cinéma LES AtelierS d'Olivier Ducastel et Jacques Martineau cinéastes
4 cinéma Jacques Martineau est né à Montpellier en 1963, il étudie à l'École Normale Supérieure et passe l'agrégation des Lettres. Il est Maître de Conférences à l'Université de Paris X-Nanterre. « Si tu voyais où je suis ! » Jacques Martineau répond de manière alerte au téléphone. « Je nettoie les fientes de pigeon ramier sur les poutres d’une partie de la maison ». Je lui expose mon projet d’article sur la fabrique des films, Jacques embraye immédiatement pour me dire « Rien de bien palpitant ! Mon lit et des rêveries en vélo ou en voiture ». Paris. 13 ème étage. Waouhh !!! Un seul axe de regard ne suffit pas pour une telle immensité, le panoramique s’impose. D’est en ouest, Paris comme une maquette des Plans-Reliefs. Appartement soigné, canapé rouge vif, tableaux contemporains, photographies, formes sculptées, les amis, les connaissances, artistes eux aussi. Jacques sert un premier café, cafetière Alessi de Richard Sapper, l’odeur d’arabica éveille nos deux cerveaux. « Tu me donnes deux minutes ? » Jacques Martineau, grand aux yeux bleu turquoise, va ranger vite fait sa chambre. C’est son lieu de travail, c’est l’espace que je viens visiter. Pour Jacques, l’atelier de création, c’est le lit, les coussins, les fauteuils avec pouf, le transat. Allongé, les yeux vers le ciel, l’esprit filant au travers des nuages. Draps rouges, trois oreillers orange et rouge, murs jaune safran. À côté un bureau noir et rouge, des étagères remplies de livres, un séchoir à linge et un large bureau noir ouvragé. Des papiers, un MacBook Air, c’est l’outil principal. « Olivier apporte souvent des concepts, je dois les transformer en histoire. » De la « grande » musique, une image, une pièce de théâtre tout peut déclencher l’écriture mais quand vient le moment d’écrire, il faut le silence. Pour parler du travail, il évoque « Autoportrait de l’auteur en coureur de fond » – Haruki Murakami (Ed. Belfond et 10/18). « Je suis obsessionnel et régulier, je travaille bien de 10h à 12h30 et de 16h30 à 20h, parfois 21h. Après c’est terminé je suis bon à rien, vidé. Et il faut que je sois certain de pouvoir manger à la maison, je n’aime pas trop sortir dans ces moments-là. » Jacques se lève précipitamment, la saucisse fumée bio sur lit de poireaux mijote doucement pour le repas. Fausse alerte, tout va bien, la régalade est en vue. Reprenons. L’histoire se construit dans les méandres du cerveau, les doigts transcrivent et créent. « L’écriture c’est rapide, c’est magique, les mots et les idées s’agencent, c’est un avènement ». Pas de brouillons, de bouts de papiers, de cahiers, « J’ai une mémoire monstrueuse, tout est dans ma tête. Ecrire un séquencier sans dialogues, c’est un cauchemar pour moi, il faut que j’écrive directement, j’ai beaucoup de mal avec le décorticage, la « continuité », avec tous ces trucs de scénaristes. Je ne fais pas de plan, je ne fais pas de fiches personnages, je ne me soucie pas de la cohérence psychologique, pour moi, la cohérence c’est le comédien. » Deuxième café, des nappes de lumière trouent le ciel encombré de nuages sombres et éclairent certains quartiers de la capitale. Un gigantesque son et lumière où les monuments de Paris sont autant de points de repères étincelants. « L’important c’est la régularité, je cale mon écriture sur le premier jour, si j’écris quatre pages, à raison de 90 pages par scénario, je peux savoir quand j’aurai terminé. Le temps travaille pour moi, je peux voir et calculer la progression. Pour la première version, je ne relis jamais depuis le début, juste le raccord avec la séquence précédente, il faut avancer, il faut écrire et après on décide si c’est bien. Le premier jet est toujours joyeux. » Grand sourire de Jacques, ses yeux pétillent comme ceux d’un enfant, volubile. « L’autre règle c’est d’arrêter d’écrire quand tu as la prochaine séquence, il faut s’interdire de continuer, il faut en garder pour la séance suivante. Et je suis adepte du précepte « La nuit porte conseil ». Le soir, tu écris une séquence, c’est nul. Le matin tu relis et tout s’éclaire, tu réécris et ça marche. » Cuisine. La saucisse aux poireaux embaume, Jacques prépare un nouveau café. Pendant que la cafetière gronde, il découpe la saucisse en rondelles, nous nous asseyons devant la petite table carrée en alu, une nouvelle large fenêtre, une autre perspective, une autre colline. Le café est prêt, Jacques s’assoit épanoui et malicieux : « Parfois, je donne un défi à Olivier : cette scène est écrite pour être un plan séquence. Parfois, un mouvement de caméra peut conduire une séquence. » La collaboration, ce sont des allers-retours incessants entre lui et Olivier, l’écriture de la version définitive progresse en même