03.11.2014 Views

Zibeline n° 53 en PDF

Zibeline n° 53 en PDF

Zibeline n° 53 en PDF

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

72 LIVRES DOUGLAS KENNEDY | MAYLIS DE KÉRANGAL<br />

Comm<strong>en</strong>t peut-on<br />

être écrivain ?<br />

Deux r<strong>en</strong>contres réc<strong>en</strong>tes,<br />

deux jours de suite,<br />

ont permis de mesurer,<br />

s’il <strong>en</strong> était besoin, le fossé<br />

qui sépare un auteur de bestsellers<br />

d’une romancière<br />

résolum<strong>en</strong>t <strong>en</strong>gagée dans<br />

l’av<strong>en</strong>ture langagière.<br />

Retour sur deux conceptions<br />

radicalem<strong>en</strong>t opposées du<br />

métier d’écrivain<br />

V<strong>en</strong>dredi soir,<br />

la mécanique du succès<br />

Ses lecteurs, surtout des lectrices, l’att<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t. Il les a<br />

gratifié(e)s d’une rapide escale dans deux librairies des<br />

BdR, à la fin d’une tournée française chargée et sur le<br />

chemin de Nice, où il était espéré dès le l<strong>en</strong>demain.<br />

Avec un emploi du temps plus que serré, Douglas<br />

K<strong>en</strong>nedy a écourté de moitié la r<strong>en</strong>contre avec la<br />

libraire. Car ce qui compte visiblem<strong>en</strong>t pour lui, ce<br />

n’est pas de parler de son travail ; <strong>en</strong> bon professionnel<br />

de la communication, il s’<strong>en</strong> ti<strong>en</strong>t sur ce point à des<br />

formules rodées. Non, ce qui compte, c’est le mom<strong>en</strong>t<br />

des signatures, lorsque ses nombreuses admiratrices<br />

piétin<strong>en</strong>t, att<strong>en</strong>dant leur tour pour échanger quelques<br />

mots «<strong>en</strong> français s’il vous plaît» avec le maître, se faire<br />

pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> photo avec lui et le voir dédicacer les<br />

nombreux exemplaires des romans qu’elles ont<br />

achetés.<br />

De cette r<strong>en</strong>contre avec l’écrivain vedette, on reti<strong>en</strong>dra<br />

surtout cet <strong>en</strong>gouem<strong>en</strong>t des groupies qui dis<strong>en</strong>t toutes<br />

se retrouver dans ses textes. C’est qu’il est habile, Mr<br />

K<strong>en</strong>nedy, à assurer l’id<strong>en</strong>tification des lecteurs <strong>en</strong><br />

ficelant des intrigues croisées, dont les narrateurs sont<br />

souv<strong>en</strong>t des femmes et le thème récurr<strong>en</strong>t la passion<br />

amoureuse contrariée. Ce sera <strong>en</strong>core le cas dans son<br />

prochain roman, tout juste terminé, et dont il a révélé<br />

le titre, Cinq jours. Des livres dont les sujets sont<br />

inspirés de la vie quotidi<strong>en</strong>ne et qui abord<strong>en</strong>t des<br />

«questions philosophiques» (sic), voici ce qu’il cherche<br />

à écrire, au rythme de 1000 mots par jour, 6 jours sur<br />

7. Un travail efficace, régulier… et lucratif !<br />

Il a d’ailleurs été assez longuem<strong>en</strong>t question d’arg<strong>en</strong>t<br />

lors de cette r<strong>en</strong>contre à l’Attrape-mots, l’un des deux<br />

livres dont DK était v<strong>en</strong>u faire la promotion étant<br />

Combi<strong>en</strong> ?, récit de son «voyage au pays de l’arg<strong>en</strong>t»,<br />

un périple plaisamm<strong>en</strong>t conté dans un certain nombre<br />

de places financières de la planète. Cet ouvrage, le<br />

dernier de ses trois récits de voyages, écrit au début des<br />

années 90 juste avant que l’auteur ne se lance dans la<br />

fiction, paraît aujourd’hui <strong>en</strong> France, agrém<strong>en</strong>té d’un<br />

prologue qui <strong>en</strong> retrace la g<strong>en</strong>èse et <strong>en</strong> justifie la<br />

prés<strong>en</strong>te édition française : «L’arg<strong>en</strong>t est tout» ; «il est<br />

© X-D.R<br />

Pascal Jourdana et Maylis de Kerangal © Nadia Champesme<br />

partout dans notre vie», «<strong>en</strong> tant que métaphore de tout<br />

ce qui nous dérange et nous déstabilise». Vaste sujet…<br />

qui devrait <strong>en</strong>richir <strong>en</strong>core «le plus français des auteurs<br />

américains».<br />

Samedi matin,<br />

la littérature au jardin<br />

C’est dans une tout autre atmosphère que s’est déroulé<br />

le brunch littéraire organisé par Libraires du Sud<br />

dans l’arrière-jardin de la librairie Histoire de l’œil<br />

autour de Maylis de Kérangal. Puisque son dernier<br />

texte Pierre, feuille, ciseaux laisse éclore la fiction sur le<br />

rythme <strong>en</strong> trois temps de ce jeu <strong>en</strong>fantin -3 mots, 3<br />

histoires, 3 générations sur un même territoire (voir<br />

Zib’51)-, Pascal Jourdana lui a proposé d’évoquer<br />

son travail à partir de mots ou d’expressions: «lisière»,<br />

«couture», «rideau de fer», «pas après pas»… Ce que<br />

l’écrivaine a fait volontiers, jouant le jeu avec beaucoup<br />

d’acuité et régalant le public d’une jolie leçon de<br />

littérature, sans prét<strong>en</strong>tion et bi<strong>en</strong> au frais sous les<br />

arbres.<br />

Elle a rappelé que ses deux dernier livres, Tang<strong>en</strong>te vers<br />

l’est (voir Zib’49) et celui-ci, bi<strong>en</strong> que nés de<br />

sollicitations extérieures, sont, comme les précéd<strong>en</strong>ts,<br />

des «gestes littéraires» à part <strong>en</strong>tière, où le concret,<br />

l’espace, le territoire, propos<strong>en</strong>t «un décollage vers la<br />

fiction». Car il s’agit toujours pour elle d’affirmer le<br />

roman comme «lecture du monde contemporain»,<br />

comme «saisie et <strong>en</strong>chantem<strong>en</strong>t du réel». Alors, «pas<br />

après pas», fiction après fiction, elle élabore son épopée<br />

langagière. Pour faire du langage sa propre langue et<br />

parv<strong>en</strong>ir à ce qu’elle nomme «l’effacem<strong>en</strong>t<br />

autobiographique». Une écriture <strong>en</strong> dev<strong>en</strong>ir, <strong>en</strong><br />

modulation constante selon le sujet, dont la langue est<br />

la «traduction organique». Ri<strong>en</strong> de moins figé que ce<br />

travail qui procède du tâtonnem<strong>en</strong>t, de la couture<br />

pièce à pièce. Et ri<strong>en</strong> de moins établi que le statut<br />

d’écrivain pour cette artisane des mots à laquelle le<br />

terme d’ «auteur» fait p<strong>en</strong>ser à quelque meuble lourd,<br />

dans le g<strong>en</strong>re «buffet normand» ! Loin de se draper<br />

dans une quelconque<br />

posture de «jeune<br />

romancière à succès» (ce<br />

qu’elle est de fait), Maylis de<br />

Kérangal émeut par la<br />

sincérité de sa recherche, par<br />

la façon qu’elle a de la<br />

formuler, pour mieux la<br />

partager avec ses lecteurs.<br />

Avec une belle ambition<br />

littéraire et une véritable<br />

générosité.<br />

À quelques rues, à quelques<br />

heures d’écart, deux façons<br />

d’être au monde et à<br />

l’écriture…<br />

FRED ROBERT<br />

Douglas K<strong>en</strong>nedy<br />

était invité dans le cadre<br />

des Escales <strong>en</strong> Librairies ;<br />

Maylis de Kérangal<br />

dans celui des Itinérances littéraires<br />

On peut lire à la rigueur :<br />

Cet instant-là et Combi<strong>en</strong> ? (Belfond) ;<br />

mais mieux vaut découvrir<br />

le 1 er roman de Douglas K<strong>en</strong>nedy,<br />

Cul-de sac, réédité sous le titre Piège nuptial,<br />

un polar percutant situé dans l’outback australi<strong>en</strong>,<br />

disponible chez Pocket<br />

De Maylis de Kérangal, on peut tout lire<br />

sans modération

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!