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DOSSIER Ce - Gouvernement du Québec

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<strong>DOSSIER</strong><br />

LE RAPPORT DES ENSEIGNANTS À LEUR FORMATION<br />

Michel Carbonneau 10 résume ainsi<br />

les données de nombreuses enquêtes<br />

effectuées auprès d’enseignants.<br />

De manière assez générale,<br />

les enseignants d’expérience se<br />

considèrent comme compétents et<br />

autonomes. Ils valorisent très peu<br />

leur propre formation, attribuant<br />

leur valeur professionnelle à leur<br />

expérience, à leur travail et à leur<br />

talent personnel. Ils hésitent à<br />

reconnaître l’utilité <strong>du</strong> perfectionnement<br />

mais souhaitent contribuer<br />

à la formation de la relève. Pour le<br />

nouvel enseignant, s’ajoute donc<br />

aux difficultés inhérentes au développement<br />

de son habitus professionnel<br />

le peu de considération des<br />

praticiens <strong>du</strong> milieu pour la formation<br />

qu’il a reçue. Il est facile<br />

d’imaginer ce que ressent un enseignant<br />

débutant, par moments maladroit,<br />

à l’occasion en dissonance<br />

cognitive avec les manières de faire<br />

des enseignants en place, qui veut<br />

se faire admettre par le groupe, se<br />

faire reconnaître, qui a besoin de se<br />

prouver qu’il est à la hauteur. On ne<br />

saurait prendre à la légère son sentiment<br />

d’impuissance, sa frustration,<br />

sa perte d’illusions.<br />

Des savoirs conçus par d’autres<br />

qu’il a tenté de s’approprier, l’enseignant<br />

passe à une démarche de<br />

connaissance de son métier à partir<br />

de son action dans une situation<br />

réelle. Il a la désagréable impression<br />

qu’on ne lui a pas enseigné<br />

l’essentiel, qu’il doit tout apprendre<br />

par lui-même, alors qu’il a reçu une<br />

longue formation et qu’il a des collègues<br />

expérimentés tout autour de<br />

lui. Il lui faudra bâtir les rapports<br />

entre la théorie et sa propre pratique.<br />

En situation de survie, on<br />

observe fréquemment un retour aux<br />

images d’enseignants antérieures à<br />

la formation, aux modèles connus<br />

comme élève. Tout cela nuancé par<br />

l’euphorie d’être enfin en situation<br />

de responsabilité dans son métier.<br />

Le secteur de l’enseignement connaît<br />

un mouvement de professionnalisation<br />

qui s’exprime par une<br />

réforme des programmes de formation<br />

initiale, par une conception<br />

plus collégiale <strong>du</strong> travail des enseignants<br />

et une forme d’interdépendance<br />

professionnelle. Ainsi que<br />

l’écrit Huberman 8 : « En grande<br />

partie, le professionnalisme con-<br />

La formation, c’est aussi la construction<br />

gra<strong>du</strong>elle d’une identité d’enseignant.<br />

Elle consiste, selon Christiane<br />

Gohier 11 , en l’image que l’on se<br />

fait de son travail, de ses responsabilités,<br />

de ses rapports aux élèves et aux<br />

collègues, ainsi que de son sentiment<br />

d’appartenance aux institutions. Elle<br />

repose à la fois sur un sentiment progressif<br />

de maîtrise dans l’exercice de<br />

son rôle et sur des confirmations<br />

objectives de cette maîtrise de la part<br />

de la communauté. Que lui renvoie sa<br />

pratique sur l’image qu’il a de luimême<br />

comme enseignant ? Doit-il se<br />

conformer à ce qui existe autour de<br />

lui ou est-il en mesure de garder sa<br />

propre vision, que l’on qualifiera<br />

d’idéalisée ? La socialisation se caractérisant<br />

par un sentiment d’appartenance<br />

à son groupe professionnel, les<br />

rapports <strong>du</strong> nouvel arrivant avec les<br />

enseignants expérimentés auront des<br />

conséquences très importantes sur<br />

tout le processus, tant sur l’initiation<br />

à la culture <strong>du</strong> milieu que sur la conversion<br />

identitaire.<br />

Des critiques sont formulées, non<br />

sans fondement, relativement à la formation<br />

initiale. De manière générale,<br />

on se plaint de l’absence d’une formation<br />

pratique qui permettrait la<br />

construction d’un répertoire de routines<br />

progressivement plus complexes,<br />

dans des situations progressivement<br />

plus exigeantes. Telle qu’elle est trop<br />

souvent conçue, la formation s’appuie<br />

sur une vision de changement de la<br />

pratique de l’enseignement, se basant<br />

sur les données les plus récentes de<br />

la recherche, faisant en sorte que les<br />

débutants se retrouvent en conflit<br />

avec leurs collègues plus expérimentés.<br />

Elle néglige alors tout le volet de<br />

la socialisation. De plus, une formation<br />

parfois non contextualisée ne<br />

prépare pas suffisamment le débutant<br />

à la réalité de la classe. D’autant plus<br />

que, contrairement aux autres professions,<br />

tous les étudiants en formation<br />

à l’enseignement ont pu se faire<br />

siste moins en un statut acquis<br />

(niveau de formation, absence de<br />

supervision, degré ré<strong>du</strong>it de codification<br />

des tâches) qu’en une<br />

attitude vis-à-vis de soi-même et<br />

de ses collègues. [...] car être un<br />

professionnel, c’est aussi être<br />

conscient des fonctions de<br />

l’ensemble et participer à sa gestion,<br />

ne pas se contenter de faire<br />

depuis longtemps une idée <strong>du</strong> métier,<br />

l’ayant connu à titre d’élèves.<br />

Rendre la formation initiale responsable<br />

de toutes les difficultés <strong>du</strong> débutant<br />

révèle une conception très<br />

technique de la formation : c’est l’université<br />

qui détiendrait les savoirs, et<br />

les compétences devraient être déjà<br />

acquises pendant la formation initiale.<br />

Plutôt que de considérer la formation<br />

comme inappropriée, Simone<br />

Baillauquès et Édouard Breuse 12<br />

avancent l’hypothèse d’un besoin de<br />

distanciation à l’égard de sa formation<br />

chez le débutant, qui veut pouvoir<br />

adhérer aux opinions des collègues,<br />

faire partie <strong>du</strong> groupe.<br />

Dans certains pays, en France et aux<br />

États-Unis par exemple, il est possible<br />

d’obtenir un poste d’enseignant sans<br />

avoir reçu de formation au préalable.<br />

Des études comparatives ont permis<br />

de constater que les enseignants qui<br />

avaient reçu une formation étaient<br />

plus critiques que leurs collègues non<br />

formés avant leur entrée en fonction,<br />

plus conscients de leur responsabilité,<br />

plus exigeants à l’égard des équipes<br />

en place. Ils envisagent des solutions<br />

de façon plus argumentée, souhaitent<br />

davantage de formation continue. Le<br />

rejet de la formation ne serait donc<br />

peut-être que provisoire et apparent.<br />

De manière générale, le débutant est<br />

vu comme un pro<strong>du</strong>it fini, et l’apprentissage<br />

de l’enseignement est<br />

considéré comme terminé après la<br />

formation initiale. Le caractère<br />

indéterminé des situations d’enseignement<br />

devrait con<strong>du</strong>ire à adopter<br />

une vision plus développementale de<br />

la formation, faisant de l’entrée dans<br />

la profession la suite plutôt que la fin<br />

de l’apprentissage de l’enseignement.<br />

La conception de l’aide au moment de<br />

l’insertion ne serait alors pas celle de<br />

mesures correctives à l’égard de ce<br />

qui n’a pas été bien fait auparavant,<br />

mais une étape particulière de la formation,<br />

si possible en continuité avec<br />

la formation initiale qui a précédé.<br />

son travail dans son coin. » Ainsi,<br />

professionnaliser l’enseignement<br />

signifie :<br />

• hausser le niveau de formation à<br />

l’entrée dans la carrière ;<br />

• faire participer les enseignants à<br />

la formalisation des savoirs de la<br />

pratique et à la définition d’un<br />

référentiel des compétences<br />

nécessaires à l’exercice ;<br />

• relever le niveau indivi<strong>du</strong>el de<br />

compétence des enseignants par<br />

la formation continue ;<br />

• engager les professionnels euxmêmes<br />

dans une démarche de<br />

responsabilisation à l’égard de<br />

leurs collègues, particulièrement<br />

dans la formation et l’insertion<br />

des nouveaux.<br />

Claude Lessard et Raymond Bourdoncle<br />

9 font de l’engagement des<br />

enseignants dans la formation de<br />

leurs futurs collègues un impératif<br />

identitaire visant à la socialisation<br />

professionnelle de ces derniers. Les<br />

praticiens de l’enseignement doivent<br />

avoir un droit de regard sur la formation<br />

donnée et jouer un rôle de<br />

médiateur entre la théorie et la pratique,<br />

étant directement touchés par<br />

la formalisation des savoirs d’expérience<br />

qui sont à la base de leur<br />

métier. <strong>Ce</strong>tte réforme exige une<br />

transformation des rôles traditionnellement<br />

assumés par les enseignants<br />

en exercice dans la formation<br />

de leurs futurs collègues et<br />

dans l’insertion des nouveaux.<br />

QUELLES LEÇONS TIRER<br />

D’EXPÉRIENCES RÉCENTES<br />

DE SOUTIEN À L’INSERTION ?<br />

Longtemps négligée, la période d’entrée<br />

dans la carrière de l’enseignement<br />

a fait récemment l’objet d’expérimentation<br />

de diverses formes<br />

de soutien. La plus répan<strong>du</strong>e est<br />

l’accompagnement <strong>du</strong> débutant par<br />

un enseignant d’expérience, ce que<br />

l’on appelle souvent le mentorat.<br />

D’autres mesures ont également été<br />

expérimentées avec succès, tels des<br />

réseaux d’entraide et des groupes<br />

de discussion de jeunes enseignants.<br />

DÉTERMINATION DES BESOINS<br />

PARTICULIERS DURANT LA PÉRIODE<br />

D’INSERTION PROFESSIONNELLE<br />

Les nouveaux arrivants veulent s’intégrer<br />

au groupe d’enseignants, être<br />

reconnus et apporter leur contribution<br />

au milieu. Comme tout milieu<br />

de travail, une école a ses propres<br />

règles, pas toujours explicites, d’où<br />

une source potentielle de difficulté<br />

pour la socialisation de ceux qui<br />

entrent en fonction. <strong>Ce</strong>s derniers<br />

ont en premier lieu un grand besoin<br />

d’information pour devenir rapidement<br />

capables de remplir leur<br />

fonction : quel matériel pédagogique<br />

est utilisé dans cette école ?<br />

Y a-t-il déjà une répartition de la<br />

matière ? Quelles sont les façons<br />

VIE 14 Vie pédagogique 111, avril-mai<br />

1999

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