mémoires de l'académie d'orléans agriculture sciences, belles ...

18À bord, il y a François Roger qui rejoint son poste et la mère Javouhey, avec dix sœurs de Saint-Joseph de Cluny, qui vient fonder une mission au Sénégal. Elle en a installé une à l’île Bourbon(la Réunion) en 1817. Après le Sénégal, elle créera des missions en Guyane en 1822, aux Antillesen 1823, et en Guinée en 1828. Louis-Philippe a dit d’elle : "C’est un grand homme". L’opinionpublique l’a surnommée "la mère des noirs".François Roger est un des quatorze gouverneurs qui se sont succédés à Saint-Louis entre1817 et 1854, date de l’arrivée du colonel Faidherbe au Sénégal. Il faut y ajouter les dix-septintérimaires qui ont comblé les vides des absences des titulaires. Ce qui signifie un manque decontinuité dans l’action du Chef de territoire. Roger a la particularité d’être un civil, difficilementaccepté des officiers de marine qui l’entourent. D’ailleurs, le dictionnaire des parlementaires deRobert et Cougny (1890), en a fait, sans rien vérifier, un officier de marine. Deuxièmeparticularité, il connaît le Sénégal à sa prise de fonction, puisqu’il y a fait un séjour de deux anspour le compte personnel du roi. Troisième particularité, il va rester longtemps à son poste, plusde six ans, ce qui est également un cas unique. Les instructions du directeur des colonies auministère de la marine, Mauduit, sont très précises : : "Coloniser est le grand but de votremission. Le reste de vos fonctions, tout importantes qu’elles sont, peut, en quelque sorte, n’êtreconsidéré que comme moyen d’arriver à cette fin essentielle".Dans un nota page 246, des Fables sénégalaises, qu’il publie en 1828, Roger résume son action :"À mon arrivée au Sénégal, il ne s’y trouvait pas un arbre à fruit, pas une plante utile, pas lamoindre trace de ces richesses végétales qui, compagnes de l’homme civilisé dans tous les pays etselon les climats, le suivent pour fournir à ses besoins, à ses plaisirs... J’ai conçu qu’il y aurait unegloire vraie, une vive satisfaction à doter ces contrées de végétaux des deux mondes, cultivés pardes nègres libres. Mes mains ont dirigé la première charrue, planté le premier arbre, cueilli lespremiers fruits. J’ai vu réussir mes essais."C’est le retour à une action strictement économique, au détriment du commerce. Roger estpersuadé que la croissance d’une société sous-développée se fonde sur l’agriculture. Lecommerce doit abandonner ses pratiques corrompues et devenir l’auxiliaire de l’agriculture enincitant les paysans à produire et à s’assurer un niveau décent.Depuis le traité de Paris et après que Napoléon I er , de retour de l’île d’Elbe, au début desCent jours, lui qui avait rétabli l’esclavage en 1802, eut aboli la traite des esclaves le 29 mars 1815,l’idée s’était répandue que, ne pouvant plus transporter les ouvriers là où se trouvait le travail, ontransporterait le travail là où se trouvaient les ouvriers. Au plus grand regret des commerçantssaint-louisiens, les navires de guerre anglais et français avaient dorénavant le droit de visite. Latraite essayait de subsister, mais elle était assimilée à la piraterie. Un navire confisqué pouvait êtrebrûlé. C’est à cette époque qu’une société américaine installa, à partir de 1822, des esclaves noirslibérés dans une région d’Afrique occidentale qui deviendra, en 1848, le Liberia. La Sierra LeoneCompany l’avait précédée dès 1792 en créant Freetown et en y installant des noirs rapatriésd’Amérique. La colonisation du Sénégal paraissait une solution excellente au problème que lasuppression de la traite posait. Le gouverneur Schmaltz avait fait rapport pour indiquer que leSénégal se prêtait à la culture, par des bras libres, des denrées dites coloniales. Mais à son départ.en 1820, rien n’avait été fait.À son arrivée à Saint-Louis, le gouverneur Roger trouve des jardiniers botanistes quidépendent, à cette époque, du service de santé, comme les chirurgiens et les pharmaciens de lamarine. Roger tente de mettre en place en différents lieux, toujours à proximité du fleuve, ce qu’ila réussi à Koïlel. Sa réussite avait été un peu moins effective qu’il l’a déclaré dans ses rapports.Lui, qui va œuvrer tout le long de sa vie pour l’abolition de l’esclavage, éprouve pour les"naturels" une sympathie vive et il leur trouve de vraies qualités : "Je crois que notre populationindigène, malgré quelques formes qui surprennent au premier aspect, vaut au moins ceux de ladernière classe du peuple en Europe."En direction de la métropole, Roger s’attache à combattre la réputation d’insalubritéqu’on a faite au Sénégal, ce qui la prive de crédits, de capitaux et de main-d’œuvre. Dès sa priseAcadémie d'Orléans Agriculture, Sciences, Belles-Lettres et Arts VI e Série- Tome 18 - 2008