mémoires de l'académie d'orléans agriculture sciences, belles ...

40Le séminaire d’OrléansD’abord trouver un terrain. Rien de libre en ville assurément, mais face à l’évêché, ilavisa une petite collégiale à demi-mourante, Saint-Avit, et demanda au roi des lettres patentes,immédiatement accordées, pour s’en porter acquéreur. Les revenus ne dépassaient pas 12000livres annuelles, ce qui était fort peu. Les derniers chanoines de Saint-Avit se virent largementdédommagés par de généreuses pensions. M gr de Coislin, habitué aux beaux bâtiments, avait vugrand. Mansart, encore lui, dressa des plans ambitieux, sans trop prendre garde à l’espaceimparti, ni à l’expropriation nécessaire des masures contiguës, mais, malgré le prix offert parl’évêque qui se défit à cet effet d’une belle abbaye, les propriétaires orléanais refusèrent net etassignèrent le maître d’œuvre. Ne s’était-on pas fort bien passé de séminaire jusque-là ? Descampagnards, on n’avait cure. L’évêque perdit son procès sur place, mais gagna en appel auParlement. D’où un grand retard dans les travaux. Une réticence générale fit que malgré les fondsinvestis par lui, M gr de Coislin ne vit pas cette construction terminée de son vivant. Lesuccesseur eut plus de chance. C’est l’actuel Collège Jeanne d’Arc, où l’on reconnaît bien la griffede Mansart, dans les bâtiments dégagés par les récents travaux de restauration.Mais si les locaux étaient modestes, l’enseignement, étalé sur trois ans, et qui débuta dès1668, était fort loin de l’être. M gr de Coislin aurait pu faire appel à des congrégations spécialisées,notamment Saint-Sulpice, et les murs de son séminaire se seraient plus vite élevés. Mais jalouxde son indépendance en ce temps de querelles théologiques, il ne voulut comme professeurs quedes Orléanais, et son savant chapitre de Sainte-Croix lui permit ce luxe. Déjà réputé, il accueillitsans tarder de nouveaux membres docteurs en Sorbonne, qui dispensaient un enseignementthéologique éclairé, sans étroitesse doctrinale, et dont l’évêque pouvait personnellementcontrôler la qualité et l’objectivité. Les élèves furent à la hauteur des maîtres. Les travaux de GaëlRideau permettent de conclure que les prêtres d’Orléans seront, sous M gr de Coislin, les plusdiplômés du royaume, loin devant Paris, Rouen et Lyon 27 .Mais pour les ruraux, si mal lotis, ce séminaire distingué ne pouvait convenir. Finpsychologue, l’évêque avait observé lors de ses visites que seuls des campagnards sauraientparler à leurs semblables ; aussi trouva-t-il à Meung une pauvre maison, avec un petit jardin, oùles candidats affluèrent aussitôt. De là sortirent quelques jeunes laïcs, dont l’un de Baule,François Compagnon, qui organisa des réunions catéchétiques sans empiéter sur les offices où lecuré prenait la parole. Et le dimanche, aux aurores, les habitants partaient à pied à Meung suivreun enseignement dont ils avaient soif. Le curé s’en montrait offensé, même s’il voyait revenir sesouailles pour la messe paroissiale. Cette petite fondation personnelle de l’évêque était dirigée pardeux maîtres doctes et dévoués, qu’il avait recrutés en Anjou. Monseigneur lui-même venait lavisiter quand il en avait le temps. Les pensionnaires, malgré la rigueur du règlement, n’avaientqu’une peur : celle d’être renvoyés chez eux.Les écolesMais si utile que fût cette humble maison, l’alphabétisation de terrain était la tâche la plusintelligente et la plus nécessaire. Nous arrivons ici à un autre record. Si le clergé orléanais était leplus diplômé du royaume, les enfants du diocèse seront les mieux instruits. À la mort de M gr deCoislin, on comptait 360 écoles paroissiales, chiffre jamais atteint nulle part dans le royaume. Lescréations commencèrent en ville, où des prêtres enseignaient le dimanche, aidés par des membresde familles aisées : les demoiselles Sarrebource enseignaient à Saint-Paul, Françoise deMontisambert dans différentes paroisses d’Orléans. Un cas remarquable est celui de M. Joguesde Bouland, d’une famille de robe, qui après des frasques de jeunesse qui désespéraient sa famille,fonda une école de garçons à Saint-Marc dont la réputation s’étendit jusqu’à Lyon 28 . En paysrural, près des cures où exerçaient les chanoines de Sainte-Geneviève, élevés au sacerdoce après 7ans d’études, le curé forma des catéchistes, donna ses instructions le dimanche à toutes lesgénérations : comme en témoignent les mémoires de Christophe Sauvageon, le curé de Sennely.Ces écoles, pour les deux sexes, étaient gratuites ; elles vivaient de dons, venant de l’évêque27 G. Rideau, op.cit. t. I, p. 128.28 Eloge d’un vigneron chrétien, Médiathèque d’Orléans, ms 2053.Académie d'Orléans Agriculture, Sciences, Belles-Lettres et Arts VI e Série- Tome 18 - 2008