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DOSSIER Les - Gouvernement du Québec

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UNE QUÊTE PERSONNELLE<br />

L’adolescent doit s’approprier une<br />

démarche d’apprentissage en l’assimilant<br />

à ses propres schèmes de<br />

référence. Sa démarche doit être la<br />

sienne et non celle de la cité, de<br />

l’école ou de la compagnie. La préséance<br />

accordée par l’école à un<br />

système standardisé et critérié de<br />

performances scolaires demeure,<br />

dans bien des cas, aveugle à ce<br />

besoin d’indivi<strong>du</strong>ation et d’appropriation<br />

<strong>du</strong> savoir.<br />

L’adolescent se voit proposer de travailler<br />

en vue de réussir, de pro<strong>du</strong>ire<br />

et de s’établir dans la société.<br />

Pourtant, quand il se conforme et<br />

fait comme on lui dit, il peut ressentir<br />

un vide : vide <strong>du</strong> travail confiné à<br />

l’atteinte d’un rendement; vide de<br />

la réussite dans un climat de compétition.<br />

L’adolescent qui tente d’affranchir<br />

sa quête de savoir en se<br />

distançant de certains buts de réussite<br />

et de richesse se bute rapidement<br />

à de l’incompréhension. <strong>Les</strong><br />

modèles de connaissance que la<br />

cité moderne lui propose se révèlent<br />

souvent étrangers, voire contraires<br />

à cette attitude de dépouillement.<br />

L’école, pour maintenir le<br />

lien avec son élève, devra parfois<br />

accepter qu’il ne réponde pas toujours<br />

au système en vigueur de<br />

gra<strong>du</strong>ation et de quantification <strong>du</strong><br />

savoir. Elle examinera la situation<br />

de son élève, mais elle saura aussi,<br />

quand il le faut, mettre en perspective<br />

l’importance relative de certains<br />

buts ou de certaines valeurs<br />

qu’elle lui propose.<br />

DES LIENS D’AMITIÉ<br />

L’adolescent tentera d’établir son<br />

rapport à la connaissance dans un<br />

Photo : Denis Garon<br />

lien fraternel. Connaître devient<br />

ainsi un geste qui s’inscrit dans une<br />

réalité plus grande que lui-même.<br />

À l’école, le maître et l’élève cheminent<br />

l’un et l’autre vers une vérité<br />

qui les dépasse tous les deux.<br />

UN DIALOGUE<br />

L’adolescent tentera de fonder son<br />

acquisition de connaissances sur<br />

un rapport de réciprocité, sur un<br />

échange d’idées avec d’autres personnes.<br />

Il pourra en venir à se<br />

désengager de ses apprentissages si<br />

l’école lui propose une démarche<br />

qui ressemble trop à une compétition.<br />

Il peut aussi remettre en cause<br />

le maître pour qui le rôle de l’élève<br />

se cantonne à recevoir, à exécuter<br />

et à répéter la leçon. L’école percevra<br />

parfois ces questionnements<br />

comme une menace, alors qu’ils<br />

pourraient au contraire être l’occasion<br />

d’entamer un dialogue et d’approfondir<br />

le lien établi.<br />

DES RAPPORTS ÉQUITABLES<br />

L’adolescent peut refuser de s’associer<br />

à l’école quand elle lui propose<br />

des modèles de réussite qui entretiennent<br />

l’inégalité entre les indivi<strong>du</strong>s<br />

et les groupes sociaux. Il peut<br />

également juger incompatible avec<br />

sa quête de fraternité l’école qui,<br />

dans ses structures d’accueil, sélectionne<br />

uniquement les indivi<strong>du</strong>s performants,<br />

ou encore l’école qui ne<br />

fait pas de place aux élèves ne<br />

répondant pas aux critères de rendement<br />

et de comportement établis,<br />

et se contente de les exclure et<br />

même de les renvoyer injustement.<br />

POURQUOI PARLER DE SOCRATE?<br />

Pourquoi parler de Socrate? D’abord, parce qu’il est un grand é<strong>du</strong>cateur.<br />

La pensée qu’il livre, pourtant en des temps si reculés, permet de<br />

replacer certains enjeux modernes de l’école : 1) un questionnement,<br />

qui consiste à remettre en cause son propre savoir pour accéder à la<br />

vérité, à douter des idées que l’on tient pour vraies; 2) une intériorité,<br />

par laquelle la connaissance doit être en quelque sorte habitée, vécue<br />

de l’intérieur, permettant ainsi une certaine distanciation par rapport<br />

aux connaissances collectives; 3) un dialogue, puisque la vérité est<br />

atteinte par un désir commun de connaître et dépend, à cause de cela,<br />

des liens d’amitié tissés entre les personnes.<br />

Athènes, la cité qu’habite Socrate, est une sorte de canevas de la cité<br />

moderne. Cette cité se fonde sur les relations que les citoyens entretiennent<br />

entre eux, sur la notion d’un nécessaire échange de vues,<br />

d’un dialogue avec l’autre pour en arriver à un consensus. Le citoyen<br />

doit pouvoir discuter et convaincre et, pour cela, s’approprier des<br />

connaissances et la parole. La vérité, la connaissance, ne sont plus<br />

strictement édictées par les rois et les dieux. La personne n’a plus à se<br />

conformer en silence à leurs diktats. Grâce au savoir et à la raison,<br />

elle peut maintenant, par un retour en soi, guider sa con<strong>du</strong>ite.<br />

La cité moderne, typiquement la petite ville de banlieue, impersonnelle<br />

et froide, dont on a évacué tout sens de la communauté, a-t-elle<br />

per<strong>du</strong> l’esprit qui anime cette quête commune de vérité? Où trouver<br />

parmi ces maisons en rangées et ces centres commerciaux, un lieu<br />

propice à l’échange d’idées et au dialogue? Poussés par leur soif<br />

d’amitié et de vérité, les adolescents doivent peut-être trouver ailleurs<br />

des lieux propices où poursuivre leur quête.<br />

On ne connaît Socrate que par ce que ses amis en ont rapporté.<br />

Lui même n’a rien écrit. Il symbolise, à travers les âges, cet homme<br />

nouveau qui chemine vers la sagesse et entend, par le dialogue,<br />

accéder au savoir. Par son incessant questionnement, il oblige à réfléchir<br />

ceux qui posent les honneurs et la richesse comme les nouvelles<br />

icônes vers lesquelles doit se tourner la jeunesse.<br />

Pourquoi parler de Socrate? À cause de son histoire, celle d’un<br />

humble personnage engagé dans une quête personnelle de vérité qui<br />

le mène à être condamné par la cité. Son histoire trace la trame <strong>du</strong><br />

scénario que certains adolescents vivent sous nos yeux . Leur décrochage<br />

et leur marginalité revêtent alors une dimension rarement<br />

reconnue : celle d’une situation dramatique, historique et universelle.<br />

UN RAPPORT SOLIDAIRE<br />

Pour l’adolescent, les bienfaits<br />

résultant de la réussite, pourvu<br />

qu’elle s’inscrive dans un rapport<br />

fraternel, devraient rejaillir non<br />

seulement sur lui mais aussi sur ses<br />

camarades et sur le groupe tout<br />

entier. Il peut vouloir se retirer<br />

d’une école qui lui propose un modèle<br />

de réussite uniquement orienté<br />

vers l’obtention d’avantages personnels.<br />

La quête d’un lien fraternel<br />

peut aussi mener l’adolescent à<br />

joindre les rangs des marginaux,<br />

surtout si ces derniers sont perçus<br />

par lui comme victimes d’opprobre.<br />

Il peut aussi se montrer solidaire de<br />

ses camarades qui sont pauvres et<br />

qui, poussés par des contraintes<br />

économiques, échouent ou doivent<br />

laisser l’école.<br />

À l’école, l’adolescent doit établir<br />

des liens avec des personnes qui lui<br />

permettront de dépasser son propre<br />

point de vue. La connaissance<br />

qu’il acquiert seul sera toujours<br />

incomplète s’il ne peut l’exposer à<br />

autrui et échanger ses idées. S’il se<br />

montre parfois indifférent à son<br />

exclusion, c’est peut-être qu’il est<br />

convaincu que son rapport à l’école<br />

ne relève plus <strong>du</strong> dialogue et qu’une<br />

quête commune de vérité n’y est<br />

plus possible. Ce n’est pas tant qu’il<br />

refuse de faire valoir sa cause, mais<br />

plutôt qu’il estime qu’elle ne sera<br />

pas vraiment enten<strong>du</strong>e.<br />

L’ADOLESCENT S’APPROPRIE<br />

SA VIE INTÉRIEURE<br />

« Socrate est déclaré coupable. Il sait<br />

que ce verdict survient en fait pour<br />

d’autres motifs. Ce qui dérange les<br />

notables de la cité, c’est qu’il donne<br />

préséance à sa voix intérieure<br />

plutôt qu’aux cultes dominants. »<br />

L’éclosion de sa vie intérieure permet<br />

à l’adolescent d’établir des<br />

points de référence internes qui<br />

l’amèneront à faire des choix responsables,<br />

à exercer pleinement sa<br />

liberté. L’adolescent qui remet en<br />

cause l’école ne rejette pas nécessairement<br />

les buts qu’elle cherche à<br />

atteindre. <strong>Les</strong> idéaux qu’on lui propose,<br />

il doit les vivre de l’intérieur.<br />

Cette dimension intérieure se définit<br />

par le développement d’une prise<br />

de conscience et d’une sensibilité à<br />

l’égard de sa vie émotionnelle et<br />

affective, par un accès au monde <strong>du</strong><br />

rêve et de l’imaginaire et par une<br />

VIE 12 Vie pédagogique 118, février-mars<br />

2001

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