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6<br />
cinéma<br />
Olivier Ducastel est né en 1962 à Lyon, il étudie à<br />
Paris III puis à l’IDHEC en réalisation et montage.<br />
Paris. Etage 28. Re-Waouhh !!! Une autre immensité, la colline<br />
de Montmartre bien dessinée. De l’extérieur une tour pas très<br />
esthétique, de l’intérieur une splendeur.<br />
Nous nous asseyons dans des chauffeuses, face à une large baie<br />
vitrée, les nuages de pluie filent, cascade de gris et de blanc pâle.<br />
Olivier, crâne rasé et larges lunettes, arbore souvent un très<br />
large sourire engageant. Il est disert, généreux, attentif. L’appartement<br />
a été investi l’été dernier, mobilier choisi, collection<br />
de plats de Valauris et de « Légo Architecture » (Villa Savoye,<br />
Flat Iron Building, Rockefeller Center, Robin House…). Deux<br />
grandes photos de lutteurs. Sur le buffet bas, quelques objets<br />
dont le Teddy Awards / Prix du Public, Berlin 2016 pour « Théo<br />
& Hugo ».<br />
Le bureau est aussi la bibliothèque, dominante de bleu et canapé<br />
rouge, des photos sur les étagères en bois dont l’actrice<br />
Bette Davis lascive avec un sous-titre « Je me fiche de ce que<br />
pensent les autres », un herbier, une photo du premier film<br />
court d’Olivier « Le goût de plaire », une comédie musicale avec<br />
Anne Alvaro et Christiane Millet et une belle photo de Jacques<br />
Demy et Anouk Aimé dans le passage Pommeraye à Nantes au<br />
moment du tournage du film « Lola ». Olivier a travaillé avec<br />
Jacques Demy, il reste une référence essentielle dans son travail<br />
du cinéma.<br />
« Je pars du principe que les choses importantes restent », donc<br />
pas vraiment de carnets de travail, tout au plus quelques notes<br />
mais c’est le MacBook qui est le plus important des outils. C’est<br />
le réceptacle des photos de repérages, des différentes versions<br />
du scénario et du découpage.<br />
Il y a bien un vieux cahier de la marque Heraklès qui s’intitule<br />
« Cahier des projets », Olivier y écrit une idée de film par<br />
page, 33 pour l’instant, plusieurs vies devant soi pour assouvir<br />
l’envie de raconter des histoires. Il y a aussi une boîte avec des<br />
coupures de journaux, quelques photos pour alimenter l’imaginaire<br />
mais rien de décisif.<br />
Donc, la Version 1 du scénario arrive, Olivier l’imprime et annote<br />
dans la marge. Ensuite ce sera des lectures sur ordinateur<br />
ou tablette.<br />
Dans cette première phase, Olivier perçoit son rôle comme<br />
celui d’« assistant » de Jacques, il met en page, imagine le découpage<br />
de chaque séquence, reprend la chronologie et, au besoin,<br />
organise le travail d’archives ou de documents.<br />
C’est à partir de la V6 que le découpage technique s’affine,<br />
nourri par les repérages qu’Olivier effectue, sans Jacques le plus<br />
souvent. Pour « Théo & Hugo », Il est allé photographier les rues<br />
de Paris concernées par l’errance des deux garçons pour vérifier<br />
les axes, pour imaginer le parcours photographique d’une<br />
séquence à l’autre, pour étudier la question des lumières d’une<br />
rue à l’autre et imaginer les deux corps en mouvement dans<br />
chacun des espaces.<br />
La conversation est ininterrompue avec Jacques, retour dramaturgique,<br />
idée de découpage, récit de repérages… Peu de notes,<br />
tout au plus quelques Post-it. « C’est dans notre tête », ce « notre<br />
tête » montre bien la fusion entre ces deux-là, le film est partagé<br />
d’égal à égal.<br />
Le téléphone sonne, Pôle-Emploi veut faire un point sur la<br />
situation d’Olivier. « Je suis réalisateur et co-directeur du département<br />
réalisation à la Fémis. Non, Fémis. F comme Françoise »<br />
Pôle-Emploi ne connaît manifestement pas l’École nationale<br />
supérieure des métiers de l’image et du son [une des deux<br />
grandes écoles de cinéma en France. Elle a succédé à l’IDHEC<br />
où Olivier a étudié]. « J’y travaille environ dix jours par mois ».<br />
Réalisateur c’est aussi de la transmission et une façon d’organiser<br />
son quotidien pour vivre, la plupart des films ne nourrissent<br />
que très peu leurs auteurs.<br />
Olivier se rassoit sur la chauffeuse grise, un peu soulagé.<br />
Quelques secondes pour changer de casquette et il explique que<br />
c’est lui qui recrute l’équipe technique et lui donne une grande<br />
liberté, gage qu’elle mettra sa créativité au service du film.<br />
Chaque étape est imaginée, cadrée par Olivier, rien n’est laissé<br />
au hasard, par exemple les costumes font l’objet de toute son<br />
attention « je me suis rendu compte que j’étais très directif (rire). »<br />
Un costume c’est le lien direct entre un comédien et son personnage,<br />
dès lors matières, couleur, statut social, fluidité ou rigidité<br />
tout est pesé. « Pour le personnage joué par Virginie Ledoyen<br />
dans « Jeanne et le garçon formidable », j’avais demandé à la<br />
costumière de n’acheter que dans des magasins accessibles à une<br />
standardiste d’entreprise, pas de marque chic. Après le tournage<br />
la costumière m’a avoué que chaque vêtement avait été ajusté au<br />
corps de la comédienne et qu’il y avait un vêtement Agnès b. mais<br />
ça m’allait, le contrat de base était respecté, une standardiste peut<br />
se payer un vêtement chic une fois par an (Rire). »