DOSSIER Ce - Gouvernement du Québec
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MÊME MÉTIER, DEUX HISTOIRES<br />
<strong>Ce</strong> sont, en effet, deux histoires<br />
bien différentes que nous racontent<br />
l’enseignante et l’enseignant<br />
qui ont accepté de nous<br />
faire part de leur parcours dans la<br />
carrière. Parcours plus classique,<br />
dirions-nous, d’une enseignante qui<br />
ENSEIGNER 35 ANS, C’EST POSSIBLE<br />
par Denise Gauthier<br />
C’est avec plaisir que j’ai accepté<br />
de partager un peu mon<br />
expérience dans l’enseignement<br />
avec les jeunes lecteurs et lectrices<br />
de Vie pédagogique qui, à leur<br />
tour, envisagent de faire une carrière<br />
dans le monde de l’enseignement,<br />
principalement comme enseignant<br />
ou enseignante. Mais est-il encore<br />
possible de songer à passer plus de<br />
30 années de sa vie dans l’enseignement<br />
? J’espère que mon bref témoignage<br />
pourra en aider d’autres à<br />
trouver un élément de réponse à cette<br />
question qui les habite peut-être.<br />
D’abord enseignante au primaire<br />
pendant six ans en 6 e année, en passant<br />
par une expérience de vie de<br />
deux ans dans un pays africain, toujours<br />
comme enseignante, j’enseigne<br />
maintenant l’anglais, langue seconde,<br />
au secondaire, toujours heureuse<br />
d’être au service des jeunes.<br />
Lorsque j’ai débuté dans l’enseignement,<br />
il y a 34 ans maintenant, je ne<br />
savais pas que j’allais y consacrer<br />
toutes ces années, mais comme je<br />
réalisais mon rêve, il allait de soi<br />
que j’allais faire ce métier le plus<br />
longtemps possible. Aussi ai-je pris<br />
tous les moyens pour que ça fonctionne,<br />
mais en gardant également<br />
une porte ouverte sur une carrière<br />
connexe – la tra<strong>du</strong>ction – si toutefois<br />
j’en venais à ne plus être bien<br />
dans celle que j’avais choisie, ce qui<br />
n’a pas été le cas... encore ! <strong>Ce</strong>la<br />
m’a permis, et me permet toujours,<br />
de ne pas me sentir prisonnière de<br />
ma profession, mais de plutôt l’accepter<br />
librement.<br />
Il y a plus de 30 ans, la notion d’insertion<br />
professionnelle n’était pas<br />
encore à la mode. Pour moi, elle<br />
s’est faite au hasard des conversations<br />
avec des enseignantes plus<br />
expérimentées dont j’ai mis les<br />
judicieux conseils à profit dès ma<br />
deuxième année d’enseignement,<br />
car ma première année avait été<br />
plutôt désastreuse ou, <strong>du</strong> moins,<br />
j’en avais l’impression. De plus, j’ai<br />
a trouvé et qui trouve toujours<br />
beaucoup de joie à enseigner depuis<br />
plusieurs années la même matière à<br />
des jeunes qu’elle aime et qu’elle<br />
accepte comme ils sont, sans toutefois<br />
refuser de relever les défis qui<br />
se sont présentés en cours de route.<br />
eu la chance d’avoir comme première<br />
directrice une femme extraordinaire<br />
qui comprenait que je<br />
débutais et qui, loin de me blâmer<br />
pour mes inévitables erreurs, me<br />
soutenait et me guidait dans mes<br />
premiers pas d’enseignante et<br />
m’aidait à tirer des leçons de mes<br />
premières expériences. Ainsi armée<br />
des précieux conseils de mes aînées<br />
et ayant des modèles de réussite à<br />
suivre, j’ai bâti mon expérience jour<br />
après jour, année après année. Et je<br />
peux dire que j’en profite agréablement<br />
aujourd’hui, tout en étant consciente<br />
que chaque jour qui passe<br />
me réserve encore des surprises et<br />
que, dans l’enseignement, rien n’est<br />
jamais définitivement acquis.<br />
Il m’apparaît important de souligner<br />
que l’expérience est quelque chose<br />
de singulier et que chacun façonne<br />
la sienne avec sa personnalité propre,<br />
ses aptitudes, les contingences<br />
de sa vie et toutes les personnes que<br />
le hasard met sur sa route, que ce<br />
soient des élèves, des collègues de<br />
travail ou des directions d’école. On<br />
pourra toujours essayer de faire<br />
profiter les autres de son expérience,<br />
mais chacun et chacune<br />
devra suivre sa propre route. On<br />
peut s’inspirer de beaux modèles,<br />
le nôtre restera toujours unique.<br />
La vie au quotidien dans l’enseignement<br />
apporte son lot de joies et de<br />
petits bonheurs, mais aussi de contrariétés<br />
et de frustrations de toutes<br />
sortes. Il ne faut pas oublier que<br />
nous travaillons avec des êtres<br />
humains qui, de surcroît, sont en<br />
formation et en croissance, pour ne<br />
pas dire en crise d’adolescence, si<br />
on a la chance de travailler au secondaire.<br />
Il faut savoir doser fermeté et<br />
douceur, discipline et laisser-faire,<br />
gérer une classe avec une trentaine<br />
de caractères distincts, comprendre<br />
les changements d’attitude ou<br />
d’humeur occasionnels, etc. <strong>Ce</strong> sont<br />
autant de défis à relever quotidiennement,<br />
auxquels s’ajoute le souci<br />
Parcours plus sinueux d’un enseignant<br />
aventureux, constamment<br />
sé<strong>du</strong>it par les propositions de changement<br />
qui sont survenues tout au<br />
long de sa carrière, même lorsqu’elles<br />
impliquaient la nécessité<br />
d’acquérir une nouvelle formation.<br />
d’offrir des leçons de qualité, de<br />
varier les méthodes et les activités<br />
et, à travers tout cela, de garder sa<br />
bonne humeur tout en faisant abstraction<br />
le plus possible de ses<br />
préoccupations personnelles, sans<br />
parler de la fatigue qui parfois se<br />
fait sentir. <strong>Ce</strong> sont des réalités<br />
inhérentes à l’enseignement, et bien<br />
malin est celui qui prétend y faire<br />
face sans de nobles motifs comme<br />
l’amour inconditionnel des jeunes,<br />
la croyance en leurs capacités et<br />
une volonté sincère de travailler<br />
dans leur plus grand intérêt.<br />
Un facteur qui, avec le temps, prend<br />
de l’importance est le fait que les<br />
jeunes qui nous sont confiés année<br />
après année ont toujours plus ou<br />
moins le même âge et que, par conséquent<br />
l’écart d’âge s’agrandit sans<br />
cesse entre nous. Il faut donc nous<br />
adapter continuellement aux changements<br />
de mentalité et aux nouvelles<br />
réalités des jeunes, évoluer à<br />
leurs côtés. L’aspect positif de cet<br />
état de choses est que nous restons<br />
jeunes beaucoup plus longtemps...<br />
Il n’y a pas de recette magique pour<br />
faire une longue carrière heureuse<br />
dans l’enseignement. Je crois plutôt<br />
qu’il faut avoir les bons motifs<br />
d’exercer cette profession et chercher<br />
à développer nos forces tout<br />
en combattant nos faiblesses. Personnellement,<br />
les qualités et attitudes<br />
que j’ai essayé – et essaie toujours<br />
– de mettre à contribution sont les<br />
suivantes : ouverture d’esprit, amour<br />
des jeunes, acceptation inconditionnelle<br />
de ceux et celles avec qui et<br />
pour qui je travaille, patience, disponibilité,<br />
empathie mais sans complaisance<br />
et, bien sûr, l’indispensable<br />
sens de l’humour. Je ne dis<br />
pas que cela va toujours naturellement,<br />
mais au moins les intentions<br />
y sont et j’ai la satisfaction de me<br />
dire que j’essaie de faire de mon<br />
mieux. Il est plus facile de se pardonner<br />
ses petits écarts dans ces<br />
conditions.<br />
Vie pédagogique 111, avril-mai<br />
1999<br />
<strong>Ce</strong> sont deux histoires qui montrent<br />
qu’il est possible de s’épanouir<br />
dans ce métier en suivant, avec le<br />
même bonheur, des chemins variés.<br />
Luce Brossard<br />
J’aime bien aussi me répéter une<br />
parole qui m’a été dite par l’une de<br />
mes directrices il y a quelques<br />
années à peine : « La difficulté est la<br />
norme. » <strong>Ce</strong> qui signifie qu’il est<br />
normal d’éprouver des difficultés.<br />
<strong>Ce</strong>tte simple parole a eu l’effet<br />
d’une révélation pour moi et s’avère<br />
un excellent réconfort lorsque les<br />
choses ne vont pas tout à fait comme<br />
je le souhaiterais. Les difficultés sont<br />
donc notre lot quotidien. <strong>Ce</strong> qui importe,<br />
c’est la façon de les aborder<br />
et de les résoudre. Il ne faut jamais<br />
hésiter à en parler à une personne<br />
en qui l’on a confiance ou à la<br />
direction de l’école pour trouver la<br />
meilleure solution possible, en ayant<br />
le souci d’agir pour le bien des jeunes.<br />
Pour terminer, j’aimerais souligner<br />
l’importance que j’ai toujours accordée<br />
à accepter, lorsque c’est possible,<br />
toute proposition, tout changement<br />
ou nouveau défi qui m’étaient<br />
proposés, ne sachant pas toujours<br />
où cela me mènerait. J’ai ainsi profité<br />
de belles possibilités d’enrichissement<br />
personnel et professionnel,<br />
de contacts enrichissants avec<br />
des personnes évoluant dans d’autres<br />
sphères liées à l’enseignement. Ma<br />
facilité à dire « Oui » s’est presque<br />
changée en réflexe avec le temps, et<br />
c’est ainsi que je me retrouve à<br />
écrire un article pour Vie pédagogique,<br />
ce qui n’était absolument<br />
pas planifié dans mes activités d’enseignante.<br />
Je dois dire que je suis la<br />
première bénéficiaire de cet exercice<br />
de réflexion inédit et tant<br />
mieux si, vous, lecteurs et lectrices<br />
de tous âges de la revue pourrez<br />
profiter de certains de ses passages.<br />
Pour faire une longue carrière heureuse<br />
dans l’enseignement, ne doiton<br />
pas finalement être un tout petit<br />
peu égoïste... et faire les choses<br />
pour soi ?<br />
Denise Gauthier est enseignante<br />
à l’école secondaire Cardinal-<br />
Roy à la Commission scolaire<br />
de la Capitale, à <strong>Québec</strong>.<br />
PÉDAGOGIQUE 39<br />
<strong>DOSSIER</strong>