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DOSSIER Les - Gouvernement du Québec

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<strong>DOSSIER</strong><br />

regarde, Étienne! Sais-tu pourquoi<br />

on a inventé la multiplication? Pour<br />

compter plus facilement des tuiles! »<br />

Et le voilà parti chercher des blocs,<br />

puis en train de composer des carrelages<br />

rectangulaires et d’associer<br />

les côtés aux termes d’une multiplication<br />

: 3 x 4 donne 12, 7 x 6 donne<br />

42, etc. Facile, non? En après-midi,<br />

il se retrouve devant ses élèves, qui<br />

ne savent plus quoi faire pour isoler<br />

la variable « x » dans l’équation<br />

suivante : 5x + 4 = 21. Michel leur<br />

MICHEL CLARK<br />

raconte alors comment les mathématiciens<br />

musulmans, qui devaient révéler ainsi l’utilité. La perspective<br />

partager équitablement des terres historique crée un contexte. En<br />

entre plusieurs héritiers, ont trouvé racontant comment la façon actuelle<br />

une solution originale à ce problème<br />

en travaillant avec des tuiles. n’est arrivée qu’au 17 e siècle, avec<br />

d’écrire une équation algébrique<br />

Il propose alors l’analogie suivante : Viète, Descartes et d’autres mathématiciens,<br />

il montre des êtres hu-<br />

« D’une part, il y a 5 rectangles<br />

identiques dont la base vaut un (1) mains cherchant une façon de régler<br />

et dont la hauteur n’est pas connue un problème concret. Ce chemin de<br />

de même que 4 petits carrés dont les la pensée concrète à la pensée<br />

côtés mesurent un (1) et, 21 petits formelle s’emprunte dans les deux<br />

carrés dont les côtés sont de un (1). sens. <strong>Les</strong> mathématiques sont présentes<br />

dans différentes sphères de<br />

Quelle doit être la hauteur des rectangles<br />

pour que chaque côté ait la l’activité humaine et le fait de le<br />

même superficie? » <strong>Les</strong> élèves se reconnaître aide les élèves à apprécier<br />

leur contribution dans leur<br />

mettent à bouger les carrés : ils en<br />

enlèvent 4 à droite, puis il faut bien vie quotidienne et dans notre société.<br />

Ainsi, ils en arrivent à voir les<br />

qu’ils en enlèvent 4 à gauche, etc.,<br />

et ils finissent par trouver la solution<br />

à l’aide des tuiles. Il ne leur instruments de liberté donnant à<br />

outils mathématiques comme des<br />

reste plus qu’à faire un lien avec la chaque indivi<strong>du</strong> la possibilité d’avoir<br />

technique algébrique de résolution prise sur sa vie.<br />

de problèmes, trop souvent apprise Pour illustrer cette perspective,<br />

par cœur. Ils se retrouvent ainsi Michel Clark donne l’exemple d’une<br />

avec une stratégie qu’ils peuvent situation d’apprentissage qu’il a<br />

comprendre parce qu’ils ont prise proposée à ses élèves la semaine<br />

sur les gestes à faire. « Je te le dis, ça précédant l’entrevue et qui portait<br />

marche, André », me raconte-il d’une sur l’élaboration d’une méthode permettant<br />

à une personne de compa-<br />

voix surexcitée, « et avec des problèmes<br />

bien plus difficiles que ça! » rer deux offres salariales faites par<br />

L’intégration d’une dimension culturelle<br />

dans l’enseignement de Michel clair que « la liberté et l’autonomie<br />

son employeur. Affirmant haut et<br />

est fondamentalement motivée par augmentent avec le savoir », il<br />

le souci d’ancrer les notions mathématiques<br />

dans le concret et d’en l’intention de cette personne, une<br />

demanda à ses élèves d’inventer, à<br />

40<br />

VIE<br />

Photo : Denis Garon<br />

Photo : Denis Garon<br />

UN CHOIX DIFFICILE!<br />

Problème de mathématiques présenté par Michel Clark<br />

à ses élèves de 4 e secondaire<br />

Le voilà donc arrivé, ce moment tant atten<strong>du</strong> : une offre d’augmentation<br />

de salaire. Il a les mains trempées à cause de la nervosité et ne sait trop<br />

s’il doit être content ou sur la défensive…<br />

Cela fait déjà cinq ans qu’il travaille comme livreur pour la compagnie<br />

Posterapide inc. Il a deux jeunes enfants de 3 et 5 ans qu’il adore et sa<br />

conjointe travaille, mais pour un salaire plus petit que le sien. Il pense<br />

que la vie familiale est importante et trouve aussi que le logement qu’il<br />

habite est devenu un peu trop petit. Encore des calculs à faire, lui qui en<br />

arrache avec les mathématiques! Comment va-t-il faire pour se démêler<br />

dans ces chiffres?<br />

Tous ces détails lui trottent dans la tête quand son patron lui dit : « Mon cher<br />

Michel, tu as 24 heures pour me répondre. J’attends de tes nouvelles. »<br />

Tout en marchant vers sa voiture, il relit les deux offres salariales :<br />

«L’employeur (Posterapide inc.) fait les deux offres suivantes à son<br />

employé Michel St-Sauveur (matricule 269) :<br />

Offre 1<br />

Pour 35 heures de travail hebdomadaires, la compagnie vous offre un<br />

salaire de 10 $ l’heure. <strong>Les</strong> heures supplémentaires seront rémunérées<br />

ainsi : les 15 premières heures au salaire de 14 $ l’heure et celles qui<br />

suivront à 20 $ l’heure jusqu’à un maximum possible de 70 heures de travail<br />

au total.<br />

Offre 2<br />

Pour 35 heures de travail hebdomadaires, la compagnie vous offre un<br />

salaire de 9 $ l’heure. <strong>Les</strong> heures supplémentaires seront rémunérées ainsi :<br />

les 15 premières heures au salaire de 20 $ l’heure et celles qui suivront<br />

au salaire de 30 $ l’heure jusqu’à un maximum possible de 70 heures de<br />

travail au total. »<br />

Michel, avec l’accord de sa conjointe, décide de consulter son meilleur<br />

ami pour l’aider à prendre une décision et l’éclairer dans son choix. Ce<br />

meilleur ami, c’est vous! Comment allez-vous l’aider à choisir? Quelle<br />

offre est la meilleure pour lui? Laquelle est la plus payante?<br />

Accepte-t-il de faire des heures supplémentaires? Combien? A-t-il l’énergie<br />

suffisante pour travailler douze heures d’affilée? Préfère-t-il gagner un<br />

peu moins et s’occuper plus assidûment de sa famille?, etc.<br />

GIBB, Allan A. « More on Physical Models for Factoring Polymnials », Mathematical<br />

Teachers, février 1974, p. 133-138.<br />

manière de comparer les deux<br />

offres de telle sorte qu’elle puisse<br />

prendre la meilleure décision possible.<br />

«Tu devrais les voir travailler »,<br />

explique Michel avec un large sourire.<br />

Il précise qu’ils mettent<br />

d’abord dix minutes à comprendre<br />

qu’ici ce n’est pas de choisir une<br />

offre salariale plutôt qu’une autre<br />

qui est intéressant. Il s’agit plutôt,<br />

d’abord, de trouver un outil mathématique<br />

permettant de bien comprendre<br />

les deux offres salariales et<br />

donnant ainsi la possibilité de faire<br />

un choix éclairé et, ensuite, de<br />

reconnaître plusieurs solutions à ce<br />

problème, certaines plus efficaces<br />

que d’autres, la comparaison des<br />

méthodes suscitant le débat. Michel<br />

ajoute qu’il n’y a probablement<br />

qu’à l’école qu’on peut prendre le<br />

temps de faire cela car, sur le marché<br />

<strong>du</strong> travail, la méthode utilisée<br />

est parfois délibérément cachée<br />

et, de toute façon, difficile à décou-<br />

vrir, le contexte ne s’y prêtant que<br />

rarement.<br />

Pour Michel Clark, une situation<br />

comme celle-là force les élèves à<br />

généraliser et démontre éloquemment<br />

la puissance des mathématiques,<br />

donc leur utilité de même<br />

que la nécessité de les étudier.<br />

«Voilà pourquoi l’école est utile et<br />

nécessaire : élever le degré de liberté<br />

et de qualité de vie des jeunes<br />

en leur fournissant l’arme principale<br />

<strong>du</strong> pouvoir d’agir, le savoir. »<br />

La culture générale — et les mathématiques<br />

font partie de ce patrimoine<br />

universel — devient ainsi un<br />

formidable levier. « André, me dit-il<br />

en finissant, j’espère qu’un jour<br />

nous serons reconnus comme des<br />

« bâtisseurs de liberté ».<br />

Michel Clark est enseignant<br />

à l’école secondaire Père-<br />

Marquette à Montréal (Commission<br />

scolaire de Montréal).<br />

André Blondin est chargé de<br />

cours à l’Université de Montréal.<br />

Vie pédagogique 118, février-mars<br />

2001

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