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L e<br />
«sommet de la dernière<br />
chance» a réussi, mercredi<br />
à Bruxelles, à «sauver», du<br />
moins pour le moment, l’euro. Les<br />
dirigeants européens ont finalement<br />
réussi, in extremis, à dépasser leurs<br />
divergences et à proposer des solutions<br />
à la crise de la dette grecque,<br />
qui vont beaucoup plus loin que ce<br />
qui a été fait lors de la réunion de<br />
juillet. Plus qu’un plan de sauvetage,<br />
la dernière rencontre des dirigeants<br />
de la zone euro impose un ensemble<br />
de règles budgétaires destinées à garantir<br />
un règlement de la crise. D’une<br />
décote de la dette grecque à un renforcement<br />
du Fonds européen de stabilité<br />
financière (FESF) en passant<br />
par une recapitalisation des banques,<br />
c’est une véritable cure choc appuyée<br />
de 1000 milliards de dollars destinés<br />
à sauver la zone euro, dont 200 milliards<br />
rien que pour la Grèce.<br />
L’issue de la crise est d’ailleurs considérée<br />
comme une grande victoire<br />
pour la chancelière allemande, Angela<br />
Merkel, et ses alliés nordiques.<br />
Comme voulu et prôné par Mme Merkel<br />
et la Banque centrale européenne<br />
(BCE), cette dernière n’interviendra<br />
pas pour sauver les Etats endettés et<br />
ce, dans le strict respect des règles<br />
du Traité de Maastricht. Les mauvais<br />
élèves du Sud auront également à<br />
s’astreindre à une discipline via l’application<br />
de la règle d’or budgétaire,<br />
comme c’est le cas en Allemagne.<br />
Enfin, si les banques privées devront<br />
renoncer à 100 milliards d’euros sur<br />
les 350 milliards de dette de la Grèce<br />
et que le pays doit composer avec une<br />
forte décote de ses obligations, il devra<br />
s’astreindre à l’objectif de ramener<br />
son taux d’endettement à 120%<br />
du PIB en 2020 contre 165% prévu<br />
fin 2011. En contrepartie, Athènes<br />
peut prétendre à 100 milliards<br />
d’euros de prêts de l’Europe et du<br />
FMI, ainsi qu’à 30 milliards d’euros<br />
de garantie du FESF aux banques<br />
créancières de la Grèce qui acceptent<br />
la «décote». Ce plan sera-t-il<br />
PHOTO : D. R.<br />
suffisant pour désamorcer la crise ou<br />
fera-t-il l’effet d’un pétard mouillé,<br />
comme ce fut le cas le 21 juillet<br />
dernier ? Les marchés, euphoriques<br />
jeudi au lendemain de l’annonce<br />
d’un accord, sont retombés hier<br />
dans le rouge. En cause : l’envolée<br />
des taux d’intérêt sur les obligations<br />
italiennes et les interrogations mises<br />
en avant concernant les détails pour<br />
l’application des mesures annoncées.<br />
Les marchés n’ont donc pas été<br />
convaincus. D’ailleurs, l’Italie, qui<br />
El Watan - Samedi 29 octobre 2011 - 11<br />
ÉCONOMIE<br />
PLAN DE SAUVETAGE DE LA ZONE EURO<br />
Une victoire<br />
pour Merkel et la BCE<br />
HENRI STERDINYAK. Professeur d’économie<br />
n’a pas réussi à convaincre ses partenaires<br />
européens par les mesures<br />
de réformes et d’austérité de Berlusconi,<br />
a été sanctionnée hier. Les taux<br />
d’intérêt des titres italiens à échéance<br />
2022 ont dépassé la barre symbolique<br />
des 6%, seuil considéré comme<br />
dangereux par les analystes. Les<br />
Bourses européennes ont vite réagi à<br />
l’annonce et sont retombées dans le<br />
rouge. Vers 14h30 GMT, la Bourse<br />
de Francfort cédait 0,06%, celle de<br />
Paris était en recul de 0,42%, tandis<br />
que Londres perdait 0,19%. A Madrid,<br />
le marché perdait 0,76% alors<br />
que Milan plongeait de 1,42%. Les<br />
titres souverains n’étaient cependant<br />
pas les seuls à alimenter l’inquiétude<br />
des marchés. Hier encore, l’accord<br />
européen avait du mal à convaincre.<br />
De nombreux analystes, notamment<br />
américains, ont soulevé des interrogations<br />
à propos de la croissance,<br />
notamment les plans d’austérité et de<br />
rigueur budgétaire ne risquent-ils pas<br />
de mettre du plomb dans l’aile de la<br />
croissance. D’ailleurs, les prévisions<br />
annoncées jeudi soir par Nicolas<br />
Sarkozy concernant une baisse des<br />
taux de croissance d’ici la fin de l’année<br />
ne sont pas pour rassurer.<br />
On s’interroge sur le degré effectif de<br />
participation volontaire des banques<br />
à la réduction de la dette grecque<br />
et sur la capacité du FESF d’attirer<br />
suffisamment d’investisseurs pour<br />
fonctionner à pleine capacité. Aussi,<br />
l’exigence de recapitalisation des<br />
banques met en doute leur capacité<br />
à maintenir leurs encours de crédit.<br />
Rien n’est encore gagné pour la zone<br />
euro… Melissa Roumadi<br />
Etat de l’endettement<br />
dans le monde (tableau<br />
exprimé en ratio<br />
de la dette au PIB)<br />
USA : 100%<br />
Japon : 229%<br />
Grande-Bretagne : 83%<br />
Canada : 84%<br />
Zone euro : 87%<br />
Grèce : 152%<br />
Italie : 120%<br />
Irlande : 114%<br />
Portugal : 91%<br />
France : 88%<br />
Espagne : 67%<br />
(source FMI)<br />
«La création de l’euro a été prématurée»<br />
Henri Sterdinyak est directeur du<br />
département d’économie de la<br />
mondialisation à l’Observatoire<br />
français des conjonctures<br />
économiques (OFCE), professeur<br />
associé à l’université de Paris IX<br />
Dauphine et coanimateur du<br />
«Manifeste des économistes<br />
atterrés». Dans cet entretien<br />
accordé à El Watan, il affirme que<br />
le Traité de Maastricht est<br />
responsable du déchaînement de<br />
la spéculation depuis la mi-2009.<br />
Propos recueillis par<br />
Mehdi Bsikri<br />
La crise de l’euro a secoué le vieux continent.<br />
Pour apporter des solutions à ce dossier et<br />
jusqu’à mercredi dernier, il y a eu désaccord entre<br />
Paris et Berlin. Sur quels points M. Sarkozy<br />
et M me Merkel ne s’entendent-ils pas ?<br />
Angela Merkel<br />
LA CHINE <strong>À</strong> LA RESCOUSSE…<br />
Premier détenteur mondial de réserves de changes et<br />
principal créancier des Etats-Unis, la Chine pourrait<br />
contribuer massivement au sauvetage de l’euro,<br />
pour peu que les tractations entamées à distance<br />
dès le lendemain du sommet européen de Bruxelles<br />
aboutissent à une contribution directe des Chinois au<br />
Fonds européen de stabilité fi nancière. Les dirigeants<br />
de la zone euro ont décidé, mercredi, de solliciter<br />
l’aide de la Chine. Toutefois, les Européens feignent<br />
peu d’empressement pour l’aboutissement d’un<br />
quelconque accord, tout en agitant bien entendu<br />
l’épouvantail du péril jaune.<br />
C’est dans ce sens que le président français a indiqué,<br />
jeudi, que les Européens ont réussi à sauver l’euro<br />
sans les Chinois, même si le soutien fi nancier de<br />
l’Empire du Milieu est le bienvenu dans la mesure où il<br />
renforce la confi ance dans l’euro.<br />
Il y a une divergence de vues entre l’Allemagne<br />
et la France sur les solutions de sortie<br />
de crise. Pour l’Allemagne, il faut que tous les<br />
pays mettent en œuvre des politiques d’austérité<br />
similaires à celles qu’elle a entreprise depuis<br />
2000 : baisse des salaires réels, des dépenses<br />
publiques et sociales, réduction rapide des déficits<br />
publics. Pour la France, il faut renforcer la<br />
solidarité entre les pays de la zone euro ; la BCE<br />
doit garantir complètement les dettes publiques<br />
des Etats membres ; il faut une «gouvernance de<br />
la zone euro» visant à coordonner les politiques<br />
économiques de la zone pour une politique de<br />
croissance. L’Allemagne s’y refuse car elle ne<br />
veut pas remettre en cause sa politique (qu’elle<br />
considère comme une réussite) et ne veut pas que<br />
la solidarité européenne l’oblige à payer pour les<br />
pays du sud.<br />
Mais la crise de la monnaie unique est à son<br />
paroxysme. Comment les pays de cette zone en<br />
sont-ils arrivés à ce stade ?<br />
La création de l’euro a été prématurée. En fait,<br />
les pays membres sont très différents, ont des<br />
conjonctures différentes, ont choisi des stratégies<br />
économiques différentes. Le taux de change de<br />
l’euro est trop fort pour les pays du sud qui ont<br />
Le fait est que du côté de Pékin, même si l’on affi chait<br />
depuis plusieurs mois le souhait d’être impliqué<br />
dans le processus de sauvetage de l’eurozone, il va<br />
sans dire que le préalable de conditions favorables<br />
d’accès au marché est bien là. Ainsi, à l’occasion<br />
de la visite du directeur du FESF, Klaus Regling, à<br />
Pékin, le vice-ministre chinois des Finances, Zhu<br />
Guangyao, a demandé une plus grande ouverture du<br />
vieux continent à ses produits et investissements.<br />
Et d’ajouter, à propos du fonds spécial qui pourrait<br />
être mis en place pour aider les pays européens<br />
surendettés, que la Chine «attend les détails<br />
techniques pour y voir clair». La Chine et les pays<br />
émergents soutiennent une intervention plus<br />
importante du Fonds monétaire international.<br />
Cependant, les Américains ne le voient pas de cet œil.<br />
M. R.<br />
subi des pertes de compétitivité. Le taux d’intérêt<br />
de l’euro a été maintenu trop bas pour les<br />
pays du sud, ce qui leur a permis une croissance<br />
basée sur des bulles immobilières. Les pays du<br />
nord accumulent des excédents extérieurs tandis<br />
que les pays du sud accumulent des déficits. La<br />
Commission européenne a été incapable de coordonner<br />
les politiques économiques.<br />
Le Traité de Maastricht, signé en 1992, interdit<br />
la solidarité entre pays. La BCE ne garantit pas<br />
les dettes publiques (la BCE ne prête pas d’argent<br />
aux Etats ; seules les banques privées peuvent<br />
leur accorder des crédits).<br />
Depuis la mi-2009, les marchés ont pris<br />
conscience des disparités entre les pays de la<br />
zone et se prémunissent contre un éclatement<br />
de la zone euro et une faillite de certains pays du<br />
sud, trop endettés. Cette crainte est renforcée par<br />
la spéculation qui est devenue autoréalisatrice :<br />
les marchés exigent des taux élevés pour prêter<br />
aux pays du sud, ce qui déséquilibre encore plus<br />
leur situation.<br />
Donc le Traité serait en partie responsable<br />
de cette crise…<br />
En privant les Etats membres de la garantie de<br />
la BCE, le Traité de Maastricht est responsable<br />
L es<br />
HAUSSE DE 2,5%<br />
DU PIB<br />
AU 3 e TRIMESTRE<br />
L’économie<br />
américaine<br />
se reprend<br />
chiffres publiés jeudi par le département<br />
américain du Commerce sur<br />
l’évolution du produit intérieur brut<br />
des Etats-Unis ont fait reculer les prévisions<br />
d’une possible récession. En effet, au<br />
troisième trimestre, le PIB des Etats-Unis a<br />
progressé de 2,5% par rapport au deuxième<br />
semestre. Les estimations des analystes<br />
avaient donné une moyenne de 2,3%.<br />
La croissance au troisième trimestre constitue<br />
une nette hausse par rapport aux chiffres précédents.<br />
Au premier trimestre, la croissance<br />
du PIB américain avait été de 0,4% tandis<br />
qu’au deuxième, elle était remontée à 1,3%.<br />
Une croissance jugée très lente et qui avait<br />
suscité de grandes inquiétudes avec une plus<br />
grande probabilité de rechute de l’économie<br />
américaine.<br />
Selon le département du Commerce, cette<br />
amélioration est surtout due à la croissance<br />
«des dépenses de consommation des ménages<br />
et de l’investissement privé hors logement<br />
et à un ralentissement de la baisse des<br />
dépenses des Etats fédérés et des collectivités<br />
locales».<br />
La consommation aurait progressé de 2,4%<br />
au troisième trimestre, contre 0,7% au<br />
deuxième, et elle a apporté 1,7 point de<br />
croissance.L’investissement privé est l’autre<br />
secteur qui a contribué à cette hausse de la<br />
croissance du PIB. Il a connu une hausse de<br />
16,3% hors logement et il aurait fait gagner<br />
1,6 point de croissance.<br />
Pour sa part, le commerce extérieur aurait<br />
contribué à hauteur de 0,2 point de croissance.<br />
L’accélération des exportations a été<br />
gênée par une augmentation des importations.Malgré<br />
cette nette croissance du PIB,<br />
l’économie américaine ne pourra que stopper<br />
la hausse du chômage, dont le taux actuel<br />
est de 9,1%. Selon la Réserve fédérale, une<br />
croissance du PIB située entre 2,5 et 2,8%<br />
éviterait au chômage d’augmenter. Ainsi,<br />
pour le faire reculer, l’économie américaine<br />
a besoin d’une croissance supérieure à<br />
2,8%. Mais toujours est-il que les chiffres<br />
du troisième trimestre font reculer le spectre<br />
d’une récession de l’économie.<br />
Lies Sahar<br />
du déchaînement de la spéculation depuis la mi-<br />
2009 et de la dispersion des taux d’intérêt entre<br />
les pays membres (de plus de 20% pour la Grèce<br />
à 4,8% pour l’Italie ; 3,1% pour la France ; 2,2%<br />
pour l’Allemagne). Les dettes des pays de la zone<br />
euro ne sont plus des actifs sans risque.<br />
Aussi, depuis le début des années 1970, les<br />
Etats développés s’endettent sur les marchés<br />
financiers auprès des investisseurs collectifs<br />
(fonds de pension, assurances-vie, OPCVM)<br />
à des taux d’intérêt relativement bas, car sans<br />
risque. En 2007, la Grèce s’endettait à 4,5%<br />
(pour un taux de croissance de son PIB nominal<br />
de 7,5%), la France à 4,3% (pour un taux de<br />
croissance de 4,9%). Les Etats ne peuvent s’endetter<br />
à taux zéro car les épargnants ne veulent<br />
pas détenir des titres qui ne rapporteraient rien.<br />
La dette nette des pays de la zone euro était, en<br />
2007, de 42,5% du PIB (le même niveau que les<br />
Etats-Unis) ; elle devrait passer à 60% du PIB<br />
fin 2011 (contre 75% pour les Etats-Unis). Cette<br />
hausse s’explique surtout par la profondeur de la<br />
récession (qui a fait chuter les recettes fiscales) ;<br />
un peu par les mesures de soutien à l’activité pendant<br />
la crise ; un peu par l’aide aux banques (pour<br />
l’Irlande surtout). B. M.