DOSSIER Les - Gouvernement du Québec
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les élèves et les rendre plus actifs<br />
dans leurs apprentissages. Elle décide<br />
alors d’enseigner de manière<br />
plus traditionnelle le matin et consacre<br />
l’après-midi à la réalisation<br />
de projets pédagogiques.<br />
Cette année, Nathalie enseigne<br />
encore en 5 e année et se sent mieux<br />
préparée pour amener les élèves à<br />
réaliser un plus grand nombre de<br />
projets et à travailler en coopération.<br />
Elle croit fermement que l’approche<br />
par projets répond mieux<br />
aux besoins des élèves. Enfin, cette<br />
année, Nathalie n’est plus la seule<br />
titulaire d’une classe de 5 e et apprécie<br />
pouvoir de nouveau travailler en<br />
équipe.<br />
Quand on lui demande, comme à<br />
Marie-Claude, ce qui a influencé ses<br />
choix et ses actions pédagogiques,<br />
elle nous répond qu’elle a eu l’occasion<br />
de faire de la suppléance<br />
dans la classe d’une enseignante<br />
qui faisait de la pédagogie <strong>du</strong> projet<br />
et qu’elle a pu ainsi commencer à<br />
explorer cette approche. De plus,<br />
comme elle est encore toute jeune,<br />
elle se souvient encore très clairement<br />
de sa propre expérience<br />
d’élève qui, trop souvent, s’ennuyait<br />
à l’école.<br />
Pour sa part, Julie a commencé sa<br />
carrière par de la suppléance occasionnelle,<br />
puis elle a enseigné les<br />
mathématiques et la morale dans<br />
des classes multiprogrammes où les<br />
élèves étaient partagés en sousgroupes<br />
pour l’enseignement de ces<br />
deux programmes. Par la suite, en<br />
plus de son travail dans les classes<br />
multiprogrammes, on lui a confié<br />
les services de francisation auprès<br />
MARIE-CLAUDE PILOTE<br />
d’un groupe d’élèves venant d’ex-<br />
Yougoslavie. Elle a beaucoup aimé<br />
l’expérience mais, nous dira-t-elle,<br />
« c’est quelque chose! partir de<br />
rien, pas de matériel, et des élèves<br />
qui ne parlent pas un mot de<br />
français ».<br />
Cette année, Julie a obtenu son premier<br />
contrat à temps plein en 6 e année.<br />
Bien qu’elle soit la seule à<br />
enseigner à cet échelon dans son<br />
école et que la perspective <strong>du</strong> passage<br />
<strong>du</strong> primaire au secondaire la<br />
préoccupe beaucoup, elle se sent<br />
toutefois plus libre d’explorer le<br />
travail par projets et l’apprentissage<br />
coopératif. Enfin, elle nous dit avoir<br />
reçu le soutien de son parrain de<br />
probation qui, bien qu’il utilise luimême<br />
une approche pédagogique<br />
de type plutôt magistral, s’est révélé<br />
un accompagnateur aidant. Elle<br />
souligne également l’influence de sa<br />
directrice qu’elle dit très engagée<br />
dans la réforme et, donc, à l’affût<br />
des idées nouvelles.<br />
Julie, appuyée en cela par ses deux<br />
collègues, nous dit miser énormément<br />
sur toutes les occasions possibles<br />
de formation continue afin de<br />
pouvoir constamment remettre en<br />
question et bonifier sa pratique<br />
professionnelle.<br />
Ce bref échange avec Marie-Claude,<br />
Nathalie et Julie nous a confirmé<br />
que ces trois jeunes enseignantes<br />
sont des personnes assez exceptionnelles<br />
qui ont beaucoup à partager.<br />
Certes elles ont, de leur propre<br />
aveu, davantage de questions que<br />
de réponses, mais ne sont-elles pas<br />
en ce sens des exemples concrets et<br />
riches de praticiennes réflexives?<br />
LES HÉRITIERS DE SOCRATE :<br />
LA QUÊTE MORALE DES<br />
ADOLESCENTS DÉCROCHEURS<br />
Dpar Pierre Bouchard<br />
De tous les personnages de<br />
l’Antiquité, Socrate est sans<br />
doute l’un des plus attachants.<br />
Il errait sur les places publiques<br />
pour bavarder avec la population<br />
d’Athènes. Ayant renoncé à tout<br />
métier, il vivait dans la pauvreté.<br />
Il était connu comme un original,<br />
sortant par des temps de grand froid<br />
avec peu de vêtements sans paraître<br />
en souffrir; pouvant passer de longues<br />
périodes plongé dans ses méditations,<br />
immobile, imperturbable.<br />
Il vivait en marge de la société et se<br />
faisait un devoir de remettre en<br />
cause certaines valeurs admises par<br />
tous. Il disait aux jeunes que « la vie<br />
ne doit pas être consacrée au corps,<br />
à la poursuite des honneurs, à l’acquisition<br />
de la richesse, mais au<br />
développement de l’âme; que l’argent<br />
ni les autres biens matériels ne<br />
font la valeur d’un homme, mais<br />
ses qualités morales » (Platon, p.8).<br />
Socrate tente de comprendre la parole<br />
des dieux, transmis par l’Oracle<br />
de Delphe, selon laquelle il serait le<br />
plus savant des hommes. Lui qui a<br />
la ferme conviction de ne rien savoir,<br />
met à l’épreuve cette idée. Il se rend<br />
voir des hommes réputés sages :<br />
le politicien, le poète et l’artisan.<br />
Il découvre qu’ils ne savent pas plus<br />
que lui ce qui est bon pour l’homme<br />
et il leur dit. Ces derniers sont<br />
mécontents et ils occultent ses propos<br />
en l’accusant de s’adonner à<br />
des sciences auxquelles s’adonnent<br />
ceux qui ne croient pas aux dieux.<br />
Ils l’accusent aussi de pervertir les<br />
jeunes qui l’imitent en remettant en<br />
cause les croyances de leurs aînés.<br />
Celui qui symbolise la conscience<br />
de la cité se taira pour toujours.<br />
Il sera mis en accusation, jugé et<br />
condamné à mort. Mais la quête <strong>du</strong><br />
vieux sage se perpétue. Du fond de<br />
l’Antiquité à ce jour, de jeunes<br />
objecteurs portent en eux la même<br />
flamme. Ce sont les héritiers de<br />
Socrate :<br />
« ...aussitôt après ma mort, vous<br />
aurez à subir une peine bien plus<br />
<strong>du</strong>re... plus nombreux seront vos<br />
censeurs, que je retenais moimême<br />
jusqu’à ce jour à votre insu;<br />
en outre, ils seront d’autant plus<br />
sévères qu’ils sont plus jeunes et<br />
vous n’en serez que plus irrités... »<br />
(Platon p.48).<br />
Le but <strong>du</strong> présent article est de contribuer<br />
à la réhabilitation morale<br />
des décrocheurs en s’inspirant de<br />
la philosophie et <strong>du</strong> développement<br />
de l’adolescent. L’abandon scolaire<br />
y est présenté comme un des aboutissements<br />
possibles d’un processus<br />
par lequel l’adolescent tente de<br />
faire siennes les valeurs morales qui<br />
lui sont proposées. Si la majorité<br />
des adolescents trouvent à l’école<br />
un terrain propice où actualiser<br />
cette quête, d’autres n’y parviennent<br />
pas et font l’expérience d’une rupture.<br />
Cette approche relationnelle<br />
<strong>du</strong> phénomène de l’abandon scolaire<br />
se démarque de celle qui en<br />
occulte globalement le sens en se<br />
bornant strictement à le définir<br />
comme une conséquence d’affections<br />
ou de déviances survenues<br />
chez la personne. Pour l’école qui<br />
adopte une approche relationnelle,<br />
la situation problématique de<br />
l’élève devient celle avec laquelle<br />
elle s’associe; son histoire, celle<br />
dans laquelle elle s’engage.<br />
LA QUÊTE<br />
Le phénomène <strong>du</strong> décrochage survient<br />
dans un contexte plus large<br />
d’expériences que font certains<br />
adolescents de formes de pensée et<br />
même, de modes de vie différents.<br />
On peut les voir circuler, souvent en<br />
groupe, bruyants, parfois drôlement<br />
accoutrés. Leur présence dérange :<br />
ils passent les nuits d’été dans les<br />
parcs de la ville à discuter d’anarchie<br />
dans des odeurs d’herbe brûlée;<br />
dans les centres commerciaux et<br />
sur les places d’affaires, les commerçants<br />
se plaignent : « Ce n’est<br />
pas bon pour le commerce, ces<br />
jeunes qui vagabondent sans rien<br />
acheter. » Certains ne sont plus à<br />
l’école, d’autres y sont toujours<br />
mais s’en éloignent peu à peu.<br />
Mauvais élèves, ils sont mis à la<br />
porte de la classe par le professeur<br />
ou suspen<strong>du</strong>s de l’école par le<br />
VIE 10 Vie pédagogique 118, février-mars<br />
2001