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DOSSIER Ce - Gouvernement du Québec

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donnent la priorité et le choix aux<br />

enseignants permanents, ainsi que<br />

par le règlement d’ancienneté qui<br />

pénalise les plus jeunes lorsqu’il<br />

s’agit d’attribuer des contrats à<br />

temps partiel (règle <strong>du</strong> « dernier<br />

arrivé, premier parti »). Les jeunes<br />

sont alors plus souvent sujets à<br />

des phénomènes de supplantation<br />

(bumping) et se voient attribuer ce<br />

qu’ils appellent des « queues de<br />

tâche » ou des « fonds de tâche »,<br />

etc. Ainsi, leur tâche est souvent<br />

éclatée et parfois une partie se situe<br />

en dehors de leur champ de compétence,<br />

ce qui alourdit le travail, si<br />

l’on considère par ailleurs qu’ils<br />

doivent souvent repartir de zéro et<br />

se réadapter d’une fois à l’autre à<br />

une nouvelle tâche et à un nouvel<br />

environnement physique et humain.<br />

La discontinuité temporelle<br />

et situationnelle, qui se révèle<br />

par les délais d’attente plus ou moins<br />

longs entre la sortie des études et le<br />

premier emploi, et surtout le premier<br />

contrat, par l’obtention de<br />

contrats successifs entrecoupés de<br />

périodes d’attente et par des situations<br />

de suppléance occasionnelle,<br />

de chômage, de recherche d’emploi,<br />

d’études, d’occupation d’emploi<br />

d’appoint, d’inactivité, etc. Il va sans<br />

dire que cette discontinuité temporelle<br />

et situationnelle entraîne<br />

une discontinuité pédagogique,<br />

ralentit le processus d’apprentissage<br />

<strong>du</strong> métier et retarde l’étape de<br />

la « consolidation » (Huberman,<br />

1989) chez les enseignants novices.<br />

L’allongement et la perte de<br />

sens <strong>du</strong> processus d’insertion,<br />

c’est-à-dire que l’on constate, au<br />

fond, que l’insertion cesse d’être<br />

une phase d’entrée dans la profession<br />

d’enseignant ou d’enseignante,<br />

pour devenir une sorte d’état professionnel<br />

dont la <strong>du</strong>rée est souvent<br />

Photo : Denis Garon<br />

indéterminée ou, dans la vaste<br />

majorité des cas, très longue : par<br />

exemple, occupation d’un emploi à<br />

temps partiel pendant des années et<br />

parfois même à 100 p. 100 <strong>du</strong><br />

temps, avec réembauche d’année<br />

en année, soit par priorité de compétence,<br />

soit par droit de rappel<br />

basé sur l’ancienneté. Progressivement,<br />

des enseignants à statut<br />

précaire accumulent ancienneté et<br />

expérience et finissent donc par se<br />

faire une place au sein de leur commission<br />

scolaire, sans nécessairement<br />

y être insérés sur le plan légal<br />

(permanence).<br />

La mouvance des limites initiales<br />

et finales des trajectoires,<br />

qui se tra<strong>du</strong>it par l’absence<br />

de critères fiables et universels permettant<br />

de fixer le moment <strong>du</strong><br />

début et celui de la fin de l’insertion.<br />

On constate en effet que les<br />

critères traditionnels (sortie <strong>du</strong> système<br />

é<strong>du</strong>catif, recherche d’emploi,<br />

contrat à temps plein et à <strong>du</strong>rée<br />

indéterminée — stabilité, permanence—,<br />

correspondance formation-emploi)<br />

servant habituellement<br />

de marqueurs temporels et situationnels<br />

pour définir objectivement<br />

le début et la fin <strong>du</strong> processus d’insertion<br />

professionnelle sont difficilement<br />

applicables aux trajectoires<br />

indivi<strong>du</strong>elles réelles de jeunes profs<br />

interviewés. Par exemple, l’analyse<br />

des trajectoires met en évidence<br />

une hétérogénéité dans les modalités<br />

d’entrée dans la profession<br />

(avant ou après les études, par de la<br />

suppléance ou l’obtention de contrats,<br />

etc.) et la quasi-impossibilité<br />

pour beaucoup de jeunes d’obtenir<br />

des contrats à temps plein de façon<br />

régulière pendant que d’autres<br />

mettent plusieurs années avant<br />

d’obtenir leur brevet d’enseignement<br />

(anciens programmes de formation<br />

des maîtres), faute de contrats.<br />

Par ailleurs, si l’on s’en tient<br />

aux critères traditionnels d’insertion<br />

mentionnés ci-dessus, il s’avère<br />

que beaucoup de jeunes enseignants<br />

ne sont pas encore insérés<br />

après nombre d’années de travail et<br />

que certains ne le seront peut-être<br />

jamais avant l’âge de la retraite<br />

(comme l’insinuait l’un des interviewés).<br />

Bref, les résultats détaillés<br />

de la recherche (Mukamurera,<br />

1998) permettent de dire que l’insertion<br />

est aujourd’hui un processus<br />

« ouvert » en amont et en aval,<br />

dont on ne peut fixer a priori et<br />

pour tout le monde ni le moment de<br />

début et de fin ni la <strong>du</strong>rée, à moins<br />

de redéfinir le concept même d’insertion<br />

et d’y intro<strong>du</strong>ire des dimensions<br />

plus souples et adaptées aux<br />

nouvelles réalités <strong>du</strong> marché et des<br />

acteurs en présence.<br />

Les cinq phénomènes présentés<br />

expriment, au fond, les transformations<br />

profondes qui ont marqué la<br />

carrière de l’enseignant ou de l’enseignante<br />

à partir <strong>du</strong> début des<br />

années 80 (Lessard et Tardif, 1996 ;<br />

Lessard, Perron et Bélanger, 1991 ;<br />

Bousquet, 1990 ; Conseil des universités,<br />

1986). Alors que dans les<br />

décennies précédentes, les nouveaux<br />

enseignants pouvaient mener<br />

leur carrière selon un processus<br />

relativement connu et linéaire (formation,<br />

recherche d’emploi, obtention<br />

d’un emploi, probation, permanence),<br />

les nouvelles générations<br />

d’enseignants des années 80 et 90<br />

sont victimes de l’effondrement de<br />

ce modèle d’insertion. En s’engageant<br />

dans la recherche d’un emploi<br />

en enseignement, elles entrent en<br />

quelque sorte dans un long labyrinthe<br />

professionnel dont les méandres<br />

sont autant de défis pour elles. En<br />

effet, même si les rangs des enseignants<br />

permanents commencent à<br />

s’ouvrir à la suite des nombreuses<br />

retraites, il n’en reste pas moins<br />

que les nombreux enseignants à<br />

statut précaire travaillant dans les<br />

commissions scolaires depuis des<br />

années, viendront occuper la plupart<br />

des postes permanents qui<br />

deviendront vacants, tandis que de<br />

nouveaux diplômés connaîtront à<br />

leur tour une « insertion précaire ».<br />

D’ailleurs, selon des données<br />

récentes (CMEC, 1998 ; Statistique<br />

Canada, 1998), la précarité en<br />

enseignement demeurera encore<br />

pour quelques années une réalité<br />

importante au <strong>Québec</strong> et au Canada<br />

en général, ce qui continuera de<br />

rendre difficile la phase d’insertion<br />

des jeunes profs.<br />

L’HISTORICITÉ<br />

DES TRAJECTOIRES<br />

Les trajectoires de jeunes profs ne<br />

sont pas linéaires, certes, mais cela<br />

n’est pas synonyme d’absence de<br />

régularités. En réalité, ce phénomène<br />

ne signifie pas que les enseignants<br />

font constamment <strong>du</strong> surplace, en<br />

recommençant perpétuellement les<br />

mêmes activités ou en refaisant toujours<br />

les mêmes expériences. En<br />

d’autres mots, la non-linéarité des<br />

trajectoires n’implique pas forcé-<br />

Vie pédagogique 111, avril-mai<br />

1999<br />

ment l’absence de progression et<br />

d’amélioration dans le statut, les<br />

conditions de travail et les liens<br />

d’emploi.<br />

À ce sujet, les analyses de cas effectuées<br />

montrent qu’il y a une amélioration<br />

progressive dans la situation<br />

de l’emploi au fur et à mesure que<br />

s’allonge le processus d’insertion.<br />

<strong>Ce</strong>tte amélioration progressive suit<br />

grosso modo la trame suivante :<br />

• période d’attente avant le premier<br />

contrat ;<br />

• suppléances dans différentes écoles<br />

<strong>du</strong> système scolaire québécois,<br />

accompagnées parfois d’emplois<br />

de transition en dehors des milieux<br />

scolaires ou dans d’autres provinces<br />

canadiennes ;<br />

• passage de la suppléance occasionnelle<br />

à la situation de travail<br />

avec contrats ;<br />

• premiers contrats, généralement<br />

de très courte <strong>du</strong>rée ;<br />

• puis, progressivement, contrats à<br />

temps partiel de plus en plus<br />

substantiels et travail toute l’année<br />

scolaire ;<br />

• enfin, possibilité croissante<br />

d’obtenir un contrat à temps plein<br />

dans sa commission scolaire,<br />

après un laps de temps variant de<br />

deux à sept années de travail à<br />

statut précaire.<br />

<strong>Ce</strong>tte trame — dégagée par in<strong>du</strong>ction<br />

des analyses de cas — ne correspond<br />

pas à une suite d’étapes<br />

naturelles ou logiques emboîtées<br />

les unes dans les autres. Il ne s’agit<br />

pas, à proprement parler, d’un<br />

modèle d’insertion, car tous les<br />

enseignants ne suivent pas forcément<br />

cette trame, certains d’entre<br />

eux restent cantonnés à certaines<br />

activités et statuts, d’autres ne se<br />

rendent jamais à l’étape finale, ou<br />

encore, pour des raisons de survie,<br />

d’autres font des va-et-vient entre<br />

l’enseignement et d’autres occupations.<br />

Processus non linéaires, les<br />

trajectoires des jeunes profs sont<br />

toutefois porteuses, à travers le<br />

temps, à travers l’engagement et<br />

l’action des acteurs, d’une historicité,<br />

c’est-à-dire de la structuration<br />

continuelle <strong>du</strong> présent à partir des<br />

actions et des événements passés.<br />

<strong>Ce</strong>tte historicité des trajectoires se<br />

révèle à travers les trois ordres de<br />

phénomènes qui suivent :<br />

Propriété cumulative des actions<br />

d’insertion : Nos données<br />

indiquent que les jeunes profs ne<br />

sont pas et ne restent pas passifs ;<br />

au contraire, ils agissent, prennent<br />

PÉDAGOGIQUE 25<br />

<strong>DOSSIER</strong>

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