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Zibeline n° 53 en PDF

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38<br />

THÉÂTRE<br />

LA MINOTERIE | LE MERLAN | CAVAILLON<br />

Leur solitude<br />

et nous et nous et nous<br />

Suivre les p<strong>en</strong>sées de quatre inconnus perdus dans<br />

leur anonymat, intégrer fortuitem<strong>en</strong>t un groupe de<br />

spectateurs, flâner dans la fin de journée d’une ville<br />

aux stores baissés, trouver son angle de vue et choisir<br />

sa juste distance… c’est à cette balade sonore et<br />

intime que le Begat Theater nous conviait le 16 juin<br />

© De.M / <strong>Zibeline</strong><br />

Jean-Pierre Melville sur le tournage du Cercle Rouge à Marseille,<br />

TCD - Prod DB © Corona<br />

à Cavaillon. Faire de la rue, à partir de la solitude des<br />

autres, son propre théâtre <strong>en</strong> suivant des objets<br />

repères (un stylo, une orange, une boite d’allumettes<br />

où s’inscrit «vous n’êtes pas seuls») que s’échang<strong>en</strong>t<br />

les acteurs inspirés des personnages de romans<br />

contemporains, impeccables de vérité. Une<br />

expéri<strong>en</strong>ce s<strong>en</strong>sorielle originale et profonde qui trace<br />

sous son allure ludique un chemin m<strong>en</strong>tal<br />

passionnant. Aux p<strong>en</strong>sées des acteurs qui nous sont<br />

diffusées par un casque audio, se superpos<strong>en</strong>t les<br />

nôtres, aux musiques <strong>en</strong>registrées s’imbriqu<strong>en</strong>t les<br />

bruits de la ville, aux chemins qu’ils <strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t se<br />

frotte notre libre arbitre. Quatre solitudes qu’on<br />

observe <strong>en</strong> les frôlant, qui s’inv<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t d’impossibles<br />

r<strong>en</strong>contres et coll<strong>en</strong>t des post-it d’espoir, auxquelles<br />

se mêle la nôtre. Et lorsque tous les groupes de<br />

spectateurs se retrouv<strong>en</strong>t aux quatre angles d’une<br />

place publique, face à face, surgit une saisissante<br />

foule s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>tale.<br />

DELPHINE MICHELANGELI<br />

Histoires cachées s’est joué le 16 juin dans les rues de<br />

Cavaillon, avec la Scène nationale<br />

L’exemple et la p<strong>en</strong>sée<br />

Dans le cadre de la manifestation En corps urbains,<br />

les artistes et la ville, la Scène nationale du Merlan<br />

a offert du 11 avril au 9 juin «des expéri<strong>en</strong>ces artistiques<br />

de territoire». Tables rondes où géographes,<br />

chercheurs, sociologues crois<strong>en</strong>t leurs regards sur<br />

l’urbanisme. Spectacles autour de projets à forte<br />

dim<strong>en</strong>sion participative où les artistes inscriv<strong>en</strong>t leur<br />

travail dans les quartiers. En ouverture du troisième<br />

volet «Quand la ville se perçoit par le corps», Thierry<br />

Paquot «philosophe de l’urbain» proposait le 24 mai<br />

une ciné-confér<strong>en</strong>ce intitulée : les corps dans la ville,<br />

un cinéma continu. La prestation a comm<strong>en</strong>cé par la<br />

lecture d’un joli texte flâneur, égr<strong>en</strong>é de citations<br />

brillantes, de formules chic et choc, de remarques<br />

étymologiques. Convoquant La passante de Baudelaire,<br />

Balzac, Bachelard, Giacometti, il a poétisé<br />

sur la s<strong>en</strong>sorialité de la ville, sur ses stimulations<br />

quotidi<strong>en</strong>nes qui nous r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t vivants et prés<strong>en</strong>ts<br />

aux autres. Puis, treize extraits de films ont été projetés.<br />

Les perspectives s’annonçai<strong>en</strong>t passionnantes.<br />

Le duel du western relié au mythe des fondations de<br />

villes, le corps désœuvré des jeunes <strong>en</strong> zones<br />

périurbaines chez R<strong>en</strong>é Dumont, <strong>en</strong>tre apathie et<br />

t<strong>en</strong>sion, la bande-annonce de West Side Story écrasant<br />

NY dans une vue aéri<strong>en</strong>ne avant de la<br />

transformer <strong>en</strong> un territoire dont la chorégraphie des<br />

bandes pr<strong>en</strong>d possession, le corps burlesque de<br />

Charlot policeman se jouant de l’ordre urbain, les<br />

corps <strong>en</strong> déambulations parisi<strong>en</strong>nes des héros de la<br />

Nouvelle Vague... Le catalogue aurait pu s’ét<strong>en</strong>dre à<br />

des milliers d’autres films tant ville et septième art<br />

sont liés. Brièvem<strong>en</strong>t comm<strong>en</strong>té ou paraphrasé, chaque<br />

exemple n’a hélas fait que s’ajouter au précéd<strong>en</strong>t<br />

sans fil conducteur autre que thématique pour<br />

aboutir <strong>en</strong> conclusion à un discours général sur la<br />

ville qui nous a éloignés du cinéma. On le sait Thierry<br />

Paquot n’aime pas Le Corbusier et son modulor<br />

considéré comme normatif voire stalini<strong>en</strong>, se dispute<br />

avec Jean Nouvel sur les tours et les asc<strong>en</strong>seurs,<br />

déteste Frank Gehry, son Gugg<strong>en</strong>heim de Bilbao et<br />

ses bancs anti-clochards, fustige la mercantilisation<br />

et l’uniformisation des c<strong>en</strong>tres-villes, désire une<br />

architecture s<strong>en</strong>sible, soucieuse de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t,<br />

du partage, de la mixité sociale et du rythme des<br />

piétons. On ne peut qu’être d’accord sur la finalité<br />

d’une cité «<strong>en</strong> att<strong>en</strong>te de l’homme», «<strong>en</strong> amitié avec<br />

lui», mais outre que ce discours a déjà été ressassé<br />

à propos d’autres thèmes choisis par le festival<br />

Images de ville où Thierry Paquot intervi<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t,<br />

les grandes réflexions architecturales du XX ème et<br />

XXI ème siècles ne peuv<strong>en</strong>t se réduire à des complots<br />

de malfaisants, hostiles aux citadins. L’idée que les<br />

villes ont perdu leur âme et que c’était mieux «avant»,<br />

le travers moralisant, la facilité de la métaphore sont<br />

décevants chez un p<strong>en</strong>seur de ce niveau.<br />

ÉLISE PADOVANI<br />

En corps urbains, les artistes et la ville<br />

se poursuit jusqu’au 9 juin au Merlan<br />

www.merlan.org<br />

Choeur populaire © Stef Duref<br />

Sous<br />

les pavés...<br />

C’<strong>en</strong> est fait, une page se tourne ! La Minoterie,<br />

devant plier bagages, a organisé une soirée d’adieu<br />

chargée d’émotion. Au cours de la soirée, 80 artistes<br />

de la région ont défilé pour offrir à 300 spectateurs un<br />

spectacle informel fait de clins d’oeil et de bonne<br />

humeur autour de Pierrette Monticelli et Haïm<br />

M<strong>en</strong>ahem, les créateurs du lieu. Des textes avai<strong>en</strong>t<br />

été spécialem<strong>en</strong>t rédigés pour l’occasion, rappelant<br />

l’histoire de la troupe créée <strong>en</strong> 1985 <strong>en</strong> ce lieu<br />

improbable, dans un quartier perdu et peu à peu<br />

conquis. Avec l’ambition t<strong>en</strong>ue de partager des textes<br />

contemporains avec les g<strong>en</strong>s du quartier, les écoles<br />

et les lycées, et de faire se r<strong>en</strong>contrer auteurs et<br />

public. Ambition aussi d’offrir la culture à tous ;<br />

Philippe Séjourné a d’ailleurs rappelé les célèbres<br />

paroles de Malraux : «La culture ne s‘hérite pas, elle se<br />

conquiert.» Ne doutons pas que cet esprit de<br />

conquête se perpétuera dans le nouveau lieu <strong>en</strong><br />

construction. En att<strong>en</strong>dant l’équipe va déménager<br />

dans des locaux à Bougainville qui ne sont pas <strong>en</strong>core<br />

<strong>en</strong> état de l’accueillir... Néammoins <strong>en</strong> cette soirée<br />

c’est l’optimisme qui a régné. Il faut saluer la<br />

prestation de Frédéric Poinceau qui a déliré un long<br />

mom<strong>en</strong>t sur ses <strong>en</strong>vies d’un vrai texte, avec un vrai<br />

costume (pas acheté dans une friperie) cousu par une<br />

vraie costumière, agrém<strong>en</strong>té d’un vrai salaire. Et aussi<br />

la participation des <strong>en</strong>fants M<strong>en</strong>ahem qui, tombés<br />

dans le théâtre quand ils étai<strong>en</strong>t petits, n’<strong>en</strong> sont<br />

jamais sortis ! Le tout agrém<strong>en</strong>té d’un buffet convivial<br />

et d’échanges cordiaux.<br />

CHRIS BOURGUE<br />

Cette soirée d’adieu s’est déroulée le 19 mai<br />

Rappelons que 1040 pavés seront bi<strong>en</strong>tôt <strong>en</strong> v<strong>en</strong>te<br />

au prix de 5 euros chacun (réservation sur le site<br />

www.minoterie.org)<br />

Les Mouchoirs © Stef Duref

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