Il ne faudrait pas penser, pour autant, que les PPPpuissent se substituer majoritairement aux investissementspublics, concernant en particulier les investissementsurbains. Tous secteurs confon<strong>du</strong>s, on constate que les PPPn’ont représenté, au cours <strong>de</strong>s vingt <strong>de</strong>rnières annéesqu’environ 22% <strong>de</strong>s investissements en infrastructure. Plus<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux tiers ont été financés sur fonds publics et le reste,soit environ 10%, par l’ai<strong>de</strong> internationale. La part <strong>de</strong>s fondspublics dans le financement <strong>de</strong>s infrastructures urbainesdépasse vraisemb<strong>la</strong>blement les trois quarts <strong>de</strong>sinvestissements totaux dans ce domaine.Autre avantage <strong>de</strong> taille, les modalités contractuelles<strong>du</strong> PPP sont centrées sur les résultats à atteindre plutôtque sur les moyens et les métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> travail. On s’assureainsi, en principe, <strong>de</strong> l’atteinte <strong>de</strong>s résultats à un prix etdans les dé<strong>la</strong>is convenus au moment <strong>de</strong> <strong>la</strong> signature <strong>de</strong>l’entente <strong>de</strong> partenariat. Si pour diverses raisons, le services’avère inadéquat ou <strong>de</strong> qualité inférieure, <strong>la</strong> rémunération<strong>du</strong> partenaire privé s’en trouvera ré<strong>du</strong>ite et agira en tantque moyen pour assurer le service <strong>de</strong> <strong>la</strong> qualité prévue aucontrat.Enfin, dans l’éventail <strong>de</strong>s formes <strong>de</strong> gestion déléguée,certaines peuvent être également un levier efficace <strong>de</strong>décentralisation et <strong>de</strong> responsabilisation <strong>de</strong>s collectivitéslocales. Elles présentent en effet l’avantage d’être peuconsommatrices <strong>de</strong> compétences, <strong>de</strong> ressources humaineset financières. Elles apparaissent également comme uninstrument accompagnant parfaitement les spécificités <strong>de</strong><strong>la</strong> décentralisation en Méditerranée à <strong>la</strong> condition toutefoisqu’elles respectent le principe <strong>du</strong> PPP.Des risques multiples à maîtriserLes risques associés à ces projets dans les pays endéveloppement en général sont <strong>de</strong> plusieurs natures.Le risque tarifaire est l’un <strong>de</strong>s principaux risquesauxquels sont confrontés les opérateurs privés etconcessionnaires <strong>de</strong> service public dans les paysméditerranéens. Les projets d’investissement, que ce soitdans le domaine <strong>de</strong> l’eau, <strong>de</strong> l’assainissement ou celui <strong>de</strong>sdéchets, supposent <strong>de</strong>s investissements initiaux importantsdans les premières années, qui ne sont rentabilisés que surune très longue <strong>du</strong>rée grâce à une augmentation régulièreet prolongée <strong>de</strong>s recettes. Les contrats <strong>de</strong> concession quece soit sur l’eau, l’assainissement ou les déchets, sont <strong>de</strong>scontrats portant sur <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s longues, <strong>du</strong>rant lesquelles<strong>de</strong> nombreuses évolutions peuvent se pro<strong>du</strong>ire, notammentdans <strong>la</strong> politique nationale, pouvant influer fortement surles prix <strong>du</strong> service même lorsque celui-ci est régulé.S’ajoute au risque tarifaire un risque <strong>de</strong> change. Eneffet, les recettes générées se présentent dans <strong>la</strong> monnaielocale alors que les prêts qui couvrent les investissementsnécessaires appellent souvent un remboursement enmonnaie étrangère. Or, les risques <strong>de</strong> change dans <strong>la</strong> régionsont élevés. En pratique, au cours <strong>de</strong>s dix <strong>de</strong>rnières années,certaines <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s concessions et <strong>de</strong>s partenariats privésont souffert <strong>de</strong> dévaluations brutales ou progressivesintervenus dans les pays hôtes. Les risques <strong>de</strong> change nesont plus contractuellement maîtrisables en cas <strong>de</strong> brusquechute <strong>du</strong> cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>vises et dans ce cas, les tarifs prévusne peuvent pas être pratiqués et les paiements <strong>de</strong>s clients<strong>de</strong>viennent aléatoires.Enfin, le risque contractuel reste très important, enparticulier, dans <strong>la</strong> zone méditerranéenne et ce pour troisraisons principales.La première est qu’il s’agit comme on l’a dit <strong>de</strong> contratsportant sur <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s longues <strong>du</strong>rant lesquelles <strong>de</strong>sévolutions importantes peuvent intervenir dans <strong>la</strong> politiquenationale ou dans les normes imposées au service.La <strong>de</strong>uxième tient à l’intro<strong>du</strong>ction <strong>de</strong>s grands opérateursprivés dans <strong>de</strong>s pays dont ils n’ont pas l’expérience et sur<strong>de</strong>s domaines pour lesquels l’information initiale (<strong>la</strong> carte etl’état <strong>du</strong> réseau par exemple) est souvent déficiente.La troisième est <strong>la</strong> tendance à <strong>la</strong> dérégu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>certains secteurs : l’apparition <strong>de</strong> régu<strong>la</strong>teurs supposésindépendants, les projets <strong>de</strong> privatisations <strong>de</strong> certainesautorités autrefois délégantes, sont autant <strong>de</strong> facteurs quipeuvent concourir à l’insécurité <strong>de</strong>s PPP ou à un certainmanque <strong>de</strong> visibilité.Pour une régu<strong>la</strong>tion efficace et équitableLa garantie d’une gestion équitable et efficace <strong>de</strong>s villes et<strong>de</strong> leurs services urbains passe par <strong>de</strong>s conditions formellesà remplir 24 Un équilibre entre les intérêts <strong>de</strong>s institutionspubliques et les intérêts privés est nécessaire. En outre, unefois cette articu<strong>la</strong>tion établie, <strong>de</strong>s exigences <strong>de</strong> transparenceet <strong>de</strong> rationalité économique doivent être assurées. C’est lerôle généralement dévolu à l’organisme régu<strong>la</strong>teur.La capacité publique <strong>de</strong> régu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s partenariatspublic-privé doit être considérée avec attention. L’exemplemarocain est <strong>de</strong> ce point <strong>de</strong> vue révé<strong>la</strong>teur. Le Maroc s’estengagé récemment mais rapi<strong>de</strong>ment dans l’octroi <strong>de</strong>concessions aux acteurs privés (80% <strong>du</strong> secteur <strong>de</strong> <strong>la</strong>distribution d’eau, d’électricité et d’assainissement urbainest géré en concession). La multiplicité <strong>de</strong>s contrats et <strong>de</strong>smo<strong>de</strong>s d’octroi <strong>de</strong>s concessions ne garantit pasnécessairement <strong>la</strong> transparence <strong>de</strong>s procé<strong>du</strong>res. Un textepeut alors chercher à consacrer <strong>de</strong>s principes c<strong>la</strong>irs enmatière <strong>de</strong> délégation <strong>de</strong> gestion : transparence,généralisation <strong>du</strong> recours aux appels d’offres, égalité <strong>de</strong>traitement <strong>de</strong>s soumissionnaires, obligation <strong>de</strong> publicité.24 « Services urbains et développement <strong>du</strong>rable », Rapport <strong>de</strong> synthèse, C. DEFEUILLEY et D. LORRAIN, ISTED, IGD, Ministère <strong>de</strong> l’Equipement, <strong>de</strong>s Transports et <strong>du</strong> Logement.121LES VILLESMEDITERRANÉENNESDIX ANS APRESBARCELONE
L’organisation institutionnelle <strong>de</strong> contrôle et <strong>de</strong>régu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s partenariats doit relever <strong>de</strong> <strong>la</strong> responsabilitépublique et ne peut être conçue sans un rôle explicite ettransparent <strong>de</strong>s collectivités locales concernées. Celles-cidoivent également en assumer <strong>la</strong> pleine responsabilitéauprès <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions. Il est important d’optimiser lesavantages comparatifs respectifs <strong>de</strong>s secteurs privé etpublic.L’accès aux services <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions les plusdéfavoriséesDans <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s villes méditerranéennes, une <strong>partie</strong> nonnégligeable <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion n’est pas en mesure <strong>de</strong> payerà leur vrai prix les services auxquels ils souhaitent avoiraccès ni, a fortiori, <strong>de</strong> financer les investissementsnécessaires à l’extension ou à <strong>la</strong> rénovation <strong>de</strong>s réseaux.Ce problème n’est pas spécifique aux pays méditerranéens.Selon le World Resources <strong>Institut</strong>e, les agglomérations <strong>de</strong>spays en voie <strong>de</strong> développement comptent entre 25 et 50%d’habitants à bas revenus n’ayant pas accès aux servicesurbains <strong>de</strong> base.Dans un contexte <strong>de</strong> gestion privée où l’opérateur doitêtre en mesure <strong>de</strong> rentabiliser son investissement, il n’estpas possible, en principe, <strong>de</strong> délivrer le service gratuitementsans courir le risque <strong>de</strong> mettre en péril l’équilibre financier<strong>du</strong> contrat. Mais il n’est pas, à l’inverse, envisageable <strong>de</strong><strong>la</strong>isser les popu<strong>la</strong>tions les plus défavorisées sans accès auxréseaux.Des solutions existent dont certaines sont mises enapplication dans certaines gran<strong>de</strong>s villes <strong>du</strong> bassinméditerranéen. La péréquation tarifaire est aujourd’hui lemoyen le plus utilisé qui permet <strong>de</strong> ne faire supporter auxpopu<strong>la</strong>tions à bas revenus qu’une <strong>partie</strong> <strong>du</strong> coût <strong>du</strong> service,<strong>la</strong> différence étant à <strong>la</strong> charge <strong>de</strong>s autres clients. Lapéréquation s’applique également aux investissementsd’extension ou <strong>de</strong> rénovation <strong>du</strong> réseau. Mais péréquationne veut pas dire que le service soit délivré gratuitement auxusagers les plus mo<strong>de</strong>stes. D’autres solutions existentégalement (voir tableau ci <strong>de</strong>ssous) dont <strong>la</strong> mise en œuvredépend <strong>du</strong> contexte local. Elle exige par ailleurs une vigi<strong>la</strong>nceparticulière <strong>de</strong> l’autorité <strong>de</strong> régu<strong>la</strong>tion.Une certaine dose d’intermédiation sociale estégalement nécessaire aussi pour recouvrer les coûts. Tousles spécialistes s’accor<strong>de</strong>nt aujourd’hui pour reconnaîtreque le fait que les gens payent pour l’eau -même très peu-a <strong>de</strong> nombreuses vertus : au-<strong>de</strong>là d’une contribution aurecouvrement <strong>de</strong>s coûts, il ai<strong>de</strong> chacun à prendre conscienceque l’eau payante ne doit pas être gaspillée. L’argument estmême utilisé par les fontainiers pour discipliner les queuesaux bornes-fontaines. Quel que soit l’état <strong>de</strong> pauvreté, uneparticipation financière minimum <strong>de</strong>s personnes concernéesest souhaitable.On constate, en effet, que les personnes pauvres non<strong>de</strong>sservies en eau, achètent souvent cette eau à <strong>de</strong>sven<strong>de</strong>urs itinérants ou à <strong>de</strong>s voisins, souvent à <strong>de</strong>s prixplusieurs fois plus élevés que le prix acquitté par lespersonnes raccordées. Mais il s’agit souvent <strong>de</strong> faiblesquantités d’eau ; une fois raccordés, les ménages pauvrespourraient donc, avec un budget moindre, être raccordésmoyennant une ré<strong>du</strong>ction <strong>de</strong> prix. Il faut égalementreconnaître que, dans certains contextes, <strong>la</strong> capacité à payerl’eau reste un objectif éloigné, les subventions étantinévitables, <strong>du</strong> moins à court terme.Les exploitations privées ont, pour <strong>la</strong> plupart,accomplies <strong>de</strong> réels progrès en matière d’efficacité etlorsque les collectivités imposent le raccor<strong>de</strong>ment <strong>de</strong>spopu<strong>la</strong>tions les plus défavorisées, cette condition est, engénéral, respectée.Tarif Branchement Infrastructure TravauxcompteursurterrainsprivésPéréquation XTranchesociale XModalités <strong>de</strong>paiement X XParticipationmain- d’œuvre X XSubventions X X XBranchementssociauxXFonds <strong>de</strong> travauxXMicro-prêts X X XPrépaiement XTontines X XSource : Suez - Lyonnaise <strong>de</strong>s EauxDes résultats encore mo<strong>de</strong>stes en MéditerranéeDans tous les pays méditerranéens, malgré certains exemplesencourageants, le partenariat public-privé ne couvre qu’une<strong>partie</strong> très limitée <strong>de</strong>s besoins en infrastructure urbaine.Au Maroc, pays qui a inauguré le premier projet en«Build, Operate, Transfer» (BOT : formule anglo-saxonnepour PPP), <strong>de</strong> nouveaux projets d’électricité, <strong>de</strong> distribution<strong>de</strong> l’eau potable et l’assainissement à Casab<strong>la</strong>nca sont encours. La gestion et l’entretien <strong>de</strong> certains parcs publics faitégalement l’objet <strong>de</strong> concessions au privé.La Tunisie utilise cette technique pour <strong>de</strong>s électriqueset pour les aéroports.Après avoir été longtemps réticente à ce type <strong>de</strong>contrat, l’Algérie a fait appel au financement privé, pour <strong>la</strong>122LES VILLESMEDITERRANÉENNESDIX ANS APRESBARCELONE