DOSSIER Les - Gouvernement du Québec

GILLES CHAMPAGNE, MICHEL NICHOLSON, YVES BOUCHER, CÉLINE ROY ET CHRISTIANE LECLERC
réforme propose, mais des modifications
au cœur de ce qui se passe
à l’école ». « Voit-on les gens qui
implanteront la réforme comme de
simples exécutants? »
UN RISQUE D’INDIGESTION?
Les participants ont alors abordé la
question de la « formation » des
personnes qui devront mettre en
œuvre cette réforme et, à ce sujet,
les opinions divergeaient, certains
la voyant comme absolument indispensable
et d’autres, comme superflue.
« Je ne suis plus une enfant, je
n’ai pas besoin qu’on me prenne
par la main…Ce qu’il faut, c’est
s’asseoir et réfléchir ». « De la formation,
il y en a tellement, que le
risque d’indigestion nous guette! »
Une participante, chargée de cours à
l’université, a fait part de son inquiétude
concernant la formation des
futurs « maîtres » qui, en 3 e année
du Bacc, n’ont encore rien entendu
au sujet de la réforme. « Les universitaires
n’y sont tout simplement
pas. » La même personne s’interroge
sur le sérieux des formateurs
qu’elle a côtoyés quand ils déclarent
: « On va vous montrer quelque
chose de tout nouveau : cela n’a
jamais été fait avant! » Et elle ajoute :
« Non seulement les écoles “alternatives”
— qui ne sont pas dépositaires
de la vérité — ont depuis longtemps
adopté de telles approches,
mais aussi de nombreux enseignants
partout au Québec… Et quand j’invite
les responsables en place à
venir voir ce qui se fait chez nous en
ce sens et que je n’obtiens pas de
réponse, je me pose de sérieuses
questions! »
LA NÉCESSAIRE RÉFLEXION…
Par ailleurs, d’autres participants
remettent en question l’apparente
absence de mécanismes pour
favoriser la mise en place de cette
réforme. « Moi, je pense qu’il en
manque un bout. Commence-t-on
par la fin? Les enseignants se demandent
chez moi à quel moment
ils vont pouvoir se rencontrer pour
former une véritable équipe de travail.
» « Si rien n’est fait pour
favoriser la participation des directions
d’école à la mise en œuvre de
cette réforme, le Ministère se sera
trompé, encore une fois! »
Et encore une fois aussi, il y a trop
de « flou » selon certains, dans les
visées de la réforme, particulièrement
sur le plan de l’évaluation,
non seulement des élèves, mais des
enseignants, de l’école, de la direction,
etc. « Il aurait fallu, au besoin,
prendre deux ans de plus… »
« Ce qui est étrange, là-dedans, c’est
qu’on impose aux enseignants de
travailler avec les jeunes, notamment
en faisant appel à la réflexion,
mais qu’on ne prenne pas le temps
de permettre aux enseignants de
réfléchir. » La participante qui parle
ainsi a livré un vibrant témoignage
sur la nécessité d’amener parents,
enseignants et autres éducateurs à
réfléchir, à ne pas « projeter tout le
monde là-dedans sans plus de
réflexion, de “responsabilisation”,
car ce n’est pas évident de passer
du rôle d’exécutant à celui de véritable
professionnel autonome : tu
fais alors partie du problème ET de
la solution! »
La question du matériel didactique
et de l’acquisition des compétences
a également été soulevée : « Va-t-on
se mettre à produire des manuels
visant à développer des compétences?
» « Dans certaines écoles,
on nous demande ce qui va arriver
de “nos cahiers d’exercices”. »
ÇA NESEFERA PAS PAR MAGIE!
Plusieurs intervenants ont par
ailleurs exprimé une grande foi en
cette réforme.
« Une réforme, c’est bien, mais ce
n’est pas un arrêt de tout, ni un
gage absolu de réussite. Il va falloir
regarder ce qui est proposé, prendre
ce qui nous convient, rester
dans un processus de cheminement
continu, réfléchir et rester critique,
vigilant. »
« Rester critique, oui, mais particulièrement
vis-à-vis nous… Ne
pas attendre que “les autres” nous
rejoignent. La réforme, c’est l’occasion
de rendre accessible à d’autres
ce que nous faisons tout en remettant
en question nos pratiques, nos
processus. Ainsi, est-il normal par
exemple, qu’on en soit rendu à se
demander, dans certaines écoles
“alternatives”, si on peut avoir des
enfants parce que tout notre temps
est consacré à s’occuper de ceux
des autres? Nous avons quelques
mythes de ce genre à détruire. »
« Les autres réformes apportaient
des réponses, celle-ci pose des
questions, suscite la réflexion sur la
pratique, les façons de faire, etc.
Les États généraux sur l’éducation
avaient bien amorcé tout cela…Le
changement, c’est toujours insécurisant,
mais des outils sont prévus
pour les enseignants. »
« C’est une belle réforme : elle
dépasse le pédagogique pour atteindre
le social… Il faudra du temps
pour réfléchir, cependant. Il faudra
aussi “défaire” l’évaluation et, quant
à nous, ne pas s’asseoir sur nos
acquis. »
« Un des défis à relever, c’est celui
de l’intégration des parents à titre
non pas de bénévoles, mais de participants
à part entière. »
« Chez nous, on ne considère pas
qu’on a toute la vérité à l’école
“alternative”. On examine beaucoup
ce que propose la réforme. Le
comité de recherche pédagogique,
regroupant des parents et des
enseignants, compare la mission de
l’école et ce qui est suggéré par la
réforme et on découvre plein de
choses intéressantes. »
FUIR L’INDIVIDUALISME POUR
MIEUX… INDIVIDUALISER
(Si vous deviez mettre en
œuvre la réforme dans votre
école, comment procéderiezvous?)
« Je ferais un “burn-out”! »
Cette première réponse, spontanée,
accompagnée d’un clin d’œil et
empreinte d’humour, montre tout
de même que la mise en œuvre de
cette réforme ne va pas de soi, même
aux yeux d’éducateurs rompus aux
orientations qu’elle propose.
On peut résumer la dizaine d’interventions
relativement à cette question
par les mots ou expressions
suivantes : être à l’écoute, faire
confiance, permettre aux enseignants
de « dire », partir des forces
progressistes, patience, patience
et re-patience, dégager les satisfactions
et les insatisfactions
existantes, être disponible,
respecter le rythme de chacun,
partir de leurs oppositions, ne pas
juger, partir d’un portrait réaliste
de l’école, donner des balises et
non de la formation…, assurer
une bonne supervision, établir
une relation d’aide, d’accompagnement,
réfléchir, provoquer
même la réflexion, reconnaître le
droit à l’erreur.
On le voit, l’essentiel pour ces
habitués de la coopération et de
l’entraide, c’est de faire confiance
aux ressources de l’autre et de
cheminer ensemble.
ACCEPTER DE TÂTONNER…
(Faut-il être superpédagogue?)
Il y a eu une belle et humble unanimité
en réponse à cette question :
NON! Mais il faut : « aimer son métier,
beaucoup! » « c’est un beau
mot, “pédagogue” »; « combattre,
au contraire, le syndrome de la
“maîtresse parfaite” et éviter de
penser : “là, je l’ai, l’affaire!”... »;
accepter de tâtonner, mais ne pas
taponner… »; « mettre l’accent,
VIE 16 Vie pédagogique 118, février-mars
2001