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Giannada 48pp (juin 2005) (Page 1)

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La rue est un théâtre<br />

BALTHUS ABOLIT LA FRONTIÈRE ENTRE RÊVE ET RÉALITÉ<br />

■<br />

Alors qu’il a commencé à peindre<br />

encore enfant - son premier<br />

tableau daterait de ses 13 ans -<br />

Balthus ne laissait à sa mort, à 93<br />

ans, que trois cents tableaux. Dix<br />

fois moins que Picasso. Il y a à<br />

cela plusieurs explications. Balthus<br />

peignait lentement, avec une<br />

volonté de perfection qui lui faisait<br />

souvent reprendre ses<br />

tableaux. «La rue» est son premier<br />

chef-d’œuvre, dans le sens<br />

que les artisans avaient donné à ce<br />

mot et qui convient bien à Balthus<br />

qui se considérait lui-même<br />

comme un artisan. Avec «La rue»,<br />

Balthus pose aussi les bases d’un<br />

vocabulaire et d’un univers qui se<br />

construira par répétition et par<br />

approfondissement tout au long<br />

de sa vie: «Les peintres modernes<br />

cherchent avant tout à s’exprimer<br />

La Rue, huile sur toile, 1933, 195 x 240 cm,<br />

The Museum of Modern Art, New York. © Metropolitan Museum Of Art/Scala, Florence<br />

eux-mêmes, alors que moi, je<br />

cherche à exprimer le monde.»<br />

Balthus polit la leçon des anciens.<br />

Héritier de Cézanne, il se souvient<br />

de Poussin, de Masaccio et de<br />

Piero della Francesca, «tous peintres<br />

qui atteignent à une fermeté<br />

de construction dans un alliage<br />

subtil de rigueur et légèreté». A<br />

leur contact, Balthus met au point<br />

sa «géométrie personnelle». «La<br />

rue» obéit à une stricte perspective.<br />

Balthus dépeint une rue<br />

réelle, la rue Bourbon-le-Château<br />

à Paris. Il la peuple de personnages<br />

imaginaires. Les deux adultes<br />

sont inspirés de Piero della Francesca.<br />

Les autres sont des enfants<br />

qui feraient plutôt allusion à des<br />

héros d’Alice au pays des merveilles:<br />

la fillette à gauche serait<br />

Alice, agrippée par Tweedledum.<br />

Balthus avait construit son tableau<br />

sur des principes mathématiques.<br />

Il devait être le «manifeste d’une<br />

attitude plastique».<br />

En 1952, Balthus reprend le<br />

thème de la rue avec «Le passage<br />

du commerce Saint-André», une<br />

grande huile qui marque un nouveau<br />

temps fort dans son œuvre.<br />

Il dépeint exactement le passage<br />

sur lequel ouvrait son atelier, cour<br />

de Rohan. L’atmosphère est à la<br />

fois plus douce et plus lumineuse,<br />

la palette privilégie les tons de<br />

terre, avec des touches de bleu et<br />

de jaune, les couleurs ont gagné<br />

en transparence: «Une couleur<br />

n’existe jamais que dans son rapport<br />

aux autres couleurs»,<br />

explique Balthus. Tout paraît simple<br />

et limpide, dans la forme<br />

comme dans l’expression: «Au<br />

bout du compte toute chose peinte<br />

est une abstraction.... Le grand<br />

art est toujours simplificateur.<br />

Voyez Cézanne.» Condensé des<br />

souvenirs d’enfance du peintre,<br />

illustration du passage de l’enfance<br />

à l’adolescence, «Le Passage»<br />

serait aussi une allégorie<br />

des trois âges «avec sa petite fille<br />

qui joue à la poupée, l’adulte (le<br />

peintre) qui s’éloigne et la vieille<br />

femme qui traverse la rue»*. VR<br />

*Jean Clair «Le sommeil de cent ans», Balthus,<br />

catalogue raisonné de l’œuvre complet, 1999.<br />

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