DOSSIER Ce - Gouvernement du Québec

cueil de ces nouveaux enseignants
dans les écoles ? À ses débuts, l’enseignant
est placé dans la même
situation de complexité et de difficulté
que les enseignants expérimentés.
De plus, les conditions
d’embauche — prenant souvent la
forme d’un engagement de dernière
minute, avec l’assignation des tâches
qui restent — font qu’on lui réserve
fréquemment des tâches difficiles.
Les débuts de carrière problématiques
seraient aussi en partie attribuables
aux conditions de travail
particulièrement difficiles faites aux
nouveaux arrivants dans les écoles.
Ces débutants ont à vivre une situation
de double abandon, à la fois de
la part de l’institution de formation
initiale, qui a terminé son rôle, et
du milieu de travail, qui les considère
dorénavant à l’égal des autres
enseignants.
Ce type problématique d’entrée dans
la carrière existe-t-il aussi dans les
autres professions ? D’après Claude
Lessard 3 , l’écart entre la formation
et l’exercice d’une profession est
typique des formations professionnelles
universitaires, chacun des
deux milieux partenaires ayant ses
propres impératifs. En enseignement,
outre qu’ils connaissent fréquemment
une situation précaire et
des conditions de tâche difficiles,
une situation qui a été bien documentée
par Thérèse Nault 4 , les
enseignants débutants se voient
confier des responsabilités égales à
celles des enseignants d’expérience,
ce qui serait inconcevable en
chirurgie, en pratique du droit, ou
en ingénierie, où les tâches professionnelles
sont assumées progressivement,
sous l’œil vigilant de personnes
expérimentées.
L’insertion professionnelle est un
concept dynamique, et non un
moment neutre à la frontière de la
formation et de l’emploi. Selon le
Conseil supérieur de l’éducation 5 ,
ce concept «met ainsi en cause la
qualification à l’emploi obtenue
dans un processus de formation,
une certaine forme d’adéquation
entre cette formation et les attentes
des employeurs, les besoins de
main-d’œuvre du marché du travail
et les modes d’organisation
du travail ». La période d’insertion
Photo : Denis Garon
est généralement vue comme ce qui
suit la formation initiale et inaugure
la formation continue. Cette période
devrait permettre de traverser trois
frontières : une frontière fonctionnelle,
par une aide centrée sur
l’efficacité dans le travail ; une frontière
inclusive, en favorisant l’acquisition
de la culture professionnelle
et l’appartenance au groupe ; et une
frontière hiérarchique, en aidant à
l’obtention d’une reconnaissance
sociale. Il est rare qu’un programme
de soutien à l’insertion s’intéresse à
une telle variété de besoins.
LA SITUATION DE L’EMPLOI
ET DE L’INSERTION EN
ENSEIGNEMENT
Le système de probation pour les
nouveaux enseignants, mis en place
à la fin des années soixante, prévoyait
deux séries de mesures : une
aide pour leur initiation à la pratique
et une évaluation de leur aptitude
à la pratique. De manière
générale, seule la dimension évaluation
a été prise en considération,
et souvent uniquement d’un point
de vue administratif. Le discours
des enseignants a été de considérer
les nouveaux arrivants comme des
collègues jouissant de la même
autonomie de pratique qu’eux et de
refuser de participer à leur évaluation.
Bien sûr, il y a eu de nombreuses
initiatives d’aide de la part
d’enseignants expérimentés, mais
sans soutien organisationnel et sans
une volonté collective d’accueil du
nouveau personnel. Il y a lieu de
rappeler que les conditions n’étaient
pas vraiment favorables à l’instauration
de mesures d’assistance : la
rareté des emplois, prenant souvent
la forme de brèves périodes de remplacement.
Pourquoi alors mettre
en place des structures et des
mesures pour favoriser l’insertion
de quelqu’un qu’on ne parviendra
pas à intégrer, dans la plupart des
cas, parce que l’on n’a pas d’emploi
à lui offrir ? Les enseignants qui sont
entrés en fonction au cours de ces
années ont connu une succession
d’emplois d’une durée limitée, dont
beaucoup à temps partiel, le tout
entrecoupé de périodes parfois
assez longues d’inactivité professionnelle.
La situation a changé. Non seulement
des emplois sont devenus
disponibles, à la suite de départs
massifs d’enseignants pour la retraite,
Vie pédagogique 111, avril-mai
1999
mais des enseignants issus des nouveaux
programmes de formation
font leur entrée sur le marché du
travail (depuis mai 1998 en enseignement
secondaire et à partir de
mai 1999 en éducation préscolaire
et en enseignement primaire). Ces
nouveaux enseignants obtiennent
un brevet dès leur sortie de l’université.
Il semble y avoir là un élément
nouveau de reconnaissance
explicite de leur qualification. Afin
de préparer leur arrivée, le ministère
de l’Éducation a subventionné
depuis quelques années des recherches
en partenariat entre les commissions
scolaires et les universités
ayant comme objet d’orienter la
mise en place de mesures de soutien
dans le milieu de travail et d’inventorier
les besoins en formation
du personnel enseignant d’expérience
leur permettant d’assurer de
façon appropriée l’encadrement du
nouveau personnel.
L’ENSEIGNEMENT :
UN MÉTIER EN VOIE DE
PROFESSIONNALISATION
Tout professionnel doit faire face à
des situations complexes et diversifiées
pour lesquelles il n’existe pas
de méthode à suivre qui puisse
garantir l’efficacité de ses actions.
Ainsi, dans sa pratique, un enseignant
doit savoir évaluer chaque
situation et lui trouver une solution
appropriée, sans tout réinventer,
mais sans non plus devoir retenir la
réponse trouvée par quelqu’un
d’autre. Comme le dit Philippe
Perrenoud 6 : « Ce fonctionnement
exige non seulement des moyens
intellectuels, mais une autonomie
d’action, une méthode d’analyse
et une image de soi qui résultent
notamment d’une formation initiale
et d’une formation continue
particulières, par leur durée, leur
niveau, le type d’habitus professionnel
et d’identité qu’elles
forgent. » Comme toute profession
reposant sur les relations interpersonnelles,
la pratique de l’enseignement
est remplie d’incertitudes. En
plus des compétences techniques
acquises et des routines mises
au point, elle exige, selon Serge
Desgagné 7 , des habiletés de nature
réflexive qu’il faut acquérir : capacité
de délibérer, de porter des
jugements sur des situations imprévisibles
et de réfléchir aux situations
qui se présentent.
PÉDAGOGIQUE 13
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