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66 ARTS VISUELS FLÂNERIES D’AIX | ARTS ÉPHÉMÈRES<br />
Hasard objectif<br />
© Mohamed Lekleti<br />
Quel délice que d’errer, d’<strong>en</strong>trer dans<br />
des jardins découverts au fil des<br />
rues… derrière un <strong>en</strong>trelacs de branches<br />
une sculpture, un tableau, un<br />
piano, une harpe, parfois une eau<br />
murmure, un brin de v<strong>en</strong>t, le paysage<br />
s’ébroue, un rai de lumière joue<br />
sur une toile… C’est ainsi que le prom<strong>en</strong>eur<br />
quadrille les lieux connus<br />
de géométries nouvelles, établissant<br />
une carte secrète de la ville. Flâner,<br />
quelle belle inv<strong>en</strong>tion ! Andréa Ferréol<br />
offre à Aix-<strong>en</strong>-Prov<strong>en</strong>ce deux<br />
jours délicieux de r<strong>en</strong>contres et de<br />
découvertes. Parcours éclectique et<br />
délicieux : lourds bijoux conçus pour<br />
des Salammbô contemporaines de<br />
Dominique Auri<strong>en</strong>tis au Jardin de<br />
Belcodène, à côté d’extraordinaires<br />
animaux de verre soufflé (Fernando<br />
Agostinho) : autruche aux plumes exc<strong>en</strong>triques,<br />
pomme acide sur laquelle<br />
un serp<strong>en</strong>t se love ; au Pavillon de<br />
V<strong>en</strong>dôme, le mobilier contemporain<br />
(ligne Komodo) des trois sœurs Moretti<br />
unit utile et raffinem<strong>en</strong>t esthétique<br />
et Kimiko Yoshida se démultiplie <strong>en</strong><br />
autoportraits à travers une histoire<br />
choisie de la peinture ; cultivant le<br />
paradoxe sous les calmes ombrages<br />
des grands platanes du Jardin<br />
de l’Aigle d’Or, les gueules arrachées<br />
à la nuit, par le pinceau fauve<br />
et poignant de Jean-Louis Foulquier,<br />
p<strong>en</strong>dant que les sculptures de<br />
Jordi déclin<strong>en</strong>t la même forme<br />
répétée <strong>en</strong> compositions géométriques<br />
qui apprivois<strong>en</strong>t la lumière ; les<br />
lignes abstraites de Loïc Madec propos<strong>en</strong>t<br />
leurs énigmes sous une<br />
tonnelle ; les céramiques de Franck<br />
Brunet sembl<strong>en</strong>t explorer les remuem<strong>en</strong>ts<br />
de la matière ; les photographies<br />
de Claudie Rocard-Laperrousaz<br />
s’attach<strong>en</strong>t à l’intuition du détail révélateur.<br />
Des yeux de métal s’étonn<strong>en</strong>t<br />
vaguem<strong>en</strong>t sur les ovales de bronze<br />
Vertus éphémères<br />
Arts Éphémères, Thierry Mouille © Chris Bourgue<br />
de Jean-Pierre Dussaillant, avec des<br />
cheveux emportés par d’invisibles<br />
tempêtes, sur les sages pelouses du<br />
Jardin Mérindol ; une gamelle au<br />
pied d’un arbre du Jardin du Cancel,<br />
à son aplomb, un chi<strong>en</strong>, banal ? sauf<br />
s’il s’agit d’une construction de Robert<br />
Bradford composée d’élém<strong>en</strong>ts<br />
de jeux ou de figurines, tandis que<br />
les toiles de Paul Maisonneuve aux<br />
Au Parc de la Maison Blanche (Mairie des 9 ème et<br />
10 ème arr de Marseille), le Festival des Arts Éphémères<br />
pr<strong>en</strong>d chaque année plus d’ampleur, et de<br />
t<strong>en</strong>eur. Cette édition, concoctée par Thierry Ollat,<br />
conservateur du MAC, et Jean-Louis Connan, directeur<br />
de l’École d’art et design (ESADMM), fut d’une<br />
qualité exceptionnelle. Parce que l’événem<strong>en</strong>t sait<br />
créer dans un lieu public une atmosphère où la<br />
curiosité du passant (et des mariés !) s’émerveille.<br />
Parce que les œuvres prés<strong>en</strong>tées par les Ateliers<br />
publics de l’ESDAAM sont d’une qualité imaginative<br />
qui les ti<strong>en</strong>t éloignées du concept pour faire<br />
vibrer visiblem<strong>en</strong>t la joie de la s<strong>en</strong>sation et de la<br />
pratique. Parce qu’une des plus belles œuvres,<br />
toute simple, est celle d’une jeune étudiante de<br />
l’École, Morgane Aziza, qui avec Ondée sait mettre<br />
<strong>en</strong> susp<strong>en</strong>s la chute des feuilles, et fixer l’éphémère…<br />
Parmi les artistes «pro», des pièces formidables.<br />
Dans la mairie les clichés d’Alfons Alt, que l’on a<br />
vu souv<strong>en</strong>t mais qui frapp<strong>en</strong>t toujours autant par<br />
leurs vieillissem<strong>en</strong>ts fabriqués ; une magnifique<br />
installation de Katia Bourdarel, qui comme toujours<br />
joue sur notre peur des contes, les transformations<br />
nocturnes, les têtes de cerf et les biches<br />
Entre ciel et terre<br />
Le BNM a apporté sa contribution aux Flâneries<br />
et aux Arts éphémères avec une performance<br />
dansée et chorégraphiée par Anton Zvir, jeune<br />
biélorusse plein de tal<strong>en</strong>t et Béatrice Mille, <strong>en</strong>trés<br />
respectivem<strong>en</strong>t au Ballet <strong>en</strong> 2006 et 2009. Ce pas<br />
de deux porte le nom évocateur de Doux ?, avec<br />
une interrogation qui souligne tout ce que peut<br />
cacher la douceur d’une relation amoureuse. À<br />
Maison Blanche, dansé devant le plan d’eau, à<br />
côté du lit accueillant de Thierry Mouillé, ce duo<br />
grands traits rapides se prélass<strong>en</strong>t<br />
dans leurs énigmatiques instantanés ;<br />
à la Galerie Lisse des Cordeliers<br />
les meubles peints de Chantal Saccomanno<br />
aiguis<strong>en</strong>t leurs pieds de<br />
danseuse tandis que les sculptures<br />
d’Olivier Dayot les nourriss<strong>en</strong>t de<br />
lég<strong>en</strong>des et d’ironie ; les œuvres de<br />
Martin Lartigue foisonn<strong>en</strong>t de personnages,<br />
couleurs chaudes d’où<br />
sourd une inquiétante étrangeté ; au<br />
Cloître d’Entrecasteaux les toiles<br />
de Mohamed Lekleti s’impos<strong>en</strong>t par<br />
la puissance du trait, l’équilibre des<br />
compositions ; au premier étage de<br />
l’Hôtel de France, les toiles écrues<br />
de Véronique Bigo, sacs, fragm<strong>en</strong>ts<br />
et objets emprunt<strong>en</strong>t à l’art du<br />
conteur, comme ces tableaux qui évoqu<strong>en</strong>t<br />
la destinée tragique de Marie<br />
Bashkirtseff, russe du XIXème morte<br />
trop jeune qui, possédée sans<br />
cesse par le désir d’être peintre,<br />
laissa dans son abondant journal les<br />
traits d’une âme insatisfaite.<br />
Aux œuvres exposées ajoutez les<br />
guitares, le chant, la danse, la délicieuse<br />
lecture du beau texte de Joëlle<br />
Gardes sur le temps par Marie-<br />
Christine Barrault… Le temps de<br />
flâner ?<br />
MARYVONNE COLOMBANI<br />
Les flâneries d’Aix ont eu lieu<br />
les 9 et 10 juin<br />
sacrifiées <strong>en</strong> robe de noce, juste à côté de la salle<br />
des mariages. Dehors, un rhinocéros dort fermem<strong>en</strong>t<br />
(Victoria Klotz), et des lits pouss<strong>en</strong>t dans<br />
les arbres (Thierry Mouillé), un arc <strong>en</strong> ciel se<br />
dessine sur le lac lorsque d’autres arbres pleur<strong>en</strong>t<br />
(Lionel Loestcher), un opossum se repose<br />
sur un banc (Lina Jabbour). Partout les artistes<br />
décal<strong>en</strong>t le réel et l’apais<strong>en</strong>t, signe du printemps.<br />
Pourvu que cet éphémère persiste !<br />
AGNÈS FRESCHEL<br />
Le Festival des Arts Éphémères<br />
a eu lieu du 24 mai au 3 juin<br />
apportait un mom<strong>en</strong>t de t<strong>en</strong>dresse susp<strong>en</strong>du, un<br />
peu d’éternité. Et comme <strong>en</strong> écho l’artiste russe<br />
Roman Korzhov offrait aux spectateurs la possibilité<br />
de participer à l’expéri<strong>en</strong>ce de la liberté <strong>en</strong><br />
libérant des ballons blancs gonflés à l’hélium, ret<strong>en</strong>us<br />
au sol par un verre <strong>en</strong> plastique blanc rempli<br />
d’eau. Il s’agissait de vider peu à peu l’eau pour<br />
permettre aux ballons de rester <strong>en</strong> susp<strong>en</strong>sion,<br />
puis de s’<strong>en</strong>voler... Deux expéri<strong>en</strong>ces <strong>en</strong>tre ciel et<br />
terre ! CHRIS BOURGUE