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QUINZAINE | CINÉMA CHINOIS CINÉMA 63<br />
Top treize à l’Alhambra<br />
Si tu ne vas pas à Cannes, Cannes vi<strong>en</strong>t à toi ! À<br />
l’Alhambra bi<strong>en</strong> sûr, où, depuis 2005, treize des<br />
films de la Quinzaine des Réalisateurs, vivier du<br />
cinéma d’auteurs, sont projetés, trois jours à peine<br />
après la clôture du festival cannois. Le 29 mai,<br />
Edouard Waintrop, nouveau délégué général de<br />
la Quinzaine et William B<strong>en</strong>edetto, directeur du<br />
cinéma de St H<strong>en</strong>ri, ont ouvert le programme par<br />
un Adieu, celui des frères Podalydès à Berthe, la<br />
mémé de leur comédie aux jeux de mots pataphysiques,<br />
aux tours de passe-passe tirés d’une<br />
malle de magici<strong>en</strong>, variations métaphoriques de<br />
la disparition qui s’essouffl<strong>en</strong>t quelque peu <strong>en</strong> se<br />
déclinant.<br />
La suite a réservé d’excell<strong>en</strong>tes surprises. Camille<br />
redouble (prix SACD 2012) l’émouvante fable de<br />
et avec Noémie Llovsky, version française du<br />
Peggy Sue got married de Coppola, <strong>en</strong> moins<br />
«rose» et beaucoup plus drôle, qui pose avec s<strong>en</strong>sibilité<br />
et justesse la vaine mais inévitable question<br />
de la maturité : et si c’était à refaire ?<br />
Subversion des codes, décalages, dérapages très<br />
contrôlés, la comédie triomphe aussi dans le cynique<br />
et «so british» Sightseers de B<strong>en</strong> Wheatley<br />
où on suit, ravis, l’itinéraire meurtrier de Chris et<br />
Tina durant leurs premières vacances <strong>en</strong> amoureux.<br />
Une Bonnie et un Clyde <strong>en</strong> K-way et jogging<br />
mou, qui travers<strong>en</strong>t dans leur caravane une<br />
nature idyllique tout <strong>en</strong> massacrant au passage,<br />
sans état d’âme, <strong>en</strong>tre musées et campings, les<br />
gêneurs qu’ils crois<strong>en</strong>t.<br />
Belle découverte <strong>en</strong>core que No de Pablo Larraìn,<br />
ultime volet iconoclaste d’une trilogie sur la dictature<br />
chili<strong>en</strong>ne, récomp<strong>en</strong>sé par le Art Cinema<br />
Award, qui reconstitue la campagne électorale<br />
des partisans du non au référ<strong>en</strong>dum de 1988<br />
No de Pablo Larrain<br />
imposé par les autorités internationales pour la<br />
réélection de Pinochet. Tourné avec une caméra<br />
de 1983 dans un format 4/3, le film retrouve le<br />
style visuel de l’époque intégrant les archives à la<br />
fiction. Gael Garcia Bernal y incarne un jeune<br />
publicitaire de tal<strong>en</strong>t rev<strong>en</strong>u d’exil, peu politisé, qui<br />
va «v<strong>en</strong>dre» le choix démocratique comme une<br />
lessive ! La communication prévalant sur le cont<strong>en</strong>u,<br />
l’efficacité sur l’éthique : «Après tout, le Chili<br />
p<strong>en</strong>se à son av<strong>en</strong>ir» affirme le héros avant chacune<br />
de ses prés<strong>en</strong>tations. Pinochet perd parce que<br />
le pays a évolué et que la campagne du vieux<br />
dictateur est «ringarde» !<br />
Films légers, grinçants, dérangeants, poignants,<br />
romanesques, la variété de la sélection a même<br />
permis aux grands et petits cinéphiles de fondre<br />
de plaisir <strong>en</strong> partageant les chamallows, roudoudous,<br />
berlingots et guimauves d’Ernest et Célestine,<br />
le conte politico-poétique de R<strong>en</strong>ner, Aubier et<br />
Patar à s’éveiller assis.<br />
ÉLISE PADOVANI<br />
Les films de la Quinzaine des Réalisateurs<br />
ont été prés<strong>en</strong>tés à l’Alhambra Cinémarseille<br />
du 29 mai au 5 juin<br />
Vive Mr Shu !<br />
Le Festival du Cinéma Chinois <strong>en</strong> France, qui se<br />
déroule cette année dans six villes, s’est ouvert à<br />
Marseille au cinéma le Prado avec l’<strong>en</strong>semble<br />
musical Xin Yi de musique traditionnelle dirigé<br />
par Wang Guozh<strong>en</strong> : neuf jeunes femmes ont joué,<br />
à la cithare Guqin, à la flûte de bambou ou au<br />
hautbois, des morceaux aux titres évocateurs de<br />
Cueillir les herbes, Parfums de jasmin, ou Fleurs<br />
épanouies, pleine lune…<br />
Après différ<strong>en</strong>tes allocutions qui ont précisé<br />
l’objectif de la manifestation, «faire découvrir des<br />
films inédits <strong>en</strong> France et promouvoir les échanges<br />
<strong>en</strong>tre les deux pays» a été projeté le premier<br />
des 14 films choisis, Ce que p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t les femmes,<br />
une comédie romantique de Ch<strong>en</strong> Daming, remake<br />
mou de What wom<strong>en</strong> want avec Mel Gibson,<br />
qui n’a d’autre intérêt que d’y pouvoir admirer la<br />
superbe Gong Li, invitée d’honneur du festival. Le<br />
mélodrame de Zhang Yimou, Sous l’aubépine,<br />
permet de découvrir une jeune actrice Zhou<br />
Dongyu incarnant une jeune fille qui, p<strong>en</strong>dant la<br />
révolution culturelle, vit une histoire d’amour<br />
troublée par cette période répressive… une mise<br />
<strong>en</strong> scène traditionnelle, sinon simpliste.<br />
Plus intéressant le film d’animation, Une fille juive<br />
à Shanghai de Wang G<strong>en</strong>fa, construit <strong>en</strong> flash<br />
back successifs, raconte l’histoire d’une petite fille<br />
qui a été emm<strong>en</strong>ée à Shanghai pour échapper<br />
aux nazis. Petite rousse aux superbes yeux bleus,<br />
elle r<strong>en</strong>contre un jeune Chinois, A-G<strong>en</strong>, qui l’aide<br />
à survivre. Leur amitié pr<strong>en</strong>d fin quand la guerre<br />
est finie mais lorsqu’elle revi<strong>en</strong>t à Shanghai,<br />
soixante ans plus tard elle y retrouve, comme<br />
dans les contes, son ami.<br />
Le plus réussi est le film de Han Jie, Hello Mr. Shu.<br />
Dès le premier plan, le ton est donné : un homme<br />
étrange est perché sur un arbre ; Shu <strong>en</strong> chinois<br />
signifie «arbre». On le reverra ainsi dans des scènes<br />
toutes oniriques. Car, comme le dis<strong>en</strong>t les<br />
habitants du village minier qui se vide peu à peu<br />
Shu n’est pas «stable» : il a des visions, récurr<strong>en</strong>tes,<br />
de son père mort, puis de son frère ; il est<br />
un peu devin, il tombe amoureux d’une jeune<br />
muette qu’il épouse, un vrai fiasco ! Il boit, il se<br />
bat. Il recompose le monde à sa guise. Il est perché<br />
sur son arbre… Altern<strong>en</strong>t de superbes plans<br />
des paysages <strong>en</strong>neigés de la Chine rurale du Nord<br />
Est, de fêtes éclatantes de couleurs jusqu’à ce<br />
plan, rouge, hallucinatoire, des mineurs quittant<br />
le village. Tout n’est-il que rêve ? Il n’est pas<br />
étonnant que ce film ait obt<strong>en</strong>u le Grand Prix du<br />
jury au festival de Shanghai…<br />
ANNIE GAVA<br />
Le Festival a eu lieu du 7 au 12 juin<br />
au cinéma le Prado, Marseille<br />
Hello Mr. Shu de Han Jie