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seconde partie du rapport - Institut de la Méditerranée

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souffrant pour <strong>la</strong> plupart d’un déficit social, les mosquéesjouent en effet un rôle majeur. Elles sont souvent à l’origine<strong>de</strong>s services sociaux les plus rudimentaires commel’enseignement ou encore les soins médicaux. C’estnotamment <strong>la</strong> raison pour <strong>la</strong>quelle <strong>la</strong> croissance <strong>de</strong>s villesalgériennes est allée <strong>de</strong> pair avec une augmentationconsidérable <strong>du</strong> nombre <strong>de</strong> mosquées à vocationhumanitaire.Malheureusement, ces espaces re<strong>la</strong>is sont quelquefoiscourt-circuités par les réseaux intégristes qui utilisent cesmosquées comme centres <strong>de</strong> propagan<strong>de</strong> à l’attention <strong>de</strong>spopu<strong>la</strong>tions déracinées. Ces popu<strong>la</strong>tions excluessocialement le sont aussi spatialement, ce qui facilite letravail <strong>de</strong>s réseaux intégristes. «Les bidonvilles posent unvrai problème <strong>de</strong> sécurité. La police n’y pénètre pas aussiaisément qu’ailleurs, il lui est plus difficile d’y localiser leshabitants, et plus facile aux délinquants d’y trouver refuge»,confiait à un journal local un fonctionnaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> policemarocaine.Les groupes is<strong>la</strong>mistes armés marocains, comme As-Sirat Al Moustaqeem (le Droit chemin), se sont ainsiessentiellement basés dans les bidonvilles <strong>de</strong> Casab<strong>la</strong>nca.L’actualité, par le biais <strong>de</strong>s attentats perpétrés à Casab<strong>la</strong>ncaen 2003, a montré que ces bidonvilles, d’où étaient issus leskamikazes, « constituaient une menace pour <strong>la</strong> cohésion etl’équilibre <strong>du</strong> tissu social, et une source d’exclusion, <strong>de</strong>déviation et d’extrémisme » comme l’a souligné le roi <strong>du</strong>Maroc dans son discours à <strong>la</strong> Nation <strong>du</strong> 11 octobre 2002.De plus, une enquête ouverte après les attentats est venueconfirmer que <strong>la</strong> majorité <strong>de</strong>s groupes takfiristes 15 étaientissus <strong>de</strong>s bidonvilles <strong>de</strong> Casab<strong>la</strong>nca, <strong>de</strong> Meknès, <strong>de</strong> Fès et<strong>de</strong> Tanger, ainsi que <strong>de</strong>s faubourgs déstructurés <strong>de</strong>s villesmarocaines. « La formation <strong>de</strong>s groupuscules takfiristess’est donc effectuée dans le cadre d’une déliquescence <strong>de</strong>l’appareil policier, celui-ci abandonnant brutalement lesquartiers sensibles <strong>de</strong> <strong>la</strong> banlieue à <strong>la</strong> délinquance, <strong>de</strong>venuele terreau <strong>de</strong> recrutement et <strong>de</strong> reconversion <strong>de</strong>s milicesfondamentalistes.» 16Dans d’autres pays, comme au Liban, les groupesintégristes ont également profité <strong>de</strong> l’enfermement socialet spatial d’une frange <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion pour s’imp<strong>la</strong>nter.Ainsi, l’ancrage sa<strong>la</strong>fiste 17 dans les camps palestiniens <strong>du</strong>Liban est en gran<strong>de</strong> <strong>partie</strong> le résultat <strong>de</strong>s réseaux associatifset é<strong>du</strong>catifs tissés dans les camps par La Jama’a al-Is<strong>la</strong>miyya (les Frères musulmans libanais). Les sa<strong>la</strong>fistes,en s’immiscant dans le quotidien <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions, dans lesprêches <strong>du</strong> vendredi, dans certaines écoles, dans <strong>la</strong> façon<strong>de</strong> s’habiller <strong>de</strong>s personnes, sont parvenus à <strong>la</strong> dissolution<strong>de</strong>s mécanismes traditionnels <strong>de</strong> solidarité en créant <strong>de</strong>nouvelles solidarités.Une prise en charge <strong>de</strong> l’action sociale par lesorganisations intégristesL’action <strong>de</strong>s organisations intégristes dans le secteur socialest l’une <strong>de</strong>s clés expliquant leur infiltration dans lesquartiers pauvres <strong>de</strong>s cités. Nombreuses sont en effet lesvilles <strong>du</strong> bassin méditerranéen qui ont à souffrir d’uneinsuffisance <strong>de</strong> services sociaux. Les besoins considérables<strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions en matière <strong>de</strong> logement, <strong>de</strong> soins <strong>de</strong> santé,<strong>de</strong> pro<strong>du</strong>its alimentaires ne sont que <strong>partie</strong>llement satisfaits.Profitant <strong>de</strong> ces pénuries, les organisations intégristesmettent en p<strong>la</strong>ce une véritable «stratégie <strong>de</strong> <strong>la</strong> bienfaisance».Au Maroc, par exemple, ainsi que le <strong>rapport</strong>e MikeDavis 18 dans son livre P<strong>la</strong>net of Slums: «Des organisationscaritatives comme «Justice et bien-être» fondée par CheikYacine, sont <strong>de</strong>venus <strong>de</strong> vrais gouvernements <strong>de</strong> taudis:organisant <strong>de</strong>s cours <strong>du</strong> soir, fournissant l’assistancejudiciaire aux victimes <strong>de</strong>s abus <strong>de</strong> l’Etat, achetant <strong>de</strong>smédicaments pour les ma<strong>la</strong><strong>de</strong>s, subventionnant <strong>de</strong>spèlerinages et payant <strong>de</strong>s enterrements». À ce titre, l’ancienPremier Ministre marocain Ab<strong>de</strong>rrahmane Youssoufi, seconfiant au journaliste <strong>du</strong> Mon<strong>de</strong> diplomatique, IgnacioRamonet, a déc<strong>la</strong>ré: «Nous (<strong>la</strong> Gauche marocaine), noussommes coupés <strong>du</strong> peuple. Nous avons besoin <strong>de</strong>reconquérir les quartiers popu<strong>la</strong>ires. Les is<strong>la</strong>mistes ontsé<strong>du</strong>it notre électorat naturel. Ils leur promettent le paradissur terre». 19 Selon Nadia Yacine, porte-parole et fille <strong>du</strong>fondateur <strong>du</strong> mouvement is<strong>la</strong>miste «Justice et bien-être»cité plus haut, le succès rencontré par ces mouvementss’explique <strong>de</strong> <strong>la</strong> façon suivante : « Confrontés à <strong>la</strong>négligence <strong>de</strong> l’Etat et confrontés à <strong>la</strong> brutalité <strong>de</strong> <strong>la</strong> viequotidienne, les gens découvrent, grâce à nous, <strong>la</strong>solidarité, l’entrai<strong>de</strong>, <strong>la</strong> fraternité. Ils comprennent quel’Is<strong>la</strong>m est humanisme». 20Cette prise en charge <strong>de</strong>s services sociaux par lesorganisations is<strong>la</strong>mistes se retrouve dans d’autres villes <strong>du</strong>bassin méditerranéen. Ainsi, dans les bidonvilles <strong>de</strong> Gaza,le Hamas et les autres partis is<strong>la</strong>mistes progressent d’autantplus vite que leur réseau social pallie <strong>la</strong> gabegie et <strong>la</strong>corruption présentes sur le territoire. Dans <strong>la</strong> banlieue sud<strong>de</strong> Beyrouth, le Hizb’Al<strong>la</strong>h, organisation militaire et terroristepour certains et parti politique pour d’autres, contrôle lesystème é<strong>du</strong>catif (offrant notamment aux jeunes <strong>de</strong>sbourses d’étu<strong>de</strong>s en Iran), administre les servicesmunicipaux (collecte <strong>de</strong>s poubelles, asphaltage <strong>de</strong>s routes,etc) et gère aussi <strong>de</strong>s services sociaux, <strong>de</strong>s pharmacies, <strong>de</strong>scliniques et <strong>de</strong>s banques is<strong>la</strong>miques qui prêtent sans intérêt.Ces nouvelles solidarités créées par les organisationsis<strong>la</strong>miques viennent ainsi se substituer à l’action carencée,voire inexistante, <strong>de</strong>s Etats et insufflent une forme <strong>de</strong> liensocial là où il n’y en a pas.15 Le”takfir” est l’une <strong>de</strong>s principales idéologies <strong>de</strong> <strong>la</strong> violence dans le mon<strong>de</strong> musulman, notamment <strong>de</strong>puis le début <strong>de</strong>s années 1990.16 Selma Be<strong>la</strong>a<strong>la</strong> , Fabrique <strong>de</strong> violence: Misère et djihad au Maroc, Le Mon<strong>de</strong> diplomatique, nov 2004.17 La « Sa<strong>la</strong>fiya » est un courant is<strong>la</strong>miste réactionnaire et ultra-radical qui prône un retour à l’is<strong>la</strong>m <strong>de</strong>s origines et dont le premier pôle d’imp<strong>la</strong>ntation est le Maghreb.18 Mike Davis analyse dans son livre le phénomène <strong>de</strong> “bidonvillisation “ à travers le mon<strong>de</strong>.111LES VILLESMEDITERRANÉENNESDIX ANS APRESBARCELONE

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