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À la bonne heure !<br />
«Le bonheur n’est pas un état passif, c’est un acte»<br />
selon le philosophe de la joie Robert Misrahi,<br />
inspirateur d’un délicieux objet théâtral, m<strong>en</strong>é par<br />
Alain Timar, Pauline Méreuze et Paul Camus.<br />
Bonheur titre provisoire est une <strong>en</strong>quête ouverte<br />
sur un sujet par nature indéfinissable, une petite<br />
bouffée anti-anxiogène qui nous remplit de s<strong>en</strong>s<br />
et de matières à réflexions. Ni donneurs de leçon,<br />
ni imposteurs, les investigateurs jou<strong>en</strong>t sous leur<br />
propre id<strong>en</strong>tité, nous inclu<strong>en</strong>t dans le mouvem<strong>en</strong>t<br />
d’une forme savoureusem<strong>en</strong>t libre, dress<strong>en</strong>t la<br />
table de leurs interrogations, creus<strong>en</strong>t de façon<br />
détournée dans la p<strong>en</strong>sée philosophique, et<br />
Le bonheur, titre provisoire © De.M.<br />
Le temps de dire<br />
Wajdi Mouawad a la s<strong>en</strong>sation que chacun de<br />
ses spectacles est un animal : Littoral un chi<strong>en</strong>,<br />
Inc<strong>en</strong>dies un cheval, Forêt une hyène, Ciel un boa.<br />
Et Temps ? Peut-être une chauve-souris, dit-il.<br />
Animal crépusculaire, mystique et mystérieux,<br />
bénéfique ou maléfique selon les croyances. Objet<br />
de peur, parfois. D’ailleurs Temps sème l’effroi sur<br />
son passage, détruit le cœur des hommes, ravage<br />
© Vinc<strong>en</strong>t Champoux<br />
s’emploi<strong>en</strong>t à définir les contours, parfois<br />
extrêmes, de cette quête universelle. Si l’ard<strong>en</strong>te<br />
Pauline, la figure dépressive, dévoile un jeu/je<br />
d’une int<strong>en</strong>sité souv<strong>en</strong>t débordante, Paul, le poète,<br />
écoute, tempère, <strong>en</strong>tre doucem<strong>en</strong>t dans la danse<br />
du langage et libère la t<strong>en</strong>sion dramatique. Alain,<br />
passant de l’ombre à la lumière avec un plaisir<br />
manifeste, redéfinit sur une toile géante, à coups<br />
de rouleaux colorés et de coulures vivantes, les<br />
paysages de réflexions, crée des f<strong>en</strong>êtres de<br />
possibles que l’on aimerait <strong>en</strong>core plus<br />
imprévisibles. Un acte de poésie méthodiquem<strong>en</strong>t<br />
désorganisé, où se mêl<strong>en</strong>t aux mots de Claudel,<br />
Koltès et Montaigne,<br />
des témoignages de<br />
zinc délectables : «Le<br />
bonheur, c’est quand tu<br />
te s<strong>en</strong>s vivant et que tu<br />
pr<strong>en</strong>ds consci<strong>en</strong>ce des<br />
petits plaisirs de la vie.»<br />
Ce spectacle <strong>en</strong> est un.<br />
DELPHINE MICHELANGELI<br />
les âmes, provoque le meurtre et sème le chaos.<br />
Le texte dit crûm<strong>en</strong>t l’indicible : deux frères se<br />
r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t dans un village du nord du Québec pour<br />
régler la succession du père qu’ils ne connaiss<strong>en</strong>t<br />
pas ; là, ils découvr<strong>en</strong>t leur sœur, sourde et muette<br />
depuis les viols répétés du père. Temps a le goût<br />
de la douleur et l’odeur de la v<strong>en</strong>geance. Saga<br />
familiale viol<strong>en</strong>te et meurtrière dont la t<strong>en</strong>sion<br />
jamais ne s’éteint, t<strong>en</strong>due comme l’arc de l’archer<br />
qui rythme les scènes et déroule le fil cassé d’une<br />
histoire trop longtemps refoulée. Sauf qu’une fois<br />
les frères réunis, Noëlla pourra tuer le Père…<br />
Imprégné de ses lectures des tragédies grecques,<br />
Mouawad construit la pièce sur les rapports de<br />
force, les non-dits, le sil<strong>en</strong>ce, l’amnésie, la cécité,<br />
l’aveu. Et la parole, à travers un jeu subtil de<br />
«messagers» : l’interprète de la langue des signes<br />
pour Noëlla, l’interprète russe pour Arkady le fils<br />
prodigue élevé <strong>en</strong> Russie. Sans cette parole courtcircuitée,<br />
le texte serait inaudible, d’une viol<strong>en</strong>ce<br />
insupportable. Alors, pour dire ce temps de<br />
souffrances, Mouawad plonge ses acteurs -<br />
magistraux- dans un noir glacial, des v<strong>en</strong>ts<br />
hurlants, du rock, des voilages pudiques, des<br />
hordes de rats… Paralysés, autrefois sans vie sans<br />
voix, à la dérive, ils font corps autour du père<br />
assassiné, espérant un temps de paix possible.<br />
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />
Temps a été donné le 30 mai<br />
au Théâtre de Grasse<br />
Bonheur titre provisoire<br />
a été joué du 22 au 25<br />
mai au théâtre<br />
des Halles, Avignon<br />
Il sera repris p<strong>en</strong>dant<br />
le festival Off d’Avignon,<br />
du 7 au 28 juillet<br />
(relâche le 17)