propos nous allons user d’exemples concrets pris dans des<br />

grandes villes comme Paris ou Londres (liste non exh<strong>au</strong>stive).<br />

Les rest<strong>au</strong>rants indiens par exemple, utilisant des formes à tendance baroque<br />

<strong>au</strong>x couleurs dorées et dans la gamme des rouges orangés ou du rose fuschia,<br />

ne reflètent qu’une partie infime de la culture indienne ; on retiendra plutôt<br />

le caractère épicé de la cuisine, et on oubliera le large éventail de couleurs<br />

que l’esthétique indienne nous propose à travers le cinéma de Bollywood. De<br />

même si on se concentre sur le cinéma indien, nous dirons qu’ils ne savent que<br />

chanter et danser pendant quatre heures d’affilé et que leur scénario s’avère<br />

être toujours le même. Nous manquerons le fait que les costumes portés dans<br />

ces films sont des œuvres à part entière et que le caractère ethnique de cette<br />

culture se traduit <strong>au</strong>ssi à travers le style vestimentaire et les couleurs, motifs et<br />

techniques qui s’en dégagent. 16<br />

L’espace urbain a tendance à se réapproprier des bribes de modes de vie. Il<br />

fait passer la partie pour le tout ; ce qui <strong>au</strong>rait pour conséquence de classifier<br />

volontairement ou non certaines cultures dans des domaines spécifiques : ici,<br />

la cuisine.<br />

Dans ce même schéma, nous avons remarqué un magasin « Nespresso » usant<br />

d’un graphisme plutôt africanisant pour sa décoration ; à la manière des peintres<br />

de l’école de Lubumbashi créée par Romain-Défossés qui répondaient à des<br />

commandes de peintures folkloriques très burlesques et stéréotypées. Bien<br />

sûr, elle ne manquait pas de mettre en exergue à l’intérieur de cet environnement<br />

factice son égérie fétiche, Georges Clooney. On pourrait se demander<br />

quel est le rapport entre les deux. Et bien, Georges Clooney est engagé dans<br />

de nombreuses œuvres humanitaires en faveur de l’Afrique ou de pays comme<br />

15. Point de vue sur la ville dans le catalogue Africa Remix (p.47)<br />

16. Petit supplément en annexe (p.47)<br />

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18<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

Haïti. Le lien devient plus évident, mais le problème c’est que l’on <strong>au</strong>rait une<br />

petite prédisposition à faire coïncider le graphisme de type « africain » avec<br />

des sujets humanitaires. Ce serait un écueil mais le risque demeure. Ce type de<br />

contraintes <strong>au</strong>xquelles s’est vu confronté les Cocottes (collectif de graphistes),<br />

qui devaient créer l’identité visuelle d’un site internet pour une association<br />

africaine, Communties-can-do-it créant des maisons avec des matéri<strong>au</strong>x recyclables<br />

pour les orphelins avec l’aide des commun<strong>au</strong>tés environnantes. Une<br />

façon de construire des maisons écolo à moindre coût. La présidente de l’association<br />

refusait de tomber dans les stéréotypes graphiques de verts, ocres, des<br />

terres de Sienne et de motifs trop folkloriques pour illustrer son activité, qui<br />

prise hors du contexte pourrait être fondée sur n’importe quel <strong>au</strong>tre continent.<br />

Elle-même pensait qu’en utilisant ces éléments graphiques, son activité serait<br />

cataloguée <strong>au</strong> rang des associations à but humanitaire ; or, ce n’est pas le cas.<br />

Dans le monde du prêt à porter, nous allons prendre l’exemple d’Eram qui<br />

sort une collection « Tribal » ce printemps ; la chaîne de magasin présente une<br />

nouvelle gamme de sandales (des spartiates <strong>au</strong>x sarraiziennes en passant par<br />

les tongues). Leurs particularités ? Les coloris : rouge, vert, j<strong>au</strong>ne, noir, ocre,<br />

marron, la matière : du cuir pour les lanières et une matière synthétique très<br />

légère et malléable pour la semelle. Le piège est que cette collection nommée<br />

globalement « tribal » est illustrée par des motifs et des masques passablement<br />

« africanisants ». Où sont passées les <strong>au</strong>tres tribus localisées sur les <strong>au</strong>tres<br />

continents du monde? Serait-ce à dire que tout ce qui se dit ethnique est africain<br />

? Que les africains ne portent que des sandales à lanières en cuir ?<br />

Non, certainement pas, mais le fait est que les espaces commerçants, et les<br />

espaces publicitaires créent des stéréotypes visuels pour leurs besoins professionnels<br />

peut-être. Ils s’approprient des éléments graphiques et les insèrent<br />

dans un contexte qu’ils <strong>au</strong>raient élaboré a priori. Si on va chez le magasin<br />

d’ameublement japonais Muji, tout nous inspire nos aprioris sur le japon ; le<br />

côté épuré et fonctionnel des choses, la simplicité, la rigueur, le <strong>design</strong> intemporel,<br />

l’optimisation de l’espace dans la scénographie des magasins de la<br />

chaîne. On oublierait presque l’extrême, mais subtile extravagance des geishas<br />

qui était quand même la parfaite sublimation du futile et du superficiel.<br />

Ceci est une opinion personnelle, elle sert juste à démontrer qu’à travers la<br />

mondialisation, l’essentiel des cultures est mis à l’index et ne sont mis en<br />

exergue que les pans, qui sont pour des exploitants, aisément exportables.<br />

C’est en ce <strong>sens</strong> que l’on pourrait considérer que les cultures ethniques et leurs<br />

représentations graphiques sont noyées dans un espace mercantile, où l’on<br />

construit son image sur des préjugés. Les événements à caractère ethnique<br />

s’annulent presque, car ils sont comme mis en concurrence.<br />

Nous allons voir si ces principes de concurrence et de stéréotypes remarqués<br />

dans l’espace urbain se retrouvent dans les lieux (généralement non marchant)<br />

consacrés <strong>au</strong>x arts et <strong>au</strong>x graphismes ethniques.<br />

b)-les lieux consacrés sont-ils adaptés ?<br />

Les lieux consacrés se divisent en plusieurs catégories. Il y a des espaces réservés<br />

à l’intérieur de musées, plus généralistes comme le musée du Louvre ou<br />

les galeries donnant une place <strong>au</strong>x oeuvres ethniques ponctuellement. On ne<br />

Elodie Molia - Juin 2011


19<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

peut pas dans ce cas définir réellement l’enjeu et la cohérence de ces lieux vis<br />

à vis des arts ethniques. Quand je parle de cohérence, j’entends par là l’identité<br />

visuelle, la communication et la scénographie de ceux-ci. Les éléments cités<br />

seront souvent inadaptés ou encore complètement étrangers à notre thème. Ils<br />

ne s’adressent pas forcément <strong>au</strong>x amateurs ou connaisseurs. Ils seront donc<br />

probablement peu mis en valeur par rapport <strong>au</strong>x oeuvres d’<strong>au</strong>tres civilisations.<br />

Nous avons encore deux types de lieux à examiner. Dans un premier temps,<br />

observons le musée Dapper 17 , qui lui est spécialisé dans les arts ethniques,<br />

certes, mais surtout concentré sur les productions des ethnies d’Afrique subsaharienne<br />

et leurs descendants dans la Caraïbe. Le logo du musée Dapper,<br />

bien qu’évoquant l’empire du soleil levant, reprendra les formes épurées de<br />

l’une des pièces maîtresse de l’exposition «Parure de tête »; elle s’appelle le<br />

Téké (c’est un appuie tête). C’est ainsi qu’il affirme clairement sa position<br />

dans l’espace muséal et culturel parisien. L’architecture et la scénographie<br />

du musée nous plonge dans une atmosphère mystique ; des couleurs écrues,<br />

lumières tamisées, exposition sur plusieurs étages, comme si on accédait à<br />

différents nive<strong>au</strong>x de connaissance. Notre visite est mise en scène comme<br />

un parcours initiatique. Et lorsque nous avons fait le tour, nous revenons <strong>au</strong><br />

savoir et accédons à la librairie <strong>au</strong> sous-sol, telle une grotte où un sage nous<br />

attendrait patiemment pour nous questionner sur nos découvertes. Les oeuvres<br />

sont rarement placées derrière des vitres (si c’est le cas, c’est qu’elles sont<br />

extrêment fragiles) contrairement <strong>au</strong> musée du Louvre ou elles le sont presque<br />

systématiquement. En bref, l’atmosphère est très intimiste et chaleureuse;<br />

l’appel <strong>au</strong> rituel est tout à fait pertinent et le logo répond légitement <strong>au</strong>x désirs<br />

des connaisseurs et des amateurs d’art africain.<br />

Notre troisième espace référent est plus délicat car il s’agit maintenant d’un<br />

endroit consacré à des oeuvres ethniques bien distinctes, bien que toutes<br />

qualifiées «d’arts primitifs ». Comment créer un espace unique qui pourra<br />

s’identifier à toutes ces civilisations à la fois : maya, inca, tutsi, dogon, kanak,<br />

walipiri, pintupi, hindou et bien d’<strong>au</strong>tres. Pouvait-on trouver un signe qui<br />

les réunirait tous? Le musée du quai branly n’a pas fait ce choix. Mais l’impulsion<br />

donnée à l’élaboration de ce musée, tant dans l’architecture de Jean<br />

Nouvel que dans la scénographie, a été de bon <strong>au</strong>gure et en cohérence avec les<br />

impressions générales que laissent toutes ces civilisations ; celle du mystère,<br />

du spirituel, du folklorique, de l’historique, du <strong>sens</strong>ible et surtout ce perpétuel<br />

rapport avec la nature qu’ont gardé ces civilisation. Le musée du quai Branly<br />

apparaît comme un espace de liberté où les cultures peuvent se rencontrer<br />

sans se heurter. L’identité visuelle répond de manière assez juste à ce besoin<br />

de laisser parler les oeuvres d’elles-mêmes. Mais il reste un hic, c’est pour<br />

moi le choix du logo. Le collectif Polymago a choisi de partir de l’origine de<br />

la création du musée se matérialisant par la sculpture Chupicuaro 18 . Jusque<br />

là le raisonnement se tient, la baseline est applicable, mais la typographie<br />

employée nous laisse plus ou moins pantois. La DIN Deutsches Institut für<br />

Normung (German Institute for Standardization) ; une typo utilisée par les<br />

Nazis, en Allemagne puis dans tous les pays de l’éphémère Reich d’Hitler.<br />

Une typo de signalisation et de normalisation. Nous ne nous étalerons pas<br />

ici sur tous les sous-entendus que pourraient évoquer la juxtaposition d’une<br />

sculpture mexicaine et une typographie utilisée et presque que commandée<br />

17. présentation du musée Dapper en annexe (p.47)<br />

18. histoire du logo du Quai Branly (p.48)<br />

Elodie Molia - Juin 2011


20<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

par les allemands « nazis » pendant l’occupation. Il en va sans dire qu’on<br />

se demanderait bien si le musée du quai Branly n’est pas juste un espace où<br />

toutes les œuvres venues d’ailleurs seraient stockées comme dans un ghetto<br />

« le musée des arts premiers »; « arts extra-européens, c’est par ici! ». La police<br />

est peut-être élégante mais elle associe un énorme contre<strong>sens</strong> à la vocation de<br />

ce musée. D’<strong>au</strong>tant plus que ce musée dit « musée des arts premiers » accueille<br />

également des œuvres contemporaines de ces mêmes cultures.<br />

Dans la question de savoir si ces lieux d’exposition sont adaptés, il y a comme<br />

un non lieu. Surtout dans notre dernier exemple, car si le lieu en lui-même<br />

est adapté à la présentation de ces œuvres, la communication et les messages<br />

transmis indirectement peuvent être mal interprétés.<br />

B. d’un code à un <strong>au</strong>tre : un changement de statut qui dénature<br />

Au début du XX ème siècle, la découverte de ces vestiges culturels venus de<br />

plusieurs pays explorés par les européens vont créer un intérêt grandissant<br />

pour ces statues, sculptures, peintures, dessins, gravures et bien d’<strong>au</strong>tres<br />

productions. Elles vont en inspirer be<strong>au</strong>coup : soit dans la technique, soit dans<br />

la forme, soit dans le fond. Elles feront l’objet de nombreuses études <strong>au</strong>ssi<br />

bien artistiques, que scientifiques ou même historiques et philosophiques. Ces<br />

productions artisanales, ancrées dans les mœurs et la culture dont elles sont<br />

originaires vont passer <strong>au</strong>x yeux des occident<strong>au</strong>x <strong>au</strong> statut d’œuvres d’art.<br />

Néanmoins comme on peut le constater dans certains écrits de Lévi-Str<strong>au</strong>ss<br />

comme « Mythologies » par exemple, l’essence de l’objet est alors oblitérée,<br />

les origines et le but de sa création passent à un stade inférieur alors que sans<br />

cette intention première, ces œuvres n’existeraient pas. Dès lors on se demande<br />

si son extraction soudaine de la structure symbolique indigène (originelle), ne<br />

nous conduit pas vers des schèmes erronés ? En d’<strong>au</strong>tres termes, nous nous<br />

demandons si cette élévation <strong>au</strong> rang d’œuvre d’art ne dénaturalise pas ces<br />

productions <strong>au</strong>tochtones.<br />

a)- Du sable à la galerie , du mystique à l’esthétique<br />

Nous avons évoqué précédemment l’espace dans lequel est dévolu le<br />

graphisme ethnique tel que nous le percevons dans notre espace urbain. Mais<br />

si nous le regardions sur son lieu de création originel, ou si nous pouvions<br />

percevoir l’ascendance des rituels sur ces œuvres, alors notre compréhension<br />

vis-à-vis de ces signes et formes captivants serait moins obscure, et légitimée<br />

par un contexte crédible.<br />

Les Temps du Rêve 20 ou Pistes de rêves (titre donné à l’ouvrage de Barbara<br />

Glowczewski : Pistes de rêves : voyage en terres aborigènes) des aborigènes<br />

nous offrent ce double point de vue, et nous permettent d’appréhender la<br />

double faculté du graphisme ethnique (plus généralement) et de l’art aborigène<br />

plus particulièrement.<br />

En effet, les œuvres aborigènes dites « Temps du Rêve » sont des retranscriptions<br />

de rites initiatiques ; les dessins éphémères sur le sable des territoires<br />

revendiqués des aborigènes <strong>au</strong>straliens sont à la fois des représentations de<br />

leur propre espace mais <strong>au</strong>ssi celui de leurs ancêtres qui ont <strong>au</strong>trefois modelé<br />

20. Définition du Temps du Rêve en annexe (p.49)<br />

Elodie Molia - Juin 2011


21<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

ces terres en surface ou en sous-sol. L’état de rêve est comme une phase où<br />

le descendant « artiste » renoue avec ses ancêtres et son histoire, par le biais<br />

de la terre et des mythes comme « Seven sisters » ou les « Tingari » (cycles<br />

initiatiques <strong>au</strong>straliens).<br />

Le temps du rêve est une initiation à la connaissance des ancêtres. Tout comme<br />

l’artiste cherche à atteindre la sublimation de désirs refoulés à travers ses<br />

œuvres (selon Freud), l’artiste aborigène recherche, lui, un savoir enfoui dans<br />

ses gènes qu’il devra entretenir et transmettre. Il accède par ce biais à un secret<br />

qu’il ne peut atteindre que par cette manifestation graphique. Ces formes<br />

viennent du Churinga 19 (Churinga est le nom donné par les Aborigènes à<br />

certains objets sacrés et extrêmement secrets, porteurs, recto verso, des motifs<br />

claniques. Ce sont des objets gravés, de formes variées, plates, arrondies ou<br />

ovales, en bois ou en pierre. Leur importance est considérable dans les cérémonies<br />

telles que l’initiation des jeunes hommes.). Ce seul objet donne l’impulsion<br />

et l’inspiration de toutes les productions des aborigènes.<br />

Ces œuvres ont donc avant toute chose, une fonction mystique.<br />

Néanmoins un nouve<strong>au</strong> facteur a modifié le propre regard des artistes aborigènes<br />

sur leurs productions. C’est la politique : les œuvres <strong>au</strong>straliennes<br />

deviennent des moyens de revendiquer les terres ancestrales, leur appartenance<br />

à ces territoires par le fait même qu’ils y ont laissé des traces depuis<br />

des siècles. A partir des années 1970, ils vont confirmer leur état d’héritiers<br />

et dévoiler nécessairement, (en partie) la signification de ces empreintes. Les<br />

secrets <strong>au</strong>xquels accédaient les <strong>au</strong>tochtones par le biais de ces représentations,<br />

(devant rester tabou), sont transposés sur des murs, des toiles et sont<br />

l’objet de performance filmées par des gens plus ou moins intéressés. Ce sera<br />

une façon pour cette génération de prouver la légitimité de son existence, et<br />

de ses pratiques sur ces terres protégées et un moyen de diffuser sa culture<br />

d’une extrême richesse plastique, philosophique, métaphysique ou encore<br />

théologique.<br />

b)- L’ethnique à l’occidental<br />

C’est ainsi que les peintures aborigènes vont se déployer dans le monde entier<br />

dans des galeries new-yorkaises, parisiennes, londoniennes, et surtout <strong>au</strong>straliennes<br />

à côté d’oeuvre d’art contemporain occidental.<br />

Les artistes aborigènes tels que Ronnie, Emily, Gloria, Pansy, George ou<br />

Clifford vont diffuser une technique et une approche encore une fois fortement<br />

caractérisée et plastiquement différente. Toute la différence se trouve<br />

dans l’intention ; ici ce n’est pas l’art pour l’art, il sert une c<strong>au</strong>se mystique<br />

qui ne pourra qu’être entrevue par les étrangers à cette culture. Le fait même<br />

que l’oeuvre soit faite avec une intention <strong>au</strong>tre que celle de créer une forme<br />

pour elle-même crée un mystère, une attraction qui sera transmise même à un<br />

inculte (qui ne connaît pas la culture aborigène).<br />

Ceci étant dit la culture aborigène étant majoritairement transmise par le biais<br />

des arts graphiques, dans des galeries d’art ou dans des musées, les occident<strong>au</strong>x<br />

<strong>au</strong>ront tendance à ne retenir de cette culture que cet aspect esthétique et<br />

pictural. Ce que les galeries, si philanthropiques soient-elles, vendent ce sont<br />

des toiles, du be<strong>au</strong>, du charnel et du rêve mais pas dans le <strong>sens</strong> aborigène qui<br />

est le Temps des ancêtres créateurs. Celui qu’ils promeuvent serait plutôt le<br />

19. explication du Churinga (p.48)<br />

Elodie Molia - Juin 2011


22<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

suivant : « Le rêve <strong>au</strong> figuré, pensée sans consistance et sans accord avec la<br />

réalité...» 21<br />

Ce que n’importe qui retiendra en regardant ces œuvres, c’est la force<br />

graphique qui s’en dégage ; la parfaite maîtrise de l’espace pictural, la précision<br />

du geste, le <strong>sens</strong> de la couleur et de l’harmonie, des formes complexes et<br />

épurées à la fois. Le fond et la forme ne font qu’un. Et c’est ce que recherche<br />

d’ailleurs le graphiste dans sa composition, la forme doit transpirer le fond,<br />

ils doivent se mêler l’un l’<strong>au</strong>tre afin que la technique s’efface devant le sujet.<br />

L’ethnique à l’occidental c’est pour nous la réappropriation de ces formes ; il<br />

y <strong>au</strong>ra deux façons de les considérer : soit une simple exposition soit une réinterprétation.<br />

Dans le premier cas, nous pouvons illustrer notre point de vue à<br />

travers un ouvrage disponible dans des magasins d’art, dans des bibliothèques<br />

mais <strong>au</strong>ssi dans les librairies quelconques et celles de nos lieux consacrés : il<br />

s’agit de “Motifs ethniques: afrique, amérique, asie, océanie” de Marianne<br />

Ninney. Elle répertorie de nombreux motifs et propose des techniques pour<br />

les reproduire aisément. Ne sont référés ni les significations, ni <strong>au</strong>cune <strong>au</strong>tre<br />

information nous permettant de manipuler ces formes en connaissance de<br />

c<strong>au</strong>se. Mais ça ne servirait pas à grand chose, puisque n’est développé dans ce<br />

genre d’ouvrage que le côté esthétique et décoratif de ces motifs. Justement,<br />

ils se transforment en de simples motifs. On peut faire une analogie <strong>au</strong> terme<br />

motif dans le <strong>sens</strong> mobile d’une action, ou d’un état d’esprit, ici le motif est le<br />

motif 22 . Il se rapproche donc de la conception occidentale alors en ébullition<br />

<strong>au</strong> début du XX ème siècle, à savoir : « l’art pour l’art », mais ce n’est qu’une<br />

apparence, le fond de ce genre de démarche est bien plus creux.<br />

Ces apports de l’ethnique deviennent alors dans ce cadre particulier du monde<br />

profane, un élément de décoration, une démonstration d’exotisme et d’ouverture<br />

d’esprit. Mais heureusement il existe encore la réinterprétation, qui elle se<br />

déploie plus aisément, et de manière plus efficace, subtile et perspicace dans<br />

le monde du <strong>design</strong>.<br />

C. réappropriation de formes dans le <strong>design</strong> : pourquoi ?<br />

Si l’apport du <strong>design</strong> ethnique n’était réduit qu’à des copiés/collés de motifs<br />

dénaturés, il n’y <strong>au</strong>rait <strong>au</strong>cune raison de parler de graphisme ethnique<br />

<strong>au</strong>jourd’hui. Tout comme les artistes de la Renaissance ont préservé, fait<br />

évoluer, détourné, réadapté la perspective de Brunelleschi. Ils lui ont donné<br />

un nouve<strong>au</strong> souffle de vie, et même une valeur, et un but différent que de<br />

reproduire l’espace géométrique de la manière la plus juste et la plus fidèle<br />

possible. Au delà de l’aspect mathématique, elle est devenue symbolique ; elle<br />

atteint peut-être son apogée dans l’art baroque.<br />

Nous pouvons assimiler cette forme d’évolution à l’art ethnique mais dans le<br />

<strong>sens</strong> inverse ; il devient un outil de création pertinent tout en préservant ce qui<br />

fait sa force ; les signes ne sont pas que des signes, ils font partie d’un tout<br />

cohérent inhérent à chacune de ces formes. La question que nous posons ici,<br />

c’est de quelles façons ces éléments ethniques évoluent-ils? <strong>Quel</strong>s sont les<br />

facteurs d’appropriation et de mutation?<br />

21. définition complète du rêve (p.51)<br />

22. définition du motif (p.51)<br />

Elodie Molia - Juin 2011


23<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

a)Une mutation des formes qui a du <strong>sens</strong><br />

On remarque dans le graphisme contemporain, (et ce dans tous les domaines<br />

qu’il englobe : <strong>design</strong> industriel, architecture, la mode...) de nombreux apports<br />

qui ont des consonances exotiques. Néanmoins en comparant les sources<br />

originales et les formes qu’on nous propose <strong>au</strong>jourd’hui il y a des différences<br />

notables.<br />

Le Fashion Show International a été le levier pour la promotion des cultures<br />

ethniques dans la mode ; elle est un parallèle <strong>au</strong>x célèbres Fashion week de<br />

Paris, de Londres, de Milan. Il apporte comme le diront de grandes marques<br />

comme Armani, Gucci ou Prada une nouvelle fraîcheur, un nouve<strong>au</strong> flair qui<br />

vient requinquer leurs collections et ainsi créer de nouvelles griffes. C’est une<br />

façon pour eux de renouveler l’image de la marque qui a toujours besoin d’innovation<br />

pour rester <strong>au</strong> devant du table<strong>au</strong> face à de nouve<strong>au</strong>x talents qui ne<br />

sont pas encore arrivés à l’apogée de leur œuvre, contrairement à ces grandes<br />

maisons qui traversent les générations.<br />

Il y a <strong>au</strong>ssi, ces <strong>design</strong>ers de génie qui de par leur formation professionnelle ou<br />

personnelle ont appris cette culture de la recherche permanente et de l’échange<br />

entre les continents ; Agnès B, la grande créatrice de mode qui a commencé<br />

sa carrière en tant que critique chez Elle, a su exploiter à travers ses modèles<br />

ses compétences acquises <strong>au</strong>x be<strong>au</strong>x arts. En effet, ses dessins et modèles vont<br />

puiser dans les diverses sources d’inspiration qu’offrent le cursus artistique.<br />

L’art asiatique, l’art oriental, l’art africain, l’art méditerranéen ; ce sont des<br />

puits d’inspiration que plusieurs esthéticiens et historiens de l’art, ainsi que<br />

des praticiens (comme Delacroix) ont exploité jadis. De ce fait la première<br />

boutique d’Agnès B. 23 ouverte <strong>au</strong>x Halles en 1975 est plus un lieu d’expression,<br />

de mélanges de culture, de discussion, ouvert à l’art et la musique qu’un<br />

magasin de prêt-à-porter ordinaire. D’ailleurs ces premiers modèles sont des<br />

monuments de culture intemporels qu’elle réinterprète : veste chinoise, ch<strong>au</strong>sson<br />

de gymnastique...Encore <strong>au</strong>jourd’hui certaines collections sont imprégnées<br />

de motifs <strong>au</strong>x connotations spécifiques.<br />

Il existe encore d’<strong>au</strong>tres champs d’appropriation et de transformation des<br />

signes ou des formes. C’est de cette façon que les calligraphies grecques<br />

antiques décorant les amphores, les tuniques ou les temples sont encore repris<br />

dans le graphisme contemporain, mais ici on les réinvente en leur donnant de<br />

nouvelles fonctions symboliques <strong>au</strong> sein d’un langage qu’on <strong>au</strong>ra élaboré à<br />

partir de ce simple signe ; lorsque l’on regarde le dessin d’un labyrinthe 24 , on<br />

se rend compte que le motif grec et ce dernier coïncide de manière étonnante.<br />

Ici non seulement on a la preuve que le signe et le symbole se confondent,<br />

mais que ce signe puissant porte en lui, <strong>au</strong> delà de la représentation architecturale,<br />

un ensemble de signification (comme le mystère, le secret, l’intrigue,<br />

le schéma, l’insondable) qui seront toujours plus aisément représentés par ce<br />

signe, devenant alors intemporel et universel.<br />

Une question de mode?<br />

Au vu des exemples cités ci-dessus, nous remarquons que la référence<br />

ethnique apparaît comme une tendance à travers la mode, le <strong>design</strong> et même<br />

les loisirs. Il est vrai que ce mouvement est proéminent dans le monde de la<br />

23. quelques images d’Agnès B. en annexe (p.51)<br />

24. évolution du motif du labyrinthe en annexe (p.52)<br />

Elodie Molia - Juin 2011


24<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

mode ; des directeurs artistiques comme Christian Lacroix et Sacha Walckhoff<br />

25 qui introduisent des motifs d’anim<strong>au</strong>x africains dans la dernière collection<br />

de la maison de prêt-à-porter. Puis le « style ethnique » tel qu’on l’appelle dans<br />

les magazines de mode entrent dans nos intérieurs par le biais, de mobiliers,<br />

de papiers peints, de blancs, et tout ce qui peut avoir attrait à la maison. La<br />

question de l’effet de mode devient alors évidente.<br />

Ne serait-ce donc qu’une passade? L’art ethnique ne serait-il qu’un style?<br />

Apparemment, non puisque les spécialistes parlent d’un retour de cette<br />

tendance. Et surtout d’une transformation dans l’utilisation de ces motifs qui<br />

étaient perçus avant comme étant kitsch ou mal coordonnés.<br />

Désormais, on apprend à l’utiliser avec parcimonie et subtilité. Le motif animal<br />

est revisité et réinventé. Ainsi la pe<strong>au</strong> zébrée pourra être rose et j<strong>au</strong>ne, systématisée<br />

et géométrisée. Le <strong>design</strong>er s’approprie totalement le signe, il le fait<br />

évoluer d’une manière inattendue. Mais l’évocation perpétuelle de l’Afrique<br />

s<strong>au</strong>vage, de la f<strong>au</strong>ne, de l’instinctif et de la chaleur demeurera toujours dans<br />

ces éléments naturellement graphiques, et ce quelle qu’en sera la forme finale<br />

choisie par le <strong>design</strong>er.<br />

On remarque différents stades de mutation; d’un côté les <strong>design</strong>ers vont<br />

s’inspirer de ou travailler avec des intervenants d’origine ethnique qui vont<br />

leur <strong>donner</strong> l’impulsion qu’ils recherchent ; de l’<strong>au</strong>tre cette transformation<br />

des signes est le produit d’une fermentation de la part de ces créateurs. Et il<br />

s’avère que le résultat visuel de ces deux types de mutation n’est pas le même.<br />

Nous remarquons que la mutation de ces formes pour le graphiste apparaît<br />

nécessaire. Pour qu’il puisse les utiliser, il f<strong>au</strong>t qu’il se les réapproprie d’une<br />

manière ou d’une <strong>au</strong>tre. Mais n’<strong>au</strong>rions-nous pas tendance à faire de ces<br />

formes les nôtres en omettant les raisons pour lesquelles elles nous attirent?<br />

Certains directeurs de création parlent de fraîcheur.<br />

b) l’occident en mal de signes ?<br />

« l’art moderne nous parle de l’art <strong>au</strong> lieu de nous dire les choses. Il se livre à<br />

un jeu de plus en plus gratuit et intense sur les formes parce que le contenu se<br />

dérobe, parce que le monde n’est plus là... L’enjeu est cependant plus grave<br />

qu’on ne le croit. Non seulement notre société de h<strong>au</strong>te technologie et d’industrialisation<br />

extensive met en danger le monde naturel mais, selon la même<br />

logique, menace les <strong>au</strong>tres civilisations. La nôtre, si puissante, si dominatrice,<br />

est devenue essentiellement parasitaire.» 26<br />

On pourrait se demander pourquoi l’art ethnique attire un public <strong>au</strong>ssi vaste<br />

et varié ? Pourquoi de nombreux artistes et <strong>design</strong>ers vont chercher leur inspiration<br />

ailleurs ? On pourrait <strong>au</strong>ssi envisager de se poser la question de savoir<br />

pourquoi l’art de l’occident est de moins en moins un modèle pour les artistes<br />

et graphistes contemporains ? Nous pouvons envisager un début de réponse<br />

en recherchant l’origine de ce léger détournement ; en effet, l’art occidental à<br />

partir de la fin du XIX ème siècle avec les impressionnistes et <strong>au</strong> début du XX ème<br />

siècle avec les cubistes, délaisse la nature du modèle et le mimétisme et se<br />

tournent vers l’objet de la peinture en tant que tel. Les artistes se mettent à<br />

réfléchir sur l’art et plus sur l’objet. L’art devient de plus en plus <strong>au</strong>tonome et<br />

le sujet de la peinture pour la plupart des grands artistes à venir n’est qu’une<br />

25. images de Christian Lacroix et Sacha Walckhoff en annexe (p.52)<br />

26. Cl<strong>au</strong>de Lévi-Str<strong>au</strong>ss cité par Marcel Henaff_complément en annexe (p.55)<br />

Elodie Molia - Juin 2011


25<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

mise en abîme de l’art ; toujours de nouvelles réponses à la question de savoir<br />

ce qu’est l’art.<br />

Alors qu’avant cette époque, l’art était tourné vers la représentation de la<br />

nature et celle de l’Homme ; alors qu’il était considéré comme un intermédiaire<br />

entre le <strong>sens</strong>ible et l’intelligible, il devient un langage hermétique qui<br />

ne parle qu’à un cercle d’initiés. On peut se demander comment cet écart de<br />

conduite a pu se produire par l’intermédiaire des cubistes alors inspirés par les<br />

sculptures africaines qui eux sont imprégnés et voués à un symbolisme structural<br />

(Cl<strong>au</strong>de Lévi-Str<strong>au</strong>ss) 27 , qui puise son énergie et ses formes dans les<br />

structures sociales et dans la nature. On remarque d’ailleurs que les mouvements<br />

artistiques qui ont eu le plus de succès <strong>au</strong> cours du XX ème siècle, et qui<br />

inspirent encore, sont ceux qui ont utilisé comme référent l’Homme et sa vie<br />

de tous les jours : le Pop Art pour ne citer que lui.<br />

C’est à travers cette petite explication, que nous pouvons tenter de comprendre<br />

en quoi les enjeux et méthodes de l’art occidental ne suffisent plus à nourrir la<br />

<strong>sens</strong>ibilité du plus grand nombre d’entre nous. Comme <strong>au</strong> début du vingtième<br />

siècle, les créateurs ont besoin de nouve<strong>au</strong>x référents pour avancer. Encore<br />

une fois c’est dans d’<strong>au</strong>tres cultures qu’ils vont les chercher. Si nous faisons<br />

un parallèle avec l’analogie du lit de Platon, on peut penser que celui qu’on<br />

appelle artiste a tant copié et recopié le lit du même artisan que l’idée même<br />

du lit s’est dérobée face à son interprétation.<br />

C’est un cycle qui ne finit jamais ; on a comme l’impression que les cultures<br />

et les différents points de vue sont liés et nécessaires entre eux. Les arts occident<strong>au</strong>x<br />

explorent la nature de l’art, les arts ethniques, la nature de l’Homme.<br />

Ne sont-ils pas complémentaires ?<br />

Si nous prenons un exemple concret, nous irons voir les formes abstraites dans<br />

nos deux pans ; alors que chez les aborigènes c’est la façon la plus adéquate<br />

de décrire une chose immatérielle tel que le « rêve », l’art abstrait occidental<br />

a tenté d’immatérialiser une chose qui, elle, était matérielle (à commencer par<br />

l’objet). D’un côté, ce sont les sujets qui déterminent la forme sans restriction<br />

de style, de l’<strong>au</strong>tre c’est le style qui définit la forme. Même si les formes<br />

se ressemblent, les intentions ne sont pas toujours les mêmes. Nous sommes<br />

donc bien à la recherche de nouve<strong>au</strong>x signes et de nouvelles formes qui nous<br />

manquent pour établir de nouve<strong>au</strong>x langages symboliques.<br />

Mais alors le contenu des œuvres n’a t-il <strong>au</strong>cune importance pour nous ? Nous<br />

ne pouvons pas non plus affirmer de tels propos lorsque nous voyons toutes<br />

les tentatives d’ouverture sur ces cultures d’ailleurs à travers la littérature, les<br />

expositions, et mêmes les mœurs en passant par la cuisine, les rites traditionnels<br />

et les modes vestimentaires motivées par L’Unesco : Patrimoine Culturel<br />

Immatériel.<br />

Ce léger spleen de la part des occident<strong>au</strong>x est peut-être dû <strong>au</strong> fait que notre<br />

civilisation actuelle est justement le fruit d’un brassage de cultures et nous<br />

avons besoin de tous ces référents qui demeurent en nous consciemment ou<br />

non.<br />

Je ne sais pas qui a dit que la chair est <strong>sens</strong>ible et ses cultures sont <strong>sens</strong>uelles,<br />

plus <strong>sens</strong>ibles qu’intelligibles. Des couleurs qui titillent inspirées par des<br />

couleurs de la nature (puisque elles sont constituées de pigments naturels), des<br />

matières, de la rugosité, du relief, des <strong>sens</strong>ations fortes à travers des œuvres.<br />

27. voir annexe sur le symbolisme (p.55)<br />

Elodie Molia - Juin 2011


26<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

Tout cela pour dire que l’art ethnique touche à l’affect ; il ramène à une culture,<br />

une histoire, un vécu qui sont be<strong>au</strong>coup plus accessibles et perceptibles que les<br />

seuls concepts <strong>au</strong>xquels font référence les arts qu’on a nommé occident<strong>au</strong>x.<br />

Pourquoi, parle-t-on des artistes, alors que nous sommes dans le graphisme<br />

contemporain ? Pourquoi des mouvements comme De Stilj ont vu le jour,<br />

pourquoi des artistes comme Kandinsky on enseigné <strong>au</strong> B<strong>au</strong>h<strong>au</strong>s ? L’art et le<br />

<strong>Graphisme</strong> s’inspirent mutuellement, ils créent des signes et des formes qui<br />

répondent à leur propre besoin de création mais <strong>au</strong>ssi <strong>au</strong>x besoins de leurs<br />

interlocuteurs par une étrange connexion. Ils sont proches mais différents ;<br />

alors que l’art présente, le graphisme représente.<br />

La vocation du graphisme (toutes spécialités confondues) est de communiquer,<br />

et de toucher <strong>au</strong> plus grand nombre. Si on peut le plus, on peut le<br />

moins ; le graphisme ethnique, selon notre point de vue, vient en cela recadrer<br />

le graphisme en général. Il lui ouvre de nouve<strong>au</strong>x champs de nouvelles<br />

méthodes de travail et de nouve<strong>au</strong>x points de vue encore inexplorés. Il lui<br />

permet de <strong>sens</strong>ibiliser le plus grand nombre, car l’avantage que l’on pourrait<br />

trouver dans ces œuvres à caractère ethnique est qu’il n’y a pas de limite à la<br />

création. Elles ne se bornent pas à la technique, il est le lieu d’expérimentation<br />

et de recherche naturellement constante. L’apport récemment reconnu de l’art<br />

ethnique dans le <strong>design</strong> en général et le graphisme en particulier, permet de<br />

déterminer des cadres à consonance universelle par la richesse des sources<br />

qu’il évoque. Il a la faculté de créer des ensembles de signes distinctifs qui se<br />

répondent, mais qui sont <strong>au</strong>ssi forts présentés seuls. Il est donc assez aisé de se<br />

les réapproprier et de créer d’<strong>au</strong>tres formes à partir d’un seul de ces éléments.<br />

iii. etre graphiste d’origine ethnique ou pas<br />

a.un choix ou un état ?<br />

a) Un témoignage<br />

Par témoignage j’entends que le graphiste d’origine ethnique n’est que l’intermédiaire<br />

et le passeur d’une culture, d’une empreinte graphique qu’il ne<br />

maîtrisera pas toujours. Tout comme l’écrivain est l’interprète du livre qui est<br />

écrit en lui (selon Proust) 28 , le créateur sera l’interprète du signe inscrit en lui.<br />

« <strong>Graphisme</strong> : Ensemble des caractères de l’écriture, considérée dans ses variétés,<br />

en tant qu’elles expriment les habitudes, le tempérament ou l’état momentané<br />

du scripteur». Nous voyons à travers cette définition que le graphiste n’est<br />

pas forcément maître de la forme qu’il produit, il y a de nombreux critères qui<br />

vont modifier sa ligne graphique. Ici ce qui influencera l’écriture du <strong>design</strong>er<br />

graphique sera sa culture d’origine ou d’adoption, ses mœurs et sa conception<br />

du monde qu’elle soit enfouie en lui ou parfaitement palpable et maîtrisable.<br />

Le graphiste ethnique tout comme n’importe quel <strong>au</strong>tre graphiste témoignera<br />

son identité propre à travers la production qui lui sera commandée ou pas.<br />

<strong>Quel</strong>que soit le graphiste, il se créé un univers inspiré qu’il revendique à<br />

travers son œuvre.<br />

Il est inutile de trop parler lorsque l’on peut clairement expliciter un propos.<br />

Tout comme les pistes de rêve des aborigènes qui par la création de leurs<br />

28. Extrait de «Cl<strong>au</strong>de Lévi-Str<strong>au</strong>ss, le passeur de <strong>sens</strong>» de Marcel Henaff<br />

- citation de l’<strong>au</strong>teur (p.55)<br />

Elodie Molia - Juin 2011


27<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

œuvres communiquent avec leurs ancêtres et par ce biais acquièrent leur<br />

savoir, il en est de même pour le graphiste qui s’imprègne d’un univers et<br />

témoigne de valeurs, d’une technicité particulière qui ne sera pas le fruit de<br />

son unique originalité.<br />

« En se voulant solitaire l’artiste se berce d’une illusion peut-être féconde,<br />

mais le privilège qu’il s’accorde n’ a rien de réel. Quand il croit s’exprimer<br />

de façon spontanée, faire œuvre originale, il réplique à d’<strong>au</strong>tres créateurs<br />

passés ou présents, actuels ou virtuels. Qu’on le sache ou qu’on l’ignore, on<br />

ne chemine jamais seul sur le sentier de la création. » 29<br />

C’est ainsi que les <strong>design</strong>ers engagés dans de grandes maisons de couture ou<br />

dans des agences de communication se démarqueront <strong>sens</strong>iblement du fait<br />

de leur patte fortement marqué par l’environnement pictural et esthétique de<br />

leur culture d’origine. Lorsque nous regardons l’évolution de la mode dans<br />

les pays africains, on se rend compte que même-si les coupes de vêtement ne<br />

rentrent plus dans le cadre traditionnel (ou si oui de manière détournée), mais<br />

les motifs des tissus, l’agencement des couleurs et même la véhémence du<br />

choix des couleurs témoignent d’une histoire picturale fortement ancrée chez<br />

ces créateurs.<br />

b)acculturation maîtrisée<br />

b.1:isabelle marrant : imprégnation du monde oriental<br />

Si nous nous concentrons maintenant sur le graphisme contemporain et particulièrement<br />

ici dans la mode, nous remarquons que les écritures singulières<br />

les plus célèbres ont toutes la même particularité : leur parcours artistique,<br />

professionnel et même personnel ont favorisé les échanges culturels par tous<br />

les chemins possibles. Ainsi Isabel Marant, née d’un père français et d’une<br />

mère allemande, élevée par une belle-mère antillaise, imprégnée de voyages<br />

en Inde, en Afrique et <strong>au</strong> Mexique, <strong>donner</strong>a naissance à la marque Twen,<br />

une petite collection de maille. Pourquoi la maille <strong>au</strong>rait-elle une connotation<br />

ethnique ? Parce que les premiers exemples de tricot datant de la fin du<br />

X ème siècle ont été trouvés en Egypte. La marque de bijoux qui lui permet de<br />

financer sa première collection ne sont que des bijoux mexicains, indiens,<br />

des grigris africains à peine revisités 31 . En ce <strong>sens</strong>, cette première collection<br />

n’est que la diffusion d’une culture locale encore inconnue ou peu connue en<br />

France métropolitaine vers la fin des années 80 à 90. L’histoire du logo d’Isabel<br />

Marant et de l’élément fort qui le compose en partie, à savoir l’étoile,<br />

n’est que le fruit de leitmotiv graphique qu’alors la jeune femme dessinait<br />

inconsciemment lorsqu’elle était <strong>au</strong> téléphone ; trois droites éb<strong>au</strong>chées qui<br />

se rejoignent en un point. L’étoile a be<strong>au</strong>coup de significations mais nous<br />

ne pouvons ici toutes les énumérer, nous choisiront la plus globalisante mais<br />

<strong>au</strong>ssi la plus pertinente : « On retient surtout de l’étoile sa qualité de luminaire,<br />

de source de la lumière. Les étoiles représentées sur la voûte d’un temple ou<br />

d’une église en précisent la signification céleste. Leur caractère céleste en<br />

fait <strong>au</strong>ssi des symboles de l’esprit et, en particulier, du conflit entre les forces<br />

spirituelles ou de lumière, et les forces matérielles, elles sont <strong>au</strong>ssi des phares<br />

projetés sur la nuit de l’inconscient. » 30 . Cet dernier aspect de la symbolique<br />

de l’étoile nous permet d’une part, de mettre en évidence le fait que l’écriture<br />

graphique est peut-être le fait d’une tension entre une matière consciente et<br />

29. Cl<strong>au</strong>de Lévi-Str<strong>au</strong>ss, la Voie des masques<br />

30. Jean Chevalier, Alain Gheerbandt, Dictionnaire des symboles<br />

31. Collections de prêt-à-porter et des bijoix d’Isal Marant (p.56)<br />

Elodie Molia - Juin 2011


28<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

des influences inconscientes. Et d’<strong>au</strong>tre part, nous ne pouvons omettre le fait<br />

que l’étoile soit un symbole presque universel ; en effet on le retrouve chez les<br />

indiens du Sud-Ouest, dans le Judaïsme, chez les britanniques, chez les sumériens,<br />

chez les catholiques et dans le monde de l’occulte. Elle revêt toujours<br />

une part spirituelle, mystique, céleste ; en bref quelque chose qui se place<br />

<strong>au</strong>-dessus de nous, quelque chose que l’on ne contrôle pas mais que l’on subit<br />

et qui nous domine. Les collections d’Isabel Marant tout comme son logo lui<br />

ont été en partie imposés par sa propre expérience.<br />

b.2: Serge Mouangue : la confusion des frontières<br />

Nous avons be<strong>au</strong>coup parlé de l’art ethnique vu par les européens, mais le<br />

graphisme ethnique <strong>au</strong> sein du graphisme contemporain ne se résume par<br />

à la réinterprétation des signes ethniques par les occident<strong>au</strong>x. Il existe des<br />

échanges trans-ethniques étonnants qui apportent un nouve<strong>au</strong> questionnement<br />

dans notre problématique ; celle de la notion paradoxale des frontières, celle<br />

du métissage, celle de la trans-culturalité.<br />

Quand Serge Mouangue, conçoit des kimonos 32 sur des tissus typiquement<br />

africains,(motifs géométriques, très colorés, clairement folkloriques et<br />

souvent symboliques), il fait fusionner deux cultures graphiques complètement<br />

opposées : celle de l’exubérance camerounaise et celle de la sobriété du<br />

japon. La rencontre de ces deux écritures si singulières donnent un résultat<br />

qui reste assez perturbant : malgré le fait qu’elles soient mêlées en un seul<br />

objet, les deux apports restent toute fois clairement distincts. Cet exemple<br />

reste toujours très significatif et important pour notre exploration car il montre<br />

que l’échange peut se faire dans les deux <strong>sens</strong> et surtout mutuellement. Il n’est<br />

pas étonnant de croiser ce genre de fusion car ce n’est pas l’Europe occidentale<br />

qui a engendré l’échange entre culture. Cette pratique se faisait bien avant<br />

son apogée vers 1760 avec la révolution industrielle. Les échanges culturels<br />

ont favorisé la création et la diversification des écritures graphiques et de l’art<br />

en général. Ce que Jean-Pierre Warnier appelle le « système-monde », était<br />

un espace marchand, culturel, religieux et idéologique qui avait pour centre<br />

l’Asie. De nombreux grands concepts tels que le Jaïnisme, le Bouddhisme ou<br />

l’Humanisme ont trouvé naissance dans ce bassin fertile qui englobait l’Asie,<br />

l’Inde, la Mésopotamie, l’Egypte, l’Empire ottoman... excluant l’Europe.<br />

Ces cultures que l’on dit orientales ont donc pratiqué l’échange et se sont<br />

influencées mutuellement des siècles durant avant l’invasion de l’Europe sur<br />

le marché. La particularité de cette époque est que ces échanges étaient équitables,<br />

équivalents et respectaient la part de non aliénable de certains faits<br />

culturels.<br />

Mais les kimonos de Mouangue montrent que malgré le mélange des genres,<br />

la tentative de brouillage des frontières, chaque signe culturel ôté de son<br />

contexte symbolique originel y demeure tout de même profondément ancré<br />

et clairement identifiable. L’acculturation ne sera toujours qu’un voile, ou une<br />

utopie. Tôt ou tard le naturel revient <strong>au</strong> galop. Ces kimonos ne sont pas issus<br />

d’une culture afro-asiatique, mais c’est bien la fusion (version salad-bowl) du<br />

Cameroun et du Japon traditionnel.<br />

32. voir les kimonos en annexe (p.57)<br />

Elodie Molia - Juin 2011


29<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

B. adapter et s’adapter<br />

Le <strong>design</strong>er face <strong>au</strong> contexte qui nous intéresse, à savoir le <strong>sens</strong> du graphisme<br />

ethnique <strong>au</strong>jourd’hui, se retrouve dans deux situations différentes lorsqu’il doit<br />

répondre à une commande. Soit le <strong>design</strong>er a une influence ethnique marquée,<br />

soit c’est le sujet même de la commande qui porte en lui des particularités<br />

culturelles incontournables (et qui ne seront pas forcément les siennes). Et<br />

c’est là que se joue la vocation du graphiste : qui est celle de relever les défis,<br />

de matérialiser l’impalpable, de faire concorder des choses qui ne semblent<br />

pas s’accorder... De rendre visible l’invisible, de retranscrire des idées qui ne<br />

sont pas les siennes à travers sa propre écriture graphique et sa propre conception<br />

des choses.<br />

Nous citerons quelques exemples de <strong>design</strong>ers confrontés à ce « problème »<br />

dans le cadre de l’élaboration des réponses <strong>au</strong>x commandes.<br />

a) « Les enjeux et les contraintes du commanditaire doivent devenir ceux<br />

du graphiste »<br />

D’un côté nous avons Roger Oddone 32 , graphiste brésilien qui conçoit le logo<br />

« ethnique », une marque de cosmétique brésilienne. Son point de départ pour<br />

la composition du logotype est un bijou en forme de masque ; les traits sont<br />

tant similaires que l’on ne peut pas déterminer s’il s’agit de la reproduction<br />

d’un masque brésilien ou africain ; fruit d’un métissage antérieur ? Peut-être.<br />

Mais il f<strong>au</strong>t toutefois noter que la population brésilienne est <strong>au</strong>ssi le produit de<br />

la colonisation et que l’Afrique et le Brésil ont be<strong>au</strong>coup de points culturels<br />

en commun à commencer par le V<strong>au</strong>dou.<br />

L’utilisation du masque par Oddone, pour un thème <strong>au</strong>ssi diversifié, paraissait<br />

évident : cet objet étant commun à pratiquement toutes civilisations (et même<br />

en Grèce antique). Il représente un idéal, d’un point de vue esthétique ou<br />

d’un point de vue mystique à l’image des statuettes stéatopyges ou callipyges<br />

retrouvées <strong>au</strong> paléolithique ; elles étaient très probablement liées <strong>au</strong> culte de<br />

la fécondité, en effet, une femme <strong>au</strong> bassin large est considérée comme étant<br />

plus apte à porter l’enfant d’où la notion d’idéalisme dans la représentation.<br />

Il était donc facile de confondre le masque à la notion d’ethnique. Le graphiste<br />

va ensuite s’approprier la lettre « E » qui l’intéressait ici. Il transforme un signe<br />

ethnique en symbole occidentale. Le « E » de l’alphabet grec. Le choix de la<br />

palette graphique est assez attendue ; du rouge, du j<strong>au</strong>ne, des ocres et terres de<br />

sienne. Pour ce qui est de l’image c’est toujours plus libre, mais le choix de la<br />

typo est toujours délicat ; ici nous avons une bas de casse d’un caractère dont<br />

on ne s<strong>au</strong>rait dire s’il est en serif ou sans serif, dont on ne s<strong>au</strong>rait dire s’il est<br />

regular ou italique, un typrogramme métissé. L’alliance du typogramme et du<br />

logotype fonctionne plutôt bien.<br />

Mais lorsque le même Roger Oddone s’attaque à un sujet comme Perdigao, une<br />

compagnie d’exportation alimentaire, ayant une portée plus ou moins internationale,<br />

la pertinence et la justesse ne sont pas toujours présents. Ceci étant<br />

dit dans «Viva », distributeur de sanitaires, la <strong>sens</strong>ibilité naturelle du graphiste<br />

est bien déployée sans enterrer le sujet. De par les formes, la composition et le<br />

sujet, le graphiste arrive à recentrer la compagnie sur sa localité : ici encore une<br />

fois le Brésil. Et lorsqu’il s’attaque à l’Europe avec Future Mechanics, société<br />

de conseil informatique, il ne perd pas de ses particularités graphiques, en<br />

32. voir les illustrations commentées en annexe (p.58)<br />

Elodie Molia - Juin 2011


30<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

matérialisant l’idée d’innovation par des caractères abstraits que l’on retrouve<br />

souvent dans les peintures d’artistes de la diaspora africaine mais qui n’a en<br />

fait pas de réelles souches localisées. Le choix de la couleur est <strong>au</strong>ssi pertinent ;<br />

une couleur que l’on ne retrouve que très rarement dans la nature, elle aspire<br />

à la pureté et <strong>au</strong> divin, elle inspire de nouve<strong>au</strong>x horizons. On ne retrouve<br />

ce genre de bleu turquoise que dans les e<strong>au</strong>x caribéennes, tropicales, et <strong>au</strong>x<br />

abords de l’équateur. Pour Roger Oddone, l’adaptation est réussie dans les<br />

deux <strong>sens</strong>.<br />

b) Les enjeux du commanditaire sont parfois délaissés <strong>au</strong> profit de la<br />

personnalité du graphiste. 33<br />

Le jeu de l’échange entre les influences du commanditaire et du <strong>design</strong>er<br />

graphique n’est toute fois pas toujours respecté. On le voit be<strong>au</strong>coup dans<br />

le graphisme contemporain, les <strong>design</strong>ers privilégiant de loin leur identité<br />

graphique par rapport à l’identité de leur commanditaire. Sur le blog African<br />

digital art, il a été reproché à un projet de ne pas respecter cette équité entre<br />

le graphiste et le commanditaire. On a désapprouvé le fait que le sujet, qui<br />

concernait spécifiquement l’Afrique ait été occidentalisé. Le projet en question<br />

est un livre Future of Technologies in Africa conçu par Roquefort, un<br />

collectif franco-néerlandais. Je cite l’un des blogueurs : « je ne comprends pas<br />

pourquoi le Futur de la technologie en Afrique est conçu avec des européens,<br />

si les gens comprennent que c’est notre futur africain et pas nous, c’est un vrai<br />

problème. Et le <strong>design</strong> de la couverture révèle une inspiration européenne, ne<br />

serait-il pas normal d’utiliser des formes du continent africain pour parler de<br />

conceptions africaines.». C’est vrai que si le projet concerne l’Afrique et avant<br />

tout, les africains, n’est-il pas normal que ceux-ci prennent part <strong>au</strong> projet dès le<br />

départ ; leur permettant de s’approprier ou d’appréhender le sujet de manière<br />

graphique. La technologie doit-elle éliminer leur identité et leur culture pour<br />

<strong>au</strong>tant? Les graphistes de Roquefort n’ont pas su s’effacer face <strong>au</strong> sujet ou ils<br />

l’ont regardé du m<strong>au</strong>vais point de vue. Car un projet de cette ampleur inclue<br />

<strong>au</strong>ssi et surtout les hommes qui vont ensuite vivre dans ce nouvel environnement<br />

(en espérant que ce sera bien le cas pour les africains). Ils ont réduit le<br />

sujet à leur simple vision des choses, conception propre du graphisme et non<br />

à la portée réelle du sujet qui là, était l’Afrique. Même si l’on parle de Futur,<br />

rien ne dit que l’art africain n’a de valeur que dans le primitivisme et est ancré<br />

dans le passé. Au contraire, les artistes africains ont développé de nouvelles<br />

technologies comme tous les <strong>au</strong>tres et proposent des choses <strong>au</strong>ssi <strong>sens</strong>ibles<br />

qu’innovantes. A l’exemple de Saki Mafundikwa et de tous les élèves qui<br />

sortent de l’école de Ziva (Zimbabwe Institute of Vigital Arts). En regard <strong>au</strong>ssi<br />

de l’Art contemporain africain, qui prend de plus en plus part <strong>au</strong>x manifestations<br />

internationales mais qui commence à peine à se faire un chemin dans les<br />

galeries françaises. (l’Intemporel, JM’Art, Le musée des arts derniers).<br />

Nous n’affirmons pas ici que tout sujet lié de près ou de loin à une culture<br />

« folklorique » doit la représenter de manière pittoresque et stéréotypante.<br />

Nous disons juste qu’elle ne doit pas négliger ces distinctions. Par exemple,<br />

le musée des arts derniers, galerie d’art contemporain spécialisée dans les<br />

artistes africains, elle ne veut néanmoins pas ghettoiser et stéréotyper l’image<br />

de la galerie qui se veut avant tout une galerie contemporaine. Il est alors<br />

33. voir les illustrations commentées en annexe (p.59)<br />

Elodie Molia - Juin 2011


31<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

difficile de ne pas prendre en compte ces deux données cruciales. Si le <strong>design</strong>er<br />

n’a <strong>au</strong>cun lien direct avec ces cultures, il choisira d’axer le logo sur l’art<br />

contemporain, mais s’il a un quelconque lien avec l’Afrique, il sera difficile<br />

pour lui de faire abstraction des signes africains du nord <strong>au</strong> sud. Tout l’enjeu<br />

sera donc de trouver le juste milieu entre les deux.<br />

C. peut-on se défaire de son héritage culturel ?<br />

a)un héritage ?<br />

A quel moment peut-on parler d’hérédité ? Regardons la définition : « le fait<br />

que les descendants reproduisent non seulement le type spécifique, mais <strong>au</strong>ssi<br />

certains caractères individuels de leurs parents, ou même d’ancêtres plus éloignés.»<br />

34<br />

Dans « la tête obsidienne » d’André Malr<strong>au</strong>x, Saki Mafundikwa relève une<br />

citation très intéressante de Picasso :<br />

« Les masques n’étaient pas comme les <strong>au</strong>tres formes de sculpture. Pas du<br />

tout. C’étaient des objets magiques. Et pourquoi les pièces Egyptiennes ou<br />

Chadéennes ne l’étaient pas ? Nous n’avions pas pris conscience de cela :<br />

c’étaient des objets primitifs, non magiques. Les sculptures des Nègres étaient<br />

des intercesseurs... Contre toute chose, contre l’inconnu, la peur des esprits. J’ai<br />

continué l’observation des fétiches. J’ai compris ; je suis, moi <strong>au</strong>ssi contre tout.<br />

Je pense <strong>au</strong>ssi que tout ce qui est inconnu est un ennemi ! J’ai compris quelle<br />

était la raison d’être des sculptures pour les Nègres. Pourquoi sculpter ainsi<br />

et pas <strong>au</strong>trement ? Après tout, ils étaient cubistes puisque les cubistes n’existaient<br />

pas...Tous les fétiches étaient utilisés pour la même chose. C’étaient des<br />

armes. Pour aider les gens à se délivrer du contrôle des esprits, afin de devenir<br />

indépendant. Instruments. Si nous donnons une forme <strong>au</strong>x esprits, nous devenons<br />

indépendants d’eux. Les esprits, l’Inconscient, l’émotion, c’est la même<br />

chose. J’ai compris pourquoi j’étais peintre... Les Demoiselles d’Avignon, ont<br />

dû se révéler à moi ce jour là. Non pas à c<strong>au</strong>se des formes, mais parce que<br />

c’était ma première toile d’exorcisme – Oui, parfaitement ! »<br />

Cette remarque de Picasso est très révélatrice de la personnalité de ce dernier<br />

et de la manière dont il va s’approprier la sculpture africaine. La citation qui<br />

suit nous éclaire encore un peu sur la façon dont se perçoit Picasso face à l’Art<br />

ethnique et à ces créateurs : « Je ne me suis jamais trompé sur toi. Tu es un<br />

peintre. C’est pour cela que j’ai dit la première fois que nous nous sommes<br />

vus que tu me rappelais quelqu’un : moi » (Picasso à Lam). Peut-être f<strong>au</strong>t-il<br />

préciser que Wilfredo Lam est un métisse cubain-haïtien, héritier naturel de<br />

cultures ethniques dites « primitives ». On pourrait se demander si Wilfredo<br />

Lam <strong>au</strong>rait pu avoir cette approche esthétique des formes sans l’existence de<br />

Picasso. Au vu des sculptures, des peintures et des motifs des textiles produits<br />

par ces civilisations, je dis oui, très probablement. Nous savons tous que le<br />

personnage cité en premier lieu était un monstre de vanité et qu’il fait de la<br />

conception fétichiste des productions africaines, la sienne en les posant sur<br />

une surface bidimensionnelle. C’est à ce moment précis qu’il fait fusionner<br />

dans son œuvre l’art occidental classique, qui étudie la transposition du tridimensionnel<br />

sur le bidimensionnel de manière artificielle et l’art africain qui<br />

transcrit des choses impalpables et spirituelles dans un espace concret.<br />

Alors, lorsque M. Picasso voit en Lam un mini Pablo, on peut trouver étrange<br />

34. voir l’ensemble des informations sur l’hérédité en annexe. (p.60)<br />

Elodie Molia - Juin 2011


32<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

que le maître se sente plus inspiré que l’héritier naturel de la civilisation<br />

noire et amérindienne. Et pourtant si paradoxale que pourrait paraître cette<br />

remarque, c’est ici que nous voulons en venir ; comment se fait-il que l’on<br />

surnomme Wilfredo Lam, le « Picasso Cubain » alors que les ressemblances<br />

ne restent que formelles et qu’elles ne représentent qu’une partie de l’oeuvre<br />

de Picasso ? Et d’ailleurs pourquoi les productions de Lam se distinguent tant,<br />

malgré tout, des trav<strong>au</strong>x de Picasso 35 . Parce que les forces et les esprits qui<br />

les animent ne seront jamais les mêmes. Parce que même-si Picasso a très bien<br />

réussi son acculturation, dans son for intérieur il reste un artiste européen, de<br />

formation classique, d’éducation espagnole, ayant été témoin des deux guerres<br />

mondiales, et de la guerre civile espagnole. C’est peut-être par ce biais que se<br />

construit et évolue une écriture graphique ; plus les influences seront diverses<br />

et distinctes, et plus l’écriture se verra singulière.<br />

La notion d’héritage culturel est assez complexe ; il f<strong>au</strong>drait que l’on puisse<br />

définir clairement ce que l’on entend par héritage culturel : est-ce la tradition<br />

que l’on pourrait assimiler à Wilfredo ou les diverses influences sociétaires<br />

qu’a subi Picasso? Une réponse clairement définie est difficile à poser mais<br />

ce que nous appelons héritage sera effectivement déterminant quel que soit sa<br />

nature.<br />

b) <strong>au</strong> delà du folklorique:<br />

«...Ne sommes nous pas tous convaincus que toute création prend place dans<br />

un contexte spécifique, un terrain d’origine, tout en se développant de manière<br />

<strong>au</strong>tonome. Si l’art n’a pas de frontière, les artistes qui le produisent sont ancrés<br />

dans une réalité sociale, politique et économique, qui influe nécessairement<br />

sur leur production. » 36<br />

La découverte de la raison d’être de l’art africain et des sculptures, en particulier<br />

comme étant des fétiches, va <strong>donner</strong> naissance à ce que l’on va nommer<br />

en occident l’art moderne. C’est un nouve<strong>au</strong> tournant pour l’art européen. Si<br />

Picasso n’avait pas fait cette visite <strong>au</strong> musée du Trocadéro, personne ne sait<br />

ce que l’art de l’occident serait devenu. Personne ne sait ce que l’art contemporain<br />

serait devenu, car l’art moderne européen est le fondement de l’art<br />

contemporain international. Puisque ce sont bien des européens tels que P<strong>au</strong>l<br />

Klee, Picasso, Juan Gris, Fernand Léger, Mondrian, Kandinsky et d’<strong>au</strong>tres<br />

(tous des européens) qui ont importé ou ouvert le champ de l’abstraction, du<br />

cubisme et l’art moderne plus largement, en Amérique.<br />

Il en va sans dire que si l’art africain a eu un impact sur l’art, il a également<br />

fortement conditionné le <strong>Graphisme</strong> tel que nous le connaissons.<br />

Saki Mafundikwa 37 par le biais de son œuvre et de la fondation de l’école<br />

ZIVA, veut créer un nouve<strong>au</strong> langage. Un langage qui sera libéré du formatage<br />

européen, un langage qui découlera des riches inspirations qui proviennent<br />

de l’Afrique. Il veut casser l’hégémonie des standards suisses. « Comment<br />

se fait-il que le travail de <strong>design</strong>ers mozambicains ressemble à celui d’un <strong>design</strong>er<br />

suisse ? » Le <strong>design</strong>er doit répondre à ses propres inspirations et aspirations et<br />

non à celles des <strong>au</strong>tres. Le <strong>design</strong>er ethnique, et africain en particulier devra<br />

créer son propre langage en associant la technique apprise lors de ses études<br />

occidentales et sa <strong>sens</strong>ibilité particulière qu’il <strong>au</strong>ra établie à partir de sa propre<br />

35. extrait du catalogue Africa Remix - avant-propos<br />

36. juxtaposition de deux œuvres majeures des maîtres en annexe (p.61)<br />

37. Interview de Saki Mafundikwa en annexe (p.62)<br />

Elodie Molia - Juin 2011


33<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

expérience et des ses propres fétiches.<br />

On ne peut néanmoins empêcher quelqu’un de s’approprier en partie une<br />

culture ; car qu’est ce que la culture sinon que l’environnement de référence<br />

que l’on se forge. Ici la notion de culture 38 ne s’oppose plus mais se soude à la<br />

notion de tradition. Car tout individu est porteur de sa propre identification, de<br />

sa propre identité, de ses propres rituels qu’il choisira de transmettre ou pas le<br />

moment venu comme de nombreux ancêtres avant lui. Ici la culture est forcément<br />

pluri-ethnique puisqu’elle s’inspire de toutes les origines ou influences<br />

du <strong>design</strong>er. 39<br />

Cette petite mise <strong>au</strong> point définit la genèse d’une culture individuelle devenant<br />

une tradition (tout à fait localisée), et de tradition devenant un produit culturel.<br />

Lorsque nous parlons d’ethnie nous ne pouvons omettre l’aspect culturel qui<br />

l’englobe : le phénomène de graphisme ethnique et son apport conséquent<br />

sur le graphisme contemporain en général est en corrélation avec la mondialisation<br />

de la culture. Ceci étant dit ce dernier fait amène une confusion voire<br />

fusion néfaste pour ce que l’on qualifiera d’ethnique ; celle de la tradition et de<br />

la culture. J’entends ici par culture, le produit d’une société identifiée par ses<br />

habitudes de consommation (loisir, littérature, cuisine, mode vestimentaire,<br />

cinématographie…) souvent éphémère et conditionnée par un présent singulier.<br />

Cette définition de la culture se retrouve en porte à f<strong>au</strong>x avec ce que l’on<br />

appelle la tradition qui, elle, se perpétue dans le temps par une transmission<br />

et un apprentissage qui peut durer plusieurs années ; elle n’est pas altérée par<br />

les influences contemporaines. Après avoir défini ces deux entités et observé<br />

ce qui se passe actuellement dans la société et en particulier par le biais du<br />

graphisme, c’est que ce qui, d’origine, fait partie de la tradition d’une civilisation<br />

donnée, qui se transforme en produit culturel éphémère dicté par les lois<br />

du marché mondial.<br />

c)le graphisme métissé : héritier du graphisme ethnique<br />

Au vu de ce que nous avons vu jusqu’ici nous avons comme l’impression<br />

que ce que l’on appelle le graphisme ethnique tendrait à prendre une direction<br />

singulière. Nous avons vu que dès les premiers échanges inter-région<strong>au</strong>x<br />

puis internation<strong>au</strong>x avec le système monde, les civilisations se sont mutuellement<br />

influencées. Ce phénomène d’acculturation s’est intensifié avec la<br />

globalisation qui s’est mise en marche à partir de la deuxième ou troisième<br />

révolution industrielle, impulsé par les Etats-Unis. Il s’avère que les médiums<br />

du graphisme : édition, web, télécommunication, cinématographie, photographie...<br />

sont également les médiums de la culture, des civilisations, des ethnies<br />

(qu’elles l’aient choisi ou pas). La puissance et l’<strong>au</strong>gmentation constante de<br />

la communication et de la diffusion d’information de nature purement culturelle<br />

ou traditionnelle ont créé une confusion dans la nature et les origines des<br />

choses qui jalonnent notre environnement visuel.<br />

Les <strong>design</strong>ers sont donc naturellement influencés, inspirés par tous ces<br />

échanges et ce, qu’ils le choisissent ou pas. Kenzo par l’exemple a connu son apogée<br />

en France avec l’ouverture de la Boutique « Jungle Jap »: « légèreté, fraîcheur,<br />

simplicité, poésie, spontanéité, gaieté, vitalité des couleurs, mélanges inattendus,<br />

utilisation inhabituelle des matières…» Un monde sans frontière ou<br />

cohabitent toutes les cultures. C’est en 1970. Les Hippies avaient déjà compris<br />

que toutes les cultures étaient dépendantes l’une de l’<strong>au</strong>tre et que l’hégémonie<br />

38. notions <strong>au</strong>tour de la culture (p.64)<br />

39. exemple de culture multi-ethnique personnelle qui se transforme en tradition<br />

(p.64)<br />

Elodie Molia - Juin 2011


34<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

d’une seule civilisation ne pouvait pas répondre constamment <strong>au</strong>x besoins<br />

d’une population d’origines diverses et en évolution perpétuelle.<br />

Le logo de Kenzo est intemporel et universel. Xavier de Bascher réussit à ce<br />

que l’on confonde la culture asiatique et la culture occidentale.<br />

Même-si Saki Mafundikwa 40 tend à créer un nouve<strong>au</strong> langage africain et<br />

contemporain, il ne peut omettre tout ce qu’il a appris et vu à New-York<br />

pendant des années. Et il ne f<strong>au</strong>t pas oublier que s’il doit faire avec le continent<br />

africain seulement, le métissage des ethnies, des cultures ne peut être<br />

évité lorsque l’on passe du nord <strong>au</strong> sud et de l’est à l’ouest (Afrikan Aphalbet.<br />

S.Mafundikwa).<br />

Même ma propre pratique est métissée à mon insu ; et ici ce n’est pas de<br />

l’acculturation, c’est juste un héritage génétique et culturel. Ce qui amène une<br />

<strong>au</strong>tre question; à savoir si c’est le métissage de plus en plus commun dans<br />

la société qui influe logiquement sur les écritures graphiques de ces populations<br />

qui ne peuvent pas se reconnaître dans une civilisation localisée particulière.<br />

Dans ce cas la théorie du graphisme métissé tient probablement la<br />

route. Revenons sur l’esthétique hippie qui était à bien des égards le fruit d’un<br />

maillage entre divers univers graphiques : un mélange d’esthétique indienne,<br />

et d’imagerie et de motifs populaires occident<strong>au</strong>x <strong>au</strong>x couleurs dont on ne<br />

s<strong>au</strong>rait définir si elles étaient typées africaines ou occidentales... Autant dans<br />

l’idéologie que dans la retranscription culturelle et médiatique la « culture »<br />

hippie est le produit d’une civilisation <strong>au</strong>x prémices de la mondialisation. Le<br />

problème est que cette globalisation à outrance n’a cessé de faire disparaître<br />

des pans entiers de cultures ; des langues disparues, des savoirs oubliés, des<br />

habitudes délaissées à c<strong>au</strong>se de la technologie, des médiums soit disant obsolètes<br />

qui étaient inhérents <strong>au</strong> contenu... Le graphisme ethnique est ancré à des<br />

pratiques artistiques ou artisanales traditionnelles presque indissociables des<br />

outils qui les produisent. Il est donc vrai que si la technologie remplace l’outil<br />

artisanal, les productions évoluent indubitablement de manière différente et<br />

modifie la perception du signe.<br />

Il est vrai que le métissage paraît être la voie naturelle pour le graphisme<br />

contemporain que l’on reconnaît finalement comme étant également héritier<br />

du graphisme ethnique. Néanmoins, dans ce graphisme que nous connaissons<br />

<strong>au</strong>jourd’hui, la notion d’ethnique se dérobe pour des concepts superficiels et<br />

mercantiles tels que le style, la mode, la tendance, le soi disant « métissage »<br />

qui n’est que le fruit de la confusion identitaire qui se retranscrit dans nos<br />

productions. Toute fois, le graphisme contemporain ne peut exister sans le<br />

graphisme ethnique ; par ethnique, j’entends toutes les influences du pôle nord<br />

<strong>au</strong> pôle sud, les traditions qui ont nécessairement inspirées les plus grands<br />

graphistes qu’ils l’admettent ou pas, qu’ils le sachent ou pas.<br />

40. sélections d’oeuvres de Saki Mafundikwa (p.65)<br />

Elodie Molia - Juin 2011


Conclusion:<br />

35<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

Il est assez difficile de conclure <strong>au</strong> vu de l’étude du sujet que nous avons abordé ;<br />

car ce que nous appelons « graphisme ethnique » est en perpétuelle évolution,<br />

et sa valeur est souvent altérée selon les points de vue. Nous pouvons déjà en<br />

déterminer deux : le « point de vue local » et « le point de vue global » 41 .<br />

Le premier peut nous éclairer sur le <strong>sens</strong> et les utilisations des écritures<br />

graphiques extra-européennes qui gardent leur valeur symbolique même en<br />

dehors de leur contexte originel. Pourquoi ? Parce que ceux qui en font usage<br />

ont compris leur fonctionnement et leur raison d’être ou en sont naturellement<br />

ou culturellement imprégnés. Nous avons remarqué que ce pan du graphisme<br />

ethnique se retrouve surtout dans le milieu culturel et celui de la création. C’est<br />

dans ce cadre fertile que le graphisme ethnique montre sa vraie valeur rajoutée<br />

dans le graphisme contemporain ; il est une source d’inspiration diversifiée<br />

qui ne s’épuise pas et qui se renouvelle perpétuellement grâce <strong>au</strong>x échanges<br />

inter-culturels inaliénables et l’apport de chaque individu issu de ces civilisations<br />

ou en contact avec ces dernières. Car il ne f<strong>au</strong>t surtout pas négliger le fait<br />

que ces signes particuliers sont le produit d’êtres humains issus de traditions<br />

singulières souvent ancrées dans des symbolismes mystiques et religieux.<br />

C’est ce qu’ont oublié les premiers à avoir utiliser le graphisme ethnique, en<br />

terme de représentation ; à des fins strictement mercantiles, ils ont tenté de<br />

manipuler les signes et les codes de manière à les faire pencher en faveur de<br />

leur discours. Le point de vue global s’exprime par la création involontaire<br />

ou pas des stéréotypes basés sur les préjugés fournis par une histoire trop peu<br />

explicitée. C’est également le point de vue global qui transforme la tradition<br />

et la singularité en tendance, et en « nouvelle fraîcheur » ; le style « ethnique »<br />

se plaçant à côté du style « trendy ».<br />

Peu importe la perception que nous pouvons en avoir, <strong>au</strong> travers de cette<br />

étude, nous nous sommes rendus compte que l’écriture ethnique était à la<br />

base de notre graphisme contemporain. Pas forcément dans les formes mais<br />

dans la genèse de ces dernières ; dans la manière dont elles sont appréhendées<br />

et perçues par les graphistes ; elles sont entre la présentation « orientale » et<br />

la représentation occidentale. Entre la nature profonde du sujet et la nature<br />

profonde du graphiste. Le graphisme ethnique, <strong>au</strong>-delà de produire des formes<br />

expressives est l’expression même de tout individu qui puiserait son inspiration<br />

de son univers culturel proche ou lointain. Il devient alors un outil de<br />

création et non un moyen de communiquer.<br />

Si ce graphisme là, peut toucher et inspirer n’importe quel individu, on pourrait<br />

se demander si le graphisme dit « ethnique » a lieu d’exister dans notre<br />

langage. Car s’il est un référent à caractère <strong>sens</strong>iblement universel, pourquoi<br />

devrait-il conserver un terme occidental qui l’enferme dans une localité? Aussi<br />

pourrions-nous nous demander si le graphisme dit ethnique ne disparaîtra pas<br />

avec le phénomène de mondialisation et de mutualisation des cultures ; pourront-elles<br />

préserver leur <strong>au</strong>thenticité même à travers le métissage? Ceci ferait<br />

l’objet d’une <strong>au</strong>tre étude.<br />

41. La mondialisation de la culture - VI/ un foisonnement de créations culturelles<br />

- une funeste illusion d’optique, J.P. Warnier<br />

Elodie Molia - Juin 2011


anneXes<br />

36<br />

Mémoire professionnel - Bachelor Graphic Design 2<br />

Elodie Molia - Juin 2011


1. ParCs naTIon<strong>au</strong>x de FranCe, 1990<br />

37<br />

l’atelier de création graphique<br />

s’est constitué <strong>au</strong>tour de pierre Bernard<br />

à partir de 1989, dans la continuité de l’atelier Grapus.<br />

Les parcs nation<strong>au</strong>x ont été légalement institués en France en 1960. L’État<br />

reconnaissait ainsi la valeur exceptionnelle de certaines régions naturelles et<br />

s’imposait l’obligation d’en maintenir la qualité à la lumière des changements<br />

économiques, soci<strong>au</strong>x, démographiques et culturels.<br />

En 1989, quand le processus d’identification graphique est amorcé, sept parcs<br />

existent, on en compte dix <strong>au</strong>jourd’hui.<br />

En réponse à la commande d’origine — sept logotypes pour sept parcs — nous<br />

avons proposé une identité graphique où la représentation institutionnelle, la<br />

signalétique, le <strong>design</strong> des imprimés, des cartes, ou encore celui des objets forment<br />

un tout.<br />

Un seul et même emblème a été imaginé et dessiné, symbole commun à tous<br />

les territoires. Ainsi, chaque parc dans sa singularité, témoigne du concept de<br />

l’unité et de la richesse inépuisable qu’annonce son label.<br />

Cette h<strong>au</strong>te prétention emblématique a croisé la vocation profonde et les savoir-faire<br />

de l’ensemble des personnels des parcs qui, après avoir adopté les<br />

cahiers des normes, ont mis en service les systèmes dans une logique de long<br />

terme.<br />

La petite histoire de ce logo vient du fait qu’il est décliné dans plusieurs régions<br />

de France qui ont leurs propres traditions et croyances en-dehors de la<br />

République. Chacune des régions avec donc sa couleur ; <strong>au</strong> début le logo de<br />

la Guadeloupe était violet, mais ce que Pierre Bernard ignorait peut-être c’est<br />

que le violet est la couleur du deuil en Guadeloupe. Après un petit débat entre<br />

les <strong>au</strong>tochtones et l’atelier, le logo est devenu rose fuschia.


2. La noTIon de FanTasMe<br />

Dans le <strong>sens</strong> courant, le fantasme est une fixation mentale ou une croyance irraisonnée pouvant, dans certains cas,<br />

conduire à des actes excessifs. Une forme atténuée, en principe moins dangereuse, est la lubie.<br />

Traduction de l’allemand « Phantasie » inventé par Sigmund Freud, compromis entre deux termes existants :<br />

« phantasme » (hallucination) et « fantaisie » (imagination débridée).<br />

Le fantasme se comprend comme une élaboration dérivée de plusieurs éléments, mettant en jeu différentes pulsions<br />

inscrites dans l’histoire du sujet. Le fantasme est la formation de compromis, il élabore différents matériels, dont<br />

certains sont conscients et d’<strong>au</strong>tres non. Mais certains fantasmes demeurent inconscients.<br />

Le fantasme peut témoigner d’une fixation de la sexualité à un stade psychosexuel, comme le stade oral ou le stade<br />

anal. De ce point de vue, il est résultat d’une régression.<br />

La capacité à fantasmer signe une certaine normalité psychique : on peut soupçonner chez les patients psychosomatiques<br />

une défaillance de la fonction fantasmatique, repérée sous forme de pensée opératoire. Le fantasme permet<br />

ainsi une régulation psychique des désirs inconscients, nécessaire à la bonne santé mentale.<br />

Chez Melanie Klein, l’ensemble de la vie psychique ne s<strong>au</strong>rait être compris que comme fantasmatique.<br />

J. Laplanche et J.B. Pontalis traitent longuement du fantasme et le définissent pour commencer comme un « scénario<br />

imaginaire où le sujet est présent et qui figure, de façon plus ou moins déformée par les processus défensifs,<br />

l’accomplissement d’un désir et, en dernier ressort, d’un désir inconscient ».<br />

Chez Jacques Lacan, « le fantasme est un montage grammatical où s’ordonne suivant divers renversements le destin<br />

de la pulsion, de telle sorte qu’il n’y a plus moyen de faire fonctionner le « je » dans sa relation <strong>au</strong> monde qu’à<br />

le faire passer par cette structure grammaticale ».<br />

Il consiste dans la mise en relation d’un sujet et d’un objet par des métaphores évoquant le fonctionnement d’une<br />

pulsion.<br />

la fantaisie (dictionnaire d’andré lalande)<br />

Ce mot a pour origine le grec qui signifie chez Aristote « les images qui apparaissent à l’esprit ».<br />

Au XVIIème siècle, imagination (reproductrice ou novatrice) « lorsque nous parlons des idées, nous n’appelons<br />

point ce nom les images qui sont peintes en la fantaisie » (Logique de Port Royal). « Ce même entendement qui<br />

donne occasion à la fantaisie de former des assemblages monstrueux (chimères, cent<strong>au</strong>res) en connaît la vanité »<br />

Bossuet (Connaissance de Dieu)<br />

• Imagination créatrice qui se joue capricieusement en suivant le cours naturel des associations.<br />

Critique : en tant qu’expression philosophique, ce mot a vieilli. Il appartient surtout <strong>au</strong>jourd’hui <strong>au</strong> domaine<br />

de la critique d’art et <strong>au</strong> langage de la vie courante, où il devient synonyme de caprice, d’irrégularité, d’inexactitude<br />

; ou dans d’<strong>au</strong>tres cas, avec un import favorable, de liberté d’esprit, de création, d’originalité imprévisible.<br />

• Chez Aristote et chez tous les <strong>au</strong>teurs qui l’ont suivi, « phantaisie » et « phantasme » de la même racine signifient<br />

: image ou imagination, sans distinction entre l’image-reproduction et l’image-innovation. Tant que la<br />

psychologie s’intéressait seulement à distinguer les opérations <strong>sens</strong>itives et l’entendement, la distinction des<br />

images copies et des images neuves était d’importance minime. Elle se faisait d’ailleurs, à l’exemple d’Aristote,<br />

en attribuant à la mémoire ce qui, dans l’image, était reproduction.<br />

• Il y a cependant dès le XVIIème siècle, une tendance à spécialiser « fantaisie » :Une gravure du commencement<br />

du XVIIème siècle, « le Palais des Facultés de l’Âme », représente cinq dames en costume Louis XIII :<br />

l’Entendement, assise <strong>au</strong> milieu sur un trône, la Volonté, le Sens commun, la Mémoire, la Fantaisie. Chaque<br />

faculté a ses attributs et son quatrain. La Fantaisie tient d’une main une palette et des pince<strong>au</strong>x, elle élève de<br />

l’<strong>au</strong>tre à la h<strong>au</strong>teur de son regard un petit quadrupède ailé. Légende :<br />

Mon art est incompréhensible<br />

Puisque sans couleur ni pince<strong>au</strong><br />

Je me forme et fais un table<strong>au</strong><br />

De ce qui mesme est impossible.<br />

On peut regretter que l’usage n’ait pas adopté fantaisie pour ce <strong>sens</strong> spécial, puisque imagination est équivoque »<br />

(V.Egger)<br />

• Bacon oppose de même la phantasia à la memoria dans sa classification des facultés intellectuelles (mémoire,<br />

imagination, raison). De Dignitate,<br />

• Phantasie (<strong>au</strong> <strong>sens</strong> où ce mot s’applique à un acte isolé) désigne la représentation pure et simple de quelque<br />

chose d’individuel (le fait qu’on l’a purement et simplement sous les yeux), mais en l’absence du sentiment<br />

conscient d’existence qui le poserait comme objet de perception ou de souvenir. On l’a sous les yeux, mais<br />

sans décider si l’on y croit, ou même en n’y croyant pas (E.Husserl)<br />

fantasmatisme<br />

Conception psychologique et gnoséologique suivant laquelle ce que qui est perçu que le fantôme de la réalité. « On<br />

voit que la doctrine de Démocratie était une espèce de fantasmatisme assez analogue à celui que certaines écoles<br />

modernes ont obtenu par le mélange de l’idéalisme et du <strong>sens</strong>ualisme » Renouvier, Philosophie ancienne<br />

38


3. suPPLÉMenT BananIa<br />

4. MedIas eT dIVersITÉ – de La VIsIBILITÉ <strong>au</strong> ConTenu<br />

le double rôle des médias, débattre et agir. (…)<br />

Fin des années 90 : une médiatisation qui s’amplifie<br />

L’année charnière semble être 1990. En effet, plus de 50% des productions médiatiques consacrées <strong>au</strong> rôle joué<br />

par les médias dans la représentation des immigrés et des minorités seront diffusées après cette période. Autrement<br />

dit, les sept dernières années d’observations concentrent à elles seules l’équivalent du débat médiatique consacré<br />

à la même question depuis le milieu des années 1970. L’année 99 marque également un tournant dans les angles<br />

d’approche retenus pour traiter la représentation des immigrés. C’est en effet à partir de cette date que les médias<br />

se font l’écho de débats soulevés dans d’<strong>au</strong>tres cercles, bien <strong>au</strong>-delà des questions récurrentes habituelles abordées.<br />

Si la télévision reste <strong>au</strong> cœur des discussions comme objet privilégié d’analyse, cette nouvelle période est marqué<br />

par la multiplication des sujets <strong>au</strong>tour de la présence des immigrés et des minorités <strong>au</strong> sein des médias. Deux évènements<br />

contribuent à cette accélération quantitative et qualitative du débat. D’une part, les interventions du Collectif<br />

Egalité soulèvent la question de la sous représentation des minorités visibles, des quotas à la télévision et de la<br />

question identitaire des populations noires en France. D’<strong>au</strong>tre part, une étude réalisée par le CSA (Malonga 2000)<br />

fait rebondir le débat. Cette recherche sur la représentation des minorités visibles suscite certaines polémiques dans<br />

la presse écrite, <strong>au</strong> sein de la radio ou à la télévision. Au cours du débat, des comparaisons sont tentées avec le<br />

Canada, les Etats unis ou encore le R-U. Parallèlement, des associations sont, des écrivains, des hommes politiques<br />

ou des responsables de chaînes sont incités à <strong>donner</strong> leur avis, notamment sur la question des quotas. Même si la<br />

presse est très critique sur les critères scientifiques des catégories référencées dans cette étude, il se dégage un accord<br />

global sur le constat de la sous représentation des minorités visibles et sur la nécessité d’y remédier.<br />

Les médias amplifient le débat et répercutent des questions plus politiques, s’ouvrant ainsi à de nouvelles problématiques<br />

comme l’exclusion, l’intégration, la banlieue, la religion, le racisme, la question noire, les médias com-<br />

39<br />

« On raconte que l’un de ces braves,<br />

blessé et rapatrié du front, est emb<strong>au</strong>ché<br />

à l’usine de Banania à Courbevoie.<br />

On lui fait goûter le breuvage<br />

maison, il l’apprécie et dans un<br />

grand sourire, s’exclame : «Y’a bon<br />

!». » Prodimarques


mun<strong>au</strong>taires, la cohésion sociale ou encore les quotas. A ces premiers sujets s’ajoutent peu à peu de nouve<strong>au</strong>x sujets<br />

tels que la question de la mémoire, la France coloniale, de l’esclavage, des stéréotypes issus de la colonisation…<br />

Au début des années 2000 la France multiethnique devient plus visible dans les médias, mais la télévision n’est<br />

toujours pas multicolores selon Libération en octobre 2003.<br />

la télévision Française : moteur du changement ?<br />

France 3 fait figure d’exception concernant la représentation des populations issues des minorités de l’immigration<br />

et des minorités : elle a diffusé régulièrement les émissions initiées et financées par le FASILD avant de prendre<br />

part à leur financement et à leur production. Ainsi, malgré la multiplication des débats, des interpellations ou encore<br />

des actions initiées par la société civile en France, voire en Europe, les chaînes de télévision françaises, tout<br />

comme les stations radiophoniques, montrent, <strong>au</strong> cours de ces nombreuses années, leur faible préoccupation pour<br />

les questions inhérentes liées à la diversité des composantes de la société française. L’année 2004 va marquer un<br />

changement d’attitude des principales chaînes de télévision. Cette évolution se produit sous la pression, voire l’injonction,<br />

de divers acteurs institutionnels, comme le CSA ou le HCI, qui vont devoir s’y reprendre à plusieurs fois<br />

pour obtenir un début d’engagement.<br />

Canal + : pour une diversité transversale<br />

A canal+, il semble que la responsabilité particulière de la télévision sur le terrain de la représentation des minorités<br />

soit vécue comme un évidence…La chaîne aime à dire qu’elle a toujours eu un pubic jeune avec lequel elle est en<br />

phase et que des artistes,comme Jamel Debbouze, M<strong>au</strong>rad, Omar et Fred, sont venus parce qu’ils avaient du talent<br />

et non en tant que représentants d’un minorité. Il n’en reste pas moins qu’<strong>au</strong>-delà de cette démarche naturelle, que<br />

l’on retrouve dans les émissions humoristiques, les demandes des institutions, comme le CSA, puis la crise des banlieues<br />

et, enfin la rencontre avec le chef de l’état, à la fin 2005, ont conduit Canal+ à engager une réflexion interne.<br />

m6 : <strong>au</strong>-delà d’une diversité vitrine ?<br />

La chaîne se dit impliquée et affirme être un précurseur en raison de la diffusion, depuis de nombreuse années, de<br />

séries américaines avec des comédiens noirs.<br />

Pour la chaîne, la diversité s’exprime essentiellement dans la fiction. La chaîne a créé des premiers rôles, comme<br />

celui de F<strong>au</strong>del ou de Sonia Rolland. Mais la chaîne entend également mettre en avanr la diversité à travers les<br />

reality show.<br />

Les Médias britanniques<br />

le rôle du Cultural diversity network Cdn<br />

En 2000, les princip<strong>au</strong>x opérateurs de radiotélédiffusion, tant terrestres que numériques, pubiques que privés ont<br />

lancé l’initiative du CDN, dont l’objectif est de promouvoir une représentation plus équilibrée des minorités à<br />

l’écran, mais <strong>au</strong>ssi derrière l’écran. Une des premières actions de ce rése<strong>au</strong> a été la création d’une base de données<br />

regroupant les professionnels des médias appartenant <strong>au</strong>x minorités ethniques afin de leur permettre un accès direct<br />

<strong>au</strong>x médias grand public et inversement.<br />

Les Médias aMéricains<br />

le business de la diversité<br />

Si les bouquets proposés par les opérateurs du câble et du satellite incluent généralement des chaînes marquées<br />

par une forte présence des minorités ethniques, cette situation ne résulte pas des pressions exercées par le Federal<br />

Communications Commission ou encore par la coalition des associations regroupant les minorités ethniques. Elle<br />

trouve son origine dans les calculs économiques et les intérêts commerci<strong>au</strong>x des propriétaires de chaînes, pour<br />

lesquels les minorités ethniques représentent <strong>au</strong>jourd’hui un véritable marché.<br />

La réussite de Black Entertainment Television (BET), la première chaîne à cibler les Afro-américains, a été telle<br />

que la chaîne a été rachetée en 1999 par l’un des plus grands conglomérats de médias, Viacom. Trois nouve<strong>au</strong>x<br />

rése<strong>au</strong>x créés en 1980 et 1990 (Fox, WB et UPN, Warner…) ont utilisé les possibilités offertes par le câble pour<br />

diffuser des programmes destinés <strong>au</strong>x secteurs du marché non couverts par les rése<strong>au</strong>x traditionnels, comme celui<br />

des minorités ethniques, offrant ainsi une programmation be<strong>au</strong>coup plus colorée (Zouk, 1999).<br />

un marché morcelé, une visibilité limitée<br />

Les déséquilibres quantitatifs et qualitatifs caractérisant les représentations médiatiques des afro-américains comparées<br />

à celles des blancs sont soulignés pour la première fois dans le rapport de la commission Kerner par le<br />

président Johnson pour enquêter sur les émeutes raciales des années 1960 (National Advisory Commission on Civil<br />

Disorders, 1968). Quarante ans plus tard, ces déséquilibres n’ont été que partiellement corrigés (Torres, 2003 ;<br />

Gray, 2005).<br />

40


des actions pour deMain<br />

la publicité<br />

La représentation des personnes issues de l’immigration et des minorités dans la publicité fait partie de ces secteurs<br />

de recherche encore largement en friche. Si plusieurs études ont été consacrées à l’image des indigènes dans<br />

l’empire colonial français notamment celles utilisées à des fins mercantiles, comme l’image emblématique du Noir<br />

souriant à pleines dents sur les produits chocolatés, les images des minorités visibles dans les différents types de<br />

publicité (affiche, publicité télévisée ou radiophonique, encarts dans la presse écrite…) ne sont pas analysées, à<br />

quelques exceptions près (Laske, 1987 ; Bachollet et alli, 1992 ; Desbot, 1993 ; Prencipe, 1994, 1997).<br />

Pourtant la publicité est utilisée par les médias de tous types. Les langages médiatiques sont <strong>au</strong>tant visuels ou<br />

sonores que verb<strong>au</strong>x (Davis et Walton, 1983). Image, média et représentation constituent trois éléments d’une<br />

combinaison qui forme la construction de la réalité sociale (Forrester, 2000 ; Pinkk, 2001) ; La lecture d’une image<br />

photographique et l’écoute d’un son ne peuvent pas être séparées du contexte social et historique dans lequel elles<br />

sont vues, entendues, comprises et utilisées. La publicité est un bon exemple dans la mesure où elle donne à voir de<br />

nombreuses images, à écouter de nombreux sons qui, pour la plupart, font appel à la subjectivité. La photographie<br />

n’est pas un média uniquement visuel, de même que le son n’est pas un média uniquement sonore : leur plus grande<br />

part est, de facto, scriptovisuelle. Ce phénomène n’est nulle part plus apparent que dans la publicité qui reflète et<br />

reproduit une position idéologique.<br />

5. sur L’IdenTIFICaTIon<br />

Identification (Vocabulaire technique et critique de la philosophie, andré lalande)<br />

A. action d’identifier, c’est-à-dire de reconnaître pour identique, soit numériquement, par exemple, « l’identification<br />

d’un criminel » ; soit en nature, par exemple, quand on reconnaît un objet appartenant à une certaine classe<br />

(comme étant une clef, un chape<strong>au</strong>, un aliment), ou encore quand on reconnaît une classe de faits pour assimilable<br />

à une <strong>au</strong>tre : « l’identification de la lumière et de l’onde électromagnétique ».<br />

B.Acte par lequel un être devient identique à un <strong>au</strong>tre, ou par lequel deux êtres deviennent identiques (en pensée<br />

ou en fait, totalement ou secundo quid). En particulier, processus psychologique par lequel un individu A transporte<br />

sur un <strong>au</strong>tre B,d’une manière continue et plus ou moins durable, les sentiments qu’on éprouve ordinairement<br />

pour soi ,<strong>au</strong> point de confondre ce qui arrive à B avec ce qui lui arrive à lui-même et même quelquefois de réagir<br />

conformément à cette confusion.<br />

Remarque : Le mot ne paraît pas avoir été jamais employé <strong>au</strong> <strong>sens</strong> étymologique rigoureux : action rendre identique<br />

; et le verbe « identifier »lui-même ne présente que très rarement cette acception.<br />

41


6. Les sITes de L’orÉaL ParIs Pour La FranCe eT Pour Les eTas-unIs<br />

Nous constatons <strong>au</strong> vu de cet exemple que la stratégie marketing de l’Oréal change en fonction du pays où elle se<br />

trouve. De la même façon le phénomène d’identification par le biais des égéries est reproduit sur le site du Brésil<br />

celui de la Chine et ainsi de suite. La particularité du site des Etats-Unis est le fait que les égéries sont d’origine<br />

diverse : on passe de la latino à l’afro-américaine, puis de la c<strong>au</strong>casienne à l’indienne et ce, sans changer de pays.<br />

42<br />

accueil et pages intérieures - France accueil et pages intérieures - north america


7. annexe sur MIMÉTIsMe eT IMITaTIon dans Le Cadre du MarkeTIng eThnIque<br />

mimesis et psychanalyse<br />

Les notions de mimèsis et de catharsis sont reprises par Sigmund Freud pour éclairer d’un jour nouve<strong>au</strong> le principe<br />

de création artistique : comparable <strong>au</strong> processus inconscient dont relève le rêve éveillé. Il ne s’agit plus, bien<br />

sûr, d’analyse thérapeutique mais littéraire. Charles M<strong>au</strong>ron part de cette donnée fondamentale pour structurer sa<br />

méthode critique et explorer l’essence biographique, (individuelle, et archétypique) de la relation entre l’<strong>au</strong>teur<br />

et son œuvre. Parallèlement, la psychocritique explique tout naturellement l’empathie du lecteur / spectateur. La<br />

différence majeure entre le symptôme névrotique et la création artistique réside dans la sublimation.<br />

L’<strong>au</strong>teur «met en scène», dramatise des pulsions, des fantasmes inconscients et les satisfait symboliquement. Les<br />

situations qu’il reproduit inconsciemment sont l’objectivation en même temps que l’expurgation (acting out) d’un<br />

passé tr<strong>au</strong>matique. Au-delà du vécu personnel qui remonte tout le temps à la toute petite enfance, ce sont souvent<br />

des schémas communs, des archétypes qui sont représentés (le Ça): le lecteur spectateur s’y « reconnaît », réalise<br />

et expurge à son tour un désir tabou. Ainsi point n’est besoin d’avoir soi-même trempé une madeleine dans du<br />

tilleul pour être pris dans la vague de la <strong>sens</strong>ation proustienne! Alors même que Proust retrouve un goût du passé,<br />

son lecteur retrouve une tante Léonie et une «émotion» orale et s’identifie <strong>au</strong> personnage; même s’il est fictif, ce<br />

personnage devient un avatar de son moi.<br />

imitation (dictionnaire d’andré lalande)<br />

Terme du langage usuel qui tend à prendre actuellement une place importante dans la psychologie et la sociologie,<br />

en particulier sous l’influence des trav<strong>au</strong>x de TARDE en France (Les lois de l’imitation, 1890 ; La logique sociale<br />

1895) et de BALDWIN en Amérique (Mental development in the Child and the race, 1895 ; Social and Ethical<br />

interprétations in mental development, 1897).<br />

PSYCHOLOGIE. Au <strong>sens</strong> le plus large, tout phénomène psychique, conscient ou non, ayant pour caractère de reproduction,<br />

BALDWIN, dans l’article très complet qu’il consacre à ce sujet distingue entre <strong>au</strong>tres les expressions<br />

suivantes :<br />

• Imitation consciente, celui qui imite qait qu’il imite.<br />

• Suggestion imitative, celui qui imite n’a pas conscience d’imiter ; il n’y a imitation que pour un spectateur<br />

• Imitation plastique « the subconscious conformity to types of thoughts and actions, as in crowds. » ce cas<br />

paraît se ramener à la précédente<br />

• Self-imitation, ou imitation de soi-même par soi-même<br />

• Imitation simple et imitation persévérante, la première faisant du premier coup , la seconde exigeant des efforts<br />

répétés pour réussir<br />

• Imitation instinctive et imitation volontaire. Cette distinction ne se confond pas avec la précédente : une imitation<br />

persévérante peut être soit volontaire (un homme qui apprend la prononciation d’une langue étrangère)<br />

soit instinctive (un enfant qui commence à parler).<br />

ESTHETIQUE. Théorie de l’imitation, remontant à cette formule d’Aristote que le principe de tous les arts est dans<br />

la mimésis (Poétique) : classique dans l’antiquité (cf.Sénèque : « Omnis ars naturae imitatio est ». (exemple d’une<br />

statue) ; et jusque vers le milieu du XVIIème siècle:Voir Batteux, Les be<strong>au</strong>x arts réduits ; un même principe, 1747.<br />

L’Esthétique de Kant, Introduction.<br />

La théorie de l’imitation a été reprise chez les contemporains par BALDWIN et Lipps dans un <strong>sens</strong> un peu différent.<br />

mimétisme (dictionnaire d’andré lalande)<br />

A. Se dit de toutes les formes d’imitation, considérées dans leurs caractères génér<strong>au</strong>x, et des ressemblances qu’elles<br />

produisent.<br />

Spécialement :<br />

B. Phénomène consistant en ce que certains anim<strong>au</strong>x revêtent soit d’une façon permanente, soit momentanément,<br />

l’apparence du milieu dans lequel ils vivent : forme et couleur des feuilles ou des branches ; aspect du sol, etc.<br />

C. Ressemblance superficielle entre anim<strong>au</strong>x anatomiquement éloignés les uns des <strong>au</strong>tres, et résultant soit d’un<br />

même mode d’existence, soit de toute <strong>au</strong>tre c<strong>au</strong>se (par exemple, certaines mouches ressemblent extérieurement à<br />

des abeilles ; on suppose que cette ressemblance peut-être une adaptation défensive).<br />

Critique :<br />

Le <strong>sens</strong> B est de be<strong>au</strong>coup le plus usuel sinon même le seul qui ait cours en français. Il n’en est pas de même dans<br />

le pays de langue anglaise. MM BALDWIN, STOUT et POULTON proposent de diviser toutes les ressemblances<br />

en animétiques et mimétiques. Les premières seraient celles qui proviennent soit de l’analogie, soit <strong>au</strong>tomatique<br />

(écholative, adaptation morphologique imitative, mimétisme <strong>au</strong>x <strong>sens</strong> B et C ; _ soit consciente et volontaire,<br />

comme dans le développement de l’intelligence humaine.<br />

43


8. sITes InTerneT de Marques de CosMÉTIques eThnIques<br />

44


9. Les Logos des ChoCoLaTs LeonIdas<br />

10. ÉVoLuTIon de L’IdenTITÉ VIsueLLe des ChoCoLaTs «CôTe d’or»<br />

45


13. PrÉCIsIon Pour nIke<br />

14. exeMPLes d’anaMorPhoses<br />

46<br />

Et c’est pareil pour Nike, le mythe du nègre surhumain demeure<br />

encore un peu chez Nike, mais étant donné que les plus<br />

célèbres et plus doués et plus riches des sportifs sont afroaméricains<br />

; il ne peut que jouer de ce fait à l’intérieur de ces<br />

campagnes. Le corps n’a de cesse d’être magnifié et le corps<br />

du nègre est encore le fruit d’un fantasme parfois incompréhensible.


15. exTraIT du CaTaLogue de L’exPosITIon aFrICa reMIx<br />

...La ville n’est rien d’<strong>au</strong>tre qu’une aberration de la terre. Le paradoxe de ces fonctions anthropologiques parallèles<br />

et complémentaires est qu’elles ont pour rôle d’assurer <strong>au</strong>x citoyens un sentiment d’unité. Une unité que l’on dira<br />

politique, puisque la ville rassemble toutes les parties de la notion, et une unité morale puisque la terre se confond,<br />

mieux que tout <strong>au</strong>tre symbole, avec sa partie.<br />

...C’est l’endroit où l’on travaille où on accède à des commodités...Mais <strong>au</strong>-delà de ces considérations sociologiques,<br />

la ville, par essence, conserve une forme de magie qui nourrit l’imaginaire. Elle demeure le lieu de tous les<br />

possibles. Non pas le lien des réalisations personnelles, mais celui des surgissements improbables, de l’aventure.<br />

… la ville, l’espace public est un conglomérat de <strong>sens</strong>ibilités, d’humanités et de perception...espace en perpétuelle<br />

mutation...Ainsi la ville constitue t-elle une abstraction, une zone franche où se fond la masse et tend à oublier les<br />

coutumes trop marquées dans lesquelles il avait jusqu’alors vécu. La citation est affranchie de toute racine, de tout<br />

passé. C’est le lieu de la perte de la mémoire : « Toute ville est peu construite, faite par nous à l’image de la perte<br />

du navire Argo dont chaque n’était plus une pièce d’origine, mais qui restait toujours le navire Argo, c’est-à-dire un<br />

ensemble de significations facilement lisibles et identifiables ». Roland Barthes, l’Aventure sémilogique<br />

...La ville est un décor fabriqué, un ensemble fragmentaire. Les artistes africains, qu’ils ne voient sur leur terre<br />

natale ou loin de leurs origines, sont tous des n<strong>au</strong>fragés volontaires. Des êtres à jamais nostalgiques d’un ailleurs<br />

perdu. Dans cet exil intérieur, il n’existe plus rien d’<strong>au</strong>tre, soudain, en fait de ville ou de campagne, qu’une terre<br />

natale qui confond tout est ramené à l’équilibre initial. Cette terre se confond dès lors avec le pays. Cette terre qui<br />

colle à la mémoire comme une comptine de l’enfance : « j’ai choisi ma demeure près des remparts rebâtis de ma<br />

mémoire, à la h<strong>au</strong>teur des remparts / me souvenant de Joal l’ombreuse, du visage de la terre de mon sang ».<br />

16. annxe : des esPaCes sTÉrÉoTyPanTs<br />

En d’<strong>au</strong>tres termes, que les indiens ne font pas que de la bonne cuisine épicée, que les libanais ne sont pas que des<br />

cultivateurs de pois chiches, et que ce ne sont pas les grecs qui ont inventé les donërs, même si dans la langue courante,<br />

ces derniers sont appelés « grecs ». Il s’avère vérifiable que quelle que soit l’origine du vendeur de kebab, il<br />

gardera des signes distinctifs et des couleurs qui seront plus ou moins proches des standards graphiques de tous les<br />

<strong>au</strong>tres vendeurs du même type. De la même manière, qui s<strong>au</strong>rait dire si le rest<strong>au</strong>rant japonais dans lequel on a été,<br />

appartient à des chinois ou à des vietnamiens.<br />

17. Le MusÉe daPPer<br />

Un nouvel espace<br />

Entre 1998 et 2001 un nouve<strong>au</strong> projet prend corps dans un espace attenant, mais dont l’accès<br />

se fera désormais par la rue P<strong>au</strong>l-Valéry. Confiées à Alain Moatti, l’architecture intérieure<br />

et la scénographie n’ont pas seulement pour vocation de mettre en valeur des objets.<br />

Il s’agit de concevoir un environnement pluridisciplinaire qui, outre les expositions et les<br />

conférences, accueillera <strong>au</strong>ssi la littérature, le conte, la musique, la danse ou le cinéma, notamment<br />

grâce à une salle de spectacles d’une capacité de 165 à 190 personnes, complétée<br />

par une librairie et un café. Des musiciens tels que Guem (Algérie), Ballaké Sissoko (Mali)<br />

ou Omar Sosa (Cuba) ont pu y être accueillis.<br />

Le nouve<strong>au</strong> musée est in<strong>au</strong>guré le 30 novembre 2000. Désormais la porte s’ouvre <strong>au</strong>ssi plus largement à la création<br />

contemporaine, par exemple <strong>au</strong>x bronzes du sculpteur sénégalais Ousmane Sow – les trois premiers – ou <strong>au</strong>x<br />

installations de son compatriote Ndary Lô, telles que Échographie I, III, II (1998-1999) ou XIIE (1999-2001), ou<br />

encore <strong>au</strong> œuvres colorées du peintre Wifredo Lam qui reflètent ses origines multiples.<br />

Le musée Dapper est devenu une véritable entreprise qui employait 18 personnes en 2002. Il a acquis <strong>au</strong> fil des<br />

années une solide réputation dans une capitale où les arts africains ont longtemps pu paraître négligés. L’ouverture<br />

du musée du Quai Branly en 2006 modifie bien entendu la donne <strong>au</strong>jourd’hui. « Comment allez-vous résister ? »,<br />

est une question souvent posée à Christiane Falgayrettes-Leve<strong>au</strong>, elle-même membre du conseil d’orientation de<br />

l’établissement public du Musée du Quai Branly de 1999 à fin 2004. La directrice du musée Dapper se montre<br />

confiante et met en avant synergie et complémentarité. (source wikipédia)<br />

47


18. exTraIT de La CharTe graPhIque du MusÉe du quaI BranLy<br />

48<br />

LA CHUPICUARO<br />

ET L’ASTÉRISQUE<br />

« la sculpture de chupicuaro (VIIe-IIe siècle avant j.c, mexique) – première acquisition du<br />

musée du quai branly – a été proposée comme emblème du musée. on la retrouve campée<br />

sur ses jambes comme élément déterminant de reconnaissance. La création de l’identité du<br />

musée réside dans une double association du signe typographique astérisque avec le nom du<br />

musée et avec une oeuvre. par ce jeu d’allers-retours entre l’image et les mots, l’astérisque<br />

remplit pleinement sa fonction : l’explication de l’origine et de l’usage. le dessin brut et<br />

irrégulier du signe se lit comme une silhouette d’homme (la tête et les quatre membres dans<br />

leur plus simple expression). sa structure en étoile illustre la dimension artistique (les cinq doigts de la main) et<br />

géographique de la collection (afrique, asie, océanie et les deux amériques) tout en évoquant les cinq missions du<br />

musée (collections, expositions, manifestations, recherche et enseignement).»<br />

19. ChurInga : orIgIne du TeMPs du rêVe Chez Les aBorIgènes<br />

Churinga est le nom donné par les Aborigènes à certains objets sacrés et extrêmement secrets, porteurs, recto verso,<br />

des motifs claniques. Ce sont des objets gravés, de formes variées, plates, arrondies ou ovales, en bois ou en pierre.<br />

Leur importance est considérable dans les cérémonies telles que l’initiation des jeunes hommes.<br />

Objet mystèrieux entre tous, le churinga est véritablement une matérialisation de l’esprit ancestral. A ce titre il est<br />

considéré comme dangereux. Le voir et le manipuler est réservé <strong>au</strong>x hommes pleinement initiés des clans dont le<br />

rôle est le dialogue avec le Tjukurpa, l’espace temps sacré, celui d’avant la naissance et d’après la mort, que nous<br />

nommons «Temps du Rêve».<br />

si ces images proviennent du temps du rêve, comment surgissent-elles dans la pierre ou le bois ?<br />

Selon les Aborigènes, un churinga est produit spontanément lorsque l’esprit ancestral vient s’incarner dans le corps<br />

de l’enfant à naître, c’est à dire lorsque la future mère ressent les premières manifestations de sa grossesse. L’objet<br />

n’est pas immédiatement accessible, il s’agira, pour le père, aidé des aînés de sa famille de le rechercher. Les indications<br />

fournies par la mère, notamment le lieu où elle a ressenti sa grossesse pour la première fois, permettront<br />

d’identifier l’esprit ancestral et guideront les recherches.<br />

On peut supposer qu’un grand-père connaissant l’emplacement d’un churinga ayant appartenu à une personne<br />

décédée, aidera à dénicher l’objet.<br />

Parfois le churinga est trouvé, parfois non. Dans ce dernier cas, les hommes en fabriquent un nouve<strong>au</strong> qu’ils gravent<br />

des motifs claniques de l’enfant, c’est à dire les motifs attachés à son esprit ancestral (par exemple opossum,<br />

grenouille, kangourou ou <strong>au</strong>tre... )<br />

Quoi qu’il en soit, chaque Aborigène possède son churinga caché dans quelque grotte ou anfractuosité et que l’on<br />

ne sort que pour les cérémonies importantes. Les churingas des femmes sont gérés par les hommes initiés, elles<br />

en connaissent l’existence mais ne les voient pas. Les motifs leurs sont communiqués sous forme de peintures de<br />

corps ou de sol, lors de leur initiation.<br />

La peinture des hommes du désert, dans une large proportion, se réfère <strong>au</strong>x histoires Tingari. Le Tingari est un<br />

cycle mythique de très grande importance dans le désert de l’ouest. Il relate les péripéties de héros voyageurs,<br />

hommes, femmes et novices, ancêtres créateurs du paysage, initiateurs de cérémonies et inventeurs de la Loi qui<br />

régit, <strong>au</strong>jourd’hui encore, les sociétés indigènes d’Australie.<br />

Ces histoires, secrètes entre toutes, sont révélées <strong>au</strong>x jeunes hommes en toute fin du cycle initiatique. Celui-ci se<br />

déroule par tranches à partir de 10 ou 12 ans et se poursuit jusqu’à l’age d’homme. Il est particulièrement éprouvant<br />

pour le garçon. C’est un aller-retour symbolique par le monde des Esprits. L’isolement, le sang, la peur, les<br />

pratiques extrêmement douloureuses comme la scarification ou la subincision, en font partie. C’est pourquoi les<br />

mythes Tingari sont frappés du secret absolu et la peinture qui s’y réfère est généralement sans commentaire de la<br />

part du peintre.<br />

Revenu de ce détour dans l’<strong>au</strong>-delà, l’homme pleinement initié <strong>au</strong>ra appris quel esprit ancestral l’anime et donne<br />

<strong>sens</strong> à son existence, il s<strong>au</strong>ra endiguer ses pulsions pour que la vie en société soit possible, il <strong>au</strong>ra reçu, sous forme<br />

de vers chantés, l’épisode du mythe lié <strong>au</strong> segment de territoire qu’il lui incombe de célébrer, son corps <strong>au</strong>ra été<br />

peint des motifs afférents, ceux-là même qu’il pourra décliner sur la toile s’il devient artiste.<br />

Il pourra <strong>au</strong>ssi participer <strong>au</strong>x très secrètes cérémonies masculines de fécondité et ainsi assumer sa part symbolique<br />

de paternité <strong>au</strong> sein de son clan.


20. Le TeMPs du rêVe Chez Les aBorIgènes<br />

49


oeuVres de JaCk BrITTen, arTIsTe aBorIgène<br />

50


21. dÉFInITIon du rêVe eT de La rêVerIe ( vocabulaire technique et critique de la philosophie)<br />

rêve :<br />

A. Au propre, suite de phénomènes psychologiques se produisant pendant le sommeil et dont on se souvient plus<br />

ou moins complètement après le réveil. « Le premier résultat du sommeil, c’est l’éclipse <strong>au</strong> moins partielle des<br />

rapports <strong>sens</strong>itivo-moteurs avec le milieu, par relâchement du tonus musculaire, absence de la réactivité, élévation<br />

des seuils <strong>sens</strong>oriels ; comme <strong>au</strong>ssi l’abaissement du nive<strong>au</strong> mental. Ces grands faits dominent toute la psychologie<br />

du rêve. » H. Delacroix, Le rêve, dans le Nouve<strong>au</strong> Traité de Psychologie, publié sous la direction de G.Dumas,<br />

tome V, p.34.<br />

B. Au figuré, pensée sans consistance et sans accord avec la réalité. « Les rêves d’un visionnaires éclairés par les<br />

rêves de la métaphysique » Kant (Die Traüme eines Geistersehers, erläuert durch die Träume der Metaphysik,<br />

1766).<br />

rêverie :<br />

État de distraction à l’égard de la situation de la situation présente, pendant laquelle se poursuit une activité mentale<br />

qui n’est pas non plus dirigée par l’attention. « L’état de rêverie admet de nombreux degrés, depuis l’évocation<br />

passive de souvenirs et d’images jusqu’à la construction presque volontaire d’un système de représentations. »<br />

H. Delacroix Traité de Psychologue, tome V, p. 401<br />

22. dÉFInITIon du MoTIF<br />

Proprement, ce qui meut (L. scol motivum, c<strong>au</strong>sa motiva, <strong>au</strong> <strong>sens</strong> le plus général : voir Schütz, Thomas-Lex., sub<br />

v°) ; et fréquemment, <strong>au</strong> XVIIème siècle, celui qui meut (l’organisateur d’une affaire, l’artisan d’une intrigue) ;<br />

d’où, actuellement :<br />

A. Toute c<strong>au</strong>se d’ordre mental produisant ou tendant à produire une action volontaire.<br />

B. Plus spécialement encore, état mental, où prédominent les éléments intellectuels, et tel que s’il était seul en jeu,<br />

il déterminerait une certaine action volontaire.<br />

23. agnès B.<br />

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24. ÉVoLuTIon du MoTIF du LaByrInThe<br />

25. christian lacroix - sacha walckhoff<br />

sacha salckhoff et le style ethnique<br />

52


Christian Lacroix<br />

53


desigual by Christian Lacroix<br />

chaîne international de prêt-à-porter international<br />

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26. CL<strong>au</strong>de LÉVI sTr<strong>au</strong>ss, Le Passeur de <strong>sens</strong> de MarCeL hÉnaFF<br />

Voici le problème de l’art moderne selon Lévi Str<strong>au</strong>ss : « l’art moderne nous parle de l’art <strong>au</strong> lieu de nous dire les<br />

choses. Il se livre à un jeu de plus en plus gratuit et intense sur les formes parce que le contenu se dérobe, parce que<br />

le monde n’est plus là. En cela l’art moderne est l’indicateur majeur d’une crise qui touche notre civilisation dans<br />

son ensemble. Elle tient pour Lévi Str<strong>au</strong>ss en ceci : notre domination du monde naturel réduit celui-ci <strong>au</strong> statut de<br />

matière à exploiter ou à transformer ; la multiplication des artefacts rend notre culture de plus en plus <strong>au</strong>toréférentielle,<br />

et notre vision anthropocentrique. Le destin de l’univers naturel dans son ensemble nous indiffère ; du moins<br />

nous nous comportons comme si c’était le cas ; nous construisons notre bonheur dans l’enceinte de nos productions<br />

matérielles et dans la réduplication des signes qui les expriment. Aussi le manège tourne à vide.<br />

L’enjeu est cependant plus grave qu’on ne le croit. Non seulement notre société de h<strong>au</strong>te technologie et d’industrialisation<br />

extensive met en danger le monde naturel mais, selon la même logique,menace les <strong>au</strong>tres civilisations. La<br />

nôtre, si puissante, si dominatrice, est devenue essentiellement parasitaire. Etrange paradoxe si l’on admet que la<br />

production des biens y est en croissance exponentielle. Le paradoxe tient en ceci qu’en tarissant son lien <strong>au</strong> monde<br />

environnant – et d’abord le monde donné – notre civilisation tarit <strong>au</strong>ssi la source nécessaire de toute création. Cela<br />

explique le fait que l’Occident ne cesse de se tourner vers d’<strong>au</strong>tres cultures vivantes pour y puiser ou y prélever<br />

ce qui lui fait de plus en plus déf<strong>au</strong>t : des énergies, des images, des <strong>sens</strong>ations, des œuvres (à bien des égards<br />

Lévi-Str<strong>au</strong>ss retrouve sur ce dossier les accents de Nietzsche diagnostiquant les manifestations du « nihilisme européen<br />

» dans cette incapacité de notre culture à se <strong>donner</strong> un contenu substantiel propre). En somme, nous allons<br />

braconner chez les <strong>au</strong>tres ce que nous ne savons plus créer chez nous. »<br />

27. sur Le syMBoLIsMe<br />

la différence entre signe et symbole présentée par ducrot et todorov<br />

« L’épreuve pratique qui permettra de distinguer entre signe et symbole est l’examen des deux éléments en relation.<br />

Dans le symbole ils doivent être homogènes. Cette opposition permet d’éclairer le problème de l’arbitraire du<br />

signe...La relation entre un signifiant et un signifié est nécessairement immotivée : les deux sont de nature différente<br />

et il est impensable qu’une suite graphique ou sonore ressemble à un <strong>sens</strong>. En même temps cette relation est<br />

nécessaire, en ce <strong>sens</strong> que le signifié ne peut exister sans le signifiant, et inversement. En revanche dans le symbole<br />

de la relation entre symbolisant et « symbolisé « est non nécessaire (ou « arbitraire »)puisque le « symbolisant » et<br />

parfois le « symbolisé » (par exemple, les signifiés flamme et amour) existent indépendamment l’un de l’<strong>au</strong>tre ; et<br />

pour cette même raison la relation ne peut être que motivée... Ces motivations sont généralement classées en deux<br />

grands groupes : ressemblance et contiguité »<br />

structure élémentaire de la parenté Cl<strong>au</strong>de lévi-str<strong>au</strong>ss<br />

« Le symbolisme ainsi conçu n’est pas un moyen de coder l’information,mais de l’organiser »<br />

55


31. exTraITs de CoLLeCTIons d’IsaBeL MaranT<br />

56


32. serge Mouangue<br />

57


32. roger oddone<br />

Perdigao<br />

58


33. «FuTure oF TeChnoLogIes In aFrICa» desIgnÉ Par roqIeForT<br />

59


34. sur L’hÉrÉdITÉ - VoCaBuLaIre TeChnIque eT CrITIque de La PhILosoPhIe<br />

… Les caractères héréditaires peuvent être anatomiques, tératologiques, physiologiques, physiopathologiques,<br />

psychopathologiques. D’où la distinction de différentes formes correspondantes d’hérédité, et la question de savoir<br />

jusqu’où s’étend la possibilité de transmission héréditaire dans chacun de ces domaines.<br />

Le problème de « l’hérédité des caractères acquis » consiste à se demander dans quelle mesure des caractères nouve<strong>au</strong>x,<br />

produits chez un individu par les circonstances de sa vie et non par une disposition intérieure préexistante,<br />

peuvent être transmis par la génération à ses descendants.<br />

On a proposé d’appeler hérédité sociale : 1°) le perfectionnement intellectuel et moral d’une génération entière<br />

obtenu par l’éducation de la génération précédente (Dechambre, dictionnaire usuel de médecine)<br />

2°) the process of social transmission that by which individuals of successive generations accommodate to a continuous<br />

social environment, thus producing tradition1 (C.Llyod Morgan, J.M Baldwin dans Baldwin)<br />

Ces deux <strong>sens</strong>, d’ailleurs voisins, nous paraissent également inacceptables. Un peuple peut-être, si l’on veut, considéré<br />

comme un individu dans son ensemble ; mais il n’y a rien dans le rapport des générations successives qui<br />

ressemble à la reproduction des individus par procréation : l’analogie serait plutôt, dans ce cas, entre les générations<br />

sociales et la production des couches successives d’un même arbre, ou entre les générations sociales et le<br />

développement des tissus produits par la prolifération cellulaire chez un individu animal. Ni l’une ni l’<strong>au</strong>tre de ces<br />

analogies ne serait d’ailleurs elle-même tout à fait exacte.<br />

… Dans un pays civilisé, le nive<strong>au</strong> moyen des esprits monte à chaque génération ; il y a de l’acquis qui s’ajoute<br />

<strong>au</strong>x héritages antérieurs... Sans doute l’esprit n’engendre pas l’esprit comme la chair engendre la chair ; mais la<br />

transmission du sang. Les disciples sont les fils spirituels de leur maître : ils « héritent » de sa méthode et de son<br />

avoir. (F. Mentré)<br />

1. Le processus de transmission sociale, par lequel les individus des générations successives s’adaptent à un milieu<br />

social continu, produisant ainsi la tradition.<br />

60


36. PaBLo PICasso eT wILFredo LaM<br />

61<br />

The Jungle. 1943. The Museum of Modern Art, New York.<br />

Les Demoiselles d’Avignon - 1907


37. InTerVIew sakI MaFundIkwa<br />

<strong>graphic</strong> <strong>design</strong> in afrika: saki Mafundikwa<br />

by saki Mafundikwa<br />

I returned home last year after an absence that totalled twenty years, going to school and then working in the US. I<br />

decided to come back home to start ZIVA, a New Media Arts school. ZIVA, besides being an acronym for Zimbabwe<br />

Institute of Vigital Arts, is also a Shona word meaning “knowledge.” “Vigital” is a word I created to describe the<br />

school – training students in the visual arts using digital tools. The school opened its doors on February 1, 1999,<br />

with four students! We offer a full-time one year Graphic Design course, which we hope will lead to a four-year<br />

degree program. We are currently in advanced discussions with Parsons School of Design in New York for affiliation.<br />

We also offer a number of eight-week courses for working students; these courses meet in the evening twice a<br />

week for three hours, and they include Design for the Web, Digital Imaging for Print and Multimedia, and a Master<br />

Design Class. Enrollment for these short courses varies. We hope to add Animation and Digital Video soon.<br />

I share teaching and administration duties with Jane Shepherd, who has headed the <strong>graphic</strong> <strong>design</strong> department<br />

at the Harare Polytechnic for the past seven years, and Dudzai Saburi, a graduate of the Architecture program at<br />

the Massachusetts Institute of Technology, in the USA, a webhead, and a VP at Cyberplex Africa, the largest web<br />

development company in the country. We are in conversation with others to come on board to teach.<br />

At the heart of ZIVA’s mission is a desire to create a new visual language – a language inspired by history, a language<br />

that is informed by but not dictated to or confined by European <strong>design</strong>, a language that is inspired by all<br />

the arts (sculpture, textiles, painting and Afrikan religion), a language whose inspiration is Afrikan. We are at a<br />

crossroads in the history of <strong>design</strong> right now with the young <strong>design</strong>ers of the Western world rejecting the straitjacket<br />

confines of what <strong>design</strong> is and is not. First was the word, and it was modernism. A band of thieves headed<br />

notably by one Pablo Picasso and including accomplices like Georges Braque, Juan Gris, Fernand Léger, P<strong>au</strong>l<br />

Klee, and Henri Matisse “discovered” African sculpture, giving birth to “modern art” and altering the course of<br />

western civilization. While the others were impressed by the forms, the abstraction, the craftsmanship, the freedom<br />

of the African artists, it was Picasso who tapped into its “spirituality.” According to André Malr<strong>au</strong>x, in La Tête<br />

obsidienne (Paris: Gallimard, 1974; pp. 17–19), Picasso had the following reaction when he visited the Trocadéro<br />

to see some Afrikan masks in 1906:<br />

“The masks weren’t like other kinds of sculpture. Not at all. They were magical things. And why weren’t the<br />

Egyptian pieces or the Chaldean? We hadn’t realized it: those were primitive, not magical things. The Negroes’<br />

sculptures were intercessors… Against everything, against the unknown, threatening spirits. I kept looking at the<br />

fetishes. I understood; I too am against everything. I too think that everything is unknown, is the enemy! I<br />

understood what the purpose of the sculpture was for the Negroes. Why sculpt like that and not some other way?<br />

After all, they weren’t Cubists! Since Cubism didn’t exist… all the fetishes were used for the same thing.<br />

They were weapons. To help people stop being dominated by spirits, to become independent. Tools. If we give form<br />

to the spirits, we become independent of them. The spirits, the unconscious, emotion, it’s the same thing. I understood<br />

why I was a painter… Les Demoiselles d’Avignon must have come to me that day – not at all bec<strong>au</strong>se of the<br />

forms, but bec<strong>au</strong>se it was my first canvas of exorcism – yes, absolutely!”<br />

These remarks were made to André Malr<strong>au</strong>x in 1937. Jack Flam, in his essay, “A Continuing Presence: Western<br />

Artists/African Art” (New York: Museum of African Art, 1994; p. 62), makes the following important observation,<br />

“Equally important, he also seems to have understood that African art was meant to be used rather than merely<br />

looked at; and used not only by its <strong>au</strong>dience, but by its creator. That is, the process of making the work was meant to<br />

be conceived as an integral part of its function – as with a ‘fetish.’ The physical act of working on the Demoiselles<br />

d’Avignon seems to have been an act of ‘exorcism’ for Picasso. In fact, the Demoiselles may be the first European<br />

painting that consciously fulfilled a function like that of African sculpture.”<br />

Well then, if Afrikan art directly influenced Cubism, and Cubism – according to Philip Meggs in his “History of<br />

Graphic Design” (New York: Van Nostrand Reinhold, 1992; p. 240) – changed the course of painting and <strong>graphic</strong><br />

<strong>design</strong>, how come then one never hears any mention of Afrikan art as being the forefather of <strong>graphic</strong> <strong>design</strong>? It<br />

is time that Afrika, the original home of humanity and life itself, rose from the condescending “darkness” into the<br />

light. It never ceases to amaze me when in 1999, just a few months before the new millennium, I still hear of Afrika<br />

being referred to, in some quarters, as the “Dark Continent.”<br />

So it is with this realization that only we, Afrikans, could set ourselves free that the idea of ZIVA came about. But<br />

how to make one’s ideas have an impact on a continent as massive as Afrika? The answer came in the form of an<br />

unexpected request from Jackie Guille, a professor at Middlesex University, who’d been asked by UNESCO to<br />

coordinate the first in a series of Arts workshops. She asked me to be one of the trainers for the threeweek workshop<br />

at Makerere University, Uganda. The series, called “UNESCO Artists in Development – Creativity Workshop”<br />

(the brainchild of UNESCO director of cultural affairs Dr. Raj Issar), aims to bridge the gap between north and<br />

south through cross-cultural exchanges and the sharing of creative and technological know-how, thus creating the<br />

two-way traffic we seek. This one was the “Textile and Graphic Design Workshop,” which attracted twenty-five<br />

participants from fourteen countries in the Eastern and Southern regions of Afrika. I could not believe my luck!<br />

Here was a golden opportunity for me to put my ideas to the test.<br />

I had never met <strong>graphic</strong> <strong>design</strong>ers from Sudan, Kenya, Tanzania, Zambia, or Mozambique before, and I had to<br />

quickly snap out of the myopia of judging their work by European standards. These were Afrikan-trained <strong>design</strong>ers<br />

– unlike me, an Afrikan trained in the west. Soon I realized that force-feeding Afrikans <strong>design</strong> principles<br />

62


orn in Europe, principles that were the product of the European experience, just doesn’t work. Why should the<br />

sterile and bloodless corporate “Swiss” style work for a Mozambican <strong>design</strong>er whose existence and environment<br />

will never mimic industrialized Europe? And why on earth should a <strong>design</strong>er from the Moslem-influenced Sudan<br />

produce work that has nothing to do with his experience – struggling, unsuccessfully, to produce work that looks<br />

“European”?<br />

It is madness. But there we were, with the rest of my team of trainers: donning our western glasses and, like the<br />

<strong>design</strong> elitists we’ve become, trashing these people’s work! I realized there and then that my mission here was not<br />

to “teach” any skills. (I was supposed to teach computer skills. In three weeks? You gotta be kidding me!) Rather,<br />

my duty was to introduce a new way of thinking about <strong>design</strong>, a new way of looking at the world around them – that<br />

creation of a «new” visual language I was talking about earlier. To get them to tap into Afrika’s wealth of inspiration.<br />

It hit me right then also, that we had to create a whole new <strong>design</strong> curriculum for Afrika! I remembered P<strong>au</strong>l<br />

Rand’s insistance that there was only one way – the modernist approach to <strong>design</strong> – and anything other was garbage!<br />

I also remembered him telling me that all I needed to do was “teach them” aesthetics and that it didn’t matter<br />

where one was: “Good <strong>design</strong> is good <strong>design</strong>, irrespective of where you are.” At a time in history when young<br />

western <strong>design</strong>ers are rejecting Rand’s first contention, it’s high time Afrika joined them. I t<strong>au</strong>ght an “Experimental<br />

Typography” class at Cooper Union in New York City in 1996, and I invited Elliot Earls, a digital type <strong>design</strong>er<br />

and a “poststructuralist” graduate of Cranbrook, to speak to my class. His radical approach to typography shocked<br />

my students, who were schooled in the modernist tradition. “Post-structuralism’s emphasis on the openness<br />

of meaning has been incorporated by many <strong>design</strong>ers into a romantic theory of self-expression: as the argument<br />

goes, bec<strong>au</strong>se signification is not fixed in material forms, <strong>design</strong>ers and readers share in the spontaneous creation<br />

of meaning. Interpretations are private and personal, generated by the unique <strong>sens</strong>ibilities of makers and readers…<br />

Rather than view the production of meaning as a private matter, post-structuralist theory tends to see the realm of<br />

the ‘personal’ as structured by external signs. Invention and revolution result from tactical aggressions against the<br />

grid.” (“Deconstruction and Graphic Design,” p. 9; in Lupton and Miller, Design Writing Research, Kiosk, New<br />

York 1996.) Earls and other young renegade typographers made a huge impression on me; I realized that we are<br />

kindred spirits. What they are doing dovetails with my ideas for Afrika. Graphic <strong>design</strong> cannot avoid the pluralism<br />

of influence wrought by the globalization of the canon. My illustration of the ridiculousness of forcefeeding Africans<br />

stale <strong>design</strong> principles is true for other “non-western”locales.<br />

So I lectured, showed slides – my Cooper Union students’ work, the work of the new typographers, and pages from<br />

my own book, called Afrikan Alphabets (a work in progress) – and stunned my <strong>au</strong>dience! They were stunned not<br />

bec<strong>au</strong>se what I was saying was so far-fetched or difficult to swallow – they had never thought of things that way!<br />

Graphic <strong>design</strong> was such a “foreign” thing that the idea of personalizing it had never crossed their minds. I gave<br />

them two projects: each one had to <strong>design</strong> a typeface, and as a group, they made a book out of bark cloth (which<br />

I call ”Afrikan paper”) about the process of making the medium. We wanted to create a truly Afrikan book, using<br />

natural dyes and inks and some of the new fonts, but we only had ten days, so we opted for silkscreening the text<br />

instead.<br />

Since I’m fond of saying that Afrikans did not have shapes like squares or rectangles, I insisted that the text be<br />

laid out in circles and other organic shapes, with each spread different. The results were stunningly simple and<br />

amazingly effective. Varying style and structure in one unit is also prevalent in other Afrikan arts like music and<br />

dance; just listen to mbira music, deceptively simple to the uninitiated ear but extremely complex in structure to the<br />

trained musician. The Afrikan’s <strong>sens</strong>e of color and rhythm is unique to the continent. Take for instance textile <strong>design</strong>.<br />

It was a revelation to learn that in the Congo, where textile <strong>design</strong> is big, the seemingly “off register” printing<br />

on “kitenge” cloth is intentional! That is how the market demands it. One looks at the <strong>graphic</strong> expression of the<br />

deconstructivists where razor-sharp precision is thrown out of the window in favor of looser and more atmospheric<br />

work and wonders why we are not encouraging our students to experiment with <strong>sens</strong>ibilities that would come more<br />

naturally to them. Take color for instance. Afrikans have their own palettes that have no kinship with the principles<br />

of color devised by such schools of thought as the B<strong>au</strong>h<strong>au</strong>s. Why do we ignore those? The rest of the world would<br />

love to understand this Afrikan <strong>sens</strong>e of color! Tapestries woven by “unschooled” craftspeople grace some of the<br />

world’s major museums and private collections – stunning testimonials to the Afrikan creative genius. Rhythm<br />

comes naturally to the Afrikan artist bec<strong>au</strong>se of her proximity to nature in everyday life. I saw stunning rhythmic<br />

patterns on baskets in Uganda and realized then that when we talk of rhythm in <strong>design</strong> today, we evoke the work of<br />

people like Piet Mondrian, who was inspired by the jazz music of the Afrikan Amerikans who in turn brought that<br />

stuff with them on their forced journey to the new world. Can you imagine the potency of <strong>design</strong> work that looks at<br />

home for rhythmic inspiration!<br />

We could go on and on with the analogies; the fact remains – Afrika is the source of it all. Let us go back to the<br />

source. The western world is looking to Afrika again for inspiration. This time they won’t simply walk in and take<br />

it (in fact, they don’t want to!) – rather, they will learn from us; there will be mutual respect for each other’s intellectual<br />

and creative property. There will be an equal flow of information and knowledge from north to south and<br />

vice-versa. That is the new order, and we are starting to create it now. ZIVA is only a small step in the right direction.<br />

We need more people who care to join us and chart the way forward.<br />

63


38. noTIons <strong>au</strong>Tour de La CuLTure<br />

Culture et Civilisation selon edward tylor en 1871 : « totalité complexe qui comprend les connaissances, les<br />

croyances, les arts, les lois, la morale, la coutume, et toute <strong>au</strong>tre capacité ou habitude acquise par l’homme en tant<br />

que membre de la société »<br />

tradition par pouillon,1991 : « ce qui d’un passé persiste dans le présent où elle est transmise et demeure agissante<br />

et acceptée par ceux qui la reçoivent et qui, à leur tour, <strong>au</strong> fil des générations, la transmettent.»<br />

« Sans pour <strong>au</strong>tant se confondre, culture et langue entretiennent d’étroits rapports. […]La multiplication des<br />

échanges à l’échelle mondiale ouvre une arène où les langues sont en rapport de cloisonnement, de traduction et de<br />

compétition les uns avec les <strong>au</strong>tres » la mondialisation de la culture, Jean-pierre Warnier.<br />

39. d’une CuLTure IndIVIdueLLe à une TradITIon<br />

Petite parenthèse pour illustrer cet aspect de la culture ; le mouvement rasta est apparu vers les années 1930-40<br />

par Leonard P. Howell. C’est par le fruit de ses nombreux voyages <strong>au</strong> Panama, en Russie, <strong>au</strong>x États-Unis, et par<br />

ces affinités avec la culture indienne et la culture Éthiopienne, tout cela s<strong>au</strong>poudré de Judaïsme et de catholicisme<br />

que Leonard P. Howell a fondé le mouvement comme une idéologie de vie et non religion. Et c’est parce qu’il a<br />

choisi de transmettre sa pensée que le mouvement s’est perpétré, et c’est parce que d’<strong>au</strong>tres l’ont diffusé à travers<br />

un produit culturel infaillible « la musique » qu’il s’est répandu à travers le monde. Inutile de parler de toute l’esthétique<br />

et des trois couleurs qui se sont <strong>au</strong>ssi répandues par l’édition musicale et la mode dans un premier temps.<br />

64


40. sÉLeCTIon d’oeuVres de sakI MaFIndIkwa<br />

65


suPPLÉMenT d’InForMaTIon ConCernanT queLques ThèMes aBordÉs<br />

la différence entre signe et symbole présentée par ducrot et todorov<br />

« L’épreuve pratique qui permettra de distinguer entre signe et symbole est l’examen des deux éléments en relation.<br />

Dans le symbole ils doivent être homogènes. Cette opposition permet d’éclairer le problème de l’arbitraire<br />

du signe...La relation entre un signifiant et un signifié est nécessairement immotivé : les deux sont de nature différente<br />

et il est impensable qu’une suite graphique ou sonore ressemble à un <strong>sens</strong>. En même temps cette relation est<br />

nécessaire, en ce <strong>sens</strong> que le signifié ne peut exister le signifiant, et inversement. En revanche dans le symbole de<br />

la relation entre symbolisant et « symbolisé « est non nécessaire (ou « arbitraire »)puisque le « symbolisant » et<br />

parfois le « symbolisé » (par exemple, les signifiés flamme et amour) existent indépendamment l’un de l’<strong>au</strong>tre ; et<br />

pour cette même raison la relation ne peut être que motivée... Ces motivations sont généralement classées en deux<br />

grands groupes : ressemblance et contiguité »<br />

structure élémentaire de la parenté Cl<strong>au</strong>de lévi-str<strong>au</strong>ss<br />

« Le symbolisme ainsi conçu n’est pas un moyen de coder l’information,mais de l’organiser »<br />

philosophie du langage<br />

Selon Hegel, « on croit ordinairement […] que ce qu’il y a de plus h<strong>au</strong>t c’est l’ineffable… Mais c’est là une opinion<br />

superficielle et sans fondement ; car en réalité l’ineffable c’est la pensée obscure, la pensée à l’état de fermentation,<br />

et qui ne devient claire que lorsqu’elle trouve le mot. Ainsi, le mot donne à la pensée son existence la plus h<strong>au</strong>te et<br />

la plus vraie. » Il ajoute ailleurs : « C’est dans les mots que nous pensons. » Bergson pense que le langage ne nous<br />

est pas totalement acquis car on ne peut pas tout dire avec, on ne peut clairement expliquer un sentiment. C’est là<br />

notre seul problème.<br />

Selon Aristote, dans la mesure où nous parlons nous nous rapprochons pour former une cité. Dans la mesure où<br />

nous vivons en société, nous parlons pour échanger, pour communiquer <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres soit nos passions, soit un besoin.<br />

Le langage tire donc sa raison de la société et en est lui-même l’effet. Cette corrélation du langage et de la société<br />

explique le caractère conventionnel du langage, c’est-à-dire son fondement par des règles arbitraires éditées par<br />

l’Homme. Cet arbitraire est débattu dans Le Cratyl de Platon, selon le sophiste Cratyl, le lien entre le mot et la<br />

chose désignée est fondé sur la «rectitude naturelle des noms». Il affirme que les mots sont justes lorsqu’ils ressemblent<br />

à ce qu’ils désignent. Le lien serait donc naturel. Cependant, la fin du dialogue entre Cratyl et Socrate<br />

affirme l’impasse d’une telle théorie et cela malgré la séduction qu’elle exerce y compris sur Socrate. Ferdinand De<br />

S<strong>au</strong>ssure, fondateur de la linguistique, définit le langage ainsi dans le Cours de Linguistique générale écrit par ses<br />

étudiants : le langage est un système de signes qui unit par convention une idée, un concept et un son, une image<br />

acoustique. Selon lui, le lien entre la chose (signifié) et le mot composé d’une suite de sons (signifiant) n’est pas<br />

motivé, il est arbitraire : il n’existe <strong>au</strong>cun rapport intérieur entre le mot «sœur» et le son «sör» associé <strong>au</strong> mot. Une<br />

objection consisterait à dire que les onomatopées sont la preuve qu’il existe un lien motivé entre le signifié et le<br />

signifiant : le son de l’onomatopée imiterait le son provoqué par la chose désignée ; «cocorico» pour désigner le<br />

chant du coq par exemple. Ferdinand De S<strong>au</strong>ssure répond que l’onomatopée reste arbitraire et donne pour preuve<br />

la variation de l’onomatopée selon les langues : en anglais, «cock-a-doodle-do» désigne à son tour le chant du coq<br />

et n’a à priori rien à voir avec notre «cocorico». De la même façon nous pensons parfois que le mot «fouet» <strong>au</strong>rait<br />

un rapport naturel avec la chose fouet car il imiterait le sifflement de celui-ci. De S<strong>au</strong>ssure nous rappelle qu’étymologiquement,<br />

le mot «fouet» désigne le hêtre, bois dont est fait le fouet et non son sifflement.<br />

le langage (Vocabulaire technique et critique de la philosophie d’andré lalande)<br />

a. Proprement, fonction d’expression verbale de la pensée, soit intérieure, soit extérieure. « L’intention (de parler),<br />

qui n’est point nécessairement langage, pas même langage intérieur, aboutit <strong>au</strong> langage intérieur ou à la parole »<br />

Delacroix, le langage et la pensée. En ce <strong>sens</strong>, langage s’oppose à parole en deux <strong>sens</strong> : 1. En tant que par parole,<br />

on entend exclusivement le langage extérieur, comme dans l’exemple même chapitre : « le langage intérieur n’est<br />

pas nécessaire à la parole. » En ce <strong>sens</strong>, langage est un genre dont la parole extérieure est une espèce ; 2. En tant<br />

que parole désigne l’acte individuel par lequel s’exerce la fonction langage : une parole, des paroles.<br />

B. Usage de cette fonction, dans un cas déterminé. « Employer un langage obscur ; parler le langage de la raison. »<br />

C. Par suite, synonyme de langue ; <strong>au</strong>trefois, dans tous les cas : « ...un Limousin qui contrefaisoit le langaige françois<br />

» RABELAIS. Pantagruel. ; actuellement, ne se dit plus guère que du langage des peuples non civilisés, ou des<br />

manières de parler spéciales, comme un argot, qui n’ont pas la fixité et la régularité des grandes langues de cultures.<br />

Au contraire, langage s’emploie fréquemment, par opposition à langue, pour distinguer la fonction de s’exprimer<br />

par la parole, en général, de tel ou tel système linguistique fixé dans une société donnée. C’est ainsi qu’on oppose<br />

à la question de « l’origine du langage » (dans l’humanité), celle de l’origine de telle ou telle langue, comme le<br />

français ou l’anglais.<br />

d. Au <strong>sens</strong> le plus large, tout système de signes pouvant servir de moyen de communication. « le Langage des<br />

gestes ». « Tous les organes des <strong>sens</strong> peuvent servir à créer un langage ». VENDRYES . Le langage<br />

66


CaTaLogue aFrICa reMIx<br />

« Les images du corps ne concernent pas le corps telle une entité isolée, elles adviennent simultanément comme<br />

images du monde. Et le langage ne permet d’organiser que des classifications arbitraires qui rendront le <strong>sens</strong> de<br />

l’interprétation toujours proche de l’illusion » Henri Pierre Jeudy, Le corps comme objet d’art.<br />

...Nul n’est besoin de revenir sur les images reçues et les typologies des races, puisque le corps africain <strong>au</strong>quel nous<br />

avons affaire est multiple. Il est c<strong>au</strong>casien, il est asiatique, il est arabe, il est nègre. Il devient dès lors nécessaire, si<br />

nous voulons envisager la réalité d’un corps africain, de lui <strong>donner</strong> une substance. Le corps africain n’est africain<br />

que parce qu’il est revendiqué tel. Ainsi, ce n’est pas le corps seul qui nous adresse un message, mais la manière<br />

dont l’artiste le met en scène.<br />

...Le corps devient une toile vierge sur laquelle l’artiste transporte sa vision de notre humanité : instrument de<br />

médiation par lequel l’artiste parle à l’<strong>au</strong>tre, celui qui regarde ne peut s’empêcher de le qualifier, le corps est le<br />

premier élément concret par lequel nous sommes perçus. Il est le siège d’un conflit permanent parce que, à travers<br />

lui, se joue la question complexe de la perception. Il y a l’image que nous envoyons <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres et l’image que les<br />

<strong>au</strong>tres perçoivent de nous. Maîtriser cette image dédoublée revient à y mettre d’emblée, son âme ; afin d’éviter les<br />

malentendus, sous-entendus dans tout « premier regarde ». Aussi nous trouvons nous ici dans le domaine de la représentation,<br />

c’est à dire dans celui où l’on se projette, où l’on se présente <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres, où l’on négocie les conditions<br />

de son appartenance <strong>au</strong> monde.<br />

sur «TrIBaL»<br />

D’un point de vue historique, une tribu consiste en une formation sociale existant après la formation de l’État. Certaines<br />

personnes utilisent ce terme pour faire référence à des peuples ayant des modes de vie non occident<strong>au</strong>x ou<br />

des sociétés indigènes. Certains ethnologues utilisent ce mot pour désigner les sociétés organisées sur la base des<br />

liens de parentés, spécialement des familles ayant une même descendance. Dans certains pays comme les États-<br />

Unis, ou l’Inde, les tribus sont des peuples indigènes qui ont une reconnaissance légale dans le pays concerné. Les<br />

gouvernements des tribus peuvent être un chef de tribu ou un sorte de conseil de tribu, qui représente la tribu et est<br />

généralement composé de personnes âgées et sages.<br />

Notion considérablement débattue chez les ethnologues : ceux-ci voient des différences entre la tribu avant l’État et<br />

celle contemporaine ; certains de ces débats reflètent une controverse <strong>au</strong>tour du colonialisme. Dans l’imagination<br />

populaire, les tribus reflètent un mode de vie prétendument plus « naturel » que l’État moderne. Les tribus <strong>au</strong>raient<br />

des avantages soci<strong>au</strong>x car elles sont homogènes, patriarcales et stables. Certains croient que les tribus sont organisées<br />

selon des liens de parentés, et ont une idéologie sociale basée sur la solidarité.<br />

En 1972, Morton Fried dans son The Notion of the Tribe montre de nombreux exemples de membres de tribus<br />

qui parlent différentes langues et pratiquent différents rituels ou partagent des langues et pratiques venant d’<strong>au</strong>tres<br />

tribus. Il montre <strong>au</strong>ssi différents exemples de tribus qui suivent différents leader politiques. Il conclut que les tribus<br />

en général sont caractérisées par une hétérogénéité de pensées.<br />

Les archéologues continuent à explorer le développement des tribus pré-étatiques. Les recherches montrent que les<br />

structures tribales ont un type d’adaptation selon les situations.<br />

La tribu ou le clan (Bamossy 1995) intègre des individus qui se regroupent <strong>au</strong>tour de l’adhésion à une philosophie<br />

et une vision du monde avec plusieurs orientations possibles:<br />

• un positionnement fédérateur multi tribal avec des valeurs collectives partagées (New age naturaliste),<br />

• une stratégie de récupération clanique avec des codes et des rites (micro culture black américaine et sa mythologie<br />

sportive),<br />

• une démarche de fondation d’une tribu <strong>au</strong>tour d’une marque<br />

Tribal Mania chez eram<br />

67


Bibliographie<br />

• Jean Pierre Warnier, La Mondialisation de la Culture, Ed. La Découverte, Paris 2003<br />

• Marcel Hénaff, Cl<strong>au</strong>de Lévi-Str<strong>au</strong>ss, le passeur de de <strong>sens</strong>, Coll. Tempus, Ed. Perrin, 2008<br />

• Sigmund Freud, Totem et Tabou - 1912-1913 , Ed. Payot, 1923<br />

• Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, Ed. Présence Africaine, 1955<br />

• Aimé Césaire, Cahier d’un retour <strong>au</strong> pays natal, Ed. Présence Africaine, 1983<br />

• Cl<strong>au</strong>de Lévi-Str<strong>au</strong>ss, la pensée s<strong>au</strong>vage<br />

• Diderot, Supplément <strong>au</strong> voyage de Bougainville, 1772<br />

• Bernard-Marie Koltès, Le retour <strong>au</strong> désert, Ed de minuit, 1998<br />

• Mariv<strong>au</strong>x, L’Île des esclaves, 1725<br />

• Voltaire, L’Ingénu, 1767<br />

• Premières nations, collections royales, sous la direction de Christian Feest, la collection du musée du quai<br />

Branly<br />

• Marc Yvonnou, Michel BOHBOT, Pigments et matières : Art aborigène du Nord d’Australie, Ed. Le Temps<br />

du Rêve, 2001<br />

• Jean Chevalier, Alain Gheerbrandt, Dictionnaire des symboles, Ed. Robert Laffont<br />

• Clara Gibson, Comprendre les symboles, Ed. Larousse<br />

• Histoire de l’Art, David Thomise, Eyrolles<br />

• Africa Remix (catalogue), Centre Pompidou<br />

• Saki Mafundikwa, Afrikan Alphabets, story of writing in Afrika<br />

• Cl<strong>au</strong>de Lévi-Str<strong>au</strong>ss, La pensée s<strong>au</strong>vage, 1962<br />

• André Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Ed. PUF Quadrigetan<br />

• Tzvetan Todorov, Théories du symbole, 1977<br />

• Chantal AMNI, Marketing ethnique des perspectives pour la France?<br />

• Logomania, L’extraordinaire aventure de 50 marques Françaises, Ed. de Tokyo, Paris<br />

• Médias et diversité - de la visibilité <strong>au</strong> contenu<br />

• Déclaration universelle de l’Unesco sur la diversité culturelle votée en octobre 2005<br />

sources Internet<br />

• www.prodimarques.com<br />

• www.cotedor-chocolat.fr<br />

• www.lorealparis.com<br />

• www.imancosmetics.com<br />

• www.activilong.com<br />

• www.africandigitalart.com<br />

• www.quaibranly.fr<br />

• www.polymago.com<br />

• www.rogeroddone.com<br />

• www.itcfonts.com<br />

• www.ziva.org<br />

• www.dapper.com<br />

• www.mahj.org<br />

• europe.agnesb.com<br />

• www.isabelmarant.com<br />

• www.kenzo.com<br />

• www.lescocottesenpapier.typepad.fr<br />

• www.unesco.org<br />

• www.communities-can-do-it.com<br />

• www.art-z.net (le musée des arts derniers)<br />

• www.culturepub.com<br />

• www.peintureaborigene.com<br />

• www.wikipédia.org<br />

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