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Giannada 48pp (juin 2005) (Page 1)

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«L’érotisme est dans l’œil<br />

de celui qui regarde»<br />

«TOUTES MES FIGURES FÉMININES SONT DES ANGES» BALTHUS<br />

■<br />

On sait la passion de Balthus<br />

pour cet animal énigmatique<br />

auquel il s’est identifié. Le<br />

chat apparaît très souvent sous<br />

son pinceau, depuis Mitsou dont<br />

il dessine l’histoire en 1921 à<br />

l’âge de 13 ans, en passant par<br />

«Thérèse rêvant», jusqu’au<br />

«Lever» peint après le départ de<br />

Balthus de Rome et son installation<br />

dans le canton de Vaud. «Le<br />

lever» réunit une jeune fille nue,<br />

un chat et un oiseau. De là à<br />

appeler un chat un chat, il y a un<br />

pas que «Le roi des chats» ne<br />

franchira pas.<br />

Un dernier malentendu, l’érotisme<br />

des adolescentes peintes et<br />

dessinées par Balthus? Le peintre<br />

a en effet souvent contesté cette<br />

lecture. Sauf pour «La leçon de<br />

guitare» dont l’érotisme étrange<br />

Le Lever, h/t, 1975-1978, 169 x 159, C.P. © ProLitteris Zürich<br />

et violent, reflet de l’ambiance de<br />

l’entre-deux-guerres, est parfaitement<br />

voulu. En 1934, Balthus a<br />

26 ans et manque cruellement<br />

d’argent. Il veut «percer l’indifférence»<br />

de ses contemporains<br />

comme il l’explique dans une lettre<br />

à Antoinette de Watteville, sa<br />

fiancée. «La leçon de guitare»<br />

veut déranger: «Il faut aujourd’hui<br />

hurler très fort si l’on veut<br />

se faire entendre». Ces provocations<br />

seront bientôt oubliées pour<br />

une sensualité adoucie, traduite<br />

dans des formes toujours plus<br />

simples, sculptées par la lumière<br />

du jour. La provocation laisse la<br />

place à d’autres considérations.<br />

Dans les dernières années de sa<br />

vie, le peintre évoquera dans plusieurs<br />

entretiens sa prédilection<br />

pour les jeunes filles observées à<br />

l’orée de la puberté: «Finalement<br />

je cherche depuis toujours à restituer<br />

le caractère divin de la vie<br />

et du monde familier. Ce qu’il y a<br />

d’émouvant, de sensuel aussi,<br />

dans l’éveil des choses et des<br />

êtres», dira-t-il à la critique d’art<br />

Françoise Jaunin*. «Je ne peins<br />

pas de scène biblique, mais je<br />

peins des anges. Toutes mes figures<br />

féminines sont des anges, des<br />

apparitions. Les gens pensent<br />

que c’est de l’érotisme. C’est<br />

parfaitement absurde. Ma peinture<br />

est essentiellement et profondément<br />

religieuse.» Les anges de<br />

Balthus, à la beauté suspendue,<br />

ce sont ces très jeunes filles qu’il<br />

fait poser longuement dans ses<br />

ateliers. Elsa à Paris, Colette, la<br />

fille du maçon de Chassy, Katia<br />

et Michelina à Rome étaient certainement<br />

inconscientes de ce<br />

que Balthus cherchait à capter<br />

lors de très longues séances de<br />

pose. Certaines comprendront<br />

bien plus tard, frappées par la<br />

sensualité inconsciente de leurs<br />

portraits: «Je crois que ce sont<br />

des moments particuliers, des<br />

moments qu’on ne vit qu’à cet<br />

âge-là»**. VR<br />

*Françoise Jaunin, La méditation d’un promeneur<br />

solitaire de la peinture, Bibliothèque<br />

des arts, 2001.<br />

**Témoignage de Michelina dans «Balthus,<br />

Portraits privés», Noir sur Blanc, 2008.<br />

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