LA COOPÉRATION DÉCENTRA-LISÉE DES VILLES ENMÉDITERRANÉELa coopération décentralisée, instrument pourun partenariat pluralisteLa coopération décentralisée est considérée comme unmodèle alternatif moins formaliste sur le p<strong>la</strong>n institutionnel,moins bureaucratique dans sa gestion et moins coûteux enterme budgétaire que les formes traditionnelles <strong>de</strong>coopération. Comparée aux initiatives étatiques, elleprésente l’avantage <strong>de</strong> susciter, par le biais <strong>de</strong>s collectivitéslocales, l’adhésion <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions.Elle est le fait d’une ou plusieurs collectivitésterritoriales, régions, départements, communes et leursgroupements et une ou plusieurs autorités localesétrangères qui se lient, sous forme conventionnelle, dansun intérêt commun. La coopération décentralisée secaractérise non seulement par <strong>la</strong> <strong>la</strong>rge gamme d’acteursou <strong>de</strong> familles d’acteurs mais également par les liens <strong>de</strong>concertation et <strong>de</strong> complémentarité entre ces acteurs. Lesactions <strong>de</strong> coopération peuvent prendre <strong>de</strong>s formes diverses(jume<strong>la</strong>ges, programmes ou projets <strong>de</strong> développement,assistance technique, action humanitaire ou gestioncommune <strong>de</strong> biens, <strong>de</strong> service). Elles peuvent intervenirentre collectivités ou autorités territoriales <strong>de</strong> toutes zonesgéographiques et <strong>de</strong> tous profils économiques ou sociaux.Les raisons incitant les collectivités à agir en coopérationsont variables et souvent plurielles. Elles peuvent êtred’ordre économique, politique, historique, mais les idéesforce<strong>de</strong>rrière l’engagement <strong>de</strong>s collectivités territorialessont toujours celles d’ouverture sur le mon<strong>de</strong>, <strong>de</strong> solidaritéet d’intérêt réciproque.La coopération décentralisée est donc une approchedifférente et complémentaire <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s traditionnels <strong>de</strong>coopération. Elle est, pour cette raison, con<strong>du</strong>ite à jouer unrôle grandissant dans <strong>la</strong> mobilisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> société civile, ledéveloppement local et l’évolution démocratique <strong>de</strong>ssociétés au Nord comme au Sud.Les stratégies post-indépendance ont conféré aux Etatsun rôle directeur dans le développement. Mais au cours <strong>de</strong>sannées 80, d’importantes réformes ont été intro<strong>du</strong>ites(ajustement structurel, démocratisation, décentralisation,etc) en vue <strong>de</strong> redéfinir le rôle <strong>de</strong> l’Etat et d’accroître <strong>la</strong>participation d’autres acteurs comme <strong>la</strong> société civile, lesecteur privé, ou les collectivités locales. De cette contrainte,un nouveau paradigme <strong>de</strong> coopération a émergé, prônantle développement participatif. Ainsi, <strong>la</strong> « coopérationdécentralisée » apparaît dans les accords <strong>de</strong> Lomé (1989),ALA (1992) et les programmes MED (1992-1993), commeune réponse <strong>de</strong> l’UE aux changements intervenus dans lesmo<strong>de</strong>s d’action <strong>de</strong>s Etats.Du jume<strong>la</strong>ge à l’institution <strong>de</strong> <strong>la</strong> coopérationdécentraliséeDans un premier temps, <strong>la</strong> coopération a été le fait <strong>de</strong>scommunes, animées par <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong> développer <strong>de</strong>s liensd’amitié avec les popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong>s communes alleman<strong>de</strong>spuis, pendant <strong>la</strong> guerre froi<strong>de</strong>, avec celles <strong>de</strong>s communes<strong>de</strong>s pays d’Europe <strong>de</strong> l’Est. Les jume<strong>la</strong>ges se sont d’aborddéveloppés en Europe ; ils constituaient alors principalement<strong>de</strong>s cadres d’échanges culturels. Dans les années 1970, lesjume<strong>la</strong>ges ont changé <strong>de</strong> nature lorsque <strong>de</strong>s communes sesont engagées dans <strong>de</strong>s actions concrètes <strong>de</strong> solidarité avecen particulier <strong>de</strong>s localités <strong>de</strong>s pays sahéliens. Les «jume<strong>la</strong>ges-coopération » se sont développés avec l’appui<strong>de</strong> <strong>la</strong> Fédération Mondiale <strong>de</strong>s Villes Jumelées (aujourd’huiFédération Mondiale <strong>de</strong>s Cités Unies).L’action <strong>de</strong> l’UE dans le partenariat euroméditerranéenLa coopération décentralisée a occupé une p<strong>la</strong>ce à partentière au sein <strong>du</strong> partenariat euro-méditerranéen mis enp<strong>la</strong>ce par l’UE au début <strong>de</strong>s années 1990 et plus encore,<strong>de</strong>puis <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration <strong>de</strong> Barcelone <strong>de</strong> 1995 où, pour <strong>la</strong>première fois, les Etats concernés ont admis le bien-fondé<strong>de</strong> <strong>la</strong> coopération entre collectivités territoriales <strong>du</strong> bassinméditerranéen. Le texte <strong>de</strong> <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration <strong>de</strong> Barcelone fait,en effet, expressément référence à l’implication <strong>de</strong>s autoritésrégionales et locales dans le partenariat euroméditerranéen.Les premiers programmes <strong>de</strong> soutien à <strong>la</strong> coopérationdécentralisée <strong>la</strong>ncés par l’Union Européenne ont été lesprogrammes MED <strong>la</strong>ncés en 1992 après <strong>la</strong> guerre <strong>du</strong> Golfe.Mis en p<strong>la</strong>ce par <strong>la</strong> Commission européenne dans le cadre<strong>de</strong> sa « Politique Méditerranéenne Rénovée », cesprogrammes répondaient à <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong> <strong>la</strong> Communauté<strong>de</strong> développer une coopération multi<strong>la</strong>térale avec et entreles pays tiers méditerranéens. Leur objectif était <strong>de</strong> renforcer<strong>la</strong> coopération politique et économique avec le Sud <strong>de</strong> <strong>la</strong>Méditerranée afin <strong>de</strong> contreba<strong>la</strong>ncer l’appui donné aux pays127LES VILLESMEDITERRANÉENNESDIX ANS APRESBARCELONE
d’Europe centrale et orientale. Ils comprenaient, en fonction<strong>de</strong>s partenaires, cinq programmes différents: Med URBS(collectivités territoriales), Med CAMPUS (universités), MedINVEST (entreprises), Med AVICENNE (centres <strong>de</strong> recherche)et Med MEDIA (professionnels <strong>de</strong>s média). Quoiquereprésentant un aspect re<strong>la</strong>tivement mineur <strong>de</strong> <strong>la</strong>coopération euro-méditerranéenne par <strong>rapport</strong> auprogramme MEDA, les programmes MED ont montré unecertaine efficacité en permettant, par l’injection d’un soutienfinancier <strong>de</strong> 67 millions d’ECU, <strong>la</strong> création <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 470réseaux regroupant environ 2000 partenaires <strong>de</strong> <strong>la</strong> sociétécivile.Fin 1995, <strong>la</strong> Commission européenne a pris <strong>la</strong> décision<strong>de</strong> suspendre temporairement ces programmes suite à <strong>de</strong>serreurs <strong>de</strong> gestion et <strong>de</strong>s présomptions <strong>de</strong> frau<strong>de</strong> révéléespar un audit <strong>de</strong> <strong>la</strong> Cour <strong>de</strong>s Comptes européenne et en vued’améliorer les mécanismes et systèmes <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> leurmise en œuvre. La Commission a, par <strong>la</strong> suite, procédé àune évaluation approfondie <strong>de</strong> ces programmes tant sur lep<strong>la</strong>n technique que financier. Des déceptions se sontégalement exprimées sur les réalisations concrètes et lessuites données aux étu<strong>de</strong>s.La Commission a alors mis en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s nouvellesdispositions <strong>de</strong> gestion et <strong>de</strong> contrôle, suivant notammenten ce<strong>la</strong> les recommandations <strong>du</strong> Parlement européen. Aprèsune interruption <strong>de</strong> trois ans, ces programmes ont donc étére<strong>la</strong>ncés en avril 1998. La re<strong>la</strong>nce a porté sur lesprogrammes MED URBS, MED CAMPUS et MED MEDIA.Mais malgré les tentatives <strong>de</strong> <strong>la</strong> Commission pour proposer<strong>de</strong>s nouveaux outils <strong>de</strong> gestion, ces programmes ont étédéfinitivement abandonnés en 2000. Une timi<strong>de</strong> re<strong>la</strong>nce estintervenue en 2004 avec <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce, en 2005, <strong>du</strong>programme Med’Act.Les questions urbaines dans le « mainstream» <strong>du</strong> partenariat euro-méditerranéenLes questions urbaines n’ont été jusqu’ici traitées que <strong>de</strong>façon très marginale dans le volet économique et financier<strong>du</strong> partenariat euro-méditerranéen. Rappelons ici que cevolet avait pour objectif premier l’instauration progressived’une zone <strong>de</strong> libre-échange entre l’Europe et les payspartenaires <strong>du</strong> Sud et <strong>de</strong> l’Est <strong>de</strong> <strong>la</strong> Méditerranée. Lacoopération économique et financière, financée par leprotocole MEDA, <strong>de</strong>vait accompagner ce mouvement avecpour priorités <strong>la</strong> poursuite <strong>de</strong>s réformes structurelles et <strong>la</strong>dynamisation <strong>du</strong> secteur privé.Mais cette coopération, basée sur <strong>de</strong>s accords entrel’UE et les Etats partenaires, a été peu ciblée sur <strong>la</strong>dimension urbaine, comme en témoigne <strong>la</strong> faible partdévolue aux projets d’aménagement urbain sur <strong>la</strong> pério<strong>de</strong>1995-2002, avec <strong>de</strong>ux projets seulement : <strong>la</strong> rénovation <strong>de</strong>squartiers <strong>de</strong> Ba<strong>la</strong>t et Fener à Istanbul (7 millions d’euros)et <strong>la</strong> résorption <strong>de</strong> quartiers insalubres Tanger (7 millionsd’euros). En revanche, parmi les volets sectoriels <strong>de</strong>l’instrument MEDA, plusieurs projets ont bénéficié aux villes: distribution d’eau et assainissement (214 millions d’eurosd’engagements), énergie et environnement urbain (1,9millions d’euros).A l’inverse, <strong>la</strong> Banque Européenne d’Investissements(BEI) s’est, au travers <strong>du</strong> FEMIP, plus <strong>la</strong>rgement investiedans le domaine <strong>de</strong>s infrastructures urbaines mais sousforme <strong>de</strong> prêts. Une liste <strong>de</strong>s principaux projets relevantstrictement <strong>du</strong> domaine urbain ayant fait l’objet d’un prêt<strong>de</strong> <strong>la</strong> BEI est indiquée en annexe.Le programme Interreg IIILe seul programme structuré permettant <strong>de</strong>s financer <strong>de</strong>scoopérations entre collectivités territoriales <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux rivesne relève pas <strong>du</strong> partenariat euro-méditerranéen mais <strong>de</strong><strong>la</strong> politique <strong>de</strong> cohésion interne à l’Union.Le programme Interreg est un programme d’initiativecommunautaire (PIC) qui vise à neutraliser pour <strong>partie</strong> lesfrontières en Europe en favorisant les coopérationstransnationales au niveau <strong>de</strong>s Etats, <strong>de</strong>s autres collectivitéspubliques et <strong>du</strong> secteur privé. Ce programme a été doté,pour <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> 2002 à 2007, d’un budget d’environ 5milliards d’euros pour l’ensemble <strong>de</strong> l’Europe , dont environ450 millions d’euros pour <strong>la</strong> zone «MéditerranéeOcci<strong>de</strong>ntale» (MEDOCC) comprenant le Sud <strong>de</strong> <strong>la</strong> France etles régions <strong>de</strong> <strong>la</strong> faça<strong>de</strong> méditerranéenne d’Espagne etd’Italie.Un autre volet baptisé ARCHIMED couvre l’Est <strong>de</strong> <strong>la</strong>Méditerranée (Grèce, Chypre, Malte et régions orientales<strong>de</strong> l’Italie).Ce programme qui est principalement dédié aufinancement <strong>de</strong> projets <strong>de</strong> coopération entre <strong>de</strong>s collectivitéseuropéennes est également ouvert aux collectivités <strong>du</strong> sud.Leur rôle reste néanmoins limité. Mais <strong>la</strong> fenêtre qui a étéouverte a permis <strong>de</strong> vérifier <strong>la</strong> pertinence <strong>de</strong> <strong>la</strong> démarcheet l’intérêt <strong>de</strong> plus en plus marqué <strong>de</strong>s collectivités <strong>de</strong>s <strong>de</strong>uxrives <strong>de</strong> changer l’échelle <strong>de</strong> leur coopération en lui donnant<strong>la</strong> dimension multi<strong>la</strong>térale qui reste <strong>la</strong> véritable valeurajoutée <strong>de</strong> l’Union Européenne.Le rapprochement MEDA-Interreg, longtemps souhaitépar les acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> coopération méditerranéenne, n’a paspu se réaliser en début <strong>de</strong> programmation <strong>du</strong> fait <strong>de</strong>smodalités différentes <strong>de</strong> fonctionnement <strong>de</strong>s <strong>de</strong>uxprogrammes. Ainsi, Interreg met en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s programmespluriannuels à gestion décentralisée au niveau <strong>de</strong>s régionsou <strong>de</strong>s Etats-membres. MEDA, <strong>de</strong> son côté, fonctionne sur128LES VILLESMEDITERRANÉENNESDIX ANS APRESBARCELONE