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Zibeline n° 53 en PDF

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42<br />

DANSE<br />

FESTIVAL DE MARSEILLE | LE KLAP<br />

Premiers émois à Marseille<br />

Le Festival de Marseille est un drôle d’événem<strong>en</strong>t !<br />

Tout le milieu culturel marseillais, artistes, politiques,<br />

administrateurs, communicants, journalistes… s’y<br />

presse à chaque spectacle comme à un r<strong>en</strong>dez-vous<br />

att<strong>en</strong>du et exceptionnel. Les att<strong>en</strong>tes expliquant<br />

l’ampleur des déceptions et des ravissem<strong>en</strong>ts<br />

somme toute souv<strong>en</strong>t, les uns comme les autres,<br />

disproportionnés.<br />

Tezuka de Sidi Larbi Cherkaoui est un spectacle<br />

réussi ! Le chorégraphe a <strong>en</strong>fin disposé de moy<strong>en</strong>s<br />

vraim<strong>en</strong>t importants, et a su s’<strong>en</strong> servir intelligemm<strong>en</strong>t<br />

pour construire son propos rêvé : des danseurs<br />

parfois émouvants, toujours excell<strong>en</strong>ts ; des<br />

musici<strong>en</strong>s japonais aux sons et voix qui dépays<strong>en</strong>t,<br />

plong<strong>en</strong>t immédiatem<strong>en</strong>t dans le propos ; de belles<br />

animations vidéos qui établiss<strong>en</strong>t un décor dessiné<br />

où les corps jou<strong>en</strong>t comme des <strong>en</strong>fants sur un<br />

manège… sans effet high tech, avec un côté artisanal<br />

délicieux, cinématographique, calligraphique parfois,<br />

qui touche à l’âme anci<strong>en</strong>ne et éternelle du Japon.<br />

Les superpositions récurr<strong>en</strong>tes de danse, musique,<br />

mots et images cach<strong>en</strong>t parfois le simplisme de chacun<br />

des langages, mais le propos même bouleverse :<br />

les mangas historiques d’Osamu Tezuka, son<br />

astroboy postnucléaire hante la mémoire japonaise,<br />

aujourd’hui redev<strong>en</strong>ue tragique, que l’on s<strong>en</strong>t parfois<br />

affleurer dans le verbe de Sidi Larbi Cherkaoui, et<br />

dans les images qui fond<strong>en</strong>t et s’effac<strong>en</strong>t comme<br />

soumises à une chaleur surnaturelle. Une belle œuvre<br />

malgré ses longueurs, dans un Silo décidém<strong>en</strong>t peu<br />

adapté à la danse dès lors qu’on s’éloigne des tout<br />

premiers rangs…<br />

À Vallier le rapport salle/plateau est nettem<strong>en</strong>t<br />

meilleur, et Standards de Pierre Rigal y est apparu<br />

dans toute sa force. Ses huit danseurs ont des corps<br />

pour dire, révoltés et noueux, athlétiques et souples.<br />

Des longueurs là <strong>en</strong>core ? sans doute. Un manque de<br />

clarté du propos ? parfois. Mais des corps de femmes<br />

et d’hommes, de noirs et de blancs, qui dans<strong>en</strong>t<br />

à égalité les mêmes phrases, fustigeant les clichés<br />

sur les corps normés, leur mode et leur commerce,<br />

regardant frontalem<strong>en</strong>t le public <strong>en</strong> refusant de<br />

minauder, d’esthétiser, et dansant comme on combat,<br />

poings serrés, démontant le décor comme on<br />

détruit des chaînes. Bref Pierre Rigal, <strong>en</strong> gagnant<br />

du galon, n’a pas perdu sa force !<br />

Aussi, deux installations très rafraichissantes, à vous<br />

coller pour un mom<strong>en</strong>t un grand sourire : à Vallier<br />

Autog<strong>en</strong>e ouvre <strong>en</strong> rond des parapluies qui dans<strong>en</strong>t<br />

sans G<strong>en</strong>e Kelly, mais sur la musique de Chantons<br />

sous la pluie ; à L’Alcazar Sol<strong>en</strong>oid fait danser des<br />

Tezuka © Agnès Mellon<br />

chaussures, toujours <strong>en</strong> rond, autour de bras<br />

mécaniques. Deux œuvres drôles et légères de Peter<br />

William Hold<strong>en</strong>. Moins léger, Tôt ou tard de<br />

Richard Bacquier, Jean Marc Montera et Emmanuel<br />

Loi repr<strong>en</strong>d et comm<strong>en</strong>te la performance de<br />

trois comédi<strong>en</strong>s <strong>en</strong>fermés qui s’invectiv<strong>en</strong>t. Mémoires,<br />

reflets et cages empilés <strong>en</strong> échos, gloses et<br />

extraits, prés<strong>en</strong>ces et abs<strong>en</strong>ces, l’installation peuplée<br />

de fantômes est à voir à la CCIMP. Jusqu’à la fin du<br />

Festival le 6 juillet (voir p 50).<br />

AGNÈS FRESCHEL<br />

Thomas, s’il te plaît...<br />

C’est à une petite fête de famille, à la<br />

fois baptême et anniversaire, que nous<br />

étions conviés par Michel Kelem<strong>en</strong>is<br />

et son équipe <strong>en</strong> ce 28 mai : l’emblématique<br />

Après-midi d’un faune créé par<br />

Vaslav Fomitch Nijinski avait 100<br />

ans et la Maison pour la Danse inaugurait<br />

un grand studio au nom du mythique<br />

danseur-chorégraphe. Occasion rêvée<br />

pour proposer un programme autour<br />

de la transmission et une méditation<br />

stimulante sur le temps qui passe...<br />

L’accueil se fait t<strong>en</strong>drem<strong>en</strong>t rétro («I<br />

love you so») au milieu de la «leçon» du<br />

maître à l’élève, Thomas Birzan, jeune<br />

danseur de la Cie Gr<strong>en</strong>ade qui répète<br />

dans la grande salle quelques pass<br />

ages de Faune Fomitch, solo écrit et<br />

interprété par Michel Kelem<strong>en</strong>is <strong>en</strong><br />

1989 ; travail et sévérité pour de rire<br />

«att<strong>en</strong>tion! plus net plus net pas de sala<br />

de frisée !». Puis l’adolesc<strong>en</strong>t interprète<br />

seul et pour de vrai une Variation de la<br />

même chorégraphie avec un <strong>en</strong>gage<br />

m<strong>en</strong>t intellig<strong>en</strong>t, à bonne distance du<br />

modèle, énergique, trapu faune musclé<br />

et malicieux qui tire la musique de De<br />

Thomas Birzan © Agnès Mellon<br />

bussy vers des émois bi<strong>en</strong> terrestres.<br />

Enfin pour brouiller les temporalités et<br />

éclaircir les filiations le film de Charles<br />

Picq, captation d’une représ<strong>en</strong>tation<br />

intégrale du Faune de 1989, offre l’occasion<br />

au Kelem<strong>en</strong>is de 2012 d’abord<br />

de se retrouver face à lui-même, souriant<br />

de son incapacité à r<strong>en</strong>trer dans<br />

son justaucorps de l’époque, et aussi<br />

d’accompagner p<strong>en</strong>dant quelques<br />

minutes, <strong>en</strong> léger décalé, son image<br />

dansante : gestes plus amples et plus<br />

arrondis, mains et pouces moins incisifs,<br />

sobriété des affects, et cette fluidité<br />

qui reste la marque de fabrique du<br />

danseur ; lorsque le faune assis jambes<br />

croisées se pince les pouces des pieds<br />

pour se hisser <strong>en</strong> position debout, la<br />

jeunesse éternelle a le dernier mot.<br />

Expéri<strong>en</strong>ce émouvante, n‘est-ce pas<br />

Thomas ?<br />

MARIE JO DHO<br />

Faune Fomitch / Variation a été donné<br />

au KLAP Maison pour la Danse le<br />

28 mai

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