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seconde partie du rapport - Institut de la Méditerranée

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changé, les vil<strong>la</strong>s sont <strong>de</strong> véritables bunkers, <strong>de</strong>s grossesbâtisses <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux, voire quatre étages, <strong>de</strong>s barreaux auxfenêtres, <strong>de</strong>s portes blindées», témoigne une habitanted’Alger. Ainsi, les manifestations <strong>de</strong> l’insécurité entraînent<strong>de</strong>s réactions d’enfermement, <strong>la</strong> création <strong>de</strong> ghettos gardéspar <strong>de</strong>s services et <strong>de</strong>s milices spéciales. C’est le casnotamment à Beyrouth où l’insécurité a enclenché unprocessus <strong>de</strong> migration qui a abouti à <strong>la</strong> construction <strong>de</strong>banlieues structurées et organisées, quadrillées par <strong>de</strong>sinstitutions idéologiques, é<strong>du</strong>catives et sanitairesmiliciennes. Pourtant, loin d’être une solution adaptée à <strong>la</strong>violence et à l’insécurité, ce repli entraîne une aggravation<strong>de</strong> <strong>la</strong> violence en diminuant les possibilités <strong>de</strong> dialogue. Cequi n’empêche pas les entrepreneurs <strong>de</strong> construire toujoursplus <strong>de</strong> « lotissements fermés» en Méditerranée.La dérive intégriste et ses conséquencesAutre principale cause d’insécurité urbaine, l’intégrismeconstitue également une menace pour les habitants <strong>de</strong>svilles méditerranéennes. Il est <strong>de</strong>venu en l’espace <strong>de</strong>quelques années un phénomène endémique affectant lesvilles méditerranéennes. Certaines villes telles qu’Alger,Casab<strong>la</strong>nca ou encore Le Caire sont toutefois plusconcernées que d’autres. Mais, d’une façon générale, <strong>la</strong>progression <strong>de</strong> l’intégrisme aujourd’hui dans <strong>la</strong> régionméditerranéenne est un fait préoccupant pour les autorités<strong>de</strong>s villes concernées tout comme pour <strong>la</strong> communautéinternationale, inquiète <strong>de</strong> l’ampleur prise par ce phénomène.Un phénomène mal connuS’il est souvent fait état <strong>du</strong> lien entre pauvreté et terrorisme,paradoxalement, les étu<strong>de</strong>s sur le sujet sont quasi inexistantes.Pourtant, <strong>la</strong> menace intégriste vis-à-vis <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tionsfragilisées existe bel et bien. Les banlieues remplies <strong>de</strong> jeunessans instruction, sans véritable emploi, sans espoir,fournissent aux réseaux terroristes <strong>de</strong> nombreuses recrues.Pour Luis Martinez, chercheur au Centre d’Etu<strong>de</strong>s et <strong>de</strong>Recherches Internationales <strong>de</strong> Paris, «les dynamiques <strong>de</strong> <strong>la</strong>contestation armée ne s’expliquent que très marginalementpar <strong>de</strong>s arguments d’ordre théologique, voire idéologique. À<strong>la</strong> base, <strong>la</strong> contestation <strong>de</strong>s banlieues et le rejet <strong>de</strong> <strong>la</strong> légitimité<strong>du</strong> pouvoir ren<strong>de</strong>nt mentalement possible le passage à <strong>la</strong>violence: le groupe is<strong>la</strong>miste armé (GIA) et l’AIS (l’aile militaire<strong>du</strong> FIS) représentent en 1994 <strong>de</strong>s forces d’opposition légitimespour une gran<strong>de</strong> <strong>partie</strong> <strong>de</strong>s jeunes <strong>de</strong>s banlieuespopu<strong>la</strong>ires». 12 Pauvreté et terrorisme entretiennent donc<strong>de</strong>s re<strong>la</strong>tions étroites même si <strong>la</strong> causalité entre ces <strong>de</strong>uxconcepts n’est pas permanente.À ce propos, un <strong>rapport</strong> controversé <strong>du</strong> Council onForeign Re<strong>la</strong>tions 13 , daté <strong>de</strong> 2002, a développé l’argumentselon lequel l’absence <strong>de</strong> perspectives économiques et <strong>la</strong>pauvreté seraient les causes <strong>du</strong> fondamentalisme et, parextension, <strong>du</strong> terrorisme. Ce point <strong>de</strong> vue n’est cependantpas partagé par tous. Les facteurs économiques et sociauxne sauraient expliquer à eux seuls le fondamentalisme. Lacomplexité <strong>de</strong> <strong>la</strong> question empêche les conclusions hâtives.Comme le rappelle Daniel Pipes 14 , spécialiste <strong>de</strong>s questionsre<strong>la</strong>tives à l’Is<strong>la</strong>m et au Moyen-Orient, «<strong>de</strong> nombreux cadres<strong>de</strong>s mouvements is<strong>la</strong>miques ont un niveau <strong>de</strong> formationtrès important». Le terrorisme n’est pas exclusivementl’apanage <strong>de</strong>s c<strong>la</strong>sses socialement défavorisées. Grâce àl’influence qu’il exerce sur un vaste ensemble d’étudiants,<strong>de</strong> diplômés et d’intellectuels désœuvrés, l’is<strong>la</strong>mismeparvient à s’étendre et à contrôler <strong>la</strong> propagation <strong>de</strong>s idéesdans les quartiers pauvres et les bidonvilles.Il existe donc bien un risque pour les popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong>squartiers pauvres mais un risque non systématique. Leministre marocain <strong>de</strong> l’enseignement supérieur, KahlidRashit, a d’ailleurs admis que les bidonvilles <strong>de</strong> Sidi Moumenà Casab<strong>la</strong>nca se caractérisaient par leur insécurité etdéc<strong>la</strong>ré que le gouvernement avait découvert plusieursmosquées à proximité <strong>de</strong> ces banlieues où étaient recrutéset formés <strong>de</strong>s jeunes radicaux. Selma Be<strong>la</strong>a<strong>la</strong>, chercheuseà l’<strong>Institut</strong> d’Etu<strong>de</strong>s Politiques <strong>de</strong> Paris et auteur d’un articlesur le terrorisme marocain, a mis en évi<strong>de</strong>nce l’imp<strong>la</strong>ntation<strong>de</strong>s organisations djihadistes dans les banlieues marocainesen rappe<strong>la</strong>nt que celle-ci était <strong>du</strong>e en gran<strong>de</strong> <strong>partie</strong> auxconditions <strong>de</strong> vie dans ces bidonvilles <strong>la</strong>issés à l’abandon.Mais s’il faut éviter <strong>la</strong> généralisation, il est néanmoinscertain que l’enfermement social et l’exclusion, facilitent lebasculement dans l’intégrisme.Un environnement urbain favorable àl’intégrismeS’appuyant sur le discours religieux, l’is<strong>la</strong>misme sé<strong>du</strong>it <strong>de</strong>spopu<strong>la</strong>tions appauvries et marginalisées. Les propositions<strong>de</strong> lutte contre <strong>la</strong> pauvreté et l’indigence contenues dansles recommandations is<strong>la</strong>miques peuvent en effet constituerpour une frange <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion désintégrée un argumentmassif pour recourir à l’action armée. La pauvreté,l’ignorance et les inégalités sociales font le jeu <strong>de</strong>sfondamentalistes qui mettent en avant les inaptitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong>srégimes à solutionner ces problèmes <strong>de</strong> société. Le Partipour <strong>la</strong> Justice et le Développement , parti is<strong>la</strong>mistemarocain, met d’ailleurs un point d’honneur à soulignerl’incapacité <strong>de</strong>s principaux courants politiques à empêcher<strong>la</strong> mobilisation <strong>de</strong>s plus démunis dans <strong>la</strong> lutte radicale.Les mosquées qui, dans bien <strong>de</strong>s pays méditerranéens,fournissent un point <strong>de</strong> repère social pour les exclus <strong>de</strong>svilles, servent parfois <strong>de</strong> re<strong>la</strong>is à ces réseaux. Dans ces pays,110LES VILLESMEDITERRANÉENNESDIX ANS APRESBARCELONE12 Contribution <strong>de</strong> Luiz Martinez « L’environnement <strong>de</strong> <strong>la</strong> violence : djihad dans <strong>la</strong> banlieue d’Alger » à l’ouvrage <strong>de</strong> Rémy Leveau, L’Algérie dans <strong>la</strong> guerre, 1995.13 Le Council on Foreign Re<strong>la</strong>tions est une organisation indépendante et nationale basée à New York qui met à <strong>la</strong> disposition <strong>de</strong>s étudiants, <strong>de</strong>s journalistes et <strong>de</strong> tout citoyen intéressé,<strong>de</strong>s informations sur le mon<strong>de</strong> et notamment sur <strong>la</strong> politique étrangère <strong>de</strong>s Etats-Unis.14 Daniel Pipes est le directeur <strong>du</strong> Forum <strong>du</strong> Moyen-Orient et l’un <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> l’<strong>Institut</strong> Américain pour <strong>la</strong> Paix, dépendant <strong>du</strong> prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s Etats-Unis.

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