Giannada 48pp (juin 2005) (Page 1)
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Le vase clos de l’enfance<br />
LE PEINTRE DES ENFANTS ET DES CHAMBRES<br />
■ Très tôt, les scènes quotidiennes,<br />
familières, ont la prédilection<br />
de Balthus. Jeunes femmes<br />
à leur toilette, scènes<br />
d’intérieur, ces sujets si souvent<br />
développés par les peintres des<br />
siècles précédents attirent l’attention<br />
par leurs détails étranges et<br />
leur érotisme calculé. En 1933, il<br />
peint «Alice dans le miroir» où<br />
une jeune femme à moitié dénudée<br />
a posé son pied sur une<br />
chaise, mettant en évidence son<br />
sexe nu. De la même année date<br />
«La fenêtre», peinte dans son<br />
premier atelier, rue de Fürstenberg,<br />
un atelier prêté par l’architecte<br />
chaux-de-fonnier Jeanneret,<br />
cousin de Le Corbusier. Il imagine<br />
un stratagème pour effrayer<br />
son jeune modèle, souligne son<br />
expression terrorisée et la pose en<br />
«Thérèse rêvant», huile sur toile 1938 150 x 130. The Metropolitan Museum of Art,<br />
Jacques et Natasha Gelman coll. 1998. © Metropolitan Museum Of Art<br />
Le 1 er septembre 2008, Camille Viéville donnera une conférence à 20 heures à la<br />
Fondation sur le thème: L’art de Balthus.<br />
déséquilibre devant une fenêtre<br />
ouverte. Quelques années plus<br />
tard, Balthus retravaille son<br />
tableau et représente la jeune fille<br />
le sein dénudé, dans un décor à<br />
l’atmosphère menaçante. Balthus<br />
cristallise ce thème, entre innocence<br />
et érotisme, dans sa<br />
«Leçon de guitare» en 1934.<br />
Peint pour être le clou de sa première<br />
exposition, organisée à<br />
Paris par Pierre Matisse, le fils du<br />
peintre, la «Leçon de guitare» a<br />
tout de suite fait couler beaucoup<br />
d’encre. Il a été ce coup d’éclat<br />
qui permit au peintre de percer<br />
une première fois «l’indifférence»<br />
de ses contemporains.<br />
Très rapidement aussi, ce tableau<br />
a été lu à la lumière de la symbolique<br />
freudienne.<br />
Quelques années s’écoulent jusqu’à<br />
ce «Thérèse rêvant». Thérèse<br />
Blanchard habitait à proxi-<br />
mité de l’artiste, installé cour de<br />
Rohan. Dans ces années 1936 à<br />
1939, les portraits du jeune<br />
modèle se succèdent, «Thérèse<br />
rêvant» en 1938, «Thérèse au<br />
fauteuil» la même année (Metropolitan<br />
Museum of Art), puis plusieurs<br />
portraits et un grand «Thérèse<br />
sur une banquette» en 1939.<br />
Avant «Thérèse rêvant», il y a eu<br />
d’autres jeunes filles au chat, des<br />
pré-adolescentes saisies dans<br />
cette position rêveuse, à l’intimité<br />
déconcertante. Le peintre se<br />
concentre sur des mondes clos, il<br />
capte la gravité de l’enfance, «cet<br />
instant où l’enfance oscille entre<br />
innocence et fantasmes sexuels,<br />
entre rêves et réalité.»* VR<br />
*Sabine Rewald «Balthus, le temps<br />
suspendu», Actes Sud, 2008.<br />
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