Alternatives : Var et Alpes-Maritimes Alternatives - Silence
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Marie Clem’s<br />
Détails de la maison de Villeneuve-Loub<strong>et</strong> construite par Guy Rottier dans les années 60.<br />
un renforcement de la ligne électrique.<br />
Cinquième refus… le commanditaire<br />
abandonne le proj<strong>et</strong> (4). Guy Rottier a<br />
compris que pour avoir des gros marchés<br />
sur la Côte-d’Azur, il faut faire partie de<br />
certains réseaux. Ce n’est pas son cas.<br />
Travail prospectif<br />
En 1970, il accepte un poste d’enseignant<br />
à Damas (Syrie) <strong>et</strong> ferme son<br />
bureau de Nice. Avec l’architecte syrien<br />
Youssef Abouhadid, il collabore à certaines<br />
réalisations, notamment un stade.<br />
Il commence à organiser des expositions<br />
sur les aspects théoriques de l’architecture.<br />
En 1978, il part enseigner au Maroc, à<br />
l’Ecole nationale, <strong>et</strong> intervient dans la<br />
construction de la commune de Touargas<br />
à Rabat, le quartier royal.<br />
En 1988, il prend sa r<strong>et</strong>raite <strong>et</strong> revient<br />
dans l’arrière-pays niçois. Il s’installe au<br />
Belvédère dans la vallée de la Vésubie, où<br />
il a hérité d’une p<strong>et</strong>ite maison familiale. Il<br />
continue alors ses recherches <strong>et</strong> développe<br />
de nombreux aspects prospectifs extrêmement<br />
imaginatifs. Il est surtout connu<br />
pour ces travaux-là <strong>et</strong> a fait l’obj<strong>et</strong> d’une<br />
centaine d’expositions dans le monde. Il<br />
se considère alors plus comme artiste que<br />
comme architecte, ce qui lui vaut d’être<br />
invité à rejoindre l’Ecole de Nice, une<br />
école de peintres <strong>et</strong> de plasticiens (5). Il<br />
se lie d’amitié avec d’autres originaux de<br />
l’architecture au niveau local : Jacques<br />
Rougerie qui développe des cités sousmarines,<br />
Antti Lovag qui construit des<br />
maisons en forme de coupoles juxtapo-<br />
sées, ou encore Thierry Valfort, un designer<br />
qui utilise des pièces métalliques<br />
provenant du démontage d’appareils militaires<br />
ou d’avions (6).<br />
Les Conspiratifs<br />
Consterné par le développement des<br />
résidences tout au long de la côte, avec un<br />
style architectural de plus en plus décadent<br />
<strong>et</strong> stéréotypé, Guy Rottier s’interroge<br />
sur la législation en vigueur : pourquoi<br />
celle-ci perm<strong>et</strong>-elle aux Bâtiments de<br />
France d’interdire les proj<strong>et</strong>s les plus<br />
créatifs, alors qu’elle perm<strong>et</strong> de saupoudrer<br />
les collines provençales d’une peste<br />
de villas désuètes ? A la suite d’une conférence<br />
de Guy Rottier au musée d’Art<br />
moderne <strong>et</strong> d’Art contemporain de Nice,<br />
le 18 janvier 1996, plusieurs personnes<br />
lancent le 12 mars de la même année, Les<br />
Conspiratifs, un groupe qui revendique le<br />
droit de libre expression en architecture.<br />
Pour cela, le groupe demande précisément<br />
l’abolition de l’article 4, paragraphe<br />
4, de la loi SRU (Solidarité <strong>et</strong> renouvellement<br />
urbain) ainsi rédigé : “déterminer<br />
des règles concernant l’aspect extérieur<br />
des constructions, leurs dimensions <strong>et</strong><br />
l’aménagement de leurs abords afin de<br />
contribuer à la qualité architecturale <strong>et</strong> à<br />
l’insertion harmonieuse des constructions<br />
dans le milieu environnant”. Ils estiment<br />
que ce texte anéantit de fait toute volonté<br />
de faire quelque chose d’original, <strong>et</strong> par là<br />
même stérilise toute démarche novatrice<br />
en architecture, donc tout progrès pour le<br />
futur. L’architecture étant à la fois art <strong>et</strong><br />
SILENCE N°342 15<br />
Janvier 2007<br />
technique, la loi se doit de définir les<br />
techniques <strong>et</strong> leurs limites, mais ne doit<br />
pas réglementer l’art. Ils espèrent ainsi<br />
dénoncer non seulement la standardisation<br />
dans la construction, mais aussi l’utilitarisme<br />
<strong>et</strong> la marchandisation à outrance.<br />
Et de citer Antoine de Saint-Exupéry :<br />
“Il ne faut pas soum<strong>et</strong>tre celui qui crée<br />
aux souhaits de la multitude, car c’est la<br />
création qui doit devenir le souhait de la<br />
multitude”.<br />
Commence alors un long travail de<br />
contacts dans les milieux artistiques <strong>et</strong><br />
professionnels. Plus de 300 personnes<br />
sont ainsi avisées. Si les artistes signent<br />
l’appel relativement facilement, il en est<br />
tout autrement dans le milieu des architectes.<br />
Beaucoup ont peur des conséquences<br />
possibles pour leur carrière. Ils<br />
Marie Clem’s<br />
(4) La maqu<strong>et</strong>te est aujourd’hui visible au FRAC-<br />
Centre d’Orléans, le seul FRAC (Fonds régional d’art<br />
contemporain) à avoir développé une collection<br />
autour de l’architecture prospective.<br />
(5) L’Ecole de Nice regroupe des artistes autour des<br />
critères suivants : faire ou avoir fait une partie significative<br />
de son travail à Nice ou dans sa région ; se<br />
tenir distant de tout académisme, de toute convention<br />
; s’inscrire dans une problématique contemporaine<br />
; être initiateur <strong>et</strong> non suiveur d’un mouvement.<br />
Dans les années 50, on y trouve par exemple<br />
Niki de Saint-Phalle, Arman, Raysse <strong>et</strong> Klein (nouveau<br />
réalisme), dans les années 60, George Brecht,<br />
Filliou, Erebo, Alocco, Serge III <strong>et</strong> Ben (mouvement<br />
Fluxus), dans les années 70, Viallat, Charvolen,<br />
Chacallis, Isnard, Maccaferri, Miguel. Depuis la fin<br />
des années 80, l’Ecole de Nice se renouvelle moins…<br />
laissant place à d’autres collectifs d’artistes.<br />
(6) Les quatre ont fait l’obj<strong>et</strong> d’une exposition intitulée<br />
“Vivre autrement”, au château de Tour<strong>et</strong>tes-sur-<br />
Loup (<strong>Alpes</strong>-<strong>Maritimes</strong>), en février 2006. Le catalogue<br />
de l’exposition vaut le détour. Il est en vente<br />
(10 €) aux Editions Gil<strong>et</strong>ta, 5, rue Michel-Ange,<br />
06000 Nice.