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mémoires de l'académie d'orléans agriculture sciences, belles ...

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44Orléans, et le cardinal, peu amateur <strong>de</strong> fêtes et discours, sut cependant répondre courtoisement<strong>de</strong> Rome aux lettres <strong>de</strong> félicitations qu’il reçut <strong>de</strong> son clergé et <strong>de</strong>s magistrats. 39C’est en assurant ses fonctions <strong>de</strong> Grand Aumônier, aussitôt après le baptême du secondduc <strong>de</strong> Bretagne, arrière-petit-fils du roi,. que le cardinal, déjà mala<strong>de</strong>, mourut, dans sonappartement <strong>de</strong> fonction, dans la nuit du 3 décembre 1706. La cour en fut bouleversée, laPrincesse palatine particulièrement, à cause <strong>de</strong> sa rare bonté. Ses officiers, qui entouraient son lit<strong>de</strong> mort, rapportèrent à Orléans le chagrin du roi. Celui-ci lui accorda une <strong>de</strong>rnière faveur, etabsolument unique : faire accompagner son corps par le curé <strong>de</strong> Versailles dans sa cathédraled’Orléans, avec un déploiement funèbre impressionnant : le convoi était escorté <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux rangsd’un régiment royal, et ordre avait été donné <strong>de</strong> rendre les honneurs à chaque localité traversée.Le cortège et les carrosses drapés <strong>de</strong> noir aux armes du défunt partirent <strong>de</strong> Versailles le 13février 1706 et se présentèrent à la Porte Bannier le len<strong>de</strong>main soir vers 17 heures, à la nuittombante. Ils étaient attendus par les membres du chapitre Sainte-Croix, qui avaient pourtantcherché dans leurs archives un précé<strong>de</strong>nt pour éviter <strong>de</strong> s’y rendre. N’en trouvant pas, ils eurenthonte <strong>de</strong> <strong>de</strong>meurer dans la cathédrale, en voyant que les Orléanais avaient envoyé leurs gensmunis <strong>de</strong> flambeaux, pour faire la haie, du faubourg jusqu’au centre. Malgré la solennité <strong>de</strong> laremise du précieux dépôt, il s’éleva encore une ridicule querelle <strong>de</strong> préséance entre le présidial etla municipalité, chacun voulant bien bénir le corps, mais avec son propre goupillon. Lacathédrale n’en possédant qu’un, Messieurs <strong>de</strong> la Ville refusèrent <strong>de</strong> cé<strong>de</strong>r, et se retirèrentdignement 40 .Après l’inhumation immédiate dans la crypte et dans l’intimité du chapitre, on organisaquatre services, avec catafalques, intérieur <strong>de</strong> l’église tendu <strong>de</strong> noir jusqu’aux voûtes, et oraisonsfunèbres. Les cérémonies se succédèrent à la cathédrale d’abord, puis à Saint-Aignan, puis auxMinimes enfin à l’Hôpital général. Le faste, cette fois, était dépassé par l’émotion. Lesprédicateurs avaient été <strong>de</strong>s familiers du défunt, et les auditeurs constituaient tous autant <strong>de</strong>témoins. Ainsi, malgré les co<strong>de</strong>s du genre et le ton emphatique obligé, ces discours sortent <strong>de</strong> larai<strong>de</strong>ur habituelle et constituent une source abondante d’informations sur les faits et lesmentalités.Pour conclure, je ne retiendrai qu’un point, mais capital. Le dix-septième siècle, qu’onvoit en ce moment à travers les splen<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> Versailles ou quelques biographies marquantes,fut en réalité un "siècle <strong>de</strong> fer" (Jacques Alleaume), où le peuple souffrit <strong>de</strong>s guerres, <strong>de</strong> révoltespaysannes, d’une pauvreté endémique, <strong>de</strong> querelles théologiques et religieuses, et d’unepersécution têtue contre les protestants et ceux qu’on appelait jansénistes. Tous les diocèsesfurent affectés, sauf un, celui d’Orléans.Mais cette paix fut fragile, car le fanatisme ultramontain du successeur Fleuriaud’Armenonville la fit voler en éclats. Une fois proscrite la mémoire du cardinal, Orléans fut laproie <strong>de</strong> discor<strong>de</strong>s amères qui divisèrent la cité durant la première moitié du XVIII e siècle. Puis cefut le silence. Ce n’est qu’en 1938, au hasard <strong>de</strong> travaux d’ailleurs, que M gr Courcoux releva avechonneur les restes du cardinal, en lui érigeant un mémorial dans le déambulatoire <strong>de</strong> lacathédrale, non sans cette Descente <strong>de</strong> Croix qu’il aimait tant, et qu’on nous envie.Cela nous paraît sans doute très loin aujourd’hui, mais on doit se souvenir <strong>de</strong> ce que cethomme rare apporta à la ville : la noblesse <strong>de</strong>s bâtiments, le recul <strong>de</strong> l’ignorance, le goût <strong>de</strong> lascience et <strong>de</strong> la beauté, enfin et surtout une tolérance qui prouve à quel point un homme seul estcapable, au moins pendant quarante ans, <strong>de</strong> faire d’une ville divisée en mesquines rivalités,difficile à émouvoir, "remuante" dit Saint-Simon, un exemple <strong>de</strong> concor<strong>de</strong> et d’émulation.39 Médiathèque d’Orléaans, ms 1361, p. 61 bis, et M. Cuénin, op.cit. p. 207-208.40 Cérémonies observées à la réception du corps du cardinal <strong>de</strong> Coislin, Médiathèque d’Orléans, ms 445, p. 267et sq.Académie d'Orléans Agriculture, Sciences, Belles-Lettres et Arts VI e Série- Tome 18 - 2008

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