22.11.2014 Views

DOSSIER Les - Gouvernement du Québec

DOSSIER Les - Gouvernement du Québec

DOSSIER Les - Gouvernement du Québec

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

intellectuelle et affective, au monde<br />

<strong>du</strong> texte ainsi construit. Sur le plan<br />

intellectuel, par exemple, je juge ce<br />

monde vrai ou faux, vraisemblable,<br />

peu vraisemblable ou invraisemblable,<br />

probable, peu probable ou<br />

improbable, susceptible ou non<br />

d’entraîner mon accord, plus ou<br />

moins pourvu de vertu informative,<br />

logique ou illogique, etc. Sur le plan<br />

affectif, et toujours à titre d’exemple,<br />

je le juge original ou banal,<br />

surprenant ou atten<strong>du</strong>, émouvant<br />

(c’est-à-dire, entre autres, gai ou<br />

triste, effrayant ou apaisant, admirable<br />

ou détestable) ou froid, etc.<br />

Bien enten<strong>du</strong>, mes jugements sur le<br />

plan intellectuel et sur le plan affectif<br />

peuvent interférer.<br />

Y a-t-il entre la compréhension 1 et<br />

la compréhension 2 des relations<br />

d’influence unilatérale ou réciproque?<br />

La question n’est pas tranchée<br />

et elle ne le sera sans doute jamais<br />

en fonction de détermination proportionnelle<br />

(plus de ceci entraîne<br />

nécessairement moins de cela). Ce<br />

qu’il importe de retenir des études<br />

scientifiques sur cette question,<br />

c’est que la réaction affective au<br />

stimulus textuel peut influer d’une<br />

manière bénéfique sur la compréhension<br />

6 . Et, ce qu’il faut coûte<br />

que coûte mettre en évidence, c’est<br />

que le plaisir de lire ne se dissocie<br />

pas de la com-préhension, de l’engagement<br />

affectif et intellectuel dans<br />

l’élaboration de la représentation<br />

mentale. Si je n’ai aucun intérêt<br />

pour le monde <strong>du</strong> texte, aucun<br />

plaisir à m’y projeter en imagination,<br />

l’effort qu’exige de moi sa construction<br />

me paraît excessif; je n’y<br />

consens que sous la contrainte,<br />

dans une situation de lecturetravail,<br />

et il y a peu de chance alors<br />

que je mémorise avec facilité ce que<br />

je construis.<br />

LES PARTICULARITÉS ET<br />

LES SPÉCIFICITÉS DU TEXTE<br />

Quel qu’il soit, un texte présente<br />

des particularités (on dit aussi des<br />

propriétés) et des spécificités. Ces<br />

dernières sont les caractéristiques<br />

qu’il partage avec d’autres textes<br />

relevant d’une ou de plusieurs classes.<br />

<strong>Les</strong> premières sont, à l’inverse,<br />

des traits singuliers, des traits que<br />

l’on ne retrouve donc pas dans<br />

d’autres textes.<br />

QUELQUES QUESTIONS À SE POSER<br />

POUR POSER DE BONNES QUESTIONS<br />

1. Qu’est-ce que je souhaite que les élèves comprennent?<br />

2. Est-ce que ce que je souhaite qu’ils comprennent :<br />

– est rapportable à des objectifs d’apprentissage précis?<br />

–peut leur resservir, est bien de nature à leur permettre de progresser?<br />

3. Est-ce que les questions que je pose sont pertinentes au regard de<br />

l’évaluation de ce que les élèves sont censés comprendre?<br />

4. Est-ce que je centre leur attention (exclusivement) sur les mots<br />

inconnus qui feraient obstacle à la compréhension de ce que je<br />

souhaite qu’ils comprennent?<br />

5. Est-ce que mon mode de questionnement :<br />

– permet au plus grand nombre d’élèves de manifester leur compréhension?<br />

– me permet d’évaluer effectivement les compétences de lecture,<br />

en d’autres mots évite le « parasitage » des habileté en lecture<br />

(manifestation des compétences lecturales) par les habiletés en<br />

écriture ou en expression orale?<br />

– amène les élèves à faire état de leur compréhension lors d’une<br />

première lecture?<br />

Si l’on ne questionne l’élève que<br />

sur les particularités d’un texte,<br />

il est clair que l’on ne fait pas<br />

grand-chose pour qu’il conquière,<br />

à terme, son autonomie de lecteur.<br />

Passant d’un texte à l’autre, il doit<br />

répondre à des questions toutes différentes<br />

et peut donc difficilement<br />

s’appuyer sur des lectures antérieures<br />

pour réagir d’une manière opportune.<br />

Or, je le répète, il s’agit bien<br />

de former des lecteurs autonomes,<br />

des lecteurs capables d’accomplir,<br />

en classe, une tâche-problème à<br />

fonction certificative, des lecteurs<br />

qui, en dehors de l’école, non seulement<br />

prendront eux-mêmes la<br />

décision de lire (plutôt que celle de<br />

s’informer, de se divertir par quelque<br />

autre moyen), mais encore<br />

décideront de lire de telle ou telle<br />

manière, en se satisfaisant de telle<br />

ou telle qualité de compréhension.<br />

La qualité de la compréhension est<br />

en partie déterminée par la reconnaissance<br />

de traits catégoriels qui<br />

in<strong>du</strong>isent un parcours pertinent,<br />

que l’on ait affaire à un texte factuel<br />

ou à un texte fictionnel. Par exemple,<br />

si je ne perçois pas, dans un<br />

article de presse, les traits d’un<br />

texte à fonction persuasive et à<br />

structure argumentative, ma lecture<br />

reste déten<strong>du</strong>e, erratique, naïve,<br />

bref inappropriée, car elle est de<br />

nature à me faire prendre les opinions<br />

d’autrui pour argent comptant.<br />

Au contraire, si je reconnais<br />

ces traits, mon comportement de<br />

lecteur change : mes facultés critiques<br />

sont en éveil, je m’attache à<br />

repérer les arguments, je juge de<br />

leur valeur, j’en conclus quelque<br />

chose quant à la valeur de la thèse<br />

et à celle de mes propres opinions<br />

sur la question. De même, si je ne<br />

perçois pas, dans un texte, l’intention<br />

artistique, je ne puis lui accorder<br />

une attention esthétique. Le texte<br />

littéraire que j’envisage peut certes<br />

m’intéresser, susciter en mon esprit<br />

de nombreuses questions, donner<br />

lieu à une discussion animée entre<br />

d’autres personnes et moi-même,<br />

mais ni cette discussion ni les questions<br />

que je me pose ne répondront<br />

à la demande de reconnaissance que<br />

m’adresse l’auteur, celle de considérer<br />

ce texte en tant qu’objet d’art.<br />

Il convient donc d’attirer, en posant<br />

des questions, l’attention des élèves<br />

sur les spécificités, sur les traits<br />

communs au texte considéré et à<br />

plusieurs autres. Ces traits sont en<br />

général nombreux. Pour les cerner,<br />

il faut avoir des connaissances relatives<br />

aux genres historiquement<br />

attestés (genres très codifiés comme<br />

le conte merveilleux, la fable, la<br />

tragédie, le roman d’énigme criminelle,<br />

le fait divers, l’article de dictionnaire,<br />

etc.; genres moins codifiés<br />

comme le conte fantastique,<br />

l’histoire drôle, le drame, le roman<br />

de formation, le billet d’humeur,<br />

l’essai, etc.) 7 . Il faut avoir en outre<br />

des connaissances relatives aux<br />

typologies savantes, élaborées plus<br />

ou moins récemment. Ces typologies<br />

reposent sur différentes bases :<br />

la base de la fonction dominante<br />

(Jakobson 8 ); la base de l’énonciation<br />

(Benveniste, Weinrich 9 );<br />

la base de l’intention ou de l’acte<br />

de langage (Bakhtine, Austin,<br />

Searle 10 ); la base de la superstructure<br />

(Adam 11 ); la triple base de<br />

l’intention, de l’énonciation et de la<br />

situation (Bronckart 12 ). Quoi qu’il<br />

en soit de l’état des connaissances<br />

des élèves (ou <strong>du</strong> professeur) à<br />

propos de ces classifications, l’habitude<br />

de chercher ce qui apparente<br />

un texte donné à un autre abordé<br />

avant, ainsi que ce qui l’en différencie,<br />

ne peut que favoriser l’« autonomisation<br />

» de ceux-ci et la mobilisation<br />

de leurs acquis. C’est en<br />

outre une activité de nature à exercer<br />

des compétences transversales<br />

d’ordre cognitif extrêmement importantes<br />

: analyse, synthèse, in<strong>du</strong>ction,<br />

comparaison.<br />

Cela dit, il ne faut jamais perdre de<br />

vue que les textes — les textes<br />

littéraires en particulier — sont<br />

des constructions sémantiques<br />

singulières, parfois très originales,<br />

que leurs particularités méritent de<br />

s’y attarder et que, à l’époque moderne<br />

entre autres, les écrits auxquels<br />

la postérité a attaché le plus<br />

de prix sont ceux qui ont transgressé<br />

les normes génériques. Il ne<br />

faut pas oublier non plus que la<br />

qualité d’un écrit peut tenir pour<br />

beaucoup à l’utilisation personnelle,<br />

singulière, des ressources linguistiques<br />

(au style stricto sensu).<br />

Des questions qui ne porteraient<br />

que sur les spécificités d’un texte<br />

pourraient donc être tout aussi critiquables<br />

que des questions uniquement<br />

centrées sur ses propriétés.<br />

En pratique, il est très souvent possible<br />

de questionner les élèves sur<br />

les particularités d’un texte en insistant<br />

sur le caractère exportable de<br />

la question, autrement dit sur le<br />

fait qu’elle est, mutatis mutandis,<br />

reposable si l’on considère un texte<br />

<strong>du</strong> même genre ou relevant <strong>du</strong><br />

même type.<br />

VIE 52 Vie pédagogique 118, février-mars<br />

2001

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!