HandicapMarie Clem’spratiqu<strong>en</strong>t l’agriculture biodynamique.Cette activité agricole permet aux compagnonsd’avoir accès à des activités <strong>en</strong> li<strong>en</strong>avec la nature, ce qui leur est très bénéfique,mais permet égalem<strong>en</strong>t une certaineautosuffisance des familles. Souv<strong>en</strong>t,comme <strong>ici</strong> à Taulignan, un atelier detransformation permet de v<strong>en</strong>dre quelquesproduits, un moy<strong>en</strong> de tisser despasserelles avec le voisinage et d’éviterd’être trop isolés : au Béal, ils v<strong>en</strong>d<strong>en</strong>ttous les v<strong>en</strong>dredis dans un de leurs bâtim<strong>en</strong>ts,sinon ils sont prés<strong>en</strong>ts sur le marchéannuel du village. Ils part<strong>ici</strong>p<strong>en</strong>taussi, au niveau du village, à la fête de lamusique et à l’animation musicale dumarché de Noël.A l’origine du BéalEn 1973, après quatorze années detravail agricole <strong>en</strong> biodynamie et d’accueilfamilial de personnes handicapées dansles Alpes de Haute Prov<strong>en</strong>ce, Richard etMargarethe Hediger découvr<strong>en</strong>t Taulignanet achèt<strong>en</strong>t le Béal. Ils redonn<strong>en</strong>t vieà ces vieux murs <strong>en</strong>dormis et recré<strong>en</strong>tune ferme biodynamique avec leurs amishandicapés ; ils reçoiv<strong>en</strong>t pour cela l’aidede jeunes stagiaires.Gilles a suivi une formation d’architecte<strong>en</strong> Belgique. Il fait un stage chezRichard et Margarethe et découvre ce quepeut apporter de bi<strong>en</strong>faisant et de novateurla r<strong>en</strong>contre d’une agriculture quiveut pr<strong>en</strong>dre soin de la terre avec un travailsocial fondé sur l’<strong>en</strong>traide mutuelleet où une très grande place est donnéeaux arts.Enthousiasmé par cette expéri<strong>en</strong>ce, ilpart faire une formation de trois ans dansles communautés Camphill <strong>en</strong> Ecosse oùil r<strong>en</strong>contre Angela. Au village de Botton,dans le Yorkshire, où sont regroupées sixfermes biodynamiques, il r<strong>en</strong>contreHubert, Tina et leurs <strong>en</strong>fants ainsi queJacqueline. Andréas, qui a créé l’atelierde transformation, arrive aussi très tôt auBéal suivi quelques années plus tard deJoël et Hélène, de Philippe et Régine etleurs <strong>en</strong>fants.En 1977, Richard et Margarethe pr<strong>en</strong>drontleur retraite et ce sont leurs amishandicapés, tel Bertrand, 67 ans aujourd’hui,qui, à leur tour, accueill<strong>en</strong>t cesjeunes idéalistes pour continuer à développerl’impulsion si originale de cettefamille.Les démarches administratives permett<strong>en</strong>taprès trois années, d’obt<strong>en</strong>ir lestatut de foyer de vie dans le cadre desinnovations sociales.Au départ, l’expéri<strong>en</strong>ce est <strong>en</strong>cadréepar un institut médico-éducatif local. Endécembre 1980, à l’unanimité, les représ<strong>en</strong>tantsdes administrations concernéesleur accord<strong>en</strong>t leur indép<strong>en</strong>dance et leurconfiance. Depuis, les relations avec lesadministrations drômoises ont toujoursété constructives, mais malgré cela, leBéal n’a pas fait boule de neige.La formation d’architecte de Gilles vaaider à la rénovation harmonieuse deslieux. Des chantiers vont se succéder jusqu’àce jour. Le bâtim<strong>en</strong>t principal <strong>en</strong>Marie Clem’spierres, un austère moulinage de soie, estrénové avec la pose de balcons <strong>en</strong> bois.D’autres bâtim<strong>en</strong>ts sont adaptés pouraccueillir les familles élargies, chacuned’elles comportant <strong>en</strong>viron une douzainede personnes : les par<strong>en</strong>ts, les <strong>en</strong>fants, lescompagnons et de jeunes volontaires. Dessalles communes sont mises <strong>en</strong> placepour les différ<strong>en</strong>tes activités. Enfin, à l’extérieur,tout un travail est fait sur le paysagepour développer une agriculture biodynamique,notamm<strong>en</strong>t une plantationimportante de haies avec des espèces trèsdiversifiées. Le résultat est d’une trèsgrande beauté.Danielle, originaire du Nord, est installéedans la région depuis que son pèrea déménagé pour des raisons de santé.Elle est directrice d’un grand établissem<strong>en</strong>taccueillant des personnes portantde très lourds handicaps, près de Nyons.Elle trouve alors son travail trop loin duterrain. Lorsqu’elle découvre l’exist<strong>en</strong>cedu Béal à côté de chez elle, elle postulepour y travailler… et pour y vivre. Pourelle, c’est un changem<strong>en</strong>t d’approche de lavie avec des personnes handicapées : lavie domestique commune crée un pont<strong>en</strong>tre tous, permet de compr<strong>en</strong>dre quel’on peut faire des choses <strong>en</strong>semble et lesvivre <strong>en</strong>semble. Ici, les compagnons ontune reconnaissance à part <strong>en</strong>tière au seinde la famille et au sein de la ferme.P<strong>en</strong>dant près de vingt ans, de nombreuxprojets se développ<strong>en</strong>t autour descinq familles élargies qui accueill<strong>en</strong>t 23compagnons. En 1999, voyant que l’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>tde nouvelles familles se fait rare,SILENCE N°3396Octobre 2006
l’équipe fondatrice décide de transformerle projet pour mieux répondre auxbesoins et aux nécessités actuelles. Celapermettrait à une plus jeune équipe d’ouvrirde nouvelles voies avec son géniepropre. De plus jeunes accompagnateurs,qui viv<strong>en</strong>t à l’extérieur, souhait<strong>en</strong>t s’<strong>en</strong>gagerdans ce projet, ils sont donc embauchés.Un processus social <strong>en</strong>richissant semet <strong>en</strong> route <strong>en</strong>tre ceux qui viv<strong>en</strong>t à l’extérieuret ceux qui viv<strong>en</strong>t sur place. Cettetransition est un projet <strong>en</strong> soi et un granddéfi à m<strong>en</strong>er <strong>en</strong>semble.Les communautés Camphill se sontdéveloppées initialem<strong>en</strong>t autour de l’accueild’<strong>en</strong>fants. Quand ceux-ci sont dev<strong>en</strong>usadultes, le terme de “pédagogie curative”mis <strong>en</strong> avant ne semblait plus adapté.Le Béal parle plutôt d’un lieu de viecherchant à favoriser l’autogestion et l’interdép<strong>en</strong>dance<strong>en</strong>tre tous les adultes.Chaque compagnon part<strong>ici</strong>pe aux tâchesdomestiques dans sa famille et s’impliquedans un projet personnel au sein de laferme. Les repas sont préparés <strong>en</strong> commun.L’objectif du Béal de favoriser l’<strong>en</strong>thousiasme,la part<strong>ici</strong>pation, les relationsdans le collectif, les activités différ<strong>en</strong>tes,le passage de la culture à l’agriculture, lepassage de l’individuel au collectif, le passagede la famille à la ferme et au villageextérieur.Les limites du projetL’une des caractéristiques du lieu estdans ce qui le lie aux compagnons. Eneffet celui-ci a été <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t recréé parles compagnons. Ils y ont plongé leursracines. Ils sont chez eux. La plupartcontinueront d’y faire leur vie et d’y trouverle s<strong>en</strong>s de leur vie sauf déplacem<strong>en</strong>t àla demande des familles. Ainsi, quand <strong>en</strong>1977, ils pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t la suite de la premièrefamille installée, celle-ci s’<strong>en</strong> ira… maisles compagnons déjà prés<strong>en</strong>ts resteront,ce qui fait qu’aujourd’hui les plus anci<strong>en</strong>s(3) Les années 70 et 80 ont vu naître de nombreuxprojets dans le cadre de l’innovation sociale. On peutse référer à l’ouvrage de Christian Merley du CREAIRhône-Alpes, Innovation sociale et travail protégé quiprés<strong>en</strong>te <strong>en</strong> profondeur plusieurs projets innovantsdont le Béal.sur place sont des compagnons ! En l’abs<strong>en</strong>cede l’installation de nouvellesfamilles au sein du fonctionnem<strong>en</strong>t de laferme, il n’y a pas d’accueil de nouvellespersonnes : il y a <strong>en</strong> moy<strong>en</strong>ne un départet une arrivée tous les quatre ans seulem<strong>en</strong>t.Les compagnons ont aujourd’hui<strong>en</strong>tre 25 et 67 ans. De ce fait, le Béal estsoll<strong>ici</strong>té par un très grands nombre defamilles qui cherch<strong>en</strong>t des alternatives auplacem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> institution de personneshandicapées adultes, alors qu’il n’y a pratiquem<strong>en</strong>taucune <strong>en</strong>trée possible.L’idéal serait que le Béal serve demodèle pour la création d’autres lieux dumême g<strong>en</strong>re, mais comme le signal<strong>en</strong>t lesactuels animateurs du lieu, les conditionsadministratives et la société ont changé.1975 marque l’arrivée des premières loisdéfinissant clairem<strong>en</strong>t le statut de la personnehandicapée. Dans la foulée de ceslois, de nombreux lieux de vie s’ouvr<strong>en</strong>tdans le cadre des innovations sociales (3).Aujourd’hui, les réglem<strong>en</strong>tations administrativesse sont complexifiées à un telpoint que vouloir démarrer un tel projetsur une base collective semble extrême-SILENCE N°3397Octobre 2006