DOSSIER Les - Gouvernement du Québec
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apport à l’organisation <strong>du</strong> cycle<br />
et à l’apprentissage des élèves à<br />
l’intérieur <strong>du</strong> cycle suppose que le<br />
« plaisir-pouvoir » qu’on avait seul<br />
dans sa classe est transposé, transmué<br />
en un « plaisir-pouvoir » partagé<br />
et public, avec ses collègues et,<br />
bien sûr, un collectif d’élèves beaucoup<br />
plus large. Ça se fait dans certaines<br />
écoles alternatives depuis<br />
bon nombre d’années; on en a des<br />
exemples. Ce n’est pas une image<br />
fofolle qui sort de l’imagination de<br />
quelques pédagogues à l’imagination<br />
un peu débridée, pas <strong>du</strong><br />
tout. Ça se fait, ça existe à certains<br />
endroits. Je comprends que ça suppose<br />
une mutation culturelle et<br />
c’est cela qui va être, à mon avis, le<br />
test de la réforme qui s’annonce. Ce<br />
n’est pas vraiment de changer les<br />
programmes. Ce n’est pas la première<br />
fois qu’on fait cela, les enseignants<br />
savent s’approprier des<br />
réformes de programmes avec le<br />
temps. Ce n’est pas le langage des<br />
compétences, on va se l’approprier<br />
comme on s’est approprié, il y a<br />
une quinzaine d’années, le langage<br />
de la pédagogie par objectifs. Ce<br />
n’est pas ça, à notre humble avis,<br />
qu’il y a de plus difficile à réaliser.<br />
Dans notre perspective, sous l’angle<br />
de la psychosociologie <strong>du</strong> travail, ce<br />
sont les rapports de travail qui sont<br />
un enjeu important. C’est une<br />
curieuse de réforme; elle a besoin<br />
de ce changement pour aller au<br />
bout de sa logique.<br />
V. P. – Elle ne commence pas<br />
par ce changement? Elle prend<br />
d’autres portes d’entrée?<br />
M. T. et C. L. – C’est ça et, dans ce<br />
sens-là, c’est un peu paradoxal.<br />
Dans d’autres pays, par exemple en<br />
Suisse, on a commencé par cela<br />
avant de changer les programmes.<br />
En France aussi, même si on allait<br />
beaucoup moins loin dans le développement<br />
des cycles, on a quand<br />
même commencé par dire : on<br />
fonctionne par cycles, et c’est au<br />
moins quatre ou cinq ans plus tard<br />
qu’on a changé les programmes.<br />
V. P. – On constitue des équipes<br />
en coresponsabilité?<br />
M. T. et C. L. – Voilà.<br />
V. P. – Et on espère qu’ils ont<br />
de l’agrément à être coresponsables?<br />
M. T. et C. L. – Voilà. C’est une<br />
mutation culturelle importante qui<br />
est tout à fait analogue à celle que,<br />
par exemple, le Conseil supérieur<br />
de l’é<strong>du</strong>cation a proposée pour les<br />
cégeps autour de l’approche par<br />
programmes. C’est tout à fait la<br />
même chose aussi dans les universités<br />
lorsqu’on parle de la nécessité<br />
de se concerter et de fonctionner<br />
aussi dans une logique de programme.<br />
C’est <strong>du</strong> même ordre, ce<br />
sont des concepts tout à fait analogiques,<br />
mais c’est certain que, par<br />
rapport à des auteurs comme ceux<br />
de Main basse sur l’é<strong>du</strong>cation, qui<br />
ont la nostalgie et qui souhaitent<br />
qu’on revalorise l’artisan, le prof<br />
artisan responsable des savoirs<br />
qu’il transmet devant Dieu ou<br />
devant l’Éternel, ce modèle-là n’est<br />
pas compatible avec cela.<br />
V. P. – Si les polémiques sont<br />
fortes, ce n’est pas sans raison.<br />
Est-ce qu’une équipe universitaire<br />
de formation initiale<br />
et de formation continue<br />
des maîtres, dans ce contexte<br />
de réforme, sur le terrain<br />
d’un changement de culture<br />
<strong>du</strong> travail, a potentiellement<br />
des apports pas tout à fait<br />
traditionnels, autres que<br />
ceux des didactiques par<br />
matière, et ainsi de suite?<br />
M. T. et C. L. – L’un d’entre nous<br />
est en accompagnement d’une partie<br />
d’équipe-école. Ça fera déjà<br />
bientôt trois ans qu’il va régulièrement<br />
dans une école d’un milieu<br />
défavorisé de Montréal. Cette année,<br />
avec le conseiller pédagogique, a<br />
été mise sur pied une formation<br />
créditée pour les enseignants qui le<br />
souhaitaient. Ce que nous faisons,<br />
c’est essayer de nous approprier<br />
ensemble la réforme des programmes,<br />
le fonctionnement par cycles.<br />
Nous essayons de voir clair là-dedans.<br />
On s’organise comment? Le rehaussement<br />
culturel envisagé, quelles<br />
formes lui donner au primaire?<br />
C’est une démarche d’accompagnement<br />
et nous nous sommes<br />
transformés rapidement en groupe<br />
d’apprentissage coopératif, c’est-àdire<br />
que l’universitaire-accompagnateur<br />
qui n’est ni psychopédagogue<br />
ni didacticien, n’a pas de<br />
modèle, n’a pas de vérité à transmettre.<br />
Mais il veut comprendre,<br />
il veut essayer d’avancer avec eux et,<br />
ma foi, c’est une des expériences, je<br />
dirais, à la fois humaines et intellectuelles<br />
des plus enrichissantes.<br />
Je ne sais pas si le Ministère a prévu<br />
un mécanisme d’accompagnement<br />
et s’il a prévu aussi un mécanisme<br />
d’évaluation continue de ce qu’on<br />
va vivre. Nous croyons que les deux<br />
choses sont absolument essentielles.<br />
Nos collègues universitaires<br />
ont certainement beaucoup de travail<br />
d’accompagnement à faire,<br />
parce que ce que nous allons vivre<br />
est nouveau et unique. Personne en<br />
Occident n’a tenté ce que nous<br />
allons tenter à l’échelle <strong>du</strong> système.<br />
Ailleurs, on l’a tenté expérimentalement<br />
dans des réseaux d’écoles<br />
volontaires. Ailleurs, on s’apprête à<br />
faire comme nous, mais personne<br />
n’a un précédent systémique, généralisé.<br />
Nulle part on n’a, non plus,<br />
de modèle; les anglophones ont une<br />
expression : « We have a framework,<br />
not a blueprint… » On a un<br />
cadre de travail ou une hypothèse,<br />
ce que j’appelle une hypothèse forte<br />
ou une hypothèse lourde, mais on<br />
n’a pas de prêt-à-porter pour tout le<br />
monde à proposer. Il faut le construire.<br />
À notre avis, les formateurs<br />
de maîtres, les universitaires apprendraient<br />
beaucoup à accompagner<br />
cette construction de modèle de<br />
fonctionnement par compétences et<br />
par cycles dans les années à venir.<br />
C’est un chantier absolument fascinant<br />
pour des psychopédagogues,<br />
des didacticiens ou des psychosociologues.<br />
V. P. – Alors, ce chantier va<br />
probablement susciter de<br />
nouvelles démarches, de nouvelles<br />
recherches et des pistes<br />
de recherche pour vous. Vous<br />
pouvez m’en parler un peu?<br />
M. T. et C. L. – Par rapport à la<br />
recherche dont nous avons rapporté<br />
les résultats dans ce livre et<br />
dans le livre précédent, il nous reste<br />
encore un volet. Le manuscrit<br />
existe, on devrait le terminer cet<br />
été. Si le premier ouvrage prenait la<br />
profession comme unité d’analyse,<br />
s’il était macroscopique, si celui-ci<br />
était au ras des écoles et des<br />
enseignants, donc prenait un angle<br />
plus microscopique, il y a un palier<br />
intermédiaire, « méso » si vous<br />
voulez, qui porte sur les identités<br />
professionnelles par ordre, par<br />
niveau, par secteur, bref les souscultures<br />
professionnelles intermédiaires.<br />
Il nous reste cela à finir; on<br />
aura alors bouclé cette trilogie.<br />
V. P. – On peut donc espérer<br />
cela pour l’automne.<br />
M. T. et C. L. – Au moins chez<br />
l’éditeur. Mettons pour l’hiver dans<br />
les librairies. C’est à peu près complété.<br />
Mais c’est certain que, pour<br />
la suite, nous sommes intéressés à<br />
voir comment la division <strong>du</strong> travail<br />
a évolué au cours des dernières<br />
années, à continuer à creuser cela,<br />
notamment la division <strong>du</strong> travail<br />
scolaire et la contribution des<br />
autres catégories de personnel.<br />
Nous voulons également voir, dans<br />
un prochain chantier, comment,<br />
depuis les coupures budgétaires<br />
et dans le cadre de la réforme actuelle,<br />
se réorganise le travail. Est-ce<br />
qu’il se réorganise selon un modèle<br />
particulier ou selon plusieurs modèles?<br />
Selon quelle rationalité va-t-il<br />
se réorganiser? Nous croyons que la<br />
partie n’est pas jouée.<br />
V. P. – Donc, il faut chercher<br />
encore.<br />
M. T. et C. L. – Il faut accompagner,<br />
observer et essayer de comprendre<br />
ce qui se passe. On fait<br />
souvent des réformes et on oublie<br />
de regarder ce qui se passe sur le<br />
terrain. Il est probable que, dans un<br />
contexte de décentralisation, dans<br />
un contexte de diversification et de<br />
compétition ou de marché, il va<br />
émerger de la diversité. C’est important,<br />
comme système, d’être en<br />
mesure de documenter cette diversité.<br />
En même temps, notre rôle de<br />
chercheur consiste aussi à inscrire<br />
cette actualité dans des processus et<br />
des tendances de plus longue<br />
<strong>du</strong>rée. Par exemple, l’école telle<br />
que nous la connaissons encore<br />
aujourd’hui existe depuis à peu<br />
près quatre siècles, et elle repose<br />
toujours sur le même dispositif de<br />
base : des classes où travaillent des<br />
enseignants avec des élèves. Il est<br />
donc nécessaire de voir comment<br />
les changements <strong>du</strong> jour s’inscrivent<br />
par rapport à ce dispositif. Est-ce<br />
qu’ils le modifient vraiment? Si oui,<br />
de quelle manière et à quelle profondeur?<br />
V. P. – Merci beaucoup.<br />
VIE 8 Vie pédagogique 118, février-mars<br />
2001