DOSSIER Les - Gouvernement du Québec

DIFFÉRENTES MANIÈRES D’INTÉGRER LA PERSPECTIVE CULTURELLE À L’ÉCOLE
par Diane Saint-Jacques
DOSSIER
Dans les pages qui précèdent,
huit enseignants et
enseignantes, parfois porteparole
d’une équipe, ont accepté de
témoigner, pour Vie pédagogique,
de leur manière d’intégrer la perspective
culturelle dans leur classe.
Ces enseignants et enseignantes de
l’éducation préscolaire, du primaire
et du secondaire ont répondu,
par écrit ou oralement, à nos
questions sur les raisons de leur
recours à des référents culturels,
sur les finalités ainsi poursuivies
et plus particulièrement sur les
manières de faire, les contenus
sélectionnés, les voies empruntées
ou les moyens pédagogiques utilisés.
Il en est donc de la perspective
culturelle comme des compétences
transversales ou de l’enseignement
par cycles : des enseignants et des
enseignantes ont pris les devants.
Avant que la réforme le demande,
ils ont proposé aux élèves des situations
d’apprentissage à perspective
culturelle afin d’enrichir leurs apprentissages
et d’en accroître la
signifiance. Chacun exploite différemment
les référents culturels,
mais tous rendent compte des riches
possibilités qu’offre leur intégration.
Le témoignage de ces personnes
est précieux. Dans le train de
la réforme où s’est engagée l’école,
la visée culturelle, mouvante et multiforme,
est difficile à saisir. Leurs
propos sur les motifs de l’intégration
d’une dimension culturelle à
l’école et les façons de l’effectuer
permettent de regarder autrement
sa propre pratique pédagogique,
d’y repérer les éléments, similaires
ou différents, dont on dispose pour
prendre le virage culturel auquel
nous convie le nouveau Programme
de formation. Ces récits sur la pratique
peuvent aussi servir d’exemples
pour préciser ses propres
représentations de la dimension
culturelle, voire ouvrir des pistes,
offrir des moyens d’action. La
synthèse suivant les récits en fait
ressortir les caractéristiques exemplaires.
CARACTÉRISTIQUES D’UN
ENSEIGNEMENT À PERSPECTIVE
CULTURELLE
SYNTHÈSE DES RÉCITS SUR
LA PRATIQUE
Les expériences d’intégration d’une
dimension culturelle à l’école dont
rendent compte les enseignantes et
enseignants interrogés sont éloquentes.
La diversité des manières
de faire est toutefois surprenante
à la première lecture. Certes, des
caractéristiques d’un enseignement
à perspective culturelle se dégagent
de ces témoignages, mais est-ce
qu’elles lui sont propres? La perspective
culturelle n’est-elle qu’une
autre manière de parler de la pédagogie
du projet, voire de l’approche
par compétences? Ces témoignages
bousculent aussi quelques idées
reçues. Ainsi, la spécificité de la
perspective culturelle n’apparaît
pas comme une question de contenu
: toutes les matières sont concernées
et les référents culturels relèvent
autant de la culture médiatique
que du patrimoine universel. Cette
perspective n’est pas davantage une
question d’approches pédagogiques,
celles-ci se révélant diversifiées.
Cette synthèse présente des caractéristiques
d’un enseignement à
perspective culturelle, les points
communs émergeant de l’analyse
des récits des enseignantes et enseignants
interrogés. Certaines caractéristiques
sont manifestes, celles
relatives aux référents culturels utilisés,
aux finalités poursuivies par
leur intégration, aux voies empruntées
pour le faire, historiques surtout.
D’autres se révèlent toutefois
latentes; plus fondamentales, elles
font de ce type d’enseignement
d’abord une question de signification
à donner à un objet d’apprentissage.
DES RÉFÉRENTS CULTURELS
DIVERSIFIÉS
La perspective culturelle des pratiques
pédagogiques rapportées par
les enseignantes et enseignants interrogés
ne relève pas de matières particulières,
au contraire. Les situations
d’apprentissage touchent toutes les
disciplines du curriculum, soit tout
autant les arts, l’histoire et la littérature,
ces matières que le rapport
Inchauspé (1997) qualifie de « naturellement
porteuses de culture »
(p. 13), que la mathématique, les
sciences, la cuisine ou les techniques
d’usinage. Les différentes
disciplines sont pourtant omniprésentes.
Elles constituent la base sur
laquelle viennent se greffer les
référents culturels, alors mis à leur
service en quelque sorte.
De même, les référents culturels
auxquels recourent les enseignantes
et enseignants interrogés sont extrêmement
diversifiés. Certains, les
Jeux olympiques par exemple, proviennent
de la télévision; d’autres,
tel le Festival de jazz de Rimouski,
de la vie culturelle de la communauté.
D’autres encore sont tirés
du patrimoine mondial, comme les
œuvres de Mozart ou de Rostand, ou
du patrimoine québécois, comme
la légende de Rose Latulipe. Les
référents culturels évoqués sont
puisés dans le patrimoine artistique
et littéraire, incontournable dans la
tradition « humaniste » des collèges
classiques, mais ils proviennent
aussi du domaine scientifique : les
perceptions de l’univers de Copernic
et de Galilée, Einstein et la bombe
atomique, la manière d’écrire une
équation algébrique, etc. La notion
de patrimoine s’applique donc,
comme nous y invite le rapport
Inchauspé, aux productions significatives
d’ici et d’ailleurs, d’hier et
d’aujourd’hui, dans tous les domaines
du savoir. Enfin, certains
référents culturels proviennent des
contenus du Programme de formation.
Les programmes d’études relèvent,
en effet, de la culture dite
générale, soit de l’ensemble des
savoirs et des savoir-faire constituant
la formation de base qu’une
société, par l’entremise de son ministère
de l’Éducation, juge bon
d’offrir à tous et à toutes.
La notion de culture sous-jacente
aux référents culturels retenus est
donc comprise dans un sens très
large, analogue d’ailleurs à celui
que lui donne le Programme de formation.
Puisqu’on considère que
l’école est « un milieu d’appropriation
de la culture à double titre », la
culture y est définie en relation avec
« les croyances et les valeurs » d’une
société et « comme le fruit de l’activité
de l’intelligence humaine »
(gouvernement du Québec, 2000,
p. 4). La culture, dans ce sens large
couvrant toutes les manifestations
d’humanité, devient alors un réservoir
inépuisable de référents patrimoniaux,
médiatiques, disciplinaires
ou autres, sélectionnés pour
appuyer la notion, l’habileté ou l’attitude
qui est objet d’apprentissage.
DES FINALITÉS CULTURELLES ET
PÉDAGOGIQUES
Les référents culturels sont sélectionnés
en fonction de leur potentiel de
soutien pour l’objet d’apprentissage,
mais également en fonction de
certaines finalités. Les enseignantes
et enseignants interrogés mentionnent
des finalités proprement
culturelles, en rapport avec celles
proposées dans le Programme de
formation. Des finalités d’enrichissement
tant du curriculum ou des
savoirs que de la vision du monde
des élèves sont évoquées : faire
découvrir un large éventail de productions
culturelles aux jeunes,
développer leur curiosité, éveiller
leurs sens, enrichir leur connaissance
du monde, etc. À l’augmentation
du bagage culturel s’ajoutent
des objectifs d’ouverture, parfois
liés à l’enrichissement : élargir les
horizons des élèves, les faire sortir
des Pokémon ou autres modes semblables,
les outiller pour qu’ils puissent
faire face à l’inconnu à partir
du connu. S’y retrouvent aussi des
finalités d’ouverture aux autres
cultures, pour aider les élèves à
comprendre le monde où ils vivent
et à prendre conscience de leur
situation particulière dans ce
monde, de même que d’ouverture
à des valeurs, pour les sensibiliser à
certaines attitudes par rapport au
métier dans lequel ils s’engagent, etc.
D’autres finalités mentionnées par
les praticiennes et praticiens interrogés
renvoient à leur credo pédagogique
: la conviction que les
enfants sont des coffres à trésors
capables de tout absorber, le désir
de leur transmettre une passion
VIE 42 Vie pédagogique 118, février-mars
2001