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O ma Carm<strong>en</strong> !<br />
C’est l’opéra le plus joué au monde, les moindres airs sont <strong>en</strong>trés dans le<br />
domaine populaire, la publicité s’<strong>en</strong> est emparée, les parodies aussi. Mais<br />
l’œuvre semble inépuisable et un nouveau registre lui est apporté par la joyeuse<br />
équipe de l’Incroyable Compagnie. D’opéra-comique l’œuvre de Bizet devi<strong>en</strong>t un<br />
opéra clownesque sous la houlette hilarante de Nicolas Vial. Le monde de la<br />
musique est passé à la moulinette, auditions, professeurs de chant avec leurs<br />
différ<strong>en</strong>tes exig<strong>en</strong>ces, le metteur <strong>en</strong> scène qui cherche à innover coûte que<br />
coûte et ti<strong>en</strong>t un discours fumeux, le chef d’orchestre qui se heurte aux caprices<br />
du metteur <strong>en</strong> scène, des musici<strong>en</strong>s, des chanteurs... Ces derniers, de la diva<br />
aux doublures, sont croqués avec une jolie verve parodique. Tout est épinglé, du<br />
costumier aux figures locales, dans l’esprit d’une commedia dell’arte sans les<br />
masques, avec la petite pique au directeur de l’opéra, un certain Bluzon, qui gère<br />
un nombre invraisemblable de salles... La voix de haute-contre d’Olivier Martin-<br />
Salvan qui ti<strong>en</strong>t avec brio tous les rôles sert avec justesse les différ<strong>en</strong>ts airs,<br />
passant d’une Carm<strong>en</strong> sur dim<strong>en</strong>sionnée à une Michaëla jeune fille innoc<strong>en</strong>te<br />
plus vraie que nature, sans compter Escamillo contraint à lancer son grand air à<br />
la suite d’une desc<strong>en</strong>te digne d’un parcours d’accro-branches… et les cigarières<br />
devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t des «barbapapières» à cause de la campagne anti-tabac! Le piano de<br />
Lucie Deroïan suit avec efficacité ce festival parodique. On rit beaucoup à ce<br />
divertissem<strong>en</strong>t, qui a la grâce de ne jamais se pr<strong>en</strong>dre au sérieux...<br />
MARYVONNE COLOMBANI<br />
du 22 au 26 mai Jeu de Paume Aix-<strong>en</strong>-Prov<strong>en</strong>ce<br />
JEU DE PAUME | L’ESPACE JULIEN | TOULON<br />
Ô Carm<strong>en</strong> © Sebasti<strong>en</strong> Marchal<br />
THÉÂTRE<br />
39<br />
Bison pas ravi<br />
Boris Vian © X-D.R.<br />
Vouloir r<strong>en</strong>dre hommage à Boris Vian dans un<br />
spectacle musical est louable à condition de ne pas<br />
transformer l’exercice <strong>en</strong> caricature. En effet, l’aspect<br />
subversif et provocateur des textes originaux<br />
supporte mal la transcription scénique. Convoquer<br />
pour l’occasion des personnages diversem<strong>en</strong>t<br />
célèbres voire populaires (Ernesto Che Guevara,<br />
H<strong>en</strong>ri Salvador, Patrick Sébasti<strong>en</strong>) ne r<strong>en</strong>d pas<br />
l’<strong>en</strong>treprise plus facile et Jérôme Savary <strong>en</strong> a fait la<br />
démonstration. Cherchant à convaincre son auditoire<br />
et pr<strong>en</strong>ant à parti le public, l’acteur évoluait dans une<br />
mise <strong>en</strong> scène appuyée, et cette relecture un brin<br />
outrancière ressemblait plutôt à un grossier exercice<br />
d’autopromotion familiale aux rel<strong>en</strong>ts populistes de<br />
prime time télévisuel. In fine, ni Vian ni ses textes et<br />
<strong>en</strong>core moins sa musique, malgré la prés<strong>en</strong>ce<br />
sympathique d’un big band au swing calibré, ne sont<br />
sortis auréolés de cette production pourtant au goût<br />
du public.<br />
ÉMILIEN MOREAU<br />
Boris Vian Cap au sud a été joué<br />
au Théâtre Liberté, Toulon<br />
Lesbi<strong>en</strong>ne ?<br />
Seule <strong>en</strong> scène, flanquée d’un mannequin <strong>en</strong> osier<br />
pour seul accessoire, Océanerosemarie nous conte<br />
son parcours chaotique : se révéler lesbi<strong>en</strong>ne reste<br />
un combat contre l’invisibilité. À travers le récit de<br />
ses r<strong>en</strong>contres et déboires sexuels, elle lève le voile<br />
sur un monde dont la plupart n’ont pas idée. Avec un<br />
humour très sarcastique, elle décode les<br />
comportem<strong>en</strong>ts spécifiques de chacune des<br />
catégories LGBT devant un public déjà conquis qui,<br />
par effet miroir, explose irrésistiblem<strong>en</strong>t de rire. Et<br />
pour les autres, les hétéros, elle revisite quelques<br />
clichés pesant sur l’homosexualité féminine… depuis<br />
sa r<strong>en</strong>contre avec des footballeuses jusqu’à la série<br />
télévisée L Word, tout <strong>en</strong> passant par les soirées<br />
«g<strong>en</strong>rées», les hétérophiles anonymes. Accéder à la<br />
visibilité semble le chemin le plus sûr pour changer<br />
les m<strong>en</strong>talités <strong>en</strong>vers une homosexualité qui génère<br />
moins de viol<strong>en</strong>ce que les GBT, mais peine à accéder<br />
à la représ<strong>en</strong>tation… ou à échapper à la<br />
condesc<strong>en</strong>dance. Ainsi elle évoque «Tintin», l’ami des<br />
lesbi<strong>en</strong>nes qui, complaisant, se croit seul capable de<br />
l’acte de pénétration. À glousser de rire !<br />
Oceanerosemarie © Valerie Arch<strong>en</strong>o<br />
Structuré sous la forme d’une série de sketches, le<br />
spectacle perd parfois de son dynamisme par de trop<br />
grandes variations de rythmes, mais souffre aussi<br />
d’un manque d’intimité avec la comédi<strong>en</strong>ne tant la<br />
salle est grande et peu adaptée à une représ<strong>en</strong>tation<br />
théâtrale. Normal, la prestation relève bi<strong>en</strong> du onewoman-show<br />
comique, version intellig<strong>en</strong>te, et<br />
acerbe. Le final, clin d’œil à la population marseillaise<br />
réputée macho, est très drôle mais surtout d’une<br />
vraie finesse : après une belle apologie de la<br />
lesbi<strong>en</strong>ne secrète, elle s’avoue hétérosexuelle et de<br />
ce fait disparaît… nous laissant alors avec la question<br />
toujours posée de l’invisibilité nécessaire. Impérative<br />
même, lorsque l’on veut garder son intégrité et<br />
sauver sa peau dans certaines parties du globe, et<br />
certains milieux, ou métiers.<br />
CLARISSE GUICHARD<br />
La Lesbi<strong>en</strong>ne Invisible a été vu à L’Espace Juli<strong>en</strong>,<br />
Marseille, le 1 er juin