La commission marocaine de vérité - Human Rights Watch
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<strong>de</strong>s ONG <strong>de</strong> droits humains est d’élaborer <strong>de</strong>s dossiers bien ficelés pour<br />
faire pression sur la justice et obliger ainsi l’Etat à répondre <strong>de</strong> manière<br />
sérieuse.<br />
Cette affirmation, si elle est vraie dans une acceptation générale, minimise l’absence<br />
d’indépendance <strong>de</strong> la justice <strong>marocaine</strong>. Bien que la constitution garantisse<br />
l’indépendance <strong>de</strong> la justice par rapport à l’exécutif et au législatif (article 82), il est<br />
permis <strong>de</strong> douter <strong>de</strong> l’impartialité <strong>de</strong>s tribunaux dans les affaires <strong>de</strong>s violations graves à<br />
caractère politique, en particulier quand elles impliquent <strong>de</strong>s responsables toujours en<br />
fonction. Le système judiciaire a, dans ce type d’affaires, immanquablement privé les<br />
accusés <strong>de</strong> procès équitables. Aujourd’hui, quand le plaignant est un journaliste<br />
provocateur ou un présumé militant islamiste, il a peu <strong>de</strong> chance <strong>de</strong> bénéficier d’un<br />
jugement indépendant fondé sur les faits. <strong>La</strong> même impression ressort dans la manière<br />
dont les tribunaux ont classé <strong>de</strong>s dossiers en relation avec les exactions passées, et ce,<br />
même si leur nombre reste infime.<br />
L’un <strong>de</strong> ces cas concerne l’enlèvement du lea<strong>de</strong>r <strong>de</strong> l’opposition en exil, Mehdi Ben<br />
Barka. Le 29 octobre 1965, <strong>de</strong>s policiers français agissant sur ordre <strong>de</strong>s services <strong>de</strong><br />
sécurité marocains interceptent le lea<strong>de</strong>r socialiste en pleine rue <strong>de</strong> Paris. Après être<br />
monté dans leur voiture, il n’est plus jamais réapparu. Les autorités <strong>marocaine</strong>s n’ont<br />
jamais i<strong>de</strong>ntifié ou tenu pour responsable les hauts responsables impliqués dans cette<br />
disparition, ou révélés le sort <strong>de</strong> Ben Barka. (Un tribunal français, cependant, a<br />
condamné par contumace le présumé cerveau <strong>de</strong> l’opération, le ministre <strong>de</strong> l’Intérieur <strong>de</strong><br />
l’époque, Mohamed Oufkir). Le 5 juillet 2001, l’Union Socialiste <strong>de</strong>s Forces Populaires<br />
(USFP) a porté plainte pour la « disparition » <strong>de</strong> Ben Barka. Cette plainte a été déposée<br />
après la publication <strong>de</strong>s révélations d’Ahmed Boukhari, un ancien agent <strong>de</strong> la police<br />
secrète, en fonction à Rabat au moment <strong>de</strong> l’enlèvement <strong>de</strong> Ben Barka à Paris. Boukhari<br />
affirme que son service, connu sous le nom <strong>de</strong> « Cab 1 », a organisé son enlèvement et<br />
que Ben Barka a été torturé à mort au cours <strong>de</strong> sa détention. Les agents marocains ont<br />
alors organisé en secret le transfert du corps <strong>de</strong> Ben Barka au Maroc, où il aurait été<br />
dissous dans une cuve d’aci<strong>de</strong>. 33<br />
A ce jour, la plainte <strong>de</strong> l’USFP n’a connu aucune suite. Le juge d’instruction, chargé à<br />
l’origine <strong>de</strong> l’affaire, est mort et son remplaçant vient tout juste d’être nommé. Le<br />
Parquet a quant à lui <strong>de</strong>mandé le rejet <strong>de</strong> la plainte soulignant le manque <strong>de</strong> qualité <strong>de</strong><br />
33 Voir Stephen Smith, Ali Amar et Aboubakr Jamai, « <strong>La</strong> <strong>vérité</strong> sur l’assassinat en France <strong>de</strong> Mehdi Ben<br />
Barka », Le Mon<strong>de</strong>, 30 juin 2001 et « <strong>La</strong> <strong>vérité</strong> sur la « disparition » au Maroc <strong>de</strong> Mehdi Ben Barka », Le<br />
Mon<strong>de</strong>, 1 er juillet 2001. Voir également, Ahmed Boukhari, Le Secret : Ben Barka et le Maroc, un ancien agent<br />
<strong>de</strong>s services spéciaux parle (Paris : Michel <strong>La</strong>fon, 2002).<br />
HUMAN RIGHTS WATCH VOL.17, NO. 11(E) 26