La mère, son bébé et la nourriture - Université de Bourgogne
La mère, son bébé et la nourriture - Université de Bourgogne
La mère, son bébé et la nourriture - Université de Bourgogne
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
Chapitre 3 : L’alimentation au cœur <strong>de</strong>s interactions <strong>mère</strong>-enfant<br />
Comment doit-on appréhen<strong>de</strong>r les interactions alimentaires <strong>mère</strong>-enfant ? <strong>La</strong> scène<br />
alimentaire se produit quotidiennement, au moins toutes les 4h après <strong>la</strong> naissance du <strong>bébé</strong> lors<br />
<strong>de</strong> l‟al<strong>la</strong>itement, puis 3 ou 4 fois par jour lorsque le <strong>bébé</strong> se calque sur le rythme alimentaire<br />
adulte. L‟alimentation est donc un cadre particulièrement privilégié pour observer les<br />
interactions entre <strong>la</strong> <strong>mère</strong> <strong>et</strong> <strong>son</strong> enfant. Il nous semble logique par ailleurs <strong>de</strong> resituer le<br />
contexte théorique <strong>de</strong>s interactions précoces globales <strong>mère</strong>-enfant avant d‟entreprendre<br />
l‟étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s interactions à proprement alimentaires.<br />
1. Rappel sur les interactions précoces<br />
Pour avoir une vision <strong>la</strong>rge <strong>et</strong> plus complète, nous nous propo<strong>son</strong>s <strong>de</strong> survoler l‟évolution du<br />
statut <strong>de</strong> l‟enfant, sa représentation <strong>de</strong>puis l‟Antiquité à nos jours. En eff<strong>et</strong>, l‟enfant n‟a pas<br />
toujours été considéré <strong>de</strong> <strong>la</strong> même façon selon les époques <strong>et</strong> ce<strong>la</strong> joue sans aucun doute sur <strong>la</strong><br />
façon dont les adultes le traitent <strong>et</strong> interagissent avec.<br />
1.1. <strong>La</strong> représentation <strong>de</strong> l‟enfant<br />
Pendant longtemps, l‟enfant a été considéré comme un être passif, sans vie psychique,<br />
subissant les influences <strong>de</strong> <strong>son</strong> environnement <strong>et</strong> centré essentiellement sur <strong>son</strong> activité<br />
d‟alimentation. « Enfant », qui vient du <strong>la</strong>tin « infans » (in, privatif, <strong>et</strong> fari, parler), signifie<br />
chez les Romains « celui qui ne parle pas », ce qui illustre très bien <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> l‟enfant sous<br />
l‟Antiquité, relégué alors au statut <strong>de</strong> « non citoyen ». L‟éducation à c<strong>et</strong>te époque applique<br />
donc une logique <strong>de</strong> dressage <strong>de</strong>s enfants, considérant ces <strong>de</strong>rniers comme <strong>de</strong>s êtres dénués <strong>de</strong><br />
réflexion, <strong>de</strong> logique ou encore d‟intelligence propre. Ils apparaissent avec un esprit vi<strong>de</strong>.<br />
Au contraire, au Moyen Age, le <strong>bébé</strong> est considéré comme un p<strong>et</strong>it homme. Aucune<br />
distinction ne sépare l‟enfant <strong>et</strong> l‟adulte. Aucune tranche d‟âge n‟existe. Le <strong>bébé</strong> ne bénéficie<br />
pas par conséquent <strong>de</strong> protection ou <strong>de</strong> droit spécifique. Il n‟est que rarement séparé <strong>de</strong>s<br />
mœurs <strong>et</strong> activités <strong>de</strong>s adultes <strong>et</strong> rentre très rapi<strong>de</strong>ment dans le mon<strong>de</strong> du travail. Représentant<br />
l‟enfant comme résultat du péché originel <strong>de</strong> ses parents, <strong>la</strong> Chrétienté renforce l‟image <strong>de</strong><br />
l‟enfant comme étant celle d‟un être non réfléchi, p<strong>et</strong>it diable sans intelligence <strong>et</strong> d‟instinct<br />
mauvais. Il est alors l‟équivalent d‟un obj<strong>et</strong>. Respect <strong>et</strong> soumission <strong>son</strong>t exigés <strong>de</strong> l‟enfant.<br />
C‟est à partir du XVIIIème <strong>et</strong> XIXème siècle que l‟enfant commence à avoir un statut à<br />
part entière. L‟apparition <strong>de</strong> <strong>la</strong> conception <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille bourgeoise centrée sur le foyer autant<br />
matériel qu‟affectif où le nourris<strong>son</strong> tient une p<strong>la</strong>ce centrale, change profondément le regard<br />
porté sur le <strong>bébé</strong> <strong>et</strong> les comportements <strong>de</strong>s adultes envers celui-ci. Mais <strong>la</strong> révolution<br />
industrielle <strong>et</strong> le développement du capitalisme transforment l‟enfant en une main d‟œuvre<br />
docile <strong>et</strong> exploitable. Les enfants se r<strong>et</strong>rouvent exploités dans les mines, les forges, les ateliers<br />
<strong>et</strong> les fabriques. Ce n‟est qu‟au milieu du XIXème siècle qu‟apparaît une réelle prise <strong>de</strong><br />
conscience, donnant naissance à une première légis<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> protection <strong>de</strong> l‟enfant au travail.<br />
L‟apparition simultanée d‟une préoccupation éducative étatique, pédagogique <strong>et</strong> cléricale<br />
associée à <strong>la</strong> baisse <strong>de</strong> <strong>la</strong> mortalité enfantine grâce aux progrès <strong>de</strong>s sciences <strong>de</strong> <strong>la</strong> mé<strong>de</strong>cine<br />
perm<strong>et</strong> une évolution considérable du statut <strong>de</strong> l‟enfant. Le XX ème siècle sera ensuite le siècle<br />
<strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l‟enfant.<br />
39